SPIEL DER SPIELE
LE LIVRE DE LA VIE
S DIAFA LIAD VUM LAWA
D Arda schloft.
D Menscha schlofa,
Schwàrzer, blejschwarer Schlof.
Sprochlos vegetiara mr,
Vrstummt, vrstummt, Gottverlo.
Jetz vrwàch, Arda!
Vrwàcha, Menscha!
Stehn uf, Poeta, Dechter üs dr Heimet,
un empfànga s Wort.
Heera züa!
D Werter senga wia Vegala im Friaïjohr.
D Werter bliahja uf wia Blüama.
Vrwàch, Müatersproch, diafa Ardasproch.
Fresch, grian Gràs esch s elsassischa Reda.
Stehn uf, Kender vu dr Heimet, Blüamakender, Sunnakender,
un senga un tànza frehlig im Morgaliacht.
Doïssigi Stemma vrwàcha in da Harza,
Sàmt-Stemma voll Fraïd,
rücha Nàcht-Stemma voll Schmarza,
zàhllosa Stemma fer riafa, fer vrzähla,
fer bata, fer prediga, fer flüacha,
Stemma vu àlla Gschepfer,
Deyfel-Stemma üs dr Hell, Nàrra-Stemma,
kreschtàlna Angel-Stemma,
welda Diarer-Stemma, Stemma vum Wend, vum Meer,
a Walt- Symphonie wu üsm dunkla Ungrund wàchst,
a pràchtvolla Gottes-Müsik.
In dr Stella zwescha Nàcht un Tàg
heer i züa.
Poesie ben i.
Poesie esch d wunderbàri Màcht
wu lieslig vrwàcht
in dr stellschta Nàcht.
Poesie esch ennra Sunna.
Si keimt un wàchst üs unsrer Dunkelheit.
Poesie esch Morgarot.
Poesie well wecka
un d Menscha met Liacht ernähra.
D Vegel zwetschra àm Morga un riafa:
kumm met uns,
mr tànza im Summerhemmel,
mr tànza un senga in dr hocha, reina Herrlichkeit
gànz nooch vu da Angel.
Ech seng met da Vegel.
Ech fliag met ehna in dr flümalichta Luft
hoch ewer da Dacher un da Bajm.
O fliaga, o kreisa im Liacht so hoch,
so ekstàtisch gànz nooch vu da Angel.
D Werter sen Flegel, freja, lichta Flegel
im Wend vu dr heiliga Begeischterung.
Poesie ben i.
Ech seng s Lawa,
s diafa Liad vum Lawa,
nawelgràï un
fierrot,
s Liad vum
Lawa un vum Tod,
s Liad vu dr
heimliga Arda blàj un rund
un vum unheimliga fenschtra Abgrund.
Ech seng dr Psàlm vu dr Liawa.
O d Liawa wia Sunna, wia Fier,
wia wàrma Wulla, wia frescha Tàï.
Ech seng d Liawa met Blüamawerter.
Ech seng dr Mànn,
ech seng d Fràj,
ech seng s Kend.
O Gsechter, Gsechter vu da Menscha, rätselhàft,
Gsechter un Fràtza,
s Làcha, s Hiela vu da Menscha,
un d Frajd
un d’Angscht un dr Wüat
un d Hoffnung wu emmer weder ufbliahjt üs dr Vrloraheit.
Ech seng s Lawa, s Menscha-Lawa
so heimlig, so làngwilig, so kurz, su wundervoll, so tràgisch,
a Bletz im geheimnisvolla Abgrund vu dr Walt.
Met unsra àrma, stolpriga Werter,
met unsrer growa Büra-Sproch,
seng i d Walt
un spàziar gànz froh
duch Stàdt un Fald.
Ech ben dert, ech ben do,
ech ben dr Storck in dr Luft.
Ech ben dr heitra Hemmel un dr Duft
vu da Rosa un dr Wurm unterm Stei.
Poesie ben i.
Ech seng met dr gànza Schepfung eins,
met da blenzenda Starna,
Blüascht üs dr Fenschternis,
met dr nawliga Farna,
met dem Mond Goldsechel wu Vrsteckernis
speelt henter da Wulka.
Ech seng met dm tràjmenda Wàsser,
met da Pflànza grian Fascht vu dr Nàtür,
met da Diarer voll stummes Stühna.
Poesie ben i,
diafes Speela met dr Sproch,
Brot un Wie fer d Seela,
Vrklärung fer dr Geischt
Un zàrta Müsik fer dr Kerwer.
Poesie ben i, Dechtung ohna And.
Dechta, dechta,
ewigi Sehnsucht im Harz,
ewiger Schmarz,
dunkli Arwet.
Dechta bis in dr Wàhnsenn,
bis in dr Tod,
bis in d Hell,
unandlig dechta
bis in dr Hemmel,
ewiger Gottesdianscht.
LE CHANT
PROFOND DE LA VIE
La terre hiberne.
Les humains
sommeillent.
Sombre
sommeil de plomb.
Sans langue
nous végétons,
mutiques,
mutiques, délaissés par Dieu.
Éveille-toi,
Terre !
Éveillez-vous,
êtres humains !
Levez-vous,
poètes, bardes du pays proche,
et
accueillez le Verbe !
Écoutez !
Les mots
chantent comme oisillons au printemps.
Les mots
s’épanouissent comme des fleurs.
Éveille-toi,
Langue maternelle, profonde langue du terroir !
Herbe
fraîche, herbe verte est le Parler alsacien.
Levez-vous,
enfants du pays, enfants-fleurs, enfants-soleil,
et chantez
et dansez joyeusement dans la lumière du matin.
UNSPRACHE
ich kann nicht
sprechen
alles dunkel
Sonnennacht
Nachtsonne
Nebel
ich bin das ewige
Kind
Infans
ich zottere
wo das Leben ?
schon sterbe ich
schon versinke ich
im Ozean des Nichts
ist am Ende das Wort ?
ist am Ende
Gott ?
