21.12.15

LABYRINTHE DES JOURS 1972




1972

1.AVRIL Aiguiser ma pensée contre le roc de la philosophie contemporaine :
Marx , Bataille, Freud, Nietzsche, Foucault, Althusser, Artaud, Heidegger, Derrida, Deleuze, Sollers, Axelos... Poursuivre le combat éternel contre la philosophie naturelle, le combat de Paul, Augustin, Pascal, Kierkegaard, Péguy, Bernanos, Weil, Unamuno, Bloy...

Le développement de la philosophie naturelle force le christianisme à se découvrir, à s'approprier progressivement sa véritable nature.

30.4.72. La philosophie cherchait à déterminer. La pensée post-philosophique (qui reste l’héritière de la philosophie) s’applique, interminablement, à dissoudre les déterminations.

Opposer non l’ancien et le nouveau, mais l’ancien et l’éternel (l’éternelle nouveauté).

Contre la division de l’activité humaine. Des dominances, des spécialités « ouvertes », mais pas de cloisonnement strict.
Rétablir la conception du vivant total, ouvert. Retrouver l’entièreté des sages premiers, que pourchassent en vain les Modernes.

Critique de la pluridisciplinarité : rien qu’un ersatz, né d’un monde irrémédiablement en miettes.

JUNG : «L’exigence de l’imitio Christi , c'est-à-dire celle de vivre suivant l’exemple du Christ en visant à lui ressembler, devrait tendre au développement et à l’exaltation de l’homme intérieur en chacun. Mais, en réalité, cette imitation du Christ est ravalée au rang d’objet extérieur du culte par le croyant superficiel enclin au formalisme mécanique ; et c’est précisément l’adoration qui lui est portée en tant qu’objet qui empêche cette imitation d’agir dans la profondeur de l’âme et de transformer cette dernière en une totalité correspondant à l’exemple idéal. De ce fait, le médiateur divin n’est plus qu’une image extérieure, tandis que l’homme reste fragmentaire et n’est pas atteint dans sa nature le plus profonde ».

La vraie religion ne doit pas être un domaine à part, une spécialité parmi d’autres, mais l’espace le plus ouvert où tous les aspects de la vie peuvent se déployer et s’enrichir mutuellement.
La religion concerne tous les éléments de l’être humain, et non pas seulement des parties privilégiées, l’être humain endimanché.

Les religions antiques possédaient ce caractère de globalité qui fait absolument défaut à ce qui subsiste de religion dans les siècles modernes.

Le christianisme s’adresse au tout de l’homme. Il est la vérité pour l’ensemble de l’existence humaine.

Fuite de l’homme devant le Christ. On l’a enfermé dans les Églises. Et, en fait de religion, on s’est contenté de remplacer l’ancien paganisme panthéiste par le nouveau paganisme technique.

Les anciens instituteurs de l’humanité ne s’adressaient pas à leur temps comme hommes de religion ou hommes de philosophie, etc. C’étaient des êtres sans fonction spécifique parlant au nom de l’entièreté de la condition humaine.
Maintenant on ne peut plus parler qu’à partir d’une forme institutionnalisée,  comme écrivain, ou artiste, ou professeur, ou journaliste. Toute parole porte immédiatement une étiquette qui la fait entrer dans des cadres préétablis et l’empêche d’aller vers le tout de l’homme. Il en est ainsi de toutes les activités dans le monde moderne. Aucune ne concerne l’entièreté de l’existence. A chacun son domaine et le tout à personne.

Toute la nature (y compris les réalités psychiques, mythes, rêves…) lue selon la dialectique de l’ego et du non-ego. Les philosophies, les sciences, les littératures, etc, lues dans cet éclairage.
Partout, plus ou moins manifestement, se joue le jeu le plus profond.
Les productions égoïques obscurément travaillées par le non-égoïque.
L’absolument clos ne peut exister.

La vérité christique n’est pas à part. Tout l’incarne, l’entière nature et l’entière culture.

