3.10.18

INCANTATIONS DU CHANT


INCANTATIONS


INCANTATIONS DU CHANT


La Poésie est l'incarnation multiforme du Souffle dans les langues humaines.

Réinventer l'inspiration. Par-delà la mort de la Poésie.
 
Tentative folle de dire l'indicible.




La poésie est la part intraduisible de chaque langue.




"POÉSIE. IMAGES ET MOTS QUI REFLÈTENT L’ÉTAT SANS IMAGES ET SANS MOTS. MUSIQUE. SONS QUI REFLÈTENT L’ÉTAT SANS SONS. MOTS ET SONS ÉQUIVALENTS AU SILENCE." (SIMONE WEIL)



Poésie : expérience du non-saisir, du laisser-venir, du laisser-advenir.

Naître parole à travers le silence sans mesure, stellaire. 

 
Ma source se trouve dans l'absolue solitude, dans l'intériorité silencieuse: là, me détachant du monde, je m'ouvre au dire entier du monde, Poésie.



Le fond de l'homme malgré tout est poésie.

LOUIS-FERDINAND CÉLINE


Mots comme pierres précieuses,comme floraisons magiques, comme éclairs émergeant de la nuit, du silence.


La poésie, la musique soulignent le silence; elles ne le comblent pas. 


La poésie est un acte de foi, un cri dans le vide abyssal du monde.




« LE POÈTE EST LA PARTIE DE L'HOMME RÉFRACTAIRE AU PROJET CALCULE » (RENÉ CHAR).




 Vivre en poète, c'est étreindre intimement la folie de l'existence.


 Vivre, c’est vivre le Verbe, le vertige infini du Verbe. Laisser parler à travers le corps l'existence à la fois humble et grandiose. Balbutier, murmurer, chanter, crier le mystère de l'existence, l'ardente inconnaissance. Poésie, noyau de la vie.


Le nom des poètes irradie:
Homère,Pindare,Virgile,Dante,Basho,Villon,Goethe,
Novalis,Hölderlin,
Hugo,Pouchkine,Nerval,Keats,Whitman,Leopardi,Dickinson,
Baudelaire,Mallarmé,
Rimbaud,Rilke,Tagore,Apollinaire,Trakl,Yeats,Breton,Lorca,
Saint-John Perse,Tsvetaïeva,Senghor,Neruda,Celan...



La grande poésie nous relie à notre part divine.
Caractère sacré,fulgurant, confinant à la folie,des génies les plus inspirés,
Bouddha,Jésus,Virgile,Dante, François d'Assise, Mozart,Blake,Novalis,Hölderlin,Hugo,Kierkegaard,Nietzsche,VanGogh,Rlmbaud,
Kafka,Rilke,Trakl,Simone Weil.






DÉSIR D’ŒUVRE


cathédrale sans contours mobile compacte effervescente gracieuse colossale jaillissant comme ailée dans l'azur libre
avec des ciselures méticuleuses 
des niches abritant des vierges souriantes 
avec des cryptes ténébreuses
des forêts d'animaux grimaçants
des piliers végétaux
des rosaces liquides
démesuré mesuré hiéroglyphe nocturne solaire




irisations irradiations
écriture de meurtre 
de marbre
éclatement extrême
extrême élaboration
chants à naître attentes banderoles 
brises des occidents en fête
fruits futurs suspendus comme pierreries
dans l'aurore toujours nouvelle
incandescences
nudité densité



                                J’HABITE UN PAYS D’INCANDESCENCE                         



         UN PAYS DE SAINTE DÉRAISON



                                                                SON NOM EST POÉSIE






LUMIÈRE D’ORPHÉE     

Je suis Orphée le Poète.

Voici, je me lève et je déclare aux assis, aux assoupis, aux endormis, aux ectoplasmes, oui je déclare clairement, distinctement, à pleine gorge
que je suis poète.