NON-LANGUE
je ne peux parler
tout est sombre
soleilnuit
nuitsoleil
brouillard
je suis l’éternel enfant
infans
je bégaie
où est la vie ?
déjà je meurs
déjà je sombre dans l’océan du néant
à la fin y a-t-il la Parole ?
à la fin y a-t-il Dieu ?
POÉSIE
DAS BLAUE BORDELLHAUS
Dunkle Bäume schlafen
um das blaue Bordellhaus
am Rande der Stadt.
Alles ist unendlich einsam
in der Sonne der Misere.
Der Hunger brennt.
Und hinter der Mauern
schlummern die Frauen.
Dunkle Bäume schlafen
um das blaue Bordellhaus
am Rande der Stadt.
Alles ist unendlich einsam
in der Sonne der Misere.
Der Hunger brennt.
Und hinter der Mauern
schlummern die Frauen.
LE BORDEL BLEU
Des arbres sombres dorment
autour du bordel bleu
en bordure de la
ville.
Tout est infinie
solitude
sous le soleil de la
misère.
La faim brûle.
Et derrière les murs
sommeillent les
femmes.
La poésie est la part intraduisible de chaque langue.
Poesie ist das unübersetzbare Teil jeder Sprache.
CHANT DU TOTAL AMOUR
NOUVEAU CANTIQUE DES CANTIQUES
NEUES HOHELIED DER GANZEN LIEBE
HOCHLIAD VU DR GANZA LIAWA
(Poésie trilingue)
Mon amant est pour moi un sachet de myrrhe,
Entre mes seins il passera la nuit…
(Bible, Chant des Chants)
L'amour est à réinventer (Rimbaud)
L'amour est à réinventer (Rimbaud)
CHANT DES
DÉSIRS
Je voudrais t'aimer herbe odorante de songe
Je voudrais t'aimer brume amoureuse du vent
Je voudrais t'aimer soir qui sur les prés s'allonge
Je voudrais t'aimer terre et être ton tourment
Je voudrais t'aimer glaise onctueuse et nocturne
Je voudrais t'aimer île exultante d'oiseaux
Je voudrais t'aimer svelte et fraîche comme une urne
Je voudrais t'aimer mer et fondre dans tes eaux
Je voudrais t'aimer braise au milieu de la neige
Je voudrais t'aimer fraise à l'orée d'un bosquet
Je voudrais t'aimer louve anxieuse prise au piège
Je voudrais t'aimer biche et être ta forêt
Je voudrais t'aimer pure en des pays de palmes
Je voudrais t'aimer nue sous un ciel orageux
Je voudrais t'aimer tiède au fond d'un jardin calme
Je voudrais t'aimer noire et rouge tel le feu
Je voudrais t'aimer fille affamée de viol
Corps suave s'offrant aux fauves convoitises
Je voudrais t'aimer chair obscène humide et molle
Chue dans la bourbe sombre au fond de caves grises
ICH MÖCHTE DICH LIEBEN REIN IN PALMENLÄNDERJe voudrais t'aimer herbe odorante de songe
Je voudrais t'aimer brume amoureuse du vent
Je voudrais t'aimer soir qui sur les prés s'allonge
Je voudrais t'aimer terre et être ton tourment
Je voudrais t'aimer glaise onctueuse et nocturne
Je voudrais t'aimer île exultante d'oiseaux
Je voudrais t'aimer svelte et fraîche comme une urne
Je voudrais t'aimer mer et fondre dans tes eaux
Je voudrais t'aimer braise au milieu de la neige
Je voudrais t'aimer fraise à l'orée d'un bosquet
Je voudrais t'aimer louve anxieuse prise au piège
Je voudrais t'aimer biche et être ta forêt
Je voudrais t'aimer pure en des pays de palmes
Je voudrais t'aimer nue sous un ciel orageux
Je voudrais t'aimer tiède au fond d'un jardin calme
Je voudrais t'aimer noire et rouge tel le feu
Je voudrais t'aimer fille affamée de viol
Corps suave s'offrant aux fauves convoitises
Je voudrais t'aimer chair obscène humide et molle
Chue dans la bourbe sombre au fond de caves grises
Je voudrais t’aimer vierge avec perversité.
Je voudrais t‘aimer sainte en te léchant le sexe.
Je voudrais t’aimer pure avec obscénité.
