2.10.18

INCANTATIONS DE LA CREATION



INCANTATIONS DE LA CRÉATION



 

                           "HIERSEIN IST   HERRLICH." (RILKE)      

                     "ÊTRE LA EST MERVEILLE."                                                                      


AURORE

Jonchées d'astres s'effaçant.
Les glaïeuls gloussent
dans l'aurore.
Les jacinthes jaillissent
des songes d'ombre.

       
Braises d'aube
derrière la dentelle des branches.


Une main d'enfant
cueille une étoile
et la laisse choir
nonchalamment
dans le bol d'azur frais
du matin.







LE PUR CROISSANT DE LUNE

au-dessus des autoroutes
du dense flot des véhicules
du chaos des constructions
des parkings des supermarchés
des usines des gares
au-dessus des lampadaires
des grues des échafaudages
des derricks des chevalements des tours
dans l'immensité bleu-rose
de l'aube
le pur croissant de lune

                                                        DANS L’IMMENSITÉ BLEU-ROSE DE L'AUBE 


ROSÉE DU MATIN

Les perles de l'aube
se dissolvent
dans la bleuité.
La nuit retire sa robe
d'étoiles parsemée
par-delà les collines
où près des étangs se perdent les voix cristallines
des nixes aux regards d'émeraude.



  
La flamme des fleurs danse
sous la neige du printemps.

        
Légère, l'aile
au-dessus des lys.
Saison de délice.

             
Les ivres fêtes d'ailes
à la neige se mêlent
et d'éclairs étincellent
sur la noirceur du ciel.




déluge de délice au milieu des glaïeuls
de l'enfance irradiée de lumière l'été
jardin de fraîcheur 

où les oiseaux sont seuls compagnons 
de l'ivresse immense de beauté


 

l'oiseau en vol
ivre de vastitude
perd une plume
qui virevolte
et tombe doucement
dans l'étang en feu
du soir




DOUCEUR PRINTANIÈRE

La lumière est amoureuse des roses.
Le ciel rêve sur le repos des choses.
De frais chemins mènent les pas
vers des tiédeurs de miel
près de l’arbre là-bas,
gardien du silence essentiel.





INSTANT D’ÉTÉ
 

Touffeur.
Songe de soleil peuplé de souffles délicats                                                                         

et sous les branches
tremblements plus subtils encore:
frissons de flaque,
brindilles qu'un rayon chauffe,
tendresses discrètes de myosotis,
battements d'ailes invisibles,
regards de musaraignes.
C'est le monde arrêté,
suspendu à son propre silence,
la terre qui s'écoute être.                                                                               
C'est l'oreille des choses
attentive au murmure le plus tendre.


                                                                                              MONDE SUSPENDU A SON PROPRE SILENCE
                                                                     TERRE QUI S’ÉCOUTE ÊTRE



APRÈS-MIDI  D’ÉTÉ

Le ciel tendre
se penche sur le toit.
Bleue de silence,
la fenêtre contemple
le jardin calme
ruisselant de lumière.






été
tendresse bleue bourdonnante
d'abeilles
dans les creux frais
où se cachent de secrètes merveilles




DANS LA FORET,  L’ÉTÉ

J'allais par de frais chemins,
léché tour à tour
par l'ombre et les coulées de lumière.
Des fabulations démentes
me tourmentaient.

Parfois une pluie brève
faisait murmurer les feuillages.

Clairières. Éclaircies.
Lumineuses gazes pendant
d'où l'azur était trouble.
Et, l'averse s'étant tue,
la forêt creusait son silence.





JOIE

brillez roses
brillez de beauté pourpre et blanche
dans la rumeur de soie des caresses
dans le bruissement bleu des brises et des branches
riez roses riez de joie
et vous oiseaux
dansez au-dessus des toits
et des tourments humains
dansez dansez de joie jusqu'à l'ébriété
dans l'extase infinie de l'été souverain





ADORATION PERPÉTUELLE

Tout est encore calme, tout est encore silencieux
dans l’attente du jour.
On entend la secrète germination et la croissance des plantes,
le lent dépliement des feuilles,
des fleurs dans la transparence du jour d’été,
le déploiement de la simple beauté, odeurs, couleurs, formes,
psaume silencieux de toutes les créatures.
Arbres et buissons s’éveillent,
vibrant d’yeux et de gazouillis.
Les jardins resplendissent,
débordant de lys, de glaïeuls, de tournesols.
Une brise vagabonde traverse les maisons
ouvertes sans réserve dans l’illimité songe de lumière.
La mer des champs de blé s’étend
jusqu’aux vignes, jusqu’au ciel.

Midi. Suspens du temps. Chaleur. Canicule.