Les mots brûlent dans mes entrailles, les mots saignent en moi, les mots m'enivrent comme de l'alcool.

Voici, je me lève et je déclare aux créatures du bon Dieu, je suis Orphée, le Poète, l’Étranger fabuleux, la voix des êtres muets. Voici,  je vais incanter, transfigurer toutes les créatures terrestres. 

Et je déclare aux pierres, aux âpres rocs, je vais pénétrer de mon dire chaleureux votre terrible, froide opacité. Pierres précieuses, diamants, améthystes, opales, je dilapiderai votre luxe royal.

Et je déclare aux arbres, j’imbiberai de ma fluide énergie votre compacité, vos troncs rugueux mangés de lierre, vos racines plongeant dans les entrailles terreuses, vos floraisons enchanteresses, vos opulentes profusions de fruits.

Et je déclare aux fleurs, jonquilles, coquelicots, glaïeuls, et vous lys candides, je vais glorifier votre humble merveille, je vais chanter votre féérie multicolore à travers jardins, prairies et bois.

Et plein d’humilité et d’admiration, je déclare aux bêtes, je suis Orphée votre chantre.
Fauves, requins, je célébrerai votre force indomptable, votre splendide cruauté ; gazelles et biches, je louerai vos élans gracieux; reptiles, aigles et vautours, je magnifierai votre sauvage beauté. Oiseaux de nos bois, de nos champs, je vais rivaliser avec votre mélodieuse légèreté, vos danses aériennes, vos ivres ascensions dans la lumière d’été.
Alouettes, alouettes, voltigez  jusqu’à l’extase dans l’immensité bleue au-dessus des houles de blé et semez vos perles sonores comme des gouttes de lumière en trilles et roulades à travers l’azur libre.

Et voici, je me dresse la nuit comme un veilleur au milieu de la plaine, et je déclare aux myriades d’étoiles scintillantes, je vais  illimiter la Voie lactée en galaxies de rêve jusqu’aux confins de l’univers, je vais déployer le grandiose poème de la naissance et de l’explosion des soleils, l’ode de l’imperceptible expansion des milliards de mondes, sidérantes cosmogonies.
Je suis l’officiant des liturgies de la clarté du Jour et de la ténèbre mystérieuse de la Nuit d’où émergent toutes les créatures. Je médite la Genèse infinie, je contemple les arc-en-ciel, lien somptueux entre les habitats de glaise terrestre et les hauteurs du firmament, je rêve les aurores éternellement surgissantes.

Et voici, je sors de ma tour d’ivoire et je marche dans les cités humaines, je traverse les rues et les places,  et je m’égare dans les zones de perdition jusqu’à la folie,  j’erre dans les déserts de soif à la recherche du Visage angélique perdu, en quête sans fin de beauté, d’amour, de joie nuptiale ; je viens de loin, de l’enfer même, des contrées de fange, d’angoisse et de deuil, et voici, j’avance dans la lumière, rayonnante tête d’or couronnée de lauriers, brandissant ma lyre électrique, et je déclare avec véhémence aux pitoyables humains aux semelles de plomb, dévorés de soucis, de sombres passions, dévoreurs de fades nourritures, sourds à la poésie, sourds et muets, fermés au cantique profond des créatures, je leur déclare sans tergiverser, je vais ouvrir de force vos oreilles, je vais sensibiliser vos cœurs et vos tripes au Verbe vertigineux, au chant du visible et de l'invisible, du tragique et de la joie, de la vie et de la mort. 

Je vais hanter vos jours et vos nuits de mes versets incandescents, de mes cantilènes nostalgiques, de mes psalmodies lancinantes. Mes ïambes, mes anapestes seront récités par les aèdes, scandés par les voix cristallines des enfants, les haut-parleurs hurleront mes stances portées au loin par les ondes, par les vents allègres, mon tendre langage sera susurré par les brises duveteuses, les sources aux fraîcheurs de menthe, les ruisseaux vagabondant à travers prés et prairies en fleurs.