Je voudrais t’aimer ange et pécher sans complexe
Je voudrais t'aimer douce entourée d'enfants fous
Je voudrais t'aimer folle hallucinée d'un dieu
Je voudrais t'aimer sainte annonçant Christ aux loups
Je voudrais t'aimer sage auprès d'un chien très vieux
Je voudrais t'aimer pauvre et misérable chose
Abandonnée de tous dans l'ordure et le froid
Je voudrais t'aimer seule en ta détresse enclose
Tu ne serais que cri clameur de désarroi
Je voudrais t'aimer douce entourée d'enfants fous
Je voudrais t'aimer folle hallucinée d'un dieu
Je voudrais t'aimer sainte annonçant Christ aux loups
Je voudrais t'aimer sage auprès d'un chien très vieux
Je voudrais t'aimer pauvre et misérable chose
Abandonnée de tous dans l'ordure et le froid
Je voudrais t'aimer seule en ta détresse enclose
Tu ne serais que cri clameur de désarroi
ICH MÖCHTE DICH LIEBEN SCHWARZ UND ROT WIE DAS FEUER
donne-moi ton parfum afin que je me grise
donne-moi ta chair chaude afin que je m'enlise
donne-moi tes péchés afin que je les crie
donne-moi ta lumière afin que j'irradie
donne-moi ta langueur afin que je m'y baigne
donne-moi ta candeur afin que je la saigne
donne-moi ta chair chaude afin que je m'enlise
donne-moi tes péchés afin que je les crie
donne-moi ta lumière afin que j'irradie
donne-moi ta langueur afin que je m'y baigne
donne-moi ta candeur afin que je la saigne
donne-moi ton désir afin que je l'enflamme
donne-moi ton absence afin que je m'affame
donne-moi ta luxure afin que je me damne
donne-moi ta douleur afin que je la clame
donne-moi ta nuit blanche afin que je caresse
donne-moi ton aurore afin que je renaisse
GIB MIR DEINE SÜNDEN DASS ICH SIE AUSSCHREIE
GIB MIR DEINEN SCHMERZ DASS ICH IHN HEULE
IM LAND DEINER AUGEN IST DIE NACHT SOUVERÄN
IM LAND DEINES MUNDES BLÜHEN DIE KÜSSE
JAHRESZEITEN DER LIEBE
UND ZEITEN DES VERGESSENS
AU PAYS DE L'AMOUR
Au pays de tes yeux la nuit est souveraine
au pays de tes joues des roses brûlent doux
au pays de ta bouche éclosent les baisers
au pays de ta gorge un cygne resplendit
Au pays de tes yeux la nuit est souveraine
au pays de tes joues des roses brûlent doux
au pays de ta bouche éclosent les baisers
au pays de ta gorge un cygne resplendit
IM LAND DEINER AUGEN IST DIE NACHT SOUVERÄN
IM LAND DEINES MUNDES BLÜHEN DIE KÜSSE
COMPLAINTE DES JOURS D'AMOUR DES NUITS
D'ORAGE ET
AUTRES LAPS DE TEMPS
AUTRES LAPS DE TEMPS
Il y a des jours, il y a des nuits,
tendres saisons et temps maudits.
tendres saisons et temps maudits.
Il y a de limpides aurores;
fraîches les vierges les amphores.
fraîches les vierges les amphores.
Il y a parfois des matins vastes
où les regards éclosent chastes.
où les regards éclosent chastes.
Il y a de lentes journées pâles;
douceur des rêves et des châles.
douceur des rêves et des châles.
Il y a de souverains midis;
on étreint nu le feu de vie.
on étreint nu le feu de vie.
Il y a des hauts moments de fièvre
quand l'aveu fou brûle les lèvres.
quand l'aveu fou brûle les lèvres.
Il y a des soirs, langueurs de brume,
où les cœurs saignent d'amertume.
où les cœurs saignent d'amertume.
Il y a de lourds laps de colère
parmi les fadeurs ménagères.
parmi les fadeurs ménagères.
Il y a des nuits, moments de rage
où les corps hurlent dans l'orage.
où les corps hurlent dans l'orage.
Il y a des nuits rouges de crime;
l'amour y côtoie les abîmes.
l'amour y côtoie les abîmes.
Il y a des nuits sombres déserts,
chambres closes pour solitaires.
chambres closes pour solitaires.
Il y a des ères de détresse
dans les ruines de la Promesse.
dans les ruines de la Promesse.
Il y a des ans s'effilochant
dans la fugacité des vents.
dans la fugacité des vents.
Il y a des jours, il y a des nuits
saisons d'amour et temps d'oubli.
saisons d'amour et temps d'oubli.
ES GIBT FINSTRE ÖDE NÄCHTE
GESCHLOSSENE ZIMMER FÜR EINSAME JAHRESZEITEN DER LIEBE
UND ZEITEN DES VERGESSENS
IM DIAFA BLAÏA WALD
Wit vu da Derfer, vu da fenschtra Gotteshieser, vum gràïa Alltàg, gràïa Schufta,
tràïma d Maïdla im diafa blàïa Wàld,
wissa duchsechtiga Kerwer wia Angel henter da rota welda Rosa.
Maïblüama bliaïa zwescha da schlànka Bei im frescha Gràs .
Blutt sen d Maïdla im kiahla Summerwend,
Wàldfeea met
Blüamakransla uf da goldiga Locka.
Si tànza so flenk
un senga luschtig vu Schmatterleng umga.
Blutt stehn d
Büawa henter da Baïm
un wàrta voll
Luscht, Furcht, Ungeduld im griana Schàtta,
medla in da
Brennesla, Pfaffermenz, Blendschlichla,
d Hand vor ehra
Schàmteila.
Blutt lega jetz d
unschuldiga Kender, d Maïdla un d Büawa, ufm weicha Moos
un schmüsa un
schmutza sech un umàrma sech.
Jetz brenna d
fieriga Kerwer Leib àn Leib henter da rota Rosa im diafa blàïa Wàld.
As esch s Fascht
vu dr Liawa met Fleisch un Seela.
D stella Diarer
lüaga züa met stühnenda Aïga.
D Vegala schwiega
im Làïb wu Geischter naschta.
D Pflànza un d
Baïm hera àndachtig züa met hocher Rüaïh wia si schreïa, d Liawenda, wia si
glucksa un stöhna vor seliger Freid, vor siassem fleischlichem Genuss,
d Bessassene vum Liaweswàhn.
S esch dr
Bàràdies uf dr Arda voll Sunna un Wolluscht.
Jetz erhewa sech
làngsàm d Liawesparla in dr Luft
un schwawa wia
Liachtgstàlta im ufena Hemmel
hoch ewer d
Baïmwepfel.
Si fliaga wia
Vegel ewr Wiesa un Wàsser
un vergehn im
Hemmelblàï,
im Goldglànz vum
ewiga Summer.
DANS LA
PROFONDE FORÊT BLEUE
Loin des mornes cités, du béton et de l’asphalte, loin des sinistres maisons de Dieu, de la grisaille quotidienne, loin des usines et des grandes surfaces, loin du monotone turbin,
les filles rêvent dans la profonde forêt bleue,
corps diaphanes comme des anges derrière les roses sauvages
rouges.
Des muguets fleurissent dans l’herbe fraîche entre
leurs jambes sveltes.
Elles sont nues les filles dans la tiède brise d’été,
nymphes aux boucles d’or couronnées de fleurs.