De l’âme s’objectivant à la créativité exercée en tant que telle.
Les mythes rêvaient le naître. La poésie différente le réalise.

[PK1] AVRIL 1972
Toute philosophie est plus faible que le christianisme. Toute philosophie, comme le dit Novalis, veut être à la maison. Elle échappe à la radicalité christique .

Agnosticisme : la fuite la plus subtile. Ne pas se prononcer. Le  christique : ou tu restes dans la sphère de l’ego ou tu en sors. La pensée qui pense qu’on ne peut pas penser Dieu, ou plutôt : qu’on ne peut se prononcer à ce propos, reste enfermée dans la tiédeur égoïque…

Tout le phénomène humain, mythologies, philosophies… à lire dans la lumière de la pensée la plus radicale. Histoire humaine : histoire des fuites devant Dieu.

Jésus est le Christ, fils de Dieu, témoin de la radicalité de Dieu. Il ne sort pas du naturel (qui ne peut produire que du naturel). Il ne peut sortir que de Dieu.
Deux erreurs à son propos : accentuer l’un des termes du couple homme-Dieu.
Jésus-Christ est l’exacte intersection de l’ego et du non-ego, du monde et de Dieu.

Une pensée comme la mienne n’a quasi rien de commun avec tout ce qu’on appelle « civilisation chrétienne ».

Écriture dans l’éclat de nudité. Au-delà de la littérature. L’écriture d’un Kafka, d’une Simone Weil.

Christ : révélation centrale, Vérité vivante.

La révélation qui a lieu maintenant : la pensée à son extrémité, sautant hors d’elle-même, accède à la Vérité vivante.

Christ : le Non-Ego révélé à l’Ego.

Maintenant : l’Ego, parvenu à ses limites extrêmes, a la vision du Non-Ego, pense la pensée la plus radicale.

D’un côté mouvement de Dieu vers l’homme ; de l’autre, mouvement de l’homme vers Dieu.

Le drame le plus profond. C’est dans cette perspective qu’il faut penser, qu’il faut écrire, qu’il faut agir.

Tous, fuyant le plus radical.
Toute activité humaine, activité de fuite.

L’approche de la vérité (encore voilée) du christianisme, l’invention du christianisme, œuvre de la pensée religieuse moderne. Pascal, Kierkegaard, Dostoïevski, Péguy, Weil, Bonhoeffer… Notre tâche.

J’entrevois de plus en plus clairement ce qui est le christianisme.Ma lente maturation.
Je reste passablement empoisonné par les idées modernes, mais patiemment chemine en moi  la pensée la plus extrême, la modernité la plus radicale : la vérité encore impensée du christianisme.


2.5.72. Marx/ Freud. Assumation complète de l’égoïque. Le versant non-égoïque reste à penser.

3.5.72. La grande science reniera les cadres de la science expérimentale (Bacon/ Descartes/ Bernard/ Bachelard).
Elle ne se préoccupera plus du monde phénoménal, mais de l’activité des êtres.
        
5. v. Nombres comme symboles.

Il s’agit de résister à la fois à la fascination du nocturne et à la fascination du solaire.

Créativité : jeu entre deux pôles (dont la fascination unilatérale fige l’être).

Bataille, mystique matérialiste.
Mais la vraie mystique n’est ni matérialiste ni spiritualiste. Elle délivre justement de ces déterminations.

28 MAI 72
L’art : l’éclatement du monde égoïque, non un monde marginal.

L’art, la religion : jeu plus grand, non jeu à côté de la vie quotidienne.

L’éclatement du quotidien.

Du réalisme absolu au formalisme absolu. La difficile position d’équilibre : le jeu ouvert du désir à travers les objets.
L’état créatif.
Les deux utopies : vouloir saisir Dieu comme sujet ou comme objet.
Indissociable réalité du désir et de son objet.
Réalité impensable. Si l’on pense le désir, on méconnaît l’objet, et inversement.

