27.6.16

APRES LE BREXIT L'EUROPE MAINTENANT







L’EUROPE MAINTENANT

La Grande-Bretagne vient de quitter l’Union européenne. Un effet de sidération a saisi les Européens, aussi bien ceux des Îles Britanniques que ceux du Continent. C’est peut-être un choc salutaire qui va nous réveiller de notre pensée molle concernant notre destin politique, le moment pour affirmer vraiment notre européanité contre les tentations nationalistes régressives et envisager le pas en avant nécessaire.

L’Hamlet Europe est à présent face à la question fatidique : to be or not to be, être ou ne pas être. Si l’Europe veut être, si elle veut vaincre les forces de désintégration, elle ne peut faire l’économie de l’élaboration et de l’adoption d’une Constitution sérieuse, de l’invention d’une politique européenne plus fédérative, plus démocratique, moins technocratique, plus proche des « vrais gens » et surtout valorisant plus notre unité profonde culturelle et spirituelle sans négliger pour autant la richesse de nos différences.

L’Europe est à mi-chemin de sa genèse. Reste à achever notre maison commune, grand œuvre qui exigera de l’audace institutionnelle et avant tout le dépassement de nos peurs ancestrales de perdre une part de nos souverainetés d’entités nationales.

Européens, n’oublions pas d’où nous venons, de l’apocalypse des guerres et des génocides, et ayons foi en notre avenir, façonnons-le maintenant en nous détournant des spectres d’antan et des prêcheurs enjôleurs du repli sur soi.  


14.6.16

LE JEU DES JEUX /La nudité le feu (5)



LA FOLIE DE DIEU : LA CROIX ET LA RÉSURRECTION


Folie de Dieu. Le Seigneur des mondes parait comme le Serviteur, le Réprouvé. Le Créateur se laisse crucifier par sa créature. Insondable Mystère du Golgotha.
                                                     *
Dieu doit passer par son absolu contraire. Moment crucial de la Genèse.
                                                       *
Croix : refus par le monde du Verbe d'Amour et non masochisme de Dieu.

                                                             *
Ce sont les ténèbres qui crucifient la Lumière et non la Lumière qui aime la souffrance.
                                                             *
Abandonner définitivement l'interprétation sacrificielle traditionnelle de la Passion, forcément moraliste.
                                                              *
Sur la Croix, Dieu traverse le Mal et c’est cela le Salut : victoire sur le Mal et la Mort qui marquent la Création présente.
                                                                *
Seule la Croix, l’Amour crucifié, permet de penser le Monde, le Mal absolu, la Mort. Insuffisance de toute philosophie « naturelle » du monde qui sera toujours de quelque façon une bénédiction du Mal.
Folie de la Croix refusée également par la pensée païenne et la pensée juive.
Refusée aussi par la pensée moderne

                                                               *
Le consentement à la Croix n’est possible que dans la foi en l’Amour absolu.
                                                               *
Le jeu christique. Mourir pour vivre. Renoncer pour vivre. Renoncer aux idoles imaginaires pour vivre la vérité vivante.
                                                                *
La Croix est l’Arbre de vie qui triomphe de l’Arbre du Savoir du bien et du mal.
                                                                *
Voir Dieu dans ce qui échoue humainement, le handicapé mental, le clochard…
Voir Dieu dans le Crucifié, dans l’humanité crucifiée.
Le reste est idolâtrie.
Beaucoup de chrétiens se contentent de s’agenouiller devant la Croix au lieu de la porter, la Croix du monde, la Croix de la souffrance du monde.
                                                               *
La foi ne peut faire l’économie de l’expérience du Néant. Pas de véritable foi sans la Croix, le passage par le Néant absolu. Le christianisme idéologique reste en-deçà de la Croix. 
                                                                 *
La Croix : à la fois le Péché et le Salut. On commet le déicide. On assassine le Témoin de la Vie et par sa Mort et sa Résurrection, le Vivant nous sauve. Il sauve l’humanité déicide.
Il nous sauve malgré nous, malgré notre folie thanatique. C’est Dieu qui sauve. Il ne nous demande qu’une chose : d’avoir confiance en Lui. Comme des enfants. De croire la Vie qu’il donne et redonne, à la Vie plus forte que la Mort. De croire à l’Impossible.
                                                               *

Croix : résumé de tout le Mal du monde et de sa traversée.
                                                                *
Le grand contresens : faire du Christ une figure mortifère au lieu de voir en lui le Témoin de la Vie, y compris sur et à travers la Croix.