Elles dansent souples lianes et chantent gaiement
environnées de papillons.
Les garçons se tiennent nus derrière les arbres et attendent
frémissant de désir, de peur, d’impatience dans l’ombre verte, au milieu des
orties, de la menthe, des orvets, les mains devant les parties honteuses.
Peu après ils sont couchés nus les enfants innocents,
garçons et filles, sur la mousse tendre, flirtant et se bécotant et
s’embrassant.
Maintenant les corps incandescents brûlent chair à chair
derrière les roses rouges dans la profonde forêt bleue.
C’est la fête de l’amour corps et âmes.
Les bêtes silencieuses ouvrent de grands yeux étonnés.
Les oiseaux se taisent dans les feuillages où nichent les
esprits.
Les plantes et les arbres en profond recueillement
silencieux écoutent crier les êtres d’amour, gémir et glousser
de joie béatifique, de jouissance charnelle, les possédés de la folie
d’aimer.
C’est le paradis sur terre irradiant de soleil et de
volupté.
Maintenant les couples amoureux s’élèvent lentement en
l’air et planent dans le ciel ouvert comme des êtres de lumière loin au-dessus
de la canopée.
Ils volent comme des oiseaux au-dessus des prés, des étangs,
des rivières et se dissolvent dans le bleu du ciel,
dans la splendeur d’or de l’éternel été.LITANIE DU VAGIN
Gloire à toi vagin
cœur du jouir
motte des suavités
cavité secrète que préserve la virginité
des jeunes filles vêtues de candeur et couronnées de
fleurs
jardin des délices
porte de jade
porte de jade
sainte vulve
demeure des mystères de la conception et des émois de la gestation
demeure des mystères de la conception et des émois de la gestation
noble vase de vie
vallon de douceur veloutée
vallée velue des vertiges voluptueux
flou triangle sombre derrière la gaze transparente des
danseuses
objet des désirs fous des hommes
buisson ardent
bouche d'ombre
origine du monde
gloire à toi clitoris
rosebud
bouton de rose
minuscule bouton de chair de divine sensibilité
à manier avec un tact de haute délicatesse
BOUTON DE ROSE ENTRE LES LÈVRES CHARNUES DU VAGIN
ROSEBUD
GÖTTLICHER ROSENKNOSPE ZWISCHEN DEN LIPPEN DER VAGINA
FLEUR DE
NUIT
fleur sombre
fleur de nuit chaude humide
fleur de feu
de fange
fleur de douce débauche
bouche de chair noire
antre cachée
au milieu des collines de tendresse
trou rouge où s’engouffre
la rage âpre de jouirDUNKLE BLUME
BLUME DER NACHT
HEISSE FEUCHTE NACHT
NACHT DER VERBOTENEN LIEBE
IM BLEICHEN LICHT DES BLINDEN MOND
NUIT DES AMOURS INTERDITES
DANS LA BLAFARDE CLARTÉ DE LA LUNE AVEUGLE
MUND VON UNTEN BOUCHE D'EN BAS
MUND DES SCHWARZEN FLEISCH
Ô LUST NACH DIR FLEISCH DER DUNKLEN SÜNDE
Ô DÉSIR DE TOI CHAIR DU SOMBRE PÉCHÉ
LES ROSES BRÛLENT
DANS LA NUIT
NUIT DU
DÉSIR
ROSES NOIRES
SOMBRES ERRANCES CRIMES DE DOUCEUR
DANS
L’INFERNAL PARADIS DE LA CHAIR
DIE ROSEN BRENNEN IN DER NACHT
DIE ROSEN BRENNEN IN DER NACHT
NACHT DER LUST
SCHWARZE ROSEN
SCHWARZE ROSEN
L'ÂME DES SAISONS
WENTER
S Hisala schrumpft sech zamma
unterm kàlta Wenterwend.
Dr Schnee tànzt àn da Fanschter.
D kàlta Schiewa hiela.
Um s Hüs wàndra gràïa Gschpanschter.
D Welf hert ma briala in dr Wita.
S Hisala schrumpft sech zamma
unterm kàlta Wenterwend.
Dr Schnee tànzt àn da Fanschter.
D kàlta Schiewa hiela.
Um s Hüs wàndra gràïa Gschpanschter.
D Welf hert ma briala in dr Wita.
HIVER
La maisonnette se
pelotonne sur elle-même
sous le vent froid
d’hiver.
La neige danse aux
croisées.
Les vitres froides
pleurent.
Des spectres gris
errent autour de la maison.
Au loin on entend
hurler les loups.
"WINTER UNDER CULTIVATION
IS AS ARABLE AS SPRING."
(EMILY DICKINSON)
"L'Hiver pourvu qu'on le cultive
Est aussi arable que le printemps."
L’ÉPOPÉE HUMAINE
ELSASSISCHER
GOLGOTHA
Jetz steht dr Barg
met sim hocha Kritz ewer d Ewena.
Jetz esch Stella,
unandligi Stella ewerem Barg.
A Stella wia na
verstummter Schreï vu doïsiga Geopferta,
a roter, schwàrzer
Schreï wu üsm Blüatbarg brialt, üsm dunkla Harz vu dr Arda.
Jetz steht dr Barg
in dr riawiga Stella,
dr Barg met dr
verwundeta Nàtür,
dr Barg vum vruckta
Morda, vum Schrecka, vum Hunger, vum Durscht,
dr Barg vum Schmarz un vum Tod.
Ja, do owa han se
sech gschlàchta wia welda Tiarer
in da Schetzagrawa, in da Lecher, im Drack, in
dorniger Weldnis un Stàcheldroht.
In Nàcht un Nawel,
im Raga, im Schnee, under isiga Sterna un brennenda Hemmel,
han si gekampft, wia Gschpanschter, d
gehelmta, gestefelda Soldàta,
met Flenda, Grànàta, Baïonnetta, Masser.
In da Unterstand
han se sech verkrocha
underm heftiga
Trummel-Fier vu da Kànona.