Frères humains,  sœurs humaines, je suis le messager inspiré, le témoin du cœur du monde, le voyant,  l’initié aux mystères, le magicien mariant verbe et musique.

Je suis David le harpiste, Li Po le Chinois, Basho le Japonais, Pindare, Virgile, François d’Assise entonnant LE CANTIQUE DES CRÉATURES, Hafez le Perse, Dante, Hölderlin, Hugo, Rimbaud, Whitman, Trakl, Tagore, Neruda, Césaire.

Je suis Orphée le Logos vivant, Orphée-Phoenix toujours ressuscitant, je suis les mille et une voix  de la Création, ce chaos inimaginable, cette immense Bouche d’ombre qui ne parle pas, ce mystère infini, cette infinie magnificence, expansés follement dans des abîmes de silence.
Je suis la voix d’Orphée illuminant le monde abyssalement mutique, je suis la voix innombrable venant du tréfonds aimant et qui se répercute d’écho en écho jusqu’aux dernières limites de la Création.

Je suis Orphée-Christ, la lumière du Verbe de Vie plus profonde que toute vie.
                                                                 

                                   INCANTER
                                         TRANSFIGURER
                                                TOUTES LES CRÉATURES TERRESTRES



S DIAFA LIAD VUM LAWA

D Arda schloft.
D Menscha schlofa,
Schwàrzer, bleïschwarer  Schlof.
Sprochlos vegetiara mr,
Vrstummt, vrstummt, Gottverlo.                                                             

Jetz vrwàch, Arda!
Vrwàcha, Menscha!
Stehn uf, Poeta, Dechter üs dr Heimet,
un empfànga  s Wort.
Heera züa!
D Werter senga wia Vegala im Friaïjohr.
D Werter bliahïa uf wia Blüama.
Vrwàch, Müatersproch, diafa Ardasproch.
Fresch, grian Gràs esch s elsassischa Reda.
Stehn uf, Kender vu dr Heimet, Blüamakender, Sunnakender,
un senga un tànza frehlig im Morgaliacht.

Doïssigi Stemma vrwàcha in da Harza,
Sàmt-Stemma voll Fraïd,
rücha Nàcht-Stemma voll Schmarza,
zàhllosa Stemma fer riafa, fer vrzähla,
fer bata, fer prediga, fer flüacha,
Stemma vu àlla Gschepfer,
Deyfel-Stemma üs dr Hell, Nàrra-Stemma,
kreschtàlna Angel-Stemma,
welda Diarer-Stemma, Stemma vum Wend, vum Meer,
a Walt- Symphonie wu üsm dunkla Ungrund wàchst,
a pràchtvolla Gottes-Müsik.
In dr Stella zwescha Nàcht un Tàg
heer i züa.


Poesie esch d wunderbàri Màcht
wu lieslig vrwàcht
in dr stellschta Nàcht.
Poesie esch ennra Sunna.
Si keimt un wàchst üs unsrer Dunkelheit.
Poesie esch Morgarot.
Poesie well wecka
un d Menscha met Liacht ernähra.

D Vegel zwetschra àm Morga un riafa:
kumm met uns,
mr tànza im Summerhemmel,
mr tànza un senga in dr hocha, reina Herrlichkeit
gànz nooch vu da Angel.

Poesie ben i.
Ech seng met da Vegel.
Ech fliag met ehna in dr flümalichta Luft
hoch ewer da Dacher un da Baïm.
O fliaga, o kreisa im Liacht so hoch,
so ekstàtisch gànz nooch vu da Angel.
D Werter sen Flegel, freïa, lichta Flegel
im Wend vu dr heiliga Begeischterung.

Poesie ben i.
Ech seng s Lawa,
s diafa Liad vum Lawa,
nawelgràï un fierrot,
s Liad vum Lawa un vum Tod,
s Liad vu dr heimliga Arda blàï un rund
un vum unheimliga fenschtra Abgrund.

