24.12.15

LABYRINTHE DES JOURS 1970




Janvier 1970
Dislocation du dernier (en date) des édifices lyriques, clos : la chrétienté médiévale.
Temps critiques et marche vers le grand jeu mondial ouvert.

Rêve. Judica. Ses parents. Résiste à leur tentative de « mise du grappin » sur ma personne.

«Le  livre : ruse par laquelle l’écriture va vers l’absence de livre » (Blanchot, l’entretien infini).

Ce qui est définitivement mort : l’œuvre unitaire, s’édifiant dans un espace orienté (Dante, Hugo).

Ne plus se tourner vers une figure universelle.
Ténèbre : absence de figure universelle.

Rimbaud : œuvre non-unitaire, mais encore en quête de l’unité : journal d’une « chasse spirituelle », non encore jeu libre au-delà de la mort des figures universelles.

N’ETRE RIEN QUE OUI face à tout (l’agréable, le désagréable, le net, le trouble…). Lutte pour constamment faire taire le Moi (qui refuse le oui sans restriction).

Monde Ancien : fêtes, répétitions de l’origine.
Nouveau sacré : entrée dans la différence, Dieu s’inventant.
Monde Ancien : tourné vers le passé, commémorant ;
Monde nouveau, produisant la nouveauté.

L’homme ne se connaît que par ses écarts, folie, crime, maladie, péchés.

 « C’est quand on dit : plus un jour à perdre ! qu’on emploie le plus stupidement son temps. Rien d’excellent ne se fait qu’à loisir ». (Gide, Journal, 19 janvier 1946).

« Relier des points de repère apparemment lointains est le propre du génie productif ».
«  Pour qu’un homme puisse dire et faire quelque chose de grand, il faut que grandeur et misère de ce qui l’interpelle l’atteignent vitalement et mortellement. Il faut que la correspondance à cet appel soi pour lui une question  de vie ou de mort. Qu’il ne puisse pas dire et faire autrement, sa liberté ailée coïncidant avec la nécessité terrassante. Tout génie est foudroyant parce que foudroyé. »(AXELOS, Jeu du monde, p.44)
 
Le Dieu suprême généralement lié au masculin.

Monde ancien/monde nouveau – non une différence chronologique, mais essentielle.
Deleuze.
Le monde ancien l’est depuis toujours, monde voué à l’ancien, à la commémoration, à la répétition. Modernité : rupture de l’horizon fermé.

Père. Sa lourdeur.

LE TEMPS NIETZSCHEEN

«  La vie ne demeure entière que n’étant pas subordonnée à tel objet précis qui la dépasse. La totalité en ce sens a  la liberté pour essence » (Bataille, sur Nietzsche, Préf.6).

«  Célébrer l’avenir et non le passé ! Inventer le mythe de l’avenir ! » (Nietzsche, Volonté de puissance ,II ).


23.2.70
Lettre de Mère à P :
Bientôt la pluie nous engloutira. Depuis des semaines, nous n’osons plus espérer le soleil. L’hiver ne veut plus s’en aller. Les hommes doivent être bien méchants. R est rentré juste à midi quand nous nous sommes mis à table. Le soir, il est reparti à Marbach. J’ai l’impression que cette fois c’est du « solide »…
MT traine ses journées, parfois bien, parfois et plus souvent avec amertume. Le reste de la famille ne réfléchit pas trop, ainsi tout va bien. Moi, je me démène et j’ai bien peur qu’un jour ou l’autre je craque, car ma tête est fatiguée. Peut-être la saison humide en est la cause…
Juste MM vient chercher MT pour aller chez les sœurs-gardes-malades. Elle reçoit des piqûres. 

Les grandes mélancolies de la vie, certaines musiques les expriment admirablement.

1.3.
Libération de l’écriture. Jouer avec la grammaire, l’orthographe, la typographie.
Littérature : le plus grand jeu langagier.

La joie plus difficile que la tristesse.

Poésie, exercice incessant de création du monde. Exercice d’enfance, de jeunesse, de nouveauté, toujours recommencé.

Les docteurs, les témoins de la vie.

Témoins de la vie : Jésus, François d’Assise, Kierkegaard, Dostoïevski, Nietzsche…

Le plus difficile : non de comprendre, mais d’étreindre l’ignorance. Non l’exercice de l’intelligence, mais le renoncement à l’intelligence.