                                                                *
L’humanité crucifie le Vivant donateur de Vie, le Témoin de l’infini et c’est elle qui s’incarcère dans le monde sépulcral du fini.

                                                                 *
Le seul chemin est de crucifier l'Ego. L'absolue humilité est la seule porte du Royaume.
                                                                  *

La Croix se dresse dans la nuit de Dieu, dans le silence de Dieu. Mystère abyssal.

                                                               *

Consentement suprême au terme tragique de la vie, à la disparition, à la mort et foi folle en Christ ressuscité.
  
                                                                 *
J’assume l’entièreté de la christité, y compris la Résurrection. Je vais plus loin que Camus, ce chrétien sans Dieu. Je revendique la folie de la foi. Pure décision personnelle, l’acte de foi ne pouvant qu’être absolument subjectif.

                                                                 *
Le Christ crucifié, ressuscité: lumière pour aider à consentir au chemin de croix de l’existence humaine, à la peine quotidienne, la dépression, la souffrance, le vieillir, la mort...

                                                                 *
La voie du Christ est terrible et absolument prodigieuse.

                                                              *



NUIT DE DIEU FOLIE DE LA CROIX

Nuit. Dehors la nuit.
Nuit de Gethsémani.
Nuit  sur les dépotoirs, sur les terrains vagues.
Nuit dans les bidonvilles, les favelas, les ghettos.
Nuit dans les  rues de Harlem.
Nuit. Dehors  nuit la plus noire.
Seul  dans  la nuit.
Ils sont  là, les amis, si  près, si lointains.
MON ÂME EST TRISTE Â EN MOURIR. VEILLEZ AVEC MOI.                                                                   
Ils dorment, les amis. Pierre, Jacques, Jean.
Ils dorment, les hommes, dans leurs palais, dans leurs quartiers chics, dans leurs hôtels de luxe.
Elle dort, l’humanité, dans ses routines, ses préjugés, ses traditions pétrifiées, dans l’éternel retour de ses perversions.
Ils dorment, les  politiciens, les prêtres, les généraux, les banquiers, pendant que la nuit se déchire  au-dessus de Jérusalem.


Tu es l’être qui traverse,
qui traverse la nuit,
qui traverse la misère,
qui traverse le malheur,
avec les enfants juifs d’Auschwitz,
avec les estropiés, les handicapés, les laissés pour compte,
les désespérés.

Tu traverses avec chacun l’horreur de la mort,
l’absence de Dieu,
l’abandon, le total abandon dans la nuit.
Tu  traverses avec chacun la nuit la plus noire,
l’inéluctable nuit

mains trouées ensanglantées écrasées des ouvriers des usines
des mineurs

esclaves torturés exécutés
Juifs Tziganes Homosexuels pourchassés gazés.

Partout où le visage humain est piétiné, Tu saignes.

Tu agonises dans chaque agonisant.



VOICI LE SOIR.

Tu es là, Iéshoua, à table, avec les amis. C’est bientôt la Fête. Pessah, la Fête des fêtes. Vous  vous apprêtez à manger, à boire, à chanter  les Louanges. Mais un fugace voile de tristesse parfois embrume ton visage.
                                          
                                              crépuscule sur les collines
                                              hélicoptères survolant la ville
                                              rasant les terrasses
                                              détonations rafales d’armes automatiques 
                                              sirènes d’ambulances
                                              lumière orange des gyrophares


Tu es là, à table, entouré de tes compagnons, dans le silence de la chambre haute. La maison peu à peu  se remplit d’ombre. On allume les lampes à huile. On brûle l’encens. Étrange atmosphère. Dehors, dans la nuit tombante, lointains bruits de guerre. Dedans, obscurité dense de méditation et d’attente. Tu pressens la fin, l’épreuve finale. Tu sens qu’un de tes proches va te livrer aux Autorités. Tu es le Vagabond du Dieu-Tendresse, le doux Rebelle incandescent à la parole libre, et les Gens en place t’en veulent à mort, à toi, l’humble charpentier sorti d’un obscur trou de Galilée, et qui ose parler haut aux  Docteurs de la Loi. On veut ta peau, Iéshoua de Nazareth, et tu le sais  bien.