La pensée égoïque est justement celle qui veut à tout prix penser la réalité.

Partir d’un rêve et exploiter à l’infini les galeries qu’il ouvre. Auto-analyse, fabulation illimitée. Écriture autobiographique éclatée. S’analyser selon Marx, Freud, Jung, Adler… Plonger dans la grande fable planétaire, dans l’écriture abyssale.

La dissimulation de Kierkegaard. J’ai aussi eu cette tendance à cacher mon secret inavouable. Bêtise que cela ! Dévoiler héroïquement toute ma vérité. Ecce homo : ma perversité polymorphe, ma folie, ma sainteté… toute ma richesse énigmatique. Le combat avec la vérité. Oser faire paraître ce que je suis. Devenir ouvertement ce que je suis, révéler cette étendue dostoïevskienne de ma personnalité.
Le pas génial à franchir : devenir ouvertement, visiblement devant les autres ce que je suis pour moi. Plus de censure. Être cet homme entier, abyssal que personne encore n’a osé être.
Le combat avec la vérité : Augustin, Rousseau, Goethe, Leiris, Goethe, Adamov, Miller…Tuer l’homme « idéal », la statue, laisser libre cours à l’homme entier.
Plus de mur entre mes personnalités diverses. Le spectre entier de mon individualité.

Ma fuite devant la solution sexuelle normale (le mariage). Je ne l’ai tentée que dans les circonstances où je la savais (inconsciemment) impossible : Renée, Alice… J’ai fui dans l’inceste, l’onanisme, la nymphophilie, la fréquentation des prostituées, l’exhibitionnisme. J’ai fui devant Chantal, Elisabeth, etc. Maintenant : Liliane, Françoise. Franchirai-je le pas ?

Freud. L’intellect dépendant de l’amour. Fait capital en éducation.

Le désir d’ouverture = le désir d’amour. Urgrund. Dante. Novalis.

13.6.72
Poésie, beauté verbale : la plus difficile à comprendre.

Nous mourrons… Mais ce trou obscur subsiste où s’enfonce l’univers. Mystère de cette énormité au sein de laquelle nous ne sommes que d’éphémères fantômes.

-        je te nommerai merveille
-        tu es l’infiniment attendue
-        ce fut un matin simple miraculeux
-        ton âme s’ouvrait et j’avais peur
-        le soleil brillait tu parlais de la mort
-        tu étais pâle comme une sainte
-        une sorte de détresse parfois dans le regard

Maintenant que toutes les constructions mythiques et religieuses se sont effondrées, nous sommes vraiment nus en face de la plus grande question.
Le vrai esprit de religion commence. Avant, c’était toujours truqué.

14.6.72. Le but de la poésie est le perpétuel effondement, le saut toujours recommencé dans l’ultra-égoïté.

Le pieu de l’angoisse fiché en moi.

15.6.72. Rêve. Dans une église, petite église gothique (mais elle se situe à Pulversheim…) Une sorte de prêtre orthodoxe commence un office, a des difficultés avec ses habits… Moi, debout non loin du chœur. Quelqu’un (sacristain ?) homme assez jeune me fait un signe, me désignant la sacristie. Je pars (fuis), longeant une longue cloison de bois. Je rentre à la maison, voulant devancer la foule de l’église.

Le surréalisme est sans nul doute le dernier mouvement poétique collectif. Depuis la poésie est morte en France. Rien que quelques grands solitaires.

28. VIII. Vivre. Nous commençons à entrevoir notre véritable formule de vie quand déjà nous avons parcouru la moitié de notre route.
Notre mauvaise éducation, qui ne nous a pas appris à vivre.

29. VIII .La grande erreur : vouloir donner une quelconque figure à l’Ouvert absolu.

Un nouveau sentiment de littérature : Joyce, Butor, Simon, Sollers, Arno Schmidt.

Jeunesse : je souffre de mon enlisement littéraire. Je me suis séparé de la vraie vie concrète. Espaces abstraits, brumeux. L’abandon à la littérature éprouvée comme faiblesse.