L’évolution décréatrice. L’Histoire comme chemin de dénudation.

1.4. Hier, au Hasenrain, avec Christiane et Richard (qui se sont mariés le 20). Dans la soirée, Christiane accouche d’un petit Igor.

Poésie : désir pur, aimer le monde inconditionnellement pour lui-même, non pour notre satisfaction égoïste.


26.4. Libérer l'homme de lui-même, de sa pensée de soi-même, de ses manières de se penser soi-même.
Libérer l'homme de ses conceptions de l'homme et du monde.
Libérer l'homme des idéologies.

Tout le passé de la pensée : boucher l'abîme.
Tout est à repenser dans l'absence de centre.

Poursuivre sans faiblir sur ma voie dépourvue de direction.

Ma sagesse : ne me laisser emprisonner par aucun but, reconquérir sans trêve l'ouverture.

J'ai 34 ans aujourd'hui . Je n'arrive pas à le concevoir. Toujours encore l'impression d'être un adolescent, de n'être pas encore entré véritablement dans la vie. Toujours encore de passage (sans doute l'est-on toujours).

J'ai 34 ans aujourd'hui. Pas de femme, pas d'enfants, pas d'oeuvres, pas de métier, pas de parti, pas de religion, pas de pays ; un pur non-possédant. Libre. Libre? Souvent le sentiment d'être écrasé, proche de la catastrophe. En équilibre instable. Jusqu'à quand?
Mon défi : maintenir cet équilibre instable jusqu'à l'intenable. Choisir toujours la voie la plus difficile. Mon combat contre le destin. Ne pas me soumettre au destin moderne (rentrer dans le circuit). Guerre acharnée contre toute récupération.
Ce que Kierkegaard fit à l'égard de l'Église, le faire à l'égard de toute la vie actuelle.

27.4. La dénudation est un mouvement incessant, la mise en question ininterrompue de soi.

Depuis mon retour à Paris (10 avril), été avec Richard et Gilbert voir Orden (Pierre Bourgeade), été voir "Z" avec Paul, ai assisté en sa compagnie à la Journée des Focolari rue d'Assas, ai rendu visite à sa soeur à Parly, me suis occupé du logement des enfants de Marbach qui ont visité Paris durant le week-end de Pentecôte (pour ce faire ai été au Centre d'Information et de documentation pour la Jeunesse quai Branly, ai téléphoné plusieurs fois à la responsable de l'Union nationale des associations des parents d'enfants infirmes, ai contacté les Eclaireurs de Meudon qui mettront leur péniche à la disposition des enfants de Marbach, ai téléphoné samedi à Richard pour le mettre au courant de mes démarches et écrit aujourd'hui à Paul pour lui en transmettre les résultats).

J'ai écrit aussi, ces derniers jours, à un traducteur qui demandait des collaborateurs. Aucune réaction de ce côté.

Plus l'artiste se détache de son moi, plus il accède à la grande écriture.
Il y a là un double mouvement d'une précision plus que mathématique.

Autrement dit, l'artiste doit jouer le jeu le plus vigilant et le plus ouvert.
L'art n'est rien autre que ce jeu. Jeu de la liberté qui sans cesse se conquiert et se reconquiert.

29.Valéry. Civilisations mortelles. C'est le contraire qui serait étonnant. Vieux rêve des empires millénaires. Les civilisations ne sont que l'épiderme du Grand Jeu.

Il est clair que nous récusons autant l'individualisme bourgeois que toutes les philosophies collectivistes.

2 MAI. Désir du Livre, désir de la matière dense. Sauver quelque chose de l'informe écriture quotidienne.

Tant que ta solitude te fait souffrir, tu n'as pas trouvé la bonne solitude.

Les cris de douleur, les doutes, les suicides des désespérés disent Dieu plus véridiquement et vigoureusement que les tiédeurs des croyants et les certitudes des théologiens.

3. "Le capitalisme a réalisé l'affranchissement de la collectivité humaine par rapport à la nature. Mais cette collectivité a pris par rapport à l'individu la succession de la fonction oppressive exercée auparavant par la nature" (Simone Weil, Pesanteur et Grâce, p 135).