VOICI LA NUIT, LA NUIT EUCHARISTIQUE.

Dans l’obscurité de la chambre haute, tu prends le pain, tu  romps le pain, et tu dis: PRENEZ ET MANGEZ, CECI EST MON CORPS. Puis tu prends la coupe et tu dis : BUVEZ, CAR CECI  EST MON SANG. JE NE BOIRAI PLUS DE CE VIN JUSQU'À CE QUE NOUS EN BOIRONS DU NOUVEAU AU GRAND FESTIN DE DIEU.

                                                                                     
                                             regards insoutenables                           
                                             des enfants affamés
                                             cadavériques
                                        aux yeux mangés de mouches                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            
mains fébrilement tendues                  suppliantes                                                                                              
des
foules faméliques                                                                                                                              


                                                                                              
                                               NUIT NACHT UND NEBEL

                                               hallucinants morts-vivants
                                               derrière les barbelés


ils mangent les repus
ils s’empiffrent
dans les restaurants de luxe

les poubelles des quartiers chics débordent de restes
                                                                  
                                                               les  SDF fouillent les détritus
                                                               puis vont se saouler de détresse
                                                    
                                                   NUIT VOICI LA NUIT DES AFFAMÉS
                                                   LA NUIT DES PARIAS
                                                   DES EXCLUS DU FESTIN
                                                   LA NUIT DES ERRANTS

Vous marchez dans la nuit aux abords de la Ville. Fraîche nuit de printemps. Nuit énigmatique, pleine de menaces. Ombres qui errent à travers les quartiers suburbains. Gens qui fuient, qui se cachent dans les recoins sombres.

Vous arrivez au Jardin des Oliviers. Tu es là, Iéshoua, déambulant au milieu de tes compagnons sous le ciel vibrant d’étoiles. Personne ne dit mot. Une inquiétude diffuse étreint  le groupe. Toi  aussi, tu te tais, pressentant  l’épreuve. Lourd silence.

                                                        cris détonations dans les environs
                                                        voitures qui brûlent
                                                        effluves de gaz lacrymogène                           

                                   nuit sur Gat-Shemanim
                                   nuit  sur les terrains vagues sur les dépotoirs
                                   nuit sur  les  bidonvilles sur les ghettos
                                                                                        
Nuit. Nuit  la plus noire. Tu es seul, Iéshoua, seul parmi  tes compagnons. Seul. Tu lis dans leurs cœurs : grandes gueules de Galiléens, mais versatiles, changeants, souvent pleutres quand les choses se gâtent, humains tellement humains. Tu les dévisages et tu leur dis : CETTE NUIT, VOUS ME LÂCHEREZ, CETTE NUIT, VOUS ME RENIEREZ. Jamais, jamais, rétorque impulsivement Petros, l’un d’eux. AVANT QUE LE COQ AIT CHANTE, TU M’AURAS RENIE TROIS FOIS. Jamais, insiste le compagnon présomptueux, plutôt  irai-je avec toi dans la mort. Humain, tellement humain, le fier pêcheur de Galilée.

Nuit sur Gat-Shemanim. Formes floues qui rôdent aux alentours. Ils sont inquiets, les amis. Qu’est-ce qui se trame dans l’obscurité trouble ? Tu  t’éloignes un peu, avec Petros, Iaacob et  Iohanan. L’angoisse maintenant te submerge comme une vague irrésistible. MON ÂME EST TRISTE À EN MOURIR. VEILLEZ AVEC MOI. Tu t’isoles pour prier : PÈRE, S’IL EST POSSIBLE, ÉLOIGNE CETTE COUPE DE MOI. CEPENDANT QUE SE FASSE TA VOLONTÉ ET NON LA MIENNE. Affres de la mort, effroi forant toutes les fibres de ton corps, te vrillant jusqu’au tréfonds de l’être. Nuit la plus noire. Mutisme du ciel d’encre. Solitude maintenant essentielle, abnégation, consentement absolus au seuil du chemin le plus âpre. Tu te recroquevilles contre terre. Tu sues du sang.