Adolescence, jeunesse. Je suis fasciné par les grands maudits.
Sentiment du décalage entre ma vie trop quotidienne et le désir de la brûlure absolue.
Écartelé[PK2]  entre mon désir de l’incandescence poétique et ma volonté de vivre l’état adulte ordinaire (Muller, Raymond, Père…)

30.8. Être vivant écrivant. Jusqu’à la mort. Forcené.

« Il appartenait à la race malheureuse de ceux qui ne se sentent vivre qu’à la cime de leur être. » (DU BOS)

31. 8. Cela n’a pas de figure. Cela se situe au-delà de toute figure.
Cela brûle derrière chaque figure, chaque être, chaque objet.

Poésie. Exploitation de la poésie typographique. Couleurs. Formes.
Une écriture nouvelle, multidimensionnelle.

ÉCRITURE. Ma mort figera enfin ce chaos en perpétuelle ébullition.Un jour ma main tracera le dernier signe.

2.9. Vers un nouveau économique. Briser l’aveugle démence capitaliste.Weil, Gandhi, Lanzo del Vasto…

Politique du monde postindustriel : Weil, Camus, Morin, Marx, Marcuse.

8.12. Pédagogie. Spontanéité des individus, groupes… Non-directivité. Critique : l’homme n’est pas naturellement libéré (mais naturellement égoïque). Nécessité d’un « libérateur », d’un ouvreur, d’un médiateur.
Fonction de l’éducateur : être le médiateur entre l’ego individuel ou collectif et l’absolument ouvert.
Rôle surtout négatif. Permettre à une liberté de naître à soi-même. Permettre à un ego de se dépasser.

Fonction de l’éducateur : déségoïser . Mais il lui faut être lui-même un délivré.

9.12. Fille de la nuit toi reviendras-tu ?  Y aura-t-il un autre printemps, un autre été, une autre saison de caresse ?

Occultation de l’abyssal, écrasement du créatif. On apprivoise la force dangereuse du verbe : églises, écoles, bibliothèques, prisons, asiles… On enferme la parole. On la coupe de la vie concrète.

Jésus. Le feu apprivoisé par les Églises.

Non pas : produire un spectacle (happenings) mais inciter les gens à s’ouvrir abyssalement, à parcourir la vie dans son entièreté ouverte.Tourner les consciences vers l’absolument ouvert.

10.12.Bataille. Le vent du dehors. Il y a donc un dedans et un dehors.
Sortir vraiment du subjectivisme. Affirmation de la créativité (Dieu).
Toute l’histoire, drame de la créativité.
Adopter une position entièrement polémique vis-à-vis de mouvements comme TEL QUEL, CHANGE sans régresser vers les écoles de la première moitié du siècle (dadaïsme, surréalisme). Aller au-delà de toutes ces positions qui restent prises dans le subjectivisme occidental.

Le prolétariat comme rêve de la bourgeoisie…(08 : et inversement).

Notre époque : l’accent mis sur le refoulé de l’Occident idéaliste.
Inaugurer une nouvelle phase. Au-delà du Bien et du Mal (idéalisme/matérialisme).

Au-delà du champ matérialiste (Marx- Freud) un champ plus large – espace de l’absolument ouvert – créativité, « Dieu ».

L’au-delà de l’ego humain.
Bataille : jeu entre l’ego et son refoulé. Plus grand jeu : ego/créativité  « universelle ».

Multiple écriture ininterrompue (journal, correspondance, journalisme…).
Jeu profond des écritures fragmentaires.

Décembre 1972. Changer soi, non l’autre.

PÉGUY: « Rien n’est contraire à ce qu’on nomme la religion comme ce qu’on nomme la morale ; la morale enduit l’homme contre la grâce. »

BERGAMIN : « La solitude de la poésie n’est pas celle d’une île, mais celle de la mer. »

THIBON : « Aimer c’est avoir faim ensemble et non pas dévorer l’un l’autre. »

WEIL : « Une mélodie grégorienne témoigne plus que la mort d’un martyr. »    






13.4.
La vraie solitude, tu l’atteins lorsqu’ aucun être humain ne peut plus te venir en aide, lorsque ton cri de détresse s’élève vers Dieu seul.


