VOYAGE EN ISRAËL
7 février
2010
6 heures du
matin. Fin de nuit froide. On quitte la maison dans la voiture de Gilbert W. A
Kingersheim sur le parking de FLY on embarque Anne. Gilbert nous dépose à la
gare de Mulhouse. On rejoint le groupe de 27 personnes qui participent au
voyage organisé par « Bible et Culture ». 7 heures. On s’installe
dans un bus Chopin. L’obscurité devient graduellement une maussade grisaille.
On roule vers Zürich à travers une Suisse endormie en ce début de dimanche.
Aérodrome de Kloten. Formalités ordinaires : enregistrement des bagages,
contrôles (en particulier un interrogatoire individualisé par les agents de
sécurité d’EL AL, la compagnie israélienne qui va nous emmener en TERRE
SAINTE). Installation dans l’avion. On est pour quelques heures coincé sur son
siège exigu.
Et nous
voilà émergeant du brouillard, voguant au-dessus de la mer blanche des nuages.
Splendeur lumineuse des versants alpestres…Lumière orange du crépuscule à
travers les hublots. Ciel s’obscurcissant : déjà s’aperçoivent les
lumières de la côte israélienne.
Atterrissage
sur l’aéroport BEN GOURION de TEL AVIV. Accueil par Arié Goldberg qui sera
notre guide : un Juif né au
Hasenrain à Mulhouse, habitant
Jérusalem. Homme remarquable alliant une connaissance approfondie de son pays,
un sens de l’humour toujours en éveil et une forme physique étonnante pour
quelqu’un qu’on dit proche de 80 ans.
Arié
Catherine Nous voici sur le sol israélien,
nous
voici en
Terre promise, le pays des Juifs et de Jésus où nous avons rêvé d’aller depuis
toujours. Un bus nous emmène à ARAD, à notre hôtel NOF ARAD. Installation et
restauration. Arié nous change les euros en shekels, la monnaie du pays.
Hôtel rempli
de jeunes fêtant sans doute joyeusement Pourim, le carnaval juif.
8. 2.
Petit
déjeuner à l’hôtel NOF ARAD. Libre service comme pour la plupart des repas qui
sont généralement de bonne qualité.
Arad, ville
nouvelle au bord du désert, proprette, géométrique, avec ses commerces, ses
feux tricolores.
Nous
marchons jusqu’à un panorama non loin de l’hôtel. Le temps est couvert, le
paysage grandiose. Nous prenons le bus MAHFOUZ (la compagnie qui nous
transporte à travers Israël). Samir est le chauffeur, un garçon calme,
sympathique et sûr conducteur.
Visite de la
tombe de BEN GOURION, l’homme qui proclama l’Etat d’Israël en 1948.
Vue sur le désert de TSIN.
Commence la
longue traversée du désert du Néguev. La moitié du pays est désertique. La
rocaille constitue une bonne partie du sol israélien.
On voit des
tanks faisant des manœuvres. Installations militaires, mais aussi habitations
de Bédouins, nomades musulmans sédentarisés.
Gorges de
EIN AVDAT au fond desquelles coule une eau transparente qui en cas de pluie
peut tout submerger. Partout des groupes de jeunes qui visitent, collégiens,
soldats garçons et filles aux allures décontractées…Vitalité heureuse et
variété des visages : cela va des têtes blondes à la beauté noire, racée
des Falachas, les Juifs immigrés d’Ethiopie.
Arrêt dans
un self-service pour nous restaurer.
Installations
généralement bien tenues : le tourisme est aisé à tous les plans :
sanitaires, alimentation, circulation…
A présent le
temps est quasi printanier. Le soleil brille tel qu’on l’a rêvé dans les brumes
hivernales d’Alsace.
Visite
d’AVDAT, ruines d’une cité nabatéenne couronnant un piton. On fait partout des
restaurations archéologiques et le riche passé de cette terre semble émerger du
sol dès qu’on soulève une pierre : tant de cultures s’y succédèrent,
Juifs, Musulmans, Byzantins, Croisés…Au-dessus de la cité fantomatique flotte
le drapeau d’Israël (étoile bleue, bandes bleues sur fond blanc) déployé sur
l’impeccable azur du ciel.
MITSPE
RAMON : vue panoramique sur un cratère. Beauté, grandeur toujours
recommencées. La nuit déjà tombe. Nous arrivons au kibboutz LOTAN où nous
logerons. C’est un kibboutz laïc, de tendance écologique, édifié en plein
désert.