Do owa verlora in
dr Hell han si gwàrta uf Erlesung vum
unmenschliga Ewel.
Si han gwàrta uf
Freeda oder Verdàmnis.
Gwàrta han si un
verzwiefelt.
Do owa ufm buckliga
Gepfel esch si gekritzigt wora,
d Jugend üs
Ditschlànd un Frànkrich.
Do owa ufm riesiga
Totakopf üs Felsa un Wurzla
esch si verblüata, d flàmmenda Jugend.
Do esch si umgebrocht wora, do esch si gstorwa
in Schlàmm un Fülnis,
in
Gottes Nàcht, ohna Gebat, ohna Psàlm, ohna Gnàda.
Jetz steht dr Barg
met sim hocha Kritz wu Chreschtüs fahlt.
Ufm elsassischa
Golgotha, in dr versprangta Fenschternis, in dr verressena Stella,
Esch
Gottesdämmerung, esch Walt-Untergàng gse.
Ufm elsassischa
Golgotha, under Stàhlgwetter, underm
blüatiga Hemmel,
esch Gott gstorwa.
GOLGOTHA
ALSACIEN
Maintenant
la montagne se dresse au-dessus de la plaine avec sa croix altière.
Maintenant
le silence, l’infini silence règne au-dessus de la montagne.
Un silence
comme la clameur muette de milliers de victimes, une clameur rouge, noire qui
hurle hors de la montagne de sang, hors des entrailles sombres de la terre.
Maintenant
la montagne se tient dans un calme paisible, la montagne meurtrie,
la montagne
de la folle tuerie, de la terreur, de la faim, de la soif, la montagne de la
souffrance et de la mort.
Oui là-haut
ils se sont massacrés comme des bêtes féroces dans les tranchées, dans les
trous, la fange, les ronces, les torsades de barbelés.
Entre nuit et brouillard, dans la pluie, dans la neige, sous
les constellations glaciales, sous les cieux brûlants, ils se sont battus
jusqu’à l’absurde, comme de sombres spectres d’horreur, les guerriers casqués,
bottés, avec fusils, grenades, baïonnettes, couteaux.
Ils se sont
terrés dans les souterrains sous le feu roulant des canons.
Perdus
là-haut en enfer ils attendaient d’être délivrés du Mal inhumain.
Ils
attendaient la paix ou la damnation insensée.
Ils ont
attendu et ils ont perdu l’espoir.
Là-haut sur
le sommet bossu, elle a été crucifiée, la jeunesse de France et d’Allemagne.
Là-haut sur
le crâne gigantesque de rocs et de racines, elle a versé son sang, la
flamboyante jeunesse d’Europe.
Là-haut elle a été systématiquement décimée, la génération
livrée à l’effroyable sacrifice; là-haut elle a péri dans la bourbe et la
pourriture, dans la nuit de Dieu, sans prière, sans psaume, sans grâce.
Maintenant
la montagne s’élève avec son immense croix sans Christ.
Sur le
Golgotha alsacien, dans les ténèbres fracassées, dans le silence lacéré, est
advenu le crépuscule de Dieu, l’apocalypse du monde.
Sur le Golgotha alsacien, parmi les orages d’acier, sous les
effroyables cieux de sang, Dieu est mort.
ELSÄSSISCHER GOLGOTHA
Jetzt erhebt sich der Berg mit seinem hochen Kreuz über
der Ebene.
Jetzt ist Stille, unendlige Stille über dem Berg.
Eine Stille wie ein verstummter Schrei von tausenden Geopferte, ein purpurner,
schwarzer Schrei der aus dem Blutberg, aus dem dunklen Herz der Erde brüllt.
Jetzt steht der Berg in friedlicher Ruhe, der Berg mit
der verwundenen Natur, der Berg des verückten Mordens, des Schreckens, des
Hungers, des Dursts, der Berg vom Schmerz und vom Tod.
Ja, da oben haben sie sich geschlachtet wie wilde Tiere
in den Schützengraben, in den Löcher, im Dreck, in dorniger Wildnis und
Stacheldroht.
Zwischen Nacht und Nebel, im Regen, im Schnee, unter
eisigen Gestirne und brennenden Firmamente, haben sie gekämpft wie dunklen
Horror-Gespenster, bis ins Absurden, die gehelmte, gestifelte Krieger, mit
Flinten, Granaten, Bajonetten, Messer.
In den Unterstände haben sie sich verkrochen unterm
heftigen Trommelfeuer der Kanonen.
Dort oben verloren in der Hölle haben sie gewartet auf
Erlösung vom unmenschlichen Übel. Sie haben gewartet auf Frieden oder unsinnige
Verdammnis.
Gewartet haben sie und verzweifelt.
Dort oben auf dem buckligen Gipfel ist sie gekreuzigt
worden die Jugend aus Frankreich und Deutschland.
Dort oben auf dem riesigen
Totenkopf aus Felsen und Wurzeln ist sie verblutet, die flammende Jugend
Europas. Dort ist sie umgebracht worden, die Generation des ungeheuren
Opfers ; dort ist sie verschwunden in Schlamm und Fäulnis, in Gottes
Nacht, ohne Gebet, ohne Psalm, ohne Gnade.
Jetzt steht der Berg mit seinem mächtigen Kreuz wo
Christus fehlt.
Auf dem elsässischen Golgotha, in der versprengten
Finsternis, in der verrissenen Stille,
ist Gottesdämmerung,ist Weltuntergang gewesen.
Auf dem elsässischen Golgotha, unter Stahlgewitter, unter
grauenvollem blutigem Himmel,
ist Gott gestorben.
EUROPÄISCHES
REQUIEM
Sie strecken sich
aus, die Soldatenfriedhöfe, über ganz Europa,
unendliche Felder
mit den Gräber der unzähligen Gefallenen,
Friedenfelder nach den blutigen
Schlachtfelder,
Frieden Gottes oder
Frieden des Vergessens
des menschlichen Wahnsinns bis zum nächsten
Sündenfall.