NUIT, VOICI LA NUIT, LA NUIT DE DIEU, LA NUIT DE L’HOMME.

Nuit sans fond. Instant qui dure comme l’éternité. Puis tu émerges de nouveau du silence abyssal de la prière. Tu relèves la tête vers le fourmillement stellaire, tu recouvres un peu de calme. Tu reviens auprès de tes amis et tu les trouves endormis. Inconscience humaine, tellement humaine. Dormir pour ne pas regarder en face la nuit la plus noire. Dormir, rêver …

                                      vous dormez banquiers hommes d’affaires
                                      pris dans le vertige des chiffres
                                      vous dormez les yeux ouverts généraux
                                      au milieu de l’enfer meurtrier
                                      vous dormez journalistes
                                      abrutis par le fracas du monde
                                      vous dormez politiciens juges pédagogues prêtres                                       
                                      gesticulant dans le vide
                                      vous dormez tous hommes modernes
                                      sur les autoroutes les aéroports 
                                      dans les entreprises les grandes surfaces
                                      foules hypnotisées par les médias envahissants
                                      par la folie consumériste
                                      vous dormez debout hommes de ce temps
                                      dans la nuit du monde saigné sans retenue
                                      par la rage de toute-puissance            


NUIT DES HOMMES OBNUBILÉS PAR  LA NUIT,  NUIT DES ÉGARÉS.
                                                                                        
Silhouettes louches qui remuent dans le fouillis nocturne. Cris, chuchotements. Une horde d’hommes émerge de l’obscurité, brandissant gourdins, armes et torches. S’approche  Yehouda, l’ami ambigu qui va te livrer, l’ami traître accompagné des sbires dépêchés par les Chefs. Dans la blême clarté lunaire, il tend son visage sombre, bouleversé, et t’embrasse, te désignant par ce baiser  à la  bande excitée.                                                                     

                                                phares transperçant la nuit
                                                soldats encerclant une maison
                                                l’un d’eux frappe de la crosse contre la porte d’entrée
                                                vociférations
                                                OUVREZ ! OUVREZ !


On t’arrête brutalement tel un scélérat. Un des amis, Petros, tire l’épée et frappe. RENGAINE TON ÉPÉE, dis-tu, CAR TOUS CEUX QUI PRENNENT  L’ÉPÉE PÉRIRONT PAR L’ÉPÉE.

                                                 rafales d’armes automatiques                                                                 
                                                 hurlements
                                                 ARRÊTEZ LE FEU ! ARRÊTEZ LE FEU !
                                                 les soldats emmènent l’homme menotté vers le half-track

                             NUIT SUR GAT-SHEMANIM
                             NUIT SUR RAMALLAH SUR BETHLÉEM
                             NUIT SUR JENINE

On t’entraîne par les allées ténébreuses. Et les amis t’abandonnent tous et se dispersent, prenant lâchement la fuite sous les huées de la horde enragée. L’un de tes suiveurs y perd même son vêtement et disparaît nu dans la nuit.  Hommes fragiles, inconstants, inconsistants. Êtres de peur s’égarant parmi les ombres qui vaguent à la périphérie de la Ville.

On te mène chez les Prêtres pour te juger. Cercle de notables aux faces impassibles. Certains, courbés en avant, les yeux mi-clos, sont à moitié assoupis dans la  lueur tremblotante des torches. On te questionne. Tu te tais. On auditionne des témoins. Succession de faux témoignages. Nous l’avons entendu dire : JE DÉTRUIRAI LE TEMPLE FAIT DE MAIN D’HOMME ET EN TROIS JOURS J’EN BÂTIRAI UN AUTRE NON FAIT DE MAIN D’HOMME.
-Que réponds-tu à cela ?
Tu gardes le silence.
Silence de l’Innocent face au déferlement de la vilenie humaine.
-Es-tu l’Envoyé de Dieu ? demande énervé le Grand Prêtre.
-TU L’AS DIT, réponds –tu à la fin.
-Blasphème ! blasphème ! il a blasphémé ! s’exclament les prêtres, dressant les bras en l’air, il mérite la mort ! il doit mourir !