L’odeur de la terre danse dans l’air vibrant.
Les abeilles bourdonnent dans le verger.
Les poules gloussent assoupies près du poulailler.
Les enfants somnolents fantasment
et se dissolvent  dans le délire solaire.
Les amoureux flirtent, gazouillent
et commettent de tendres péchés dans l’ombre.
Les chiens dorment et ronflent dans l’herbe humide.
Les chats s’étirent sur les pavés chauds.
Suspens du temps. Innocence de la vie.

Songe d’été. Tout est silence,
tout est extase, élévation, infinité.
Les oiseaux se perdent dans l’or liquide du soleil,
dans la splendeur paradisiaque.
Le jour le plus long,
pure édification d’azur,
règne sur la plaine en toute plénitude
et dans les vaporeux lointains bleu ciel
les montagnes nagent comme des nefs aériennes.



Chaleur, fièvre caniculaire.
Tout est en attente d’orage.
Tout appelle : pluie ! pluie !
Viens,  sombre temps d’orage !
Déchirez le frêle silence, éclairs sauvages
avec vos violents zigzags !
Submergez la terre assoiffée,
gigantesques seaux d’eau des nuages !

Après l’orage, calme, tendre calme.

Les arbres et les plantes boivent
la fraîcheur verte de lait-menthe du silence.
Un arc-en-ciel unit le ciel noir et la terre exhalant des vapeurs.



Le soir violet monte derrière les toits.
Un cœur d’oiseau bat dans le silence crépusculaire.
Sérénité, tendresse rose avant la nuit.
Le ciel saigne dans la sombre forêt.
Entendez-vous battre le cœur de l’oiseau ?
Entendez-vous prier le silence ?

 



PSÀLM VU DR STELLA

1. MORGA


Dr gànza Tàg, d gànza Nàcht

wia’na Gebatt

àlles üs dr ennra Stella erlawa.



Melda, melchiga Morgastella,

Porzelàn-Hemmel

ewer d igschlofena Derfer.

Blib gànz stell un heer dr Stella züa.

Stella vu da weicha tràimenda Kerwer in da kiahla Zemmer.

Blàia Stella vum Erwàcha,

vu dr emmer neia Wedergeburt àns Lawa.

Stella wia Sida, wia frescha Qualla,

heiligi Màteria, Freeda wia lichta, wissa Nawel

wu ewer d gànza Arda schwebt

un àlles durchdrengt.



Alles steht noch riahwig, àlles steht noch stell

un wàrtet uf dr Tàg.

Mr heert s geheima Kima un Wàchsa vu da Pflànza,

s làngsàma Entfàlta vu da Blätter,

vu da Blüama im durchsechtiga Summertàg,

s Entfàlta vu dr eifàcha Scheenheit, Duft, Fàrwa, Form,

steller Psàlm vu àlla Kreatüra.

D Baim un d Hecka erwàcha

voll vu Aiga un Zwetschra.

D Garta stràhla ewerfellt

vu Lelia, Glàdiola, Sunnablüama.

A wàndersluschtiger Wend waiht durch d Hieser

wu gànz uffa stehn im granzlosa Liacht-Tràim.

S Meer vu da Kornfalder erstreckt sech

bis zu da Rawa, bis in dr Hemmel.



Summertàgstràim. Alles esch stell,

àlles esch ekstàtisch, hoch, unandlig.

D Vegel verliara sech im fliassiga Sunnagold,

im Glànz vum Pàràdies.

Dr längschta Tàg 
reina Azür-Gestàlt

herscht breit ewer d Ewena

un in dr hellblàia Farna

schwemma d Barga wia Luftscheffa .



2. MITTAG



Mittàg. Stellstànd. Hetz. Hetz. Hundstàgàhetz.

Dr Duft vu dr Arda tànzt in dr vibriarenda Luft.

D Emmala summa im Obschtgàrta.

D Hianer glucksa schlofrig nawem Stàll.

D schlummernda Kender fàwla

un vergehn im Sunna-Wàhn.

D Liawenda schmüsa, flüschtra

un màcha sànfta Senda im Schàtta.

D Hend schlofa un schnàchla im fichta Gràss.

D Kàtza strecka sech üs uf da heissa Pflàschter.

Stellstànd. Unschuld vum Lawa.



Ech setz unterm mim Bàim, dr Bàim vu dr Dechtung

un heer àndachtig, porös dr Stella züa.

Jetz wàchst in mer a àndra Bàim,

dr Wortbàim,  stella Müsik,

stella Sproch vu da Blüama, vu da Wulka, vu da Tiarer,

vu da stumma Sàcha vum blossa Alltàg.

S làwandiga Wort wàchst in mim Kerwer,

s Wort werd Fleisch, werd Liacht, werd Poesie,

s diafa Liad vum Lawa,

s hocha Liad vu dr Schepfung.


Hetz. Summerfiawer. Alles wàrtet uf Gwetter.