Antiquité : tentative d'édification d'un monde divin stable.
Modernité : tentative d'édification d'un monde profane solide.
Le christianisme a renversé le premier. Il lui faut à présent renverser le second. Il est l'ennemi de tout "monde".

20.11. Arrivée de Richard et Christiane.
21.11. Nous visitons les expositions Goya et le Siècle de Rembrandt.
22.11.Nous visitons le Musée Rodin. Promenade sur les Champs-Elysées.
23.11. Visite du Louvre et de la Butte Montmartre.
24.11. Départ de Richard et Christiane. Collège de France. Le soir, j'assiste à un spectacle sur Lautréamont au Centre de Recherche de l'ORTF.
25.11. Assiste à la soirée des écrivains de Tel Quel consacrée aux évènements de mai 68.
26.11. Leçon au petit Rodolphe.
27.11. Bibliothèque du XVe et Bibliothèque Ste. Geneviève.
1.12.  Collège de France. Visite de l'Institut Pédagogique National. Nouvelles demandes de poste. Je réponds négativement à l'offre d'emploi de l'Euro-Sprachschule (la rémunération y est vraiment insuffisante :700 marks au minimum et 1000 au maximum par mois). Et puis il est nécessaire pour moi de rester à Paris (je n'aurai répondu affirmativement qu'en cas de gain exceptionnellement important).
3.12. Reçois le chèque. Impossible de l'encaisser à Asnières.
4.12. Vais dans une banque populaire à Paris : impossible d'avoir de l'argent contre le chèque.
Bibliothèque du XVe et Bibliothèque Ste. Geneviève.
5.12. Vois les Actes des Apôtres, de Rossellini, à la Cinémathèque (en version italienne, c'est-à-dire qu'une grande partie du dialogue m'a malheureusement échappé ; pourtant forte impression malgré les longueurs et les imperfections de la réalisation). Promenade dans les quartiers riches (Champs-Elysées, etc) aux extravagantes illuminations de Noël.
Hôtels de luxe où descendent de vieilles bourgeoises en vison, aux allures de momies fardées.

13.12. Un jeune homme descend le bd. St-Michel dans la nuit et, mêlé à la foule, ne cesse de répéter : "je me fous de l'attentat contre le Pape! Il n'avait qu'à pas montrer ses blancs jupons devant les crève-la-faim".
Le danger auquel s'expose la théologie nouvelle, non-dogmatique : dans son travail de déconstruction philosophique, s'arrêter en chemin, briser l'idole du Dieu Métaphysique sans rendre à Dieu (au surnaturel) ce qui est à Dieu. Nous devons défaire le travail des philosophes et des théologiens pour, à la fin, rendre au surnaturel ce qui lui revient.

8.10.70. Ne pas s’imaginer que ce sera l’homme seul qui façonnera le Royaume. L’hérésie hégélienne, marxienne, nietzschéenne. L’hérésie moderne par excellence. Titans. Constructeurs de Babel. Prométhée. Le royaume de Dieu viendra de Dieu (aussi).
Approfondir la notion de la collaboration divino-humaine. Dieu seul acteur : Dieu despote.
Homme seul acteur : homme titanesque. Mystère de l’union de deux libertés.
Tous les mythes désignent cela. Péché d’Adam (être comme Dieu).

L’homme ne peut rien sans Dieu, Dieu ne peut rien sans l’homme.








Janvier 1970.

Tu ouvres la porte

et je te vois, saigner

comme de la viande

devant la table noire.

Tu ouvres la robe

et je t’entends pleurer.

Tu ouvres ton corps de fange

et je hume

l’odeur de la mort.




Les modèles: l'enfant, l'animal, la plante, le cosmos.


Valéry souvent moraliste français plus que penseur.


23.2.


Lettre de Mère à P :

Bientôt la pluie nous engloutira. Depuis des semaines, nous n’osons plus espérer le soleil. L’hiver ne veut plus s’en aller. Les hommes doivent être bien méchants. R est rentré juste à midi quand nous nous sommes mis à table. Le soir, il est reparti à Marbach. J’ai l’impression que cette fois c’est du « solide »…

MT traine ses journées, parfois bien, parfois et plus souvent avec amertume. Le reste de la famille ne réfléchit pas trop, ainsi tout va bien. Moi, je me démène et j’ai bien peur qu’un jour ou l’autre je craque, car ma tête est fatiguée. Peut-être la saison humide en est la cause…

Juste MM vient chercher MT pour aller chez les sœurs-gardes-malades. Elle reçoit des piqûres. 