Visite au Directeur du Foyer rue de l’Église.

Écrit à Jean-Jacques Weber.

Schubert. La jeune fille et la mort.

Arbres balancés par le vent.
Solitude, atroce. Alsace, les êtres aimés. Dieu.

Les productions de la nature sont à la fois régulières et irrégulières. Au-delà de la logique et de l’illogique. Sphéricité du soleil, mais irrégularité des taches.

L’art humain se veut ou logique ou illogique. Boileau /Breton.

Le grand art seul manifeste le même mépris que la nature à l’égard de ces antinomies trop humaines. 


Avril 1972
Toute philosophie est plus faible que le christianisme. Toute philosophie, comme le dit Novalis, veut être à la maison. Elle échappe à la radicalité christique .


Agnosticisme : la fuite la plus subtile. Ne pas se prononcer. Le  christique : ou tu restes dans la sphère de l’ego ou tu en sors. La pensée qui pense qu’on ne peut pas penser Dieu, ou plutôt : qu’on ne peut se prononcer à ce propos, reste enfermée dans la tiédeur égoïque…

Tout le phénomène humain, mythologies, philosophies… à lire dans la lumière de la pensée la plus radicale. Histoire humaine : histoire des fuites devant Dieu.

Jésus est le Christ, fils de Dieu, témoin de la radicalité de Dieu. Il ne sort pas du naturel (qui ne peut produire que du naturel). Il ne peut sortir que de Dieu.

Deux erreurs à son propos : accentuer l’un des termes du couple homme-Dieu.

Jésus-Christ est l’exacte intersection de l’ego et du non-ego, du monde et de Dieu.

Une pensée comme la mienne n’a quasi rien de commun avec tout ce qu’on appelle « civilisation chrétienne ».


Écriture dans l’éclat de nudité. Au-delà de la littérature. L’écriture d’un Kafka, d’une Simone Weil.


Christ : révélation centrale, Vérité vivante.


La révélation qui a lieu maintenant : la pensée à son extrémité, sautant hors d’elle-même, accède à la Vérité vivante.


Christ : le Non-Ego révélé à l’Ego.

Maintenant : l’Ego, parvenu à ses limites extrêmes, a la vision du Non-Ego, pense la pensée la plus radicale.


D’un côté mouvement de Dieu vers l’homme ; de l’autre, mouvement de l’homme vers Dieu.

Le drame le plus profond. C’est dans cette perspective qu’il faut penser, qu’il faut écrire, qu’il faut agir.

Tous, fuyant le plus radical.

Toute activité humaine, activité de fuite.

L’approche de la vérité (encore voilée) du christianisme, l’invention du christianisme, œuvre de la pensée religieuse moderne. Pascal, Kierkegaard, Dostoïevski, Péguy, Weil, Bonhoeffer… Notre tâche.

J’entrevois de plus en plus clairement ce qui est le christianisme.

Ma lente maturation.

Je reste passablement empoisonné par les idées modernes, mais patiemment chemine en moi  la pensée la plus extrême, la modernité la plus radicale : la vérité encore impensée du christianisme.

 5. v.
Nombres comme symboles.


Il s’agit de résister à la fois à la fascination du nocturne et à la fascination du solaire.


Créativité : jeu entre deux pôles (dont la fascination unilatérale fige l’être).

Bataille, mystique matérialiste.

Mais la vraie mystique n’est ni matérialiste ni spiritualiste. Elle délivre justement de ces déterminations.


28 mai
L’art : l’éclatement du monde égoïque, non un monde marginal.


L’art, la religion : jeu plus grand, non jeu à côté de la vie quotidienne.


L’éclatement du quotidien.