Alles riaft: Raga! Raga!

Kumm Raga, dunkles Dunnerwatter!

Welder Bletz, verriss d denna Stella

met dina gwàltiga Zickzàcka!

Ewerschwemma d durschtiga Arda,

riesiga Wàsser-Kewel vu da Wulka!



Freeda, zàrta Freeda noch’m Gwetter.

D Baim un Pflànza trenka

d frescha Pfaffermenz-griana Melch vu dr Stella.

A Ragaboga vereint dr schwàrza Hemmel un d dampfeta Arda.



Dr veialeta Owa stiegt henter da Dacher.

A Vegalaharz schlet in dr dämmerda Stella.

Freeda, rosarota Zàrtheit vor dr Nàcht.

Dr Hemmel blüatet im dunkla Wàld.



Heert ehr s Harz vu da Vegala schlàga?

Heert ehr d Stella bata?




 3.NACHT


Lieslig stiegt d Nàcht

üsm Müater-Schoss vu dr Heimet,

üsm  Ungrund vum Firmamant.



In dr Stella vu dr Nàcht brennt

d versteckta Glüat vu dr Sehnsucht

un d hungriga Flàmma vu dr Luscht,

Luscht noch Wolluscht, Luscht noch Liawa.

In dr Nàcht verdiaft sech d Stella.

Bleicha Visiona, unheimligi Angscht-Erschienunga

umkreisa d stüenenda Einsàmkeit.



In dr Stella vu dr Nàcht heert mr komfüsa Stemma.

O Schlofenda, ô Tràimenda,

heert ehr net riafa in dr Nàcht?

D Fenschternis esch voll Stemma,

stumma Stemma wu schreia.

As sen vergasseni Toda, unsri verlosseni Toda,

àrmi Seela verlora in Nàcht un Nawel.



Besch stell un riahwig,

laar di Geischt un heer züa.

Alles redet in dr Stella, àlles sengt, àlles schreit.

Alles esch eifàch

un àlles esch unandlig, geheimnisvoll.

Alles fàngt à , àlles àtmet un àlles geht zruck

in d ungrundliga Stella Gottes.



O s Wohna in dr ewiga Rüahj!

D Stella esch mini Heimet.

In dr Stella wohn i,

witt vum lütta Schlàmàssel vu dr Walt.

D Stella esch mini Qualla, d Stella esch mini Nàhrung,

d Stella esch mini unandligi Rüahj.



D Stella sengt d Fraid un dr Schmarz vu dr gànza Schepfung.

D Stella sengt d Pràcht vum Starnahemmel

un vum grengschta Schmatterleng.

D Stella esch ewiger Andàcht.

In dr Stella esch s Mysterium vu dr Ewigkeit verborga.

D Stella esch s Harz vu dr Walt,

s Harz vu jedem Gschepf.

D Stella esch d Heimet vu àllem Liawenda.

D Stella esch Gottes Odem.  







TOITS  PARMI LES HERBES ET LES FEUILLES

Le chemin s'incurve au pied du peuplier.
Des poulains piaffent dans les prairies
vastes jusqu'au ciel.
Les toits se baissent vers l'herbe
frémissante de lumière.


Villages nimbés de candeur,
assoupis parmi les feuilles;
églises sépulcrales où l'on entre
après la promenade au soleil.
Pierres en prière dans les saisons sans fin.




L'HERBE DE MERVEILLE


L'herbe de merveille
pousse n'importe où,
entre les pierres, dans la boue,
dans les jardins abandonnés,
au bout des chemins vicinaux.

L'herbe de merveille,
nous l'ignorons,
nous la piétinons,
n'ayant pas dans le regard
assez de simplicité
pour la voir,
extrême naïveté
de  toute chose.

L'herbe de merveille
pousse pour le vent,
pour les chiens errants,
pour l'âme des enfants.
L'herbe de merveille diaphane
pousse pour les ânes.



JOIE

riez  roses
riez de beauté pourpre et blanche
dans la rumeur de neige
ardente des baisers
dans le bruissement bleu des brises
et des branches
brûlez roses brûlez
et vous oiseaux
dansez au-dessus des toits noirs
et des tourments humains
dansez
brûlez de joie jusqu'à l'ébriété
dans l'extase infinie
de l'été souverain









DANS MON HUMBLE JARDIN



L’armée rouge des coquelicots règne sur mon humble jardin et la horde ailée piaillante assaille le vieux cerisier mangé par le lierre.


C'EST UN JOUR DOUX ET GRIS

C'est un jour
doux
et gris infiniment
d'automne,
lent
et lointain d'enfance,
et noir
de brume jaune.



AUTOMNE

Il y a près des étangs
des peupliers tremblants
et sur les grands bois jaunes
le blanc soleil d'automne.
Il y a dans les rues grises
les feuilles que la bise
fait danser follement.
Il y a la pluie, il y a le vent.