Sie schlafen, die
Krieger von damals, die Helden
der Weltkriege, des
dreissigjährigen Kriegs, des hundertjährigen Kriegs.
Sie schlafen tief, die Deutschen, die
Franzosen, die Engländer,
die Italiener, die
Russen, die Amerikaner, die Afrikaner, die vergessene Soldaten aller Kriege.
In der Erde Europas
schlafen sie, die Millionen von geopferten jungen Menschen,
die geschlachtete
Jugend von überall.
REQIEM AETERNAM
DONA EIS, DOMINE ! HERR, GIB IHNEN DIE EWIGE RUHE !
Satt haben jetzt
die Völker mit dem Brüllen der Barbaren,
mit dem ewigen
heillosen Morden,
mit den seelenlosen
Trümmerhaufen und Leichenhaufen der Weltgeschichte.
Satt haben die Völker mit den Tagen des Zorns,
mit den Tagen des Wehens.
DIES IRAE, DIES ILLA.
Kinder streuen
weisse Rosen über die Massengräber.
Jungen singen
Choräle und umarmen sich.
Eine Stimme spricht
aus der Stille : Europa, Europa, vergiss nie
deinen alten
tausenjährigen Wahnsinn, deine ungeheuren Sünden,
vergiss nie die
Millionen von niedergemetzelten Menschen, die sinnlosen Zerstörungen.
Vergiss nie :
es war Schrecken, Schmerz, Sterben ; es war Apokalypse.
Nein, nie wieder
Krieg, nie wieder Krieg ! rufen die Kinder aller Nationen Europas,
nie wieder
teuflischer Wahn, höllischer Horror, nie wieder die Hölle auf Erden!
Armeen von Toten
stossen stumme Schreien aus über den endlosen Schlachthof Europa
vom Atlantik bis zum Ural, Kontinent des
Übels, gemeinsames Vaterland.
Die Gespenster der
Toten stöhnen und heulen in der Finsternis underm bleichen Mond.
REQUIESCANT IN
PACE !
O HERR, LASSE SIE
RUHEN IN FRIEDEN !
REQUIEM EUROPEEN
Ils s’étendent à
travers toute l’Europe, les cimetières militaires, champs infinis de tombes des
multitudes de soldats morts dans la géhenne guerrière, champs de paix après les
sanglants champs de bataille, paix de Dieu ou paix de l’oubli de la folie
humaine en attendant la prochaine chute calamiteuse au fond de l’horreur
démentielle.
Ils dorment, les guerriers de jadis, les
combattants des Guerres mondiales, de la Guerre de trente ans, de la Guerre de
cent ans.
Ils dorment
profondément, les Français, les Allemands, les Anglais, les Italiens, les
Russes, les Américains, les Africains, soldats oubliés, soldats inconnus de
toutes les guerres.
Ils dorment d’un lourd
sommeil dans la terre d’Europe, les millions de jeunes hommes sacrifiés, la jeunesse massacrée de partout.
REQUIEM AETERNAM DONA
EIS, DOMINE.
Seigneur, donne-leur
le repos éternel.
Maintenant les peuples
en ont assez avec les hurlements barbares, avec les sempiternelles tueries sans
merci, avec les amas de ruines désolées et les amoncellements de cadavres de
l’Histoire mondiale, Hystérie planétaire insensée, Loi de meurtre.
Ils en ont assez, les
peuples, avec les jours de rage et les jours d’abîme.
DIES IRAE, DIES ILLA.
Des enfants jonchent
les fosses communes de pétales de roses blanches.
Des adolescents de
plusieurs nations chantent des chorals et puis s’enlacent pacifiquement.
Une voix s’élève dans
le silence: « Europe, Europe, n’oublie jamais ton immense folie
millénaire, tes péchés monstrueux, n’oublie jamais les millions de morts
absurdes, les destructions catastrophiques. N’oublie jamais ces temps de
terreur, de douleur, de massacre, ces jours d’apocalypse. »
Non, plus jamais la
guerre, plus jamais la guerre ! s’exclament les enfants de toutes les nations
d’Europe, plus jamais l’enfer sur terre !
Des armées de morts
sortent des tombes la nuit et émettent des clameurs muettes à travers le vaste
abattoir Europe, de l’Atlantique jusqu’à l’Oural, continent du Désastre,
tragique patrie commune.
Les spectres des morts
font entendre longuement de lugubres gémissements sous la lune livide.
REQUIESCANT IN
PACE !
ALSACE
NARRAGONIA
S Elsàss esch a Nàrralànd,
S
Lànd vum Hàns im Schnoggaloch, vu dr ewiga Unfreedaheit. Wàs mr han dàs
wan mr net un wàs mr wan dàs han mr net. Wenn Sunna schient wan mr Raga, wenn s
ragend wan mr Sunna. Wenn
s Elsàss sech kàt vereiniga wan mr zwei bliewa, Ower- un Unter-Elsàss; wenn mr
zwei sen wan mr a einziges Elsàsslànd.
S Elsàss esch a Niamàndslànd,
SLànd wu sech d Iwohner emmer weder froga: wer sen mr
denn? Frànzosa? Ditscha? Alemànna? Europäer? Mr sen net im Ennra. Im Ennra vu
wàs? Wu sen mr denn? Emmer sen mr àm Rànd. Ràndmenscha, Zweschamenscha, zwescha
Ditschlànd un Frànkrich, zwescha Norda un Süda. Unsri eigena Sproch, unser
Gedachtnis, unser Harz han mr schu làng vererrt.
S Elsàss esch a Putzfummellànd.
Mr faga, mr rüüma uf, mr wascha, mr putza. Alles müass süfer se. Ordnung,
Ordnung esch s hàlwa Lawa, àwer oï dr hàlwa Tod. Mr lawa emmer mehr in ra
betoniarte, àbgràsiarte Làndschàft, un oï emmer mehr in ra versoïta Nàtür. Soll
dàs heissa dàs dr Ordnungswàhn oï a gwessa Todeswàhn esch?
