31.5.22

 



D’HORIZON EN HORIZON JUSQU’AU CŒUR DU MONDE



VIVRE L’HORIZON

On ne peut pas vivre sans horizon. On ne peut pas vivre sans transcender sans cesse l’horizon.

L’horizon est cerne délimitant, protégeant notre espace de vie, la « heimat », la terre natale, le terroir familier depuis l’enfance entre crêtes vosgiennes et crêtes de la Forêt Noire. Le matin l’astre du jour se lève sur les cimes du Schwarzwald dans un ciel couleur de porcelaine ou de cuivre en fusion et se couche le soir derrière les courbes sinueuses des Vosges en pleine gloire orange, splendeur engloutie peu à peu par l’obscurité s’étendant sur la plaine.



Heures d'hiver crépusculaires.

L'horizon infini

rayonne d'une lumière orange

derrière toits et branches

sous la neige ensevelis.

L'enfant rêve à la vie,

immensité étrange.



Enfance de la pensée naissant à l’immense, à la magnificence dans le flamboiement d’un soir d’hiver.

*

D’HORIZON EN HORIZON S’ÉVEILLER AU CŒUR DE L’IMMENSE.

« DE COMMENCEMENT EN COMMENCEMENT PAR DES COMMENCEMENTS SANS FIN… » (GRÉGOIRE DE NYSSE).

Le seul événement est l'interruption de l'histoire, de l'histoire que se racontent les êtres humains pour faire sens ensemble.

Le seul événement est l'insensé bond hors des légendes humaines, trop humaines: l'étreinte de l'éternité ici, maintenant, à jamais, l'affirmation verticale:

poésie, mystique, subversion absolue du monde humain rien qu’humain, genèse-apocalypse, genèse du Royaume ...

En-deçà, au-delà des mondes-cachots anciens et modernes, des antiques et des nouvelles idolâtries, en-deçà, au-delà de toute volonté de maîtrise, de possession, de domination, par-delà tout horizon se désaisir, lâcher prise et trouver, retrouver la Source, le Dire, ce qui avant toute vision du monde parle du fond sans fond, du cœur de l’être.

Revenir aux sources en-deçà des pétrifications des traditions sans cesser d’ouvrir l’horizon au-delà des exclusivismes de l’esprit moderne. Renouer l’originaire et l’inconnu devant nous.

*

Critique du temps cyclique, tourné vers le passé; critique du temps linéaire, tourné vers le futur ; critique du temps fermé sur le présent.

Sortir des images du temps : passéisme, futurisme, présentisme.

Le temps est vertical : temporalité travaillée par l’éternité.

Ici et maintenant vivre le temps extrême, coupant l’horizontalisation du monde, temps vertical, absolument traditionnel, relié à la Source, et absolument moderne, ouvert à l'Inouï.

Libérer le temps des images, libérer le temps de toute horizontalisation. Laisser en nous le temps être temps, temps du naître infini, temps s’ouvrant à la transcendance en acte.

Libérer l’éternité incarcérée dans les chaînes du temps.

Le temps n'est pas linéaire, n'est pas cyclique, n'est pas représentable, n'est pas

maîtrisable. Est in-imaginable. Est naître.

*

La Révélation de la Parole transcendante ne cesse de se révéler d’horizon historique en horizon historique, constante genèse-apocalypse.

Le monde est genèse-apocalypse, le monde est sans cesse en genèse, en constante gestation, en perpétuel état naissant et perpétuelle révélation.

L’Histoire du judéo-christianisme est celle de la progressive manifestation du sens de la Révélation du Messie. Comme celle d’une étoile, la lumière de la Révélation met du temps à nous parvenir dans tout son éclat véritable. Patience de Dieu.

Le temps est sans fin révélation de la Révélation infinie entre ténèbre et clarté.

Le Verbe qui vient du dedans, du cœur du monde, la Parole christique, est nativité, état naissant du temps. Laisser en nous faire le temps, le temps du naître.

Entrer dans l'infondable. Décentrement copernicien sans réserve du monde humain. Révélation - Révolution transperçant tous les horizons finis, y compris l'ultime, l'horizon de la mort. Accomplir la pensée la plus folle, sans revenir à nouveau vers de tranquilles certitudes tangibles. Après l'ordre traditionnel, subvertir l'ordre moderne. Pour vivre quoi? L'inouï, Dieu? Vertige…

Ne vous souciez pas du ciel. L’éternité est déjà là : il suffit de vous ouvrir avec confiance au temps naissant, au temps de Dieu.

Le temps moderne irrédimé, lui, se perd inéluctablement dans le néant. Règne du nihilisme.

Le nihilisme est l’ère du monde sans horizon, sans origine et sans finalité.

Nous ne sommes contemporains de notre temps que si nous le vivons comme temps extrême, temps de l'urgence vitale, temps de l'affrontement à l'impossible, par-delà l’horizon se dressant indéchiffrable devant nous enveloppé de nuées de questions et de visions utopiques ou dystopiques.