On nous
installe dans de petites maisons munies de tout le confort. C’est plus
sympathique qu’à l’hôtel. Repas dans une grande salle. Après le dîner, chaque
soir, réunion du groupe (ceci est facultatif) autour d’un thème. Ce soir
présentation rapide de chaque participant : quelle est la motivation qui
l’a poussé à entreprendre ce voyage. Personnellement je dis mon vif désir
depuis toujours, du fait de mon éducation catholique, de visiter le pays des Juifs
et des origines du christianisme, et ma conviction qu’il est impossible après
l’Holocauste et Vatican II d’être chrétien sans d’abord être fondamentalement
imprégné de l’esprit du judaïsme.
9. 2.
On découvre
le kibboutz LOTAN. Très beau temps chaud. Ca sent la bouse de vache. Visite du
kibboutz avec David, un des 200
habitants du lieu. Il nous mène à une plantation de palmiers-dattiers, une des
productions essentielles du kibboutz. Deux ânons broutent à l’ombre des
arbres : ils sont destinés au débroussaillage. David explique le système
de plantation : arbres mâles d’un côté, arbres femelles de l’autre et
processus artificiel de fécondation. Autre production : le lait de 500
vaches. Explication de procédés écologiques, par exemple des installations sanitaires
sans eau, des constructions en torchis avec armature métallique. Principe de
vie collective : le partage égalitaire des revenus (cependant une grande
partie des kibboutz ont intégré aujourd’hui le système capitaliste).
Nous
reprenons le bus pour continuer à traverser le désert jusqu’à la frontière
égyptienne. On aperçoit au loin le massif du Sinaï : espaces de l’Exode et
de la rencontre de Moïse avec Yahvé. Et plus près une tour de guet où poireaute
un soldat égyptien. Les vues panoramiques à partir des hauteurs du mont EZEKIA
sont toujours d’une beauté à couper le souffle. Le Terre promise tient toutes
ses promesses du moins en ce qui concerne la splendeur des paysages.
Passage par
EILAT, station balnéaire sur la Mer Rouge :
luxe et modernisme ordinaires, rien à signaler en-dehors des pierres de
malachite qu’on y vend en joaillerie.
Démonstration de la taille des pierres. Nous déjeunons près du lac de
Timna au cœur de sites rocheux impressionnants. On fait un peu d’escalade aux
COLONNES DE SALOMON et aux anciennes mines de cuivre (indéniable côté sportif
du voyage : on est bientôt bon pour TSAHAL…).
A la réunion du soir, l’increvable Arié, vieux
jeune homme toujours en forme, nous parle du judaïsme. Juif pratiquant, il
connaît parfaitement le Premier et le Second Testament dont il nous commente
souvent des extraits, nous initiant à une lecture minutieuse du Texte sacré
dont chaque détail est interrogé. C’est
passionnant. On a l’impression de découvrir la Bible et sa signifiance infinie. Arié nous initie
aux arcanes de la judéité : qui est Juif, quelle est la pratique de la
religion, le rôle de la THORA
(la loi écrite) et du TALMUD (la loi orale, l’interprétation de la THORA pour la vie concrète)
et l’essence du judaïsme qui est plus une orthopraxie qu’une orthodoxie. La
croyance y a moins d’importance que la pratique éthique quotidienne.
10. 2.
Nous
quittons le kibboutz LOTAN .
Nous roulons
toujours dans le désert, celui de la vallée de l’ARAVA, suite de l’immense
faille( le rift) traversant l’Afrique et le Moyen-Orient.
Visite de la
massive citadelle de MASSADA, perchée sur des hauteurs auxquelles on accède par
un téléphérique. Des insurgés juifs y tinrent tête durant 2 ans aux légions
romaines au premier siècle de notre ère. Comment les assiégés ont pu survivre
en ces lieux arides, isolés, c’est quasiment inimaginable… MASSADA reste le
symbole de la résistance juive.
De la
forteresse carbonisée par le soleil impitoyable on gagne l’oasis d’ EIN GUEDI.
Verdure, restauration et bain dans la Mer
Morte : à cause du haut degré de salinité, impossible de
s’enfoncer dans l’eau, on ne peut faire que la planche…
Arrêt à
QUMRAN, près des célèbres grottes, véritables bouches d’ombre où furent
découverts par hasard après la seconde
guerre mondiale les fameux manuscrits dits de la
Mer Morte, rouleaux vieux de 20 siècles, et
qui contiennent certains livres de la Bible.