S Elsàss esch a gross Disneylànd,
a wites Ecomusée, a Art Schlàràffalànd, Heimet vum Kugelupf, Sürkrüt,
Riesling, vu da kentschliga Storcka un da Garta-Zwarga, vu da Wianachtsmarkta
un da Labküacha-Hieser, vum scheena Schien un owerflachliga Spàss.
S Elsàss esch a Jàmmertal.
Mr jommra, mr handla ewer àlles un ewer nix, ewer d Walscha, ewer d
Schwowa, ewer d Schwitzerlöli, ewer d Aràwer un d Ziginer, ewer s kàlta Watter,
ewer d Hetz, ewer s diera Lawa, d Regiarung,
rüahïlos ewer àlles un nix. Els-Hàss-Lànd werd mankmol unsri Heimet met
unsra schrecklicka anga Gedànka, met unserm Hàss vu da Andra, d Hargloffena,
dia wu a betzi dunkel sen, a betzi drackig, a betzi unheimlig un a betzi stenka
wenn mer, d güata Elsasser, so süfer, so
àstandig sen unter uns.
S Elsàss esch a Nàrrascheff.
Im
Delirium vum moderna Haschta han mr unser Geischt verlora. Verlofa han mr uns
in da Bànka, in da Supermarkta, in da Fàwereka, uf da Autobàhna, uf da Flughàfa.
Mr sen àlli ufm Nàrrascheff vum Sebastian Brànt igscheft un fàhra noch
Nàrragonia, d Unheimet vum totàla Wàhn wu d hohla Fàsenàchts-Màska met dem Tod
tànza.
Werd
àlles anda met ra fàwelhàfta Wàlpurgisnàcht um Fassena, met m a grossàrtiges
Fierwark ewer d gànza Ewena zwescha Vogesa un Schwàrzwàld? Werd àlles àm And
zum Teïfel geh? Kàt s Nàrrascheff noch umkehra?
L’Alsace est un pays de fous,
le
pays du HANS IM SCHNOGGALOCH Jean dans le trou de moustiques, pays de
l’éternelle insatisfaction. Ce que nous avons nous ne le voulons pas et ce que
nous voulons nous ne l’avons pas. Quand le soleil brille, nous voulons de la
pluie, quand il pleut nous voulons du beau temps. Quand l’Alsace pourrait
s’unir, nous voulons rester deux, Haute-et Basse-Alsace. Quand nous sommes
deux, nous voulons une Alsace unifiée.
L’Alsace est un No-mans-land,
le
pays où les habitants se demandent toujours: mais qui sommes-nous? Des
Français? Des Allemands? Des Européens? Des Alamans? On n’est pas de
“l’intérieur”. L’intérieur de quoi?
Où
sommes-nous en fin de compte? Toujours au bord, gens des bords, gens d’entre
les deux, entre Allemagne et France, entre Nord et Sud. Notre propre langue,
notre propre mémoire, notre coeur, nous les avons égarés depuis longtemps.
L’Alsace
est un pays maniaque de nettoyage.
On
balaie, on range, on lave, on nettoie. Tout doit être propre. L’ordre est la
moitié de la vie, mais aussi la moitié de la mort. On vit de plus en plus dans
un paysage bétonné, rasé et aussi dans une nature de plus en plus souillée.
Cela signifie-t-il que l’obsession de l’ordre est aussi pour une bonne part
pulsion de mort?
L’Alsace
est un grand Disneyland,
un
immense écomusée, une sorte de pays de Cocagne, la patrie du kouguelopf, de la
choucroute, du riesling, des cigognes artificielles et des nains de jardin, des
marchés de Noêl, des maisons en pain d’épices, de la belle apparence et du
divertissement superficiel.
L’Alsace est une vallée de larmes.
Nous nous plaignons, nous rouspetons sur
tout et sur rien, sur les Welsches, sur les Boches, sur les Ptits Suisses, sur
les Arabes et les Tziganes, sur le coût de la vie, sur le gouvernement, sur le
mauvais temps, sur la canicule, sans
répit sur tout et sur rien. Alsa-xenophobia-land devient parfois notre patrie
avec nos pensées terriblement étroites et notre hostilité envers les
venus-d’ailleurs, ceux qui sont un peu basanés, un peu sales, un peu louches et
qui puent un peu alors que nous autres, les bons Alsaciens, nous sommes si
propres et si corrects entre nous .
L’Alsace est une Nef des fous.
Nous nous sommes perdus dans le délire
de la fièvre moderne. Nous nous sommes égarés dans les banques, les
supermarchés, les usines, sur les autoroutes, les aéroports. Nous sommes tous
embarqués sur la Nef des fous de Sebastian Brant et nous naviguons vers
Narragonie, la Dystopia de la totale folie où les masques vides de Carnaval
dansent avec la Mort.
Tout va-t-il se terminer à la fin par
une fabuleuse nuit de Walpurgis autour de Fessenheim, avec un grandiose feu
d’artifice au-dessus de toute la plaine entre Vosges et Forêt Noire? Tout à la
fin va-t-il aller au diable? La Nef des fous ne peut-elle plus rebrousser
chemin?