LONGTEMPS DANS LES SAISONS D'OUBLI


Longtemps dans les saisons d'oubli,
d'arbres flous et de fileuses,
ombres aux visages pâlis,
nous rôdions au bord des meuses,

des meuses, des mélancolies
aux tiédeurs insidieuses.
Nous errions sous les douces pluies
jusqu'aux collines dormeuses

où se perdaient les hallalis
des clairières odieuses
et les bleues guirlandes de cris
des lointaines vendangeuses.



           "WINTER UNDER CULTIVATION
           IS AS ARABLE AS SPRING."

                                   (EMILY DICKINSON)

"L'Hiver pourvu qu'on le cultive
Est aussi arable que le printemps."






Beauté des soirs d’hiver
brûlant dans les bois nus.
 

Depuis quelques jours, il neige
et nous ne dormons plus, debout aux fenêtres
à manger la blancheur.





TOURBILLONNANTS CHAOS

Tourbillonnants chaos de neige
sur les campagnes désertées,
tonnes de blancheur dont s'allègent
les gouffres noirs de bleuité.


Parfois rugissent des stridences
aux lisières des forêts floues,
fureurs de sang, sombres silences
béant comme d'horribles trous.
Sans fin danse, danse la neige
sur les étendues dévastées,
lentement tombe et puis s'agrège
aux herbages ensanglantés.






DÉLICATEMENT BLEUES MONTAGNES

Il y a ces délicatement bleues montagnes de janvier
à travers les branches nues doucement remuées.





DOLOR


douleur des pierres

compacte dure terrible nuit minérale

douleur des arbres figés

sous le ciel  torride

ou tordus  par la fureur déchaînée des tempêtes

douleur lourde lente des plantes

dans le froid

douleur  dans l’infini

fracas d’astres

cri du ciel rouge noir

au-dessus des potences






SOUS LA TERRE


Sous la terre
du feu blanc
où se blottissent les démons
où germent les crimes
et les rires des printemps
sous la terre
du lait et les louves fluides de l’enfer
et les forces noires
charbon métaux
reptiles
sous la terre nuit lourde lenteur de plomb
morts




SOLITUDE


oiseaux perdus
dans la nuit opaque
cris
au-dessus des toits chargés de peur
la verdure noire vocifère
et dans la terre dorment
les bêtes minuscules
immensément seules
au milieu des galaxies









 LITURGIE DES BÊTES
Invisible, omniprésent orchestre des insectes

aux bruissements d’aiguilles remuées,

basse continue de la symphonie du silence

battant comme un pouls vibrant.
Mouches tourbillonnant comme atomes en folie
autour de ma tête.
Gros insectes volants dont on appréhende l'approche.
Sur l'arbre sous lequel j'écris, une cigale jette par intervalles
sa stridulation insistante dans la sérénité de l'après-midi.
Sur la terrasse, un long lézard s'immobilise un instant au soleil
et détale au moindre bruit.
Serpents, lézards...Idéaux résidents de ces hauts lieux du silence et du secret.
Oiseau égrenant parcimonieusement ses neumes monotones.
Maigres troupeaux de moutons et de chèvres.
Le bruit liquide des clochettes se mêle à la rumeur du ruisseau. 





Oiseaux survolant les étangs,
brumeux étangs de la mémoire,
oiseaux planant sur les enfances,
enfances d’herbe et de lumière.

L’AVERSE

L’averse jette ses bleues giclées
de perles liquides
contre la vitre qui chante
heureuse et fraîche
comme l’enfance en été
quand dans le verger les pêches
ont des joues d’aube
sous l’humide feuillage du matin. 


La rose est une rose,
rose sans pourquoi,
simplement être rose, 
merveille sans loi,
beauté gratuite éclose
pour n'être qu'une rose.




PROFONDEUR DU SOIR

L'arbre respire plus ample.
Pas une étoile
ne tremble
encore au ciel laiteux.
L'araignée se fige
au milieu de sa toile.
Le silence apaisant s'érige
sur les prés brumeux
qui lentement s'inclinent
dans le  soir
comme si la terre,
la vieille terre carnivore
avec ses morts,
s'offrait doucement au ciel
et à la nuit naissante,
comme si un imperceptible mouvement,
au-delà de la demeure des vivants,
fondait la paix des trépassés
et le calme du firmament.
Bientôt ce sera la profondeur,
eaux, herbes, brumes, branches,
tombes aux sombres moiteurs,
toutes choses comme imbibées,
ouvertes par la dense obscurité
envahissant le pays de  lenteur.

Maintenant la nuit, infinie infinie profondeur.



 VERTIGE DE SILENCE

Le soir brûle dans les vitres
Vertige de silence.
L'insecte replie ses élytres.
Les  arbres pensent.


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