Du réalisme absolu au formalisme absolu. La difficile position d’équilibre : le jeu ouvert du désir à travers les objets.

L’état créatif.

Les deux utopies : vouloir saisir Dieu comme sujet ou comme objet.

Indissociable réalité du désir et de son objet.

Réalité impensable. Si l’on pense le désir, on méconnaît l’objet, et inversement.


La pensée égoïque est justement celle qui veut à tout prix penser la réalité.


Partir d’un rêve et exploiter à l’infini les galeries qu’il ouvre. Auto-analyse, fabulation illimitée. Écriture autobiographique éclatée. S’analyser selon Marx, Freud, Jung, Adler… Plonger dans la grande fable planétaire, dans l’écriture abyssale.


La dissimulation de Kierkegaard. J’ai aussi eu cette tendance à cacher mon secret inavouable. Bêtise que cela !

Dévoiler héroïquement toute ma vérité. Ecce homo : ma perversité polymorphe, ma folie, ma sainteté… toute ma richesse énigmatique. Le combat avec la vérité. Oser faire paraître ce que je suis. Devenir ouvertement ce que je suis, révéler cette étendue dostoïevskienne de ma personnalité.

Le pas génial à franchir : devenir ouvertement, visiblement devant les autres ce que je suis pour moi.

Plus de censure. Être cet homme entier, abyssal que personne encore n’a osé être.

Le combat avec la vérité : Augustin, Rousseau, Goethe, Leiris, Goethe, Adamov, Miller…

Tuer l’homme « idéal », la statue, laisser libre cours à l’homme entier.

Plus de mur entre mes personnalités diverses. Le spectre entier de mon individualité.


Ma fuite devant la solution sexuelle normale (le mariage). Je ne l’ai tentée que dans les circonstances où je la savais (inconsciemment) impossible : Renée, Alice… J’ai fui dans l’inceste, l’onanisme, la nymphophilie, la fréquentation des prostituées, l’exhibitionnisme. J’ai fui devant C, E, etc. Maintenant : L, F. Franchirai-je le pas ?

Freud. L’intellect dépendant de l’amour. Fait capital en éducation.


Le désir d’ouverture = le désir d’amour. Urgrund. Dante. Novalis.


13.6.
Poésie, beauté verbale : la plus difficile à comprendre.


Nous mourrons… Mais ce trou obscur subsiste où s’enfonce l’univers. Mystère de cette énormité au sein de laquelle nous ne sommes que d’éphémères fantômes.


-         je te nommerai merveille

-         tu es l’infiniment attendue

-         ce fut un matin simple miraculeux

-         ton âme s’ouvrait et j’avais peur

-         le soleil brillait tu parlais de la mort

-         tu étais pâle comme une sainte

-         une sorte de détresse parfois dans le regard

Maintenant que toutes les constructions mythiques et religieuses se sont effondrées, nous sommes vraiment nus en face de la plus grande question.

Le vrai esprit de religion commence. Avant, c’était toujours truqué.

14.6.
Le but de la poésie est le perpétuel effondement, le saut toujours recommencé dans l’ultra-égoïté.


Le pieu de l’angoisse fiché en moi.


15.6.
Rêve. Dans une église, petite église gothique (mais elle se situe à Pulversheim…) Une sorte de prêtre orthodoxe commence un office, a des difficultés avec ses habits… Moi, debout non loin du chœur. Quelqu’un ( sacristain ?) homme assez jeune me fait un signe, me désignant la sacristie. Je pars (fuis), longeant une longue cloison de bois. Je rentre à la maison, voulant devancer la foule de l’église.

Le surréalisme est sans nul doute le dernier mouvement poétique collectif. Depuis la poésie est morte en France. Rien que quelques grands solitaires.


28. VIII.
Vivre. Nous commençons à entrevoir notre véritable formule de vie quand déjà nous avons parcouru la moitié de notre route.

Notre mauvaise éducation, qui ne nous a pas appris à vivre.