 28.2.
Les grandes mélancolies de la vie, certaines musiques les expriment admirablement.


Février 70

Il est l’homme le plus pauvre du monde. Il n’a que son corps. Vous n’avez tous que votre corps. Mais le corps a des mains, elles se serrent, les mains, d’un corps à l’autre, faisant l’amitié, elles sont laborieuses, les mains, manipulant machines et outils, elles caressent, les mains, chattes et femmes, roches et chairs et écorces…


1.3.
Libération de l’écriture. Jouer avec la grammaire, l’orthographe, la typographie.

Littérature : le plus grand jeu langagier.


La joie plus difficile que la tristesse.

Poésie, exercice incessant de création du monde. Exercice de jeunesse, de nouveauté, toujours recommencé.

Les docteurs, les témoins de la vie.
Témoins de la vie : Jésus, François d’Assise, Kierkegaard, Dostoïevski, Nietzsche…

Le plus difficile : non de comprendre, mais d’étreindre l’ignorance. Non l’exercice de l’intelligence, mais le renoncement à l’intelligence.


L’évolution décréatrice. L’Histoire comme chemin de dénudation.


L’homme en quête de son incarnation, encore et toujours.

La pensée : un exil, un désert à traverser.

La quête du Graal est la quête d’un corps.






1.4.70.


Hier au Hasenrain avec Christiane et Richard (qui se sont mariés le 20). Dans la soirée Christiane accouche d’un petit Igor K.



26.4.70.

Libérer l’homme de lui-même, de sa pensée de soi-même, de ses manières de se penser soi-même.

Libérer l’homme de ses conceptions de l’homme et du monde.

Libérer l’homme des idéologies.


Tout le passé de la pensée : boucher l’abîme.

Tout est à repenser dans l’absence de centre.


Ma sagesse : ne me laisser emprisonner par aucun but ; reconquérir sans trêve l’ouverture.


Apprendre à penser, c’est aller contre sa pente naturelle.

Pensée comme forme suprême de l’ego (métaphysique) et comme espace où se désagrège l’ego.


J’ai 34 ans aujourd’hui. Je n’arrive pas à le concevoir. Toujours encore l’impression d’être un adolescent, de n’être pas encore entré véritablement dans la vie. Toujours encore de passage (sans doute l’est-on toujours).


J’ai 34 ans aujourd’hui. Pas de femme, pas d’enfants, pas d’œuvres, pas de métiers, pas de parti, pas de religion, pas de pays : un pur non-possédant. Libre. 

Libre ? Souvent le sentiment d’être écrasé, proche de la catastrophe.


29.4.70.

Valéry. Civilisations mortelles. C’est le contraire qui serait étonnant. Vieux rêve des empires millénaires.

Les civilisations ne sont que l’épiderme du Grand Jeu.

 

  1er mai 70


Fragiles visages

piétinés de ténèbre

corps renversés

dans les gouffres de la volupté bleue

au sommet des collines


morsures d’azur sous les seins

glaives de gloire

remuant le fumier des hanches molles


les barques d’enfance dérivent dans la lumière

barques de mort

dans l’été ténébreux




4.5.

Me suis-je trouvé ? Tout au moins, je commence à entrevoir mes vraies terres.


Renversement de l’ego : nous arracher au Principe Unique, Dominateur, entrer dans le jeu libre de l’expérience originelle sans cesse recommencée.


Jeu. Nécessité d’une pensée non-représentative.

Le Jeu ne peut se représenter. Il est l’expérience d’être, ouverture.

Il ne peut que s’expérimenter.

  

22 mai.

Ce qui me sépare des « Telquelistes », c’est ce qui séparait Artaud des Surréalistes : l’expérience du feu vécu. Tel quel, Surréalisme : littérature, parler de, au lieu de vivre.


Tant que ta solitude te fait souffrir, tu n’as pas trouvé la bonne solitude.


Poésie, considérer tout comme élément du Grand Jeu poétique. Le monde comme langage poétique, non comme réalité-objet.


13.7.70 Asnières

Mes chers,

Admirable temps sur Paris qui s’apprête à fêter le 14 juillet. Je ne veux pas manquer ça ! Je crois que la nuit prochaine sera blanche et …tricolore.