Ce qui est extraordinaire, c’est que le texte biblique depuis
ses origines (quelques siècles avant J-C) est resté absolument invariable. Il
est sans cesse recopié à la virgule près même aujourd’hui pour les rouleaux
utilisés dans les synagogues. Et l’hébreu qui est la langue officielle des
Israéliens est quasi le même que celui des textes retrouvés. L’Etat d’Israël l’a
fait revivre après un multiséculaire sommeil.
A QUMRAM
vivait une secte juive appelée les Esséniens. On visite les vestiges de leurs habitations.
Longue route
vers le Nord du pays. On suit le Jourdain. Plantations d’agrumes .Les bananes
arrivent à maturité. De l’autre côté du Jourdain on voit la Jordanie, pays
actuellement en assez bons termes avec
Israël.
La nuit
tombe (tombée plus brusque qu’en Alsace). Nous
arrivons au kibboutz SHLUHOT. Un vieux couple, le Docteur Bollack et sa
femme, nous rejoint. Ils habitèrent naguère à Mulhouse (le docteur y était
ophtalmologue) et se sont installés plus tard à Jérusalem. Des gens charmants.
Installations
toujours confortables.
Le kibboutz
est défini comme «religieux ». Après le repas, Arié nous parle de l’histoire
politique d’Israël. Il décrit la situation selon l’optique d’un Israélien qui a
connu tout le devenir dramatique du pays.
A la fin, je
ne peux m’empêcher d’évoquer la question des souffrances des populations
palestiniennes…
11. 2.
Réveil au
kibboutz SHLUHOT où nous resterons 4 nuits.
Le paysage
change du tout au tout. Vertes collines printanières. Tiédeur de l’air. Nous sommes au pays qu’arpenta Jésus et l’on
comprend mieux sa lumineuse douceur en contemplant les ondulations harmonieuses
de la terre et la tendre bleuité du ciel. Paysage ressemblant à celui de
l’Ombrie, le terroir de François d’Assise.
Visite du
mont des Béatitudes où la tradition situe l’enseignement le plus célèbre de
l’Evangile : heureux, les pauvres en esprit… Le paysage correspond aux
paroles sublimes, non les avalanches de
touristes armés d’appareils photos qui se déversent sur tous les lieux
consacrés par la tradition (aucun de ces lieux n’est historiquement certain).
Marche dans
le parc naturel de TEL DAN. La nature est toujours édenienne. Nous longeons les
eaux couleur émeraude du Jourdain. Moment de pure beauté. Vestiges des remparts
de l’époque davidique. On est à l’extrême nord d’Israël, tout proche de la
frontière du Liban dont on aperçoit sur les versants les premiers villages.
Nous nous dirigeons vers le GOLAN, les hauteurs qui surplombent la Syrie et Israël, lieu
stratégique de première importance.
On se
restaure dans un village druze. Les Druzes sont des Musulmans hétérodoxes croyant
en la réincarnation. Les hommes portent tous moustaches. Au loin se profile le
Mont Hermon (plus de 2800m) et sa cime
enneigée.
On passe par
un point de vue d’où l’on domine les premières agglomérations syriennes.
Installations militaires. Longue route à travers le plateau du Golan.
Silhouettes d’éoliennes sur le ciel crépusculaire.
Retour au
kibboutz. Le soir, après le repas, entretien avec un habitant du kibboutz qui
travaille beaucoup au contact de la population arabe (les Arabes
israéliens). Il met l’accent sur la
difficulté venant de la haine islamiste qui pèse de l’extérieur sur la vie
quotidienne des citoyens arabes et empoisonne les relations. Situation
intenable faite aux Arabes chrétiens (dont le christianisme remonte à l’aube de
la foi chrétienne) qui émigrent de plus en plus. Comment concevoir que dans ce
petit pays idyllique, baigné de lumière, les hommes, tous enfants d’Abraham,
ont tant de mal à s’entendre ?
Pourquoi
Juifs, Chrétiens et Musulmans n’ont pas cessé de se battre, eux qui prient le
même Dieu de miséricorde ? Grand mystère de l’histoire. La réconciliation
des trois formes du monothéisme est peut être le but ultime du long chemin
d’Abraham… Espoir insensé ou rêvasserie de Goy ?
12. .2.