Ech seng dr Psàlm vu dr Liawa.
O d Liawa wia Sunna, wia Fier,
wia wàrma Wulla, wia frescha Tàï.
Ech seng d Liawa met Blüamawerter.
Ech seng dr Mànn,
ech seng d Fràï,
ech seng s Kend.
O Gsechter, Gsechter vu da Menscha, rätselhàft,
Gsechter un Fràtza,
s Làcha, s Hiela vu da Menscha,
un d Fraïd un d’Angscht un dr Wüat
un d Hoffnung wu emmer weder ufbliahït üs dr Vrloraheit.
Ech seng s Lawa, s Menscha-Lawa
so heimlig, so làngwilig, so kurz, su wundervoll, so tràgisch,
a Bletz im geheimnisvolla Abgrund vu dr Walt.

Met unsra àrma, stolpriga Werter,
met unsrer growa Büra-Sproch,
seng i d Walt
un spàziar gànz froh
duch Stàdt un Fald.
Ech ben dert, ech ben do,
ech ben dr Storck in dr Luft.
Ech ben dr heitra Hemmel un dr Duft 
vu da Rosa un dr Wurm unterm Stei.

Poesie ben i.
Ech seng met dr gànza Schepfung eins,
met da blenzenda Starna,
Blüascht üs dr Fenschternis,
met dr nawliga Farna,
met dem Mond Goldsechel wu Vrsteckernis
speelt henter da Wulka.
Ech seng met dm tràïmenda Wàsser,
met da Pflànza grian Fascht vu dr Nàtür,
met da Diarer voll stummes Stühna.

Poesie ben i,
diafes Speela met dr Sproch,
Brot un Wie fer d Seela,
Vrklärung fer dr Geischt
Un zàrta Müsik fer dr Kerwer.


Poesie ben i, Dechtung ohna And.
Dechta, dechta,
ewigi Sehnsucht im Harz,
ewiger Schmarz,
dunkli Arwet.
Dechta bis in dr Wàhnsenn,
bis in dr Tod,
bis in d Hell,
unandlig dechta
bis in dr Hemmel,
ewiger Gottesdianscht.


TIEFES LIED VOM LEBEN 

Die Erde schläft,
die Menschen schlafen,
schwarzer, bleischwerer Schlaf. 
Sprachlos vegetieren wir


Jetzt erwache, Erde,
erwache, Mensch.
Stehen Sie auf, Poeten, Dichter aus der Heimat
und empfangt das Wort.
Hören Sie zu!
Die Wörter singen wie Vögelein im Frühjahr. 
Die Wörter blühen auf wie Blumen. 
Erwache, Muttersprache, tiefe Erdensprache.
Frisch, grün Gras ist das elsassische Reden.
Steht auf, Kinder der Heimat, Blumenkinder, Sonnenkinder,
und singt und tanzt fröhlich im Morgenlicht. 



Tausende von Stimmen erwachen in den Herzen,
Samt-Stimmen voll Freude,
raue Nacht-Stimmen voll Schmerzen,
zahllosen Stimmen für rufen, für erzählen,
für beten, für predigen, für fluchen,
Stimmen von allen Geschöpfe 
Teufel-Stimmen aus der Hölle, Narren-Stimmen,
kristalene Engel- Stimmen,
wilde Tiere-Stimmen, Stimmen vom Wind, vom Meer,
eine Welt-Synfonie die aus dem dunklen Ungrund wachst,
eine prachtvolle Gottes-Musik.
In der Stille zwischen Nacht und Tag
höre isch zu.


Poesie ist die wunderbare Macht
die leise erwacht 
in der stillsten Nacht.
Poesie ist eine innere Sonne. 
Sie keimt und wachst aus unserer Dunkelheit. 
Poesie ist Morgenrot. 
Poesie will erwecken 
und die Menschen mit Licht ernähren.