15 juillet : anniversaire de Vater. A cette occasion, je lui souhaite le meilleur, et avant tout, un état de santé plus satisfaisant. Gsundheit ! un sàlü binànder ! 



17.8.


Les deux faces de la vie : la vie ordinaire rassurante, la vie vue de la mort, de l’abîme de l’existence (face difficile à saisir).


18.8.

Hier à Colmar conduire Père chez le magnétiseur Lapp. Sommes passés chez les Selig et à Marbach.



24.8.

Tes poumons palpitent de flammes fraîches

des frissons de feu parcourent tes entrailles

entre tes fesses verdoie mon phalle

et crache

rugit d’opalescence

dans tes excréments

et s’enfonce dans ta fange  brune

dans tes profondeurs nauséabondes

se blottit

palpitant

dans ton derrière de prêtresse

dans tes pâles fesses

de vierge

et parfois nous devenons loup et louve

frémissant dans les vallées d’Hormore

parmi les milliers de corps forniquant

sur les versants moussus

bêtes et hommes

morts et vivants

et dieux

et déesses

s’accouplant sur les collines d’Hormore


C’était au septième millénaire après la naissance de l’Antéchrist.

Des avions survolaient les forêts de la nuit, mitraillant les amas de corps enlacés. Mais les balles perforaient les chairs comme de douces gouttes de pluie ponctuant les longues extases amoureuses.


Ricardou. Style gidien. Curieux mélange, dans le telquelisme, de langue très classique (bourgeoise) et d’idées avancées.


Poésie : déboucher sur le grand espace ouvert.


Phrase : mot à mot pénétrer dans l’énigme, s’étonner, s’avancer pas à pas dans l’espace inconnu.




2.9.70.

Ce que nous respectons chez le petit enfant, c’est l’infinité des potentialités qu’il recèle.


L’homme adulte devrait être celui de la plus grande ouverture. En fait, il n’est d’ordinaire qu’un être fermé, fixé sur une position définitivement adoptée.

6. X. 70

Eliade : «  L’horizon des archétypes et de la répétition ne peut être dépassé impunément que si l’on adhère à une philosophie de la liberté qui n’exclut pas Dieu.»


L’homme s’arrachant du Dieu Nature, mais retombant dans le Dieu Histoire,

le vrai Dieu chrétien au-delà de ce processus.


LE VRAI DRAME DE LA MODERNITE

Ce qui vraiment a lieu dans la pensée moderne : le combat pour ou contre le Dieu chrétien.

C’est lui qui s’incarnera vraiment en l’humanité, ou l’homme périra (et Dieu avec lui ?)

Episode capital du drame divino-humain.



Il y a des questions vertigineuses.


Vérité.       

Pas de vérité avec V majuscule.

Esprit de vérité, désir de vérité, recherche, streben, dialogue.

Vérité de la recherche, au lieu de : recherche de la vérité.

Est vraie (bonne) la disposition à maintenir le discours ouvert ; est condamnable : la prétention à posséder la Vérité, le dogmatisme.

Philosopher ne peut donc signifier : recherche de la vérité, mais penser sans relâche au contact des autres. La pensée comme pratique ouverte. Impossibilité du système.

Le critère de vérité d’une pensée gît dans sa disposition à l’ouverture, au dialogue, non dans son adéquation à un monde vrai préexistant dont l’esprit humain serait coupé et qu’il s’agirait de redécouvrir (Platon). Chez chaque personne, des moments de plus ou moins grande vérité, selon qu’il consent à l’ouverture ou tend vers le dogmatisme.

Les moments les plus authentiques d’un penseur sont sans doute ceux où il doute, où se lève en lui le soupçon contre lui-même. Les moments où il découvre que lui aussi idolâtre sa propre pensée. Le dernier Nietzsche. Les fulgurations de Turin.


6.10.

Poésie : introduire dans l’ouverture.


7.10.

Le bénéfice que l’on tire de la culture intellectuelle bien comprise consiste moins dans l’acquisition de connaissances que dans la délivrance de l’esprit de préjugés ordinaires de l’homme de la rue. Il est  vrai que la culture intellectuelle risque  aussi d’en faire naître de nouveaux.