Nous
visitons les ruines romaines de BEITH SEAN : rue centrale à arcades,
thermes, latrines publiques, théâtre… Une chèvre pas du tout effarouchée suit
minutieusement les déambulations du groupe. Sans doute une habitude acquise
depuis longtemps.
TABGHA :
église byzantine et couvent bénédictin, lieu traditionnel du miracle de la
multiplication des pains. Belle mosaïque représentant deux poissons et une
corbeille de pains.
Nous
déjeunons au bord de la mer de Galilée (ou lac de Tibériade) : poissons et
vin blanc (le vin israélien est correct, cependant il ne concurrence pas les
vins d’Alsace…). Je ressens une forte émotion (malgré les hordes de touristes)
de me trouver sur les rives foulées jadis par Jésus, de voir de mes yeux les
paysages qu’il contempla. Ici, près de l’eau, en plein air, sensation
quasi physique de la présence du Christ plus que dans les lieux
« consacrés » trop encadrés par les diverses églises chrétiennes.
Plus que jamais je sens le ridicule des controverses théologiques et autres
conflits entre les confessions chrétiennes. Jésus est simplicité et charité, le
reste est vaine chamaillerie humaine.
KEFAR-NAHUM
(Capharnaüm) : autre lieu sacré où l’on montre la soi-disant maison de
l’Apôtre Pierre écrasée sous une architecture moderne (une horreur). On visite
les restes de la Synagogue
où Jésus aurait prononcé le discours
« Je suis le pain de vie ».
Arrêt sur
les rives du Jourdain (un cours d’eau modeste, ne pas imaginer quelque chose de
fluvial). Nous puisons de l’eau du Jourdain pour les amies et nous observons
les baptêmes d’adultes qui se pratiquent ici en série, hommes et femmes en aube
blanche plongés dans l’eau et remontant grelottants et extatiques. En partant,
les gens peuvent récupérer le film de l’événement qu’ils viennent de vivre. Le
lieu est soi-disant celui du baptême de Jésus par Jean-Baptiste. Les versets
évangéliques évoquant cet épisode sont affichés en nombreuses langues du monde.
Dans des endroits semblables, on a souvent l’impression du mélange inextricable
entre réelle piété et hystérie religieuse. De plus s’ajoute partout l’étalage
du commerce de mauvais goût destiné aux touristes. Le Rabbi de Nazareth aurait
du travail aujourd’hui : lui qui chassa les marchands du Temple pourrait
faire de même avec ceux qui parasitent son propre héritage . Il m’est parfois
difficile d’arriver à un véritable silence méditatif pour communier avec ces
lieux bibliques. Je perçois plus intensément l’esprit du judaïsme et celui de
l’Evangile dans la lumière de la Terre d’Israël que dans les
sites voués au pèlerinage.
Retour au
kibboutz Shluhot. C’est vendredi, le début du shabbat. Nous assistons à un
culte à la synagogue. Chants et lectures. Les hommes têtes couvertes de la kipa
sont séparés des femmes. Des petits enfants se baladent librement dans les
allées, observant les bonshommes portant le talith (châle de prière) concentrés
sur le culte ou étrangement distraits. Certains discutent même en douce sans
gêne aucune. Rien ne semble pesant comme l’est un culte catholique.
Repas de
fête commençant par la bénédiction du pain et du vin : c’est le vieux
docteur Bollack (nonagénaire) qui officie. Vin rouge sucré, vin blanc et puis
les plats succulents se succèdent. On ne jeûne pas… Après ces délectables
agapes, une vieille dame du kibboutz nous raconte son hallucinant itinéraire d’enfant
et de jeune fille : naissance en Belgique, fuite en France durant la
seconde guerre mondiale ; cachée dans une institution privée chrétienne (avec son
petit frère…), elle passe plus tard en Espagne et de là peut gagner la Palestine. Depuis
elle vit dans le kibboutz dont elle décrit les débuts héroïques. Une dame
pleine d’enthousiasme et d’humour, parlant plusieurs langues.
13. 2.
Jour du
shabbat. Jour consacré sans réserve à Dieu et au repos. Nous ne quittons pas le
kibboutz Shluhot. Tout travail est interdit. Faire le vide des activités
profanes. Laisser l’appareil photo au repos. Prier, se promener et participer à
l’office de la synagogue. L’objet le plus vénéré, les rouleaux de la Torah sont sortis de
l’arche. On lit un passage du texte sacré. Le rabbin fait un sermon. Et puis
hommes, femmes et enfants se retrouvent au soleil sur le parvis.