Die Vögel zwitschern am Morgen und rufe:
komm mit uns,
wir tanzen im Sommerhimmel,
wir tanzen und singen in der hochen, reinen Herrlichkeit,
ganz nahe von den Engeln.


Poesie bin ich.
Ich singe mit den Vögeln.
Ich fliege mit ihnen in der flaumleichten Luft
hoch über den Dächern und den Bäumen. 
O fliegen, o kreisen im Licht so hoch,
so ekstatisch, ganz nahe von den Engeln. 
Die Wörter sind Flügel, freie, leichte Flügel 
im Winde heiliger Begeisterung.


Poesie bin ich.
Ich singe das Leben,
das tiefe Lied vom Leben,
nebelgrau und feuerrot,
das Lied vom Leben und vom Tod,
das Lied von der heimligen Erde blau und rund  
und vom unheimligen finsteren Abgrund.

Ich singe den Psalm vom Leben.
O die Liebe wie Sonne, wie Feuer,
wie warme Wolle, wie frischer Tau.
Ich singe die Liebe mit Blumenwörter.  
Ich singe den Mann.
Ich singe die Frau.
Ich singe das Kind. 
O Gesichter, Gesichter der Menschen, rätselhaft
Gesichter und Fratzen

Mit unseren armen stolprigen Wörter,
mit unserer groben Bauer-Sprache,
singe ich die Welt 
und spaziere ganz froh
durch Stadt und Feld. 
Ich bin dort, ich bin da,
ich bin der Storck in der Luft.
Ich bin der heitere Himmel und der Duft
der Rosen und der Wurm unterm Stein.


Poesie bin ich .
Ich singe mit der ganzen  Schöpfung eins,
mit den blinzelnden Sternen,
Blüte aus der Finsternis,
mit den nebeligen Fernen, 
mit dem Mond Goldsichel die Versteckernis 
spielt hinter den Wolken,
mit den Pflanzen grünes Fest der Natur,
mit den Tieren voll stummes Staunen. 


Poesie bin ich,
tiefes Spiel mit der Sprache.
Brot und Wein für die Seele
Verklärung für den Geist
und zarte Musik für den Körper.

Poesie bin isch, Dichtung ohne End.
Dichten, dichten,
ewige Sehnsucht im Herz,
ewiger Schmerz,
dunkle Arbeit.
Dichten, dichten bis in den Wahnsinn,
bis in den Tod,
bis in die Hölle,
unendlich dichten,
bis in den Himmel,
ewiger Gottesdienst.


LE CHANT PROFOND DE LA VIE

La terre hiberne.
Les humains sommeillent.
Sombre sommeil de plomb.
Sans langue nous végétons,
mutiques, mutiques, délaissés par Dieu.

Éveille-toi, Terre !
Éveillez-vous, êtres humains !
Levez-vous, poètes, bardes du pays proche,
et accueillez le Verbe !
Écoutez !
Les mots chantent comme oisillons au printemps. 
Les mots s’épanouissent comme des fleurs.
Éveille-toi, Langue maternelle, profonde langue du terroir !
Herbe fraîche, herbe verte est le Parler alsacien.
Levez-vous, enfants du pays, enfants-fleurs, enfants-soleil,
et chantez et dansez joyeusement dans la lumière du matin.

Mille voix s’éveillent dans les cœurs,
voix soyeuses pleines de joie,
âpres voix nocturnes transies de souffrance,
innombrables voix pour appeler, pour raconter, 
pour prier, pour prêcher, pour blaspémer,
voix de toutes les créatures,
diaboliques voix d’enfer, voix de fous,
cristallines voix d’anges,
voix d’animaux sauvages, voix du vent, voix de la mer,
une symphonie universelle qui émerge du sombre sans-fond,
une magnifique musique de Dieu. 
Dans le silence entre nuit et jour,
je suis à l’écoute.
Poésie est splendide puissance
qui doucement s’éveille
en la nuit la plus silencieuse.
Poésie est soleil intérieur.
Elle germe et pousse du fond de notre obscurité.
Poésie est aurore.
Poésie veut éveiller
et nourrir les êtres de lumière.