Livres dans le vide accumulant nombres courbes zoologies et dressant au-dessus de la neige des fronts ces édifices de tristesse Aristote la bibliothèque de Babel lugubres tombeaux où parfois en dépit des assemblées de docteurs tombe l’éclair de Dieu soudain délire des géométries valsent dans la vacuité des espaces célestes grouillement imprévu de la faune tropicale parmi les grammaires de Cambridge et la démonologie freudienne tandis que l’hiver dessine sa flore aux vitres du British Museum.


8.10.70.

Weil (cahiers 1) :

« Art suprême, ordre sans forme ni nom. »

« Poésie. Images et mots qui reflètent l’état sans images et sans mots. Musique. Sons qui reflètent l’état sans sons. Mots et sons équivalents au silence ».

« L’unité de plusieurs formes n’est pas une forme. »


Ne pas s’imaginer que ce sera l’homme seul qui façonnera le Royaume.

L’hérésie hégélienne, marxienne, nietzschéenne. L’hérésie moderne par excellence. Titans. Constructeurs de Babel. Prométhée. Le royaume de Dieu viendra de Dieu (aussi).

Approfondir la notion de la collaboration divino-humaine.

Dieu seul acteur : Dieu despote.

Homme seul acteur : homme titanesque.

Mystère de l’union de deux libertés.

Tous les mythes désignent cela. Péché d’Adam (être comme Dieu).

Le sort global de l’humanité nous échappe. Personne n’en est responsable. Dieu.


(23.12.2015 : Dieu et l’homme sont responsables du monde.)


L’homme ne peut rien sans Dieu, Dieu ne peut rien sans l’homme.


«Un être humain doué pour un art y parvient à un degré d’excellence exactement proportionnel à sa capacité de ne pas penser à.» (S. Weil)


L’ère planétaire ne doit pas être l’Occident étendu à la Terre, mais la Terre pluraliste, jeu de différences.



18. XI.

La science ne voit dans le monde que ce qu’elle veut voir.


Mozart, Schubert. Le cri de la mélancolie.

Que restera-t-il de Stockhausen, Xenakis, Boulez, Cage, Henze, Busoti… ?

Tout notre art voué à la poubelle de l’histoire (Malraux) ?


« Le sens n’est jamais principe ou origine, il est produit. »(Deleuze).

N’est-ce pas «  l’existence précède l’essence » de l’existentialisme ?


Depuis le 20, Richard et Christiane sont chez moi, à Asnières. Le 21, en leur compagnie, visite des expositions GOYA et LE SIECLE DE REMBRANDT. Le 22, Musée Rodin. Aujourd’hui : Louvre et Montmartre.


24.Départ de Richard et Christiane.


25.Hier, spectacle sur Lautréamont à l’ORTF.


Contradictions d’une certaine intelligentzia actuelle ! critique de la culture à partir d’un langage hautement cultivé ; critique de toute beauté comme idéaliste ( mais de quelle poésie se nourrira le peuple « libéré » ?).


Il m’est impossible d’opter clairement entre les diverses positions politiques qui se partagent le monde actuel.

Vers une politique pluraliste.

De la vérité chez Bernanos, Weil, Céline comme chez les Maoïstes. Etc.

L’opposition gauche-droite, vieillerie ?


Le vrai combat non celui des classes, mais celui de deux conceptions du monde,

une conception scientifique contre une conception religieuse.



1.12.70.

Bleu

s’épanouissant en palmes mouvantes

vertigineusement au-dessus de la mer

comme ce long cri de colère aux vibrations du sang

usines métro

vous qui entrez ici ne pensez plus

au vaste azur souriant

des méditerranées

noir fracassant s’écroulant

se lèveront les poings dans le matin gluant des banlieues

les poings meurtris frapperont la grande porte d’acier

et s’épanouissant la vertigineuse clameur

montera dans le ciel

vrombissements rugissements martèlements

matin de mort

voici la mer

voici bleu et frémissant de sources

le matin paix aux hommes de bonne volonté

voici tu descends la rue vers la mer

et tu chantes

ton sang inonde l’avenir

qui est une nuit secrète toute muette de germes

et tu marches dans la nuit

aux sourires de femmes

et les poings s’ouvrent en fleurs

dans la grande rumeur des villes

et vous mourrez dans la lumière retrouvée

afin que des peuples d’enfants








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