Après le
culte, nous visitons une exposition de peintures, œuvres d’une artiste locale.
Les tableaux représentent des scènes bibliques connus, Caïn, l’Echelle de
Jacob, ABRAHAM entre Sarah mère d’Isaac et Agar mère d’Ismaël. Cette dernière
scène pourrait symboliser tout le drame actuel du Proche-Orient, le conflit
entre Juifs et Arabes, car Abraham est à la fois le père des Juifs à travers
Isaac et le père des Arabes à travers Ismaël, le père des deux peuples sémites
quasiment cousins et dont les religions sont très proches.
Nous nous
promenons à travers le kibboutz en compagnie de la dame qui hier nous narrait
son odyssée tragique durant la guerre mondiale. Elle nous montre les premières
maisons construites et les procédés astucieux pour « isoler » les
fenêtres des grandes chaleurs (l’été ici est intenable).
On passe près de l’école maternelle, près des
installations agricoles, l’enclos des animaux, la plantation des cactus géants…
Tout est paisible, les familles flânent, les enfants jouent… Installés au
soleil, Lili et moi, nous lisons la
Bible, recherchant les extraits sur les lieux que nous avons
visités. Le Livre des livres lu sur place devient infiniment plus concret et
l’histoire de Jésus plus tangible : il a évolué dans un cadre aux
dimensions tout à fait humaines.
Séance de
lecture de l’Exode par Arié. Toujours l’étonnante méthode de décryptage de
chaque détail du texte. Le repas du soir
a lieu vers 17h , avant le coucher du soleil qui marque la fin du shabbat.
14. 2.
Départ du
kibboutz Shluhot.
On passe non
loin du Mont Thabor où aurait eu lieu la Transfiguration.
Nous
arrivons à Nazareth, à présent ville arabe. Nous visitons l’Eglise de
l’Annonciation. Nous assistons à un office de rite melquite. Liturgie de style
plutôt orthodoxe. Cependant l’église est rattachée à l’Eglise catholique et
nous (les catholiques) participons à l’eucharistie (sous les deux espèces). A
la sortie, bref entretien avec le Père Shoufani qui parle un parfait français.
Auteur de livres, il est connu en France. Nous rencontrons aussi un Français
qui sillonne le Proche-Orient en vélo…
On se
restaure dans une grande surface à Haïfa (une des trois grandes villes avec
Tel-Aviv et Jérusalem).
Arrêt à
Saint-Jean d’Acre. Forteresse des Croisés, caravansérail, remparts.
Constructions puissantes montrant que les hommes du passé bâtissaient pour
l’éternité.
Nous sommes
sur la Côte
méditerranéenne.
Retour à
Haïfa. Le bus tombe en panne à l’entrée de la ville : une affaire de
courroie. Deux heures d’attente au bord de l’autoroute à la dense
circulation : l’Israël moderne urbanisé ressemble à n’importe quel pays
occidental. On vient nous dépanner et nous reprenons la route à la tombée de la
nuit. D’une hauteur, point de vue splendide sur l’immense agglomération
illuminée. Nous arrivons en retard au kibboutz Beith Oren sur le mont Carmel où
nous passerons une seule nuit.
15. 2.
Nous
quittons le kibboutz de Beith Oren( maison des pins) situé en montagne. Lacets
fort appréciés par Lili…
Visite de
CESAREE où vinrent l’Apôtre Pierre et l’Apôtre Paul. Ruines romaines. Aqueduc,
amphithéâtre, hippodrome. Plage en bordure de la Méditerranée.
Arrêt de
midi à NEOT KEDUMIM. C’est un parc
naturel .Champs de fleurs : cyclamens, anémones... Oliviers,
amandiers, cèdres. Repas champêtre : pita, pain évidé qu’on remplit de
diverses crudités et sauces. Journée la
plus chaude : plus de 30°. Nous visitons le parc avec EVA, une Israélienne
originaire de Colmar. Elle parcourt les lieux la Bible à la main, ne cessant
de faire le rapport entre ce que nous voyons et ce que dit le texte :
évocation des citernes, de l’hysope, du jujubier… Un bel oiseau blanc,
l’aigrette, se tient élégamment à l’ombre des amandiers en fleurs, parmi les
anémones rouges. Sommes-nous au jardin d’Eden ? Sommes-nous aux premiers
matins du monde ? Non, on est bien au Proche-Orient en 2010 car non loin
de ce havre de paix on entend des détonations : des exercices militaires.