Les oiseaux pépient le matin et appellent :
« Viens avec nous ! 
Nous dansons dans le ciel d’été,
nous dansons et chantons dans la haute, la pure splendeur
tout près des anges.
Les mots sont des ailes, des ailes libres, légères
dans le vent du saint enthousiasme.

Je suis Poésie.
Je chante la vie,
le chant profond de la vie,
grisaille nébuleuse et rougeur de feu,
chant de la vie et de la mort,
chant de la terre familière bleue et ronde
et de l’abîme ténébreux et effrayant.

Je chante le psaume de l’amour.
Ô l’amour comme soleil, comme feu,
comme laine chaude et rosée fraiche.
Je chante l’amour avec des mots-fleurs.
Je chante l’homme,
je chante la femme,
je chante l’enfant.
Ô les visages, les visages des humains, énigmatiques,
visages et faces grimaçantes,
rires et pleurs des humains,
et la joie et la peur et la colère,
et l’espérance qui toujours refleurit du fond de la perdition.
Je chante la vie, la vie humaine
si familière, si ennuyeuse, si brève, si merveilleuse, si tragique,
un éclair dans l’abîme mystérieux de l’univers.

Avec nos pauvres mots trébuchants,
avec notre rude parler paysan,
je chante le monde
et me promène tout joyeux
à travers villes et campagnes.
Je suis là-bas, je suis ici,
je suis la cigogne dans l’air.
Je suis le ciel limpide et le parfum
de la rose et le vers de terre sous la pierre.

Je suis Poésie.
Je chante à l’unisson avec toute la Création,
avec les étoiles clignotantes,
floraison des ténèbres,
avec les nébuleux lointains,
avec la lune, faucille d’or qui joue à cache-cache
derrière les nuages.
Je chante avec les eaux rêveuses,
avec les plantes fête verte de la nature,
avec les animaux remplis de muette stupéfaction.

Je suis Poésie,
jeu profond avec la langue,
pain et vin pour l’âme,
transfiguration pour l’esprit
et tendre musique pour le corps.

Je suis Poésie, vie poétique sans fin.
Poésie, poésie, éternelle nostalgie au fond du cœur,
éternel douloir,
sombre labeur.
Poésie jusqu’à la folie,
jusqu’à la mort,
jusqu’en enfer,
poétiser sans fin
jusque dans le ciel,
éternel service divin.


LITURGIE DU SILENCE

Faire silence pour écouter le silence, le dire profus du silence.
Taire le vacarme incessant des pensées, vampire mental qui dévore au dedans.

Faire silence. Doucement, graduellement, sans effort, mourant à tout effort, toute crispation, toute volonté propre.
Et s'abreuver, se nourrir de silence.
N'être plus qu'oreille, attention intense au chuchotement des choses.

Boire, boire à la source profonde, à la source la plus profonde, infiniment profonde. Originelle. Matricielle.

Faire silence. Lentement, patiemment s'ouvrir, s'offrir.

N'être plus qu'ardente humble attention, plus que pure ouïe de l'infini murmure.

Le silence parle. Avec des murmures, des babils, des gazouillis, des balbutiements. Clameur muette à l'adresse des humains qui ont des oreilles, mais qui n'entendent pas.

Le silence chante, bruissant comme soie, comme blé ployé par brise, moires murmurantes.

Le silence chante, s'ouvrant, s'amplifiant, vaste psaume, s'affinant porcelaine, fluide lave de fraîcheur.

Le silence chante, vastitude océanique précieuse comme une perle.

Le silence chante, grandiloquence de voie lactée et discrétion, fragilité d'élytre de libellule.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire