29.1.16

LABYRINTHE DES ÊTRES W

SIMONE WEIL (La pesanteur et la grâce, La connaissance surnaturelle, La source grecque, Les Cahiers, Écrits de Londres...).

Sans doute l'auteur philosophique et mystique qui m'a le plus influencé.

Ouvrages, auteurs consultés: Cabaud, Gustave Thibon.



WUL

Je l’appelle Kàff, patelin, trou. Bourgade sans cachet, sans charme particulier.
Comment ai-je pu passer ma vie dans ce lieu d’extrême banalité?
Rues désolées, vides. Façades laides de la cité ouvrière.

Peu à peu cependant les maisons devenues propriétés de leurs occupants ou rachetées par de nouveaux habitants prennent des couleurs, mauve, vert tendre, marron, bleu clair, jaune citron...Les vieux bâtiments sont restaurés, transformés. Certaines maisons restent d'éternels chantiers, ajouts en briques oranges, escaliers en béton.

Jardins bien tenus, surchargés de fleurs, roses, dahlias, glaïeuls, tournesols..., plantés de légumes,  haricots, betteraves, courgettes, tomates...; pelouses régulièrement tondues, haies correctement taillées. Dallages géométriques. Fleurissement omniprésent, surabondant. Tout croule sous les avalanches de géraniums. Décoration kitsch, nains de jardin, statues pseudo-antiques, piscines, meubles de jardin, balançoires, toboggans.

Quand on déambule sur les trottoirs encombrés de voitures, des chiens se précipitent vers les clôtures des jardins et se mettent à aboyer. 

Tout respire l'ordre, la propreté, le confort, le conformisme. Cependant quelques maisons et jardins sont à l'abandon. Façades lépreuses.

Dans l'extrême banalité la beauté vient parfois jaillir par éclairs. Aubes de braise par-delà les maisons endormies, crépuscules à travers les branchages...Épiphanies possibles en tous lieux de la terre, mêmes les plus désertés.

De gigantesques lampes de mineurs ornent les carrefours, les ronds-points et autres lieux, rappelant le passé minier de la région.

Les rares maisons anciennes typiques de la région avec façades à colombages ont disparu, y compris les vestiges du manoir médiéval. Le village d'origine a perdu tout caractère rustique. 

Choses vues depuis 1939. 
1939-45. Films allemands projetés au restaurant Kintz.
1945-64. Bals aux restaurants Kintz et Schermesser, lieux de rencontre des
jeunes gens. 


Lieux: Aire de jeux près de l'ancienne Église(on s'y rend de temps à autre avec Louna et Margot lors de leurs venues de Paris), Aire de la Thur(déchetterie), 
Auberge Niemerich ( La vieille Madame N, on l'appelle "D Kànona". Son mari Adolphe, grosse moustache. Ambiance chaude du bistrot où se retrouvent les hommes du patelin. Fumée des pipes et des cigarettes. Odeur de bière.),
La Boulangerie Banette(Anciennement Schermesser; le matin des gens y prennent le petit déjeuner), Carreau Rodolphe, Cimetière, Déchetterie, Église mennonite, ancienne Église St Étienne restaurée et transformée en lieu de culte orthodoxe, Église St Jean,Etang du Coucou, Mairie-Ecole, Forêt de la Thur, Le Garage Renault, Le 8à8, Le Karo(Salles de sport), Piste cyclable Cernay-Ungersheim, Pizzéria Rozelin, Place Georges Bourgeois, Résidence Pasteur (où habite JG),Restaurant L'Arbre vert(il livre à domicile le repas de midi de RM) , Restaurant L'Envie,Restaurant Schermesser(naguère on y organisait des projections de films et des soirées dansantes), Restaurant Tschantz(Restaurant ancien avec un élevage de carpes), Rue d'Ensisheim, Rue des Mineurs, Rue Denis Papin (la rue de mon enfance), Rue du Vieil Armand(où habite RK), Salle polyvalente, Stade des Mines, Stade Xavier Groshaeny, Tabac Presse (où j'achète de temps en temps Le Monde, La Croix, Libération, Les Dernières Nouvelles d'Alsace...), Thur...

Gens d’ici. 
Habitants de toujours. Dorfpolitik. Esprit de patelin. Racontars, rumeurs. Jalousies. On vit caché. On se surveille. Vies conformistes, vies de ploucs, de morts-vivants, de demeurés, de larves.

Enfant, dans les années 40-50, je connaissais tout le monde. Le village comptait moins de 1000 habitants. Aujourd'hui la population de la commune a triplé. On est devenu étranger les uns aux autres.

D Harglofena (les gens venus d'ailleurs). Les Polàcka (les Polonais), les Tschingala ( les Italiens).

Gens de jadis et naguère: le scieur de bois, le réparateur de vélo habitant chez Schermesser, le tailleur de la Cité et celui du Village (une couturière?), le Mouchi-Mouchi (vendeur arabe de tapis faisant le porte-à-porte), le Glassmànn (vendeur de glaces), le Weiwel (l'appariteur), le chiffonnier passant dans les rues avec sa camionnette bringuebalante en s'exclamant: "Alt Issa, Kengalabelz!"("Vieille ferraille, peaux de lapins!"), les sœurs gardes-malades, la sage-femme.

La Femme bossue (d' Fràï met m Buckel). Les Ivrognes. Les Malades. Les Morts.
l
Environs. Bàckerloch (gravière). Forêts encerclant la commune. Rivière: la Thur. Le ruisseau traversant le village (Dorfbàch) et se perdant dans les prés est mort depuis belle lurette. Enfant, j'en explorais les rives, observais la vie aquatique. Monde des têtards, des joncs, des saules. 

Un chemin traversant champs et prés menait de la Cité au Village. On l'empruntait pour aller à l'église se trouvant au Village. Un petit pont métallique permettait de passer le ruisseau. Tôt le matin je marchais dans ces parages pour aller servir la messe.

Disparition de la nature dans l'agglomération et ses environs. Disparition des arbres magnifiques, platanes, cerisiers , acacias, bordant les rues et les routes. Désertification. Disparition des oiseaux (hirondelles), des insectes ( hannetons peuplant les acacias au bord des rues de la cité).
Disparition du Bachla, le ruisseau qui traversait tout le village et les prés. 

 Le village de mon enfance m'apparaissait plein de vie alors qu'aujourd'hui
(2020) il me semble mort.

Jadis, avant l'ère industrielle, Wul n'était qu'un minable hameau perdu dans les forêts s'étendant le long de la Thur.

Notre famille habite la commune depuis avril 1939. A l'époque, 800 habitants se répartissent entre le Village originaire et la Cité ouvrière des Mines de potasse. Aujourd'hui la population dépasse les 3000 habitants et la commune a perdu tout caractère agricole et minier.

Horizons. Chevalements des anciennes mines de potasse surmontés du drapeau tricolore. Ballons du Parc "Le Petit Prince". Courbes rondes, féminines, des montagnes bordant la plaine. Crête ondulante de la Forêt Noire. Splendides architectures de nuages bourgeonnant au-dessus des crêtes vosgiennes, masses blanches éclatantes ou sombres, grises, noires boursouflures, lourdes de précipitations. 

La Croix du Vieil Armand, le Hartmannswillerkopf, champ de bataille célèbre de la Première Guerre mondiale. 

Le crâne du grand Belche, ma montagne sacrée.




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