L’Armée ne cesse de veiller. Permanent état de guerre latent derrière les
apparences paisibles d’un pays normalisé.
Et voici un
grand moment du voyage : nous nous approchons de Jérusalem, étape ultime
du périple. Nous roulons parmi les collines rocailleuses, sur une route
israélienne en plein territoire palestinien. Des deux côtés de la route, le
fameux mur destiné à protéger Israël contre l’intrusion des terroristes…
Nous entrons
dans Jérusalem. Ville construite sur des collines couvertes d’habitations
blanches (la pierre blonde du pays) dont l’architecture moderne ne jure pas
trop avec l’antiquité du site. Nous logeons au THOMAS HOME, maison tenue par
des sœurs. Nous nous trouvons en quartier arabe et déjà retentit la voix du
muezzin du haut du minaret. En fait, les trois religions, judaïsme,
christianisme (avec ses multiples confessions) et islam ne cessent de se
mélanger inextricablement à travers la ville. Et cette cohabitation est une
caractéristique de Jérusalem, ville trois fois sainte.
Installation,
repas servis par des hommes. Visite nocturne de la vieille ville avec Arié.
Nous circulons dans le dédale des rues du souk aux échoppes closes. C’est d’un
pittoresque incroyable. On arrive au mur des Lamentations dont hommes et femmes
s’approchent séparément. Tête couverte, entouré de fidèles en oraison balançant
leur corps, je confie ma prière (une prière pour toute notre tribu et en
particulier pour les plus jeunes, Herbert, Valentine, Louna) à une fente du
mur. Geste très émouvant.
Nous
revenons au Thomas Home par d’autres ruelles aussi pittoresques. D’un étage à l’autre,
on passe sans transition de maisons arabes à des locaux occupés par des Juifs
orthodoxes, une école talmudique bourrée d’écrits bibliques. On marche sur les
toits de la vieille ville, des terrasses d’où l’on contemple Jérusalem sous le
ciel noir, ses coupoles, ses clochers, ses minarets, ses mystères
plurimillénaires. Vision fabuleuse, instants de communion que trouble parfois
un chat rodant dans l’obscurité (Jérusalem est la capitale des chats
omniprésents).
16 .2.
Mont des
Oliviers, Gethsémani… Lieux mythiques à ce point « encadrés » qu’il
est difficile de retrouver quelque chose d’authentique… Vue formidable sur
Jérusalem, ville blanche, lumineuse avec ses dômes et ses bulbes d’or sous
l’azur parfait. C’est plus beau que je
ne l’imaginais. Jésus voyait ce panorama même si rien ne subsiste de la ville
de son époque. Limpidité de la lumière, beauté des arbres,oliviers aux troncs
torturés à la Van Gogh.
YAD VASHEM,
musée de l’Holocauste.
Vaste
architecture moderne. Les espaces verts sont plantés d’arbres au nom des
Justes des Nations (non Juifs ayant sauvé des Juifs durant la 2ème
guerre mondiale). Crypte avec le nom de tous les camps d’extermination, la
sinistre litanie de la
Shoah. Le musée lui-même est immense et rassemble une documentation
innombrable sur la persécution et l’extermination des Juifs européens. Il
faudrait des longues heures, des semaines pour tout voir en détail et nous ne
faisons qu’une traversée au pas de charge.
Nous quittons
Jérusalem pour Bethléem qui se trouve en territoire palestinien. Arié ne nous
accompagne pas (risque pour un Juif de sortir d’Israël). Contrôle au check
point. Présence pesante du mur.
Arrêt à Beit
Jala dans l’auberge d’Abraham. C’est une institution protestante tenue par un
pasteur d’origine palestinienne. Locaux très propres, bon standing. Repas, puis
entretien avec le pasteur qui s’exprime en allemand (traduit par Catherine, le
pasteur qui nous chaperonne). Il milite pour le rapprochement entre Israéliens
et Palestiniens, entre Chrétiens, Juifs et Musulmans. Arabe, sa famille est
chrétienne depuis les premiers temps du christianisme.
Bethléem
(comme Nazareth c’est aujourd’hui une ville arabe). Visite avec un guide local
de l’Église de la Nativité. Il faut faire la queue interminablement pour voir
de près la soi-disant grotte où Jésus serait venu au monde. Se cumulent ici la
folie touristique et une bonne dose de délire religieux. Malgré tout on peut
apprécier la beauté des architectures et de la décoration du style orthodoxe. A
la sortie, un enterrement, une compacte foule en noir .Clocheton, minaret
surmonté du croissant se découpant sur ciel crépusculaire.