 29. VIII .
La grande erreur : vouloir donner une quelconque figure à l’Ouvert absolu.


Un nouveau sentiment de littérature : Joyce, Butor, Simon, Sollers, Arno Schmidt.


Jeunesse : je souffre de mon enlisement littéraire. Je me suis séparé de la vraie vie concrète. Espaces abstraits, brumeux. L’abandon à la littérature éprouvée comme faiblesse.

 Adolescence, jeunesse. Je suis fasciné par les grands maudits.

Sentiment du décalage entre ma vie trop quotidienne et le désir de la brûlure absolue.

Ecartelé entre mon désir de l’incandescence poétique et ma volonté de vivre l’état adulte ordinaire (Muller, Raymond, Père…)

30.8.
Etre vivant écrivant. Jusqu’à la mort. Forcené.

« Il appartenait à la race malheureuse de ceux qui ne se sentent vivre qu’à la cime de leur être. » (DU BOS)


31. 8.
Cela n’a pas de figure. Cela se situe au-delà de toute figure.

Cela brûle derrière chaque figure, chaque être, chaque objet.


Poésie. Exploitation de la poésie typographique.

Couleurs. Formes.

Une écriture nouvelle, multidimensionnelle.


ÉCRITURE.
Ma mort figera enfin ce chaos en perpétuelle ébullition.

Un jour ma main tracera le dernier signe.

2.9.
Vers un nouveau économique.

Briser l’aveugle démence capitaliste.

Weil, Gandhi, Lanzo del Vasto…

Politique du monde postindustriel : Weil, Camus, Morin, Marx, Marcuse.

8.12.
Pédagogie. Spontanéité des individus, groupes… Non-directivité. Critique : l’homme n’est pas naturellement libéré (mais naturellement égoïque). Nécessité d’un « libérateur », d’un ouvreur, d’un médiateur.

Fonction de l’éducateur : être le médiateur entre l’ego individuel ou collectif et l’absolument ouvert.

Rôle surtout négatif. Permettre à une liberté de naître à soi-même. Permettre à un ego de se dépasser.

Fonction de l’éducateur : déségoïser . Mais il lui faut être lui-même un délivré.

9.12.
Fille de la nuit toi reviendras-tu ?  Y aura-t-il un autre printemps un autre été une autre saison de caresse ?

Occultation de l’abyssal, écrasement du créatif. On apprivoise la force dangereuse du verbe : églises, écoles, bibliothèques, prisons, asiles… On enferme la parole. On la coupe de la vie concrète.

Jésus. Le feu apprivoisé par les Églises.

Non pas : produire un spectacle (happenings) mais inciter les gens à s’ouvrir abyssalement, à parcourir la vie dans son entièreté ouverte.

Tourner les consciences vers l’absolument ouvert.


 10.12.
Bataille. Le vent du dehors. Il y a donc un dedans et un dehors?

Sortir vraiment du subjectivisme. Affirmation de la créativité (Dieu).

Toute l’histoire, drame de la créativité.

Adopter une position entièrement polémique vis-à-vis de mouvements comme TEL QUEL, CHANGE sans régresser vers les écoles de la première moitié du siècle (dadaïsme, surréalisme).

Aller au-delà de toutes ces positions qui restent prises dans le subjectivisme occidental.


Le prolétariat comme rêve de la bourgeoisie…(08 : et inversement).


Notre époque : l’accent mis sur le refoulé de l’Occident idéaliste.

Inaugurer une nouvelle phase. Au-delà du Bien et du Mal (idéalisme/matérialisme).


Au-delà du champ matérialiste (Marx- Freud) un champ plus large – espace de l’absolument ouvert – créativité, « Dieu ».

L’au-delà de l’ego humain.

Bataille : jeu entre l’ego et son refoulé. Plus grand jeu : ego/créativité  « universelle ».

Multiple écriture ininterrompue (journal, correspondance, journalisme…).

Jeu profond des écritures fragmentaires.


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