ALSACE-NARRAGONIE
Alsace-Narragonie
Nef des fous
pays
d’éternelle insatisfaction
de profonde amnésie
d’identité
incertaine
province d’entre les deux
Germania et Gaule
Bochie et Welchie
HEIL
HITLER VIVE LA FRANCE
ICI
COMMENCE LE PAYS DE LA LIBERTÉ
RAUS MIT
DEM WELSCHEN PLUNDER
dehors avec
la vêture franchouillarde
C’EST CHIC
DE PARLER FRANÇAIS
fini avec le
halsacien ce bredouillis paysan
Schissland
Merdurie
cauchemar
folklorique gastronomique
QUE NOTRE
ALSACE EST BELLE
AVEC SES
FRAIS VALLONS
avec ses
bourgades bien astiqués
Inferno vu dr
Ordnung enfer de l’ordre
névrose
obsessionelle de propreté de rangement
aux
dimensions d’une province
villages proprets au
fleurissement géométrique
Alsace du gentil Hansi
géhenne du géranium
Elshass
Alsa-xenophobia-land
pays de haine xenophobe
soï Polàcka Polàcka Schmàlz drackiga
Tschingala
drackiga
stenkenda Tziginer
cochons de Polaks Polaks
bouffeurs de saindoux
sales Ritals
Tziganes crasseux puants
Juda-Hàss
haine des Juifs
ça pue l’ail
on va brûler
le Juif derrière l’église
Djihad El
Shass
Halal Halal Halalsassland
Hopla Hopla Hoplalala
assez avec ces
basanés ces enturbanés ces voilées
mort aux
Arabes aux Nègres
l’Alsace aux
Fralsaciens aux Alamans
HEIL
HITLER VIVE LA FRANCE
QUOI! DES
COHORTES ETRANGERES
FERAIENT LA
LOI DANS NOS FOYERS!
pays des invasions des
guerres des annexions
immense
champ de bataile Todeszone
zone de mort
Hartmannswillerkopf 30000 morts
Struthof 25000 morts
Nacht und
Nebel nuit et brouillard
no-mans-land
Schissland
pays de merde
Elsass über alles
Alsace vitrine de la France
ALLONS ENFANTS DE LA PATRIE
hymne patritrouillard
composé par
Rouget de l’Isle à Strasbourg
et chanté chez le maire
Philippe-Frédéric de Dietrich
le 26 avril 1792
Marianne coiffée de
l’ample coiffe noire à la cocarde
Walkyrie casquée à la croix gammée
à la tête de mort
Lack mi àm Àrsch
lèche-moi le cul
Louis XIV Bismarck Hitler De Gaulle
1918 le drapeau rouge flotte sur la
cathédrale
1945 le drapeau tricolore
remplace le drapeau à la croix gammée
1968 le drapeau noir flotte sur l’université
on ne cesse
d’aller d’un côté ou de l’autre
la nef des
fous tangue jusqu’au vertige
à quand l’arrivée des Mongols et des
Chinois ?
Alsace morne plaine
de la platitude consumériste
hyper-disneyland
cigoland choucroutland
alsaciété
couscous choucroute merguez
saucisses de Strasbourg
Menschterkaas
ô sublime odeur
ô délectable
onctuosité du fromage de Munster
bocks débordant de
bière moussante écumante
Riesling
Gewürtztraminer Edelzwicker
ô
breuvages dorés mûris
sur les côteaux
ensoleillés de Thann à Riquewihr
ô nectar
divin des vendanges tardives
cueillies sous les
premières giboulées de neige
süffa
frassa pfurza kotza schissa
se saouler
s’emptffrer pèter vomir chier
Hopla Hopla Hoplalala
beuverie bouffe pétomanie
un drno fegla fegla
et puis baiser baiser
orgies
rabelaisiennes de bonne chère et de luxure
o Lack mi
Lack mi lèche-moi lèche-moi
lutsch meinen
Schwantz suce ma bite
pulpeuse
halsacienne aux énormes nichons
clame le
brave tou-tou le gros touriste teuton
le
ptit-Suisse en goguette
ô ces
tétons de vache laitière
ces
fesses de sale truie
drack soï
ce cul comme un
kouguelopf appétissant
fecka fecka fuck me
halsachienne halsachatte
et que je m’éclate
et que
j’accède au paradis des houris
au céleste bordel
Alsace hortus
deliciarum ô jardin des délices
infernal éden de la bouffe
suffa frassa bis in dr Tod
boire bouffer
jusqu’à en crever
Schnaps
das war sein letztes Wort
encore un coup
de cette fameuse mirabelle
ce fut son dernier mot avant de rendre l’âme
mort au champ d’honneur des
poivrots et des bouffeurs
le brave
tou-tou le brave touriste
ES GEHT ALLES VORÜBER ES GEHT
ALLES VORBEI
Alsace-Narragonie
patrie de Sebastian Brant
de Geiler de Murner de Fischart
d’Arp de Germain
Muller de Siffer d’Ungerer d’Ehni
Heimet vum Hàns im
Schnoga-Àrschloch
patrie de Jean dans le trou du cul de moustiques
Schweissdissi welda Mànn vum Tivoli
partie du gros
Bosseur en sueur
de l’Homme auvage du Tivoli
Alsace- Narragonie patrie du carnaval
de la fête
des fous
àlemànischa-Fàsanàcht
vu Bàsel bis Köln
carnaval alémanique de Bâle à Cologne
Rhin
vallée de la haute folie
immense danse des
fous
Hopla Hopla jetz geht’s los
Allons allons
enfants du Narrenland
embarquons dans la Nef
du vieux Sebastian Brant
creuset
de toutes les folies
folie mystique
folie guerrière
folie de vie de mort
où se mêlent le sacré
et le profane
masques entraînés en
une danse macabre infinie
aux bras de
walkyries plantureuses
sur de tonitruantes
apocalyptiques musiques wagnériennes
Hopla Hopla
Hoplalala jetz geht s los
danse de folie danse de mort
dànza bis in dr Tod
dissolution
dans le nirvana dans l’enfer dans le paradis
avec les diables
espiègles et les anges blagueurs
car Dieu est
Humour Être suprême en folie
folie sacrée
absolue folie
LA CONNAISSANCE SPIRITUELLE
Am Anfang ist das Wort und das Wort ist Tat, Lebensquelle.
Au commencement est la Parole et la Parole est Agir, Source de vie.
Das Wort ist Tat der Liebe. La Parole est Acte d'Amour.
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