Passage par
l’inévitable magasin touristique (qui paye le guide). Nous achetons
(enfin !) un cadeau pour Louna : une mignonne petite croix de
Jérusalem et une chaînette adéquate.
Après le
repas, dernière réunion avec Arié. Revient le thème politique obsédant (conflit
Israël/Palestine). Mise en évidence de l’impasse actuelle. Impasse qui
manifeste aussi l’échec spirituel des religions abrahamiques prônant toutes les
trois l’ouverture aux autres. Je souligne un manque du voyage : aucune
rencontre avec les jeunes générations israéliennes ou palestiniennes. Quelle
est leur vision du Proche-Orient pris dans la terrible contradiction entre ses
politiques et les spiritualités nées sur son sol ?
17. 2.
Nous allons
à pieds à travers Jérusalem. Nous traversons à nouveau la vieille ville
labyrinthique si pittoresque avec ses escaliers, ses voûtes, son brouhaha, sa
variété d’arômes. Les boutiques du souk ouvertes, les ruelles dallées sont à
présent vivantes, grouillantes de monde, autochtones et touristes mêlés. Les
étalages se succèdent, proposant une infinie gamme d’articles : fruits,
pâtisseries, étoffes, vêtements, babouches, objets artisanaux, viandes,
épices… On suit plus ou moins la
VIA DOLOROSA que Jésus aurait parcouru lors
de sa Passion. Cependant rien ne subsiste de la ville de l’époque du Christ et
les stations indiquées sont purement mythiques. Nous débouchons (à travers des
contrôles) sur la grande esplanade du Mur des Lamentations. Espace idéal
d’observation : y déambulent des touristes, des pèlerins, de jeunes
militaires en permission, des vieux Juifs barbus en habits noirs et grands
chapeaux. Au pied du Mur les gens en prière, les uns immobiles, concentrés, les
autres oscillant d’avant en arrière. Nous nous trouvons au lieu le plus sacré
du judaïsme car c’est ici que s’élevait jadis le Temple détruit au premier
siècle de notre ère. Pour les Juifs, c’est ici le nombril du monde. Cela l’est
aussi en quelque sorte pour les Musulmans : la Mosquée du Rocher à la
coupole d’or avoisine le Mur des Lamentations. Le Rocher en question serait à
la fois celui du « sacrifice suspendu » d’Abraham et celui du voyage
céleste de Mahomet sur un cheval.
De ces
espaces sacro-saints nous regagnons la ville. Quartier juif. Venelles étroites
à l’ombre bienfaisante. Petite place où mûrissent des orangers. Une école de
Juifs orthodoxes : les enfants en tenues traditionnelles s’y amusent
gaiement comme dans toutes les cours de récréation du monde.
Visite de
divers sites religieux chrétiens : Eglise Sainte-Anne de style roman, à
l’acoustique parfaite (nous y entonnons un ALLELUIA).Piscine de Béthesda,
soi-disant lieu d’un miracle de Jésus. Eglise du Golgotha et de la Sépulture. Afflux
des masses touristiques. Il faut faire la queue pour voir le trou de la croix
et la tombe du Christ… Pseudo lieux saints dont les beautés saint-sulpiciennes
et les étalages de bondieuseries n’arrivent pas à me toucher. Eglise de la Dormition consacrée à la Vierge Marie et à la fin de sa
vie terrestre. Cénacle : salle où Jésus aurait partagé le dernière Cène
avec les Apôtres. Déjeuner à la terrasse d’un café très fréquenté, parmi les
vagues de touristes.
La marche à
travers Jérusalem se termine par un retour dans les souks où chacun peut faire
ses dernières emplettes. Lili et moi, nous buvons une bière dans un café arabe
où l’on parle français. On ne semble pas apprécier notre Président dont on
retrouve des portraits enturbannés dans certaines vitrines (en compagnie
d’autres leaders politiques occidentaux…).
Quel plaisir
à voir défiler la foule bigarrée dans la rue marchande débordant de vie. Se croisent
Arabes portant keffieh ou chéchia et Juifs en caftan, chapeaux noirs et
papillotes. L’ambiance semble apparemment paisible et bon enfant bien qu’on
aperçoive de temps en temps un groupe de soldats armés… Ce calme cache sans
doute des tensions invisibles et pourrait facilement basculer en sens inverse.
Après le
repas du soir, l’infatigable Arié nous entraîne dans une nouvelle promenade
nocturne, cette fois plutôt dans la partie moderne, bars, restaurants,
quartiers chics… On ne cesse de monter et de descendre des escaliers car
Jérusalem est cité des collines. Ample vue sur l’ensemble de la ville nocturne,
ses clochers ( dont l’un imite la tête de Guillaume II qui le finança), ses
minarets, ses remparts. Arié nous quitte. Nous suivons les remparts jusqu’à la Porte de Damas pour
retrouver notre home. Expérience unique que ces trajets dans ces lieux
célébrissimes où le plus sublime côtoie la quotidienneté la plus ordinaire.
18.2.
Dernier jour
en Israël. Toujours le bleu intense du ciel. Non loin du Thomas Home nous
visitons le Jardin de la Tombe
où l’on trouve un des multiples
lieux
possibles de la sépulture du Christ. Nous y célébrons en plein air un culte
œcuménique autour de Catherine Fritsch, la responsable du groupe, pasteur
protestant d’une grande simplicité et d’une belle tolérance. C’est un des
sommets du voyage : il réunit dans une même méditation des Juifs, des
Catholiques, des Protestants et autres Evangéliques et aussi des personnes se
disant agnostiques. A l’invitation de Catherine participent à la Cène ceux pour qui ce geste
est parlant. C’est simple et profond.
Et
voici : il faut penser au retour, faire les valises, acheter un
casse-croûte pour la route…
Le bus nous
ramène à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Formalités d’enregistrement des
bagages. Contrôles particulièrement sévères. Nous faisons nos adieux à Arié
Goldberg, le valeureux guide qui nous a initiés à son pays d’une manière si
sympathique et si compétente. Ce fut une chance rare de rencontrer un tel
homme, porteur de tant d’expérience et de tant de connaissance.
Vol Tel Aviv - Zürich. Dernier repas « casher » (avec
certificat). Nous retrouvons le sol européen dans la froide nuit d’hiver. Un
bus nous ramène à Mulhouse.
Le groupe se sépare rapidement. Fin de douze jours lumineux. Il faudra des
semaines pour digérer l’immense densité de la matière emmagasinée. Je commence
à le faire en écrivant ces notations rapides qu’il faudra sans doute compléter.
La Terre promise a
tenu plus que ses promesses. J’avais peur que le voyage en Israël détruise mon
« histoire sainte » imaginaire ; il a au contraire remplacé ma
Bible fantasmatique par une expérience plus concrète, plus vivante du premier
et du second Testament.
Désormais je ne pourrai plus séparer la foi juive et chrétienne de cette
terre de lumière. Et plus que jamais je suis convaincu de l’unité profonde
judéo-chrétienne sans méconnaître par ailleurs l’énigme abyssal de l’émergence
du christianisme du sein du judaïsme.
PIERRE pour le texte et LILI pour la photo.
2.4.10. Vendredi saint.
Croix. Refus par le monde du Verbe d'Amour et non masochisme de Dieu.
Ce sont les ténèbres qui crucifient la Lumière et non la Lumière qui aime
la souffrance.
Parfois le sentiment d'arriver ( bien tardivement) au coeur de l'être.
Obéissance de la plante: elle se contente de se nourrir de lumière.
L'homme contemporain n'a pas d'oreille pour entendre l'Inouïe Parole. Son
affairement, sa quotidienneté envahissante empêchent l'écoute. Spiritualité
comme occasionnel supplément d'âme, non comme centre de gravité de toute
l'existence.
BELLET: Naissance de Dieu, L'Issue. Je continue à l'estimer comme penseur
essentiel.
3.4. Il n'y a (apparemment) pas de femme à la dernière Cène, mais le
premier être humain auquel se révèle le Ressuscité est une femme.
4.4. Pâques. Lire littéralement l'Évangile comme Livre de la Résurrection,
chant de l'humanité nouvelle, délivrée du mal et de la mort. Essence de la
Bonne Nouvelle.
3.7. Auto-analyse.
Mal à l’aise en présence du Père, me sens bien avec Mère.
26.8.Nous
sentons que la vérité de la vie habite en l’enfant. C’est pourquoi sauf
exceptions tristes nous le respectons plus que tout.
26.9. Fontenoy la Joute, village du livre. Acquisition: RICHARD MORGIEVE (
Sex vox dominam).