Et voici qu’on te traite comme le rebut de l’humanité. On te crache au visage. On te gifle. On te roue de coups. On t’insulte. On se moque de toi.

                            sous-sols de l’Inquisition de la GESTAPO du KGB
                            des services de renseignement français  en Algérie
                            où l’on torture
                            où l’on tabasse
                            où l’on brûle à la cigarette
                            où l’on électrise
                            où l’on viole
                            interminable nuit de l’inhumanité
                            de l’oppression de l’esclavage des persécutions
                            des crimes collectifs partout sur la terre
                             y compris les crimes commis au nom de la Croix
                             interminable nuit du mépris de l’humiliation
                             insultes crachats sur les lépreux les pestiférés
                             les malades mentaux les malades du sida
                             les homosexuels les prostituées les Noirs les Juifs les Tziganes
                             interminable livre noir de l’horreur des nations
                             où chaque temps ajoute sa page sanglante son chapitre de honte

NUIT TERRIBLE, NUIT DE NUDITÉ.

Tu es là, au milieu des gardes avinés, livré sans défense à la bêtise et à la cruauté humaines. Petros, l’ami présomptueux, suit de loin ton chemin de souffrance.  Des gens, se serrant autour d’un brasero dans l’aigre nuit d’avril, le reconnaissent. Mais lui nie énergiquement être de ton entourage. C’est presque la fin de la nuit.  Aube livide sur la Ville endormie. Les bennes  à ordures vrombissent au loin. Déjà retentit dans une cour voisine le  chant du coq. Petros se souvient alors des paroles de l’Ami des amis et, enfouissant son visage entre ses mains, se met à pleurer à chaudes larmes. Je l’ai renié, je l’ai renié, lui, le Très-Doux.

VOICI LE MATIN GRIS.

Lente marée de lumière terne envahissant le dédale des rues. Les prêtres arrivent au bout de leurs palabres et décident de te faire mourir. On te conduit chez le Gouverneur et devant lui, le placide Romain à la face glabre, on t’accuse avec véhémence. « C’est un agitateur qui jette le trouble dans le peuple. » Debout devant le Romain, les mains attachées, tu gardes les lèvres closes. Le Gouverneur te questionne : es-tu le Roi des Juifs ? TU LE DIS, répliques-tu, CEPENDANT MON ROYAUME N’APPARTIENT PAS AU RÈGNE DE LA PUISSANCE, MAIS À CELUI DE L’AMOUR .JE SUIS VENU AU MONDE POUR RENDRE TÉMOIGNAGE A CETTE VÉRITÉ.

A chaque Fête, le Gouverneur libère un prisonnier, celui que le peuple souhaite. Il y a là Barabbas le Brigand. Le Gouverneur demande à la foule : « Lequel voulez-vous que je relâche, Barabbas ou Iéshoua ?Barabbas ! est le cri unanime.
-Et que faire de Iéshoua ?
-Qu’il soit crucifié ! Qu’il soit crucifié !      
Masse compacte de visages cramoisis, forêt de poings rageurs. La populace hystérique, la grosse bête collective qui meugle, veut du sang, du sang, et plutôt celui du candide faiseur de miracles que celui de cette brute de Barabbas. Crucifiez ! lapidez! lynchez ! fusillez ! sempiternelle clameur des assoiffés de sang.

On te livre à la grossièreté, à la bestialité des soldats. On te flagelle. On t’arrache les vêtements et on t’affuble d’une chlamyde pourpre. On te pose sur la tête une couronne d’épines. On se moque de toi. « Salut, roi des Juifs ! Salut, grand prophète ! » Roi de dérision, prophète d’asile de fous qu’on  couvre de crachats .

                                               VOICI L’HOMME
                                               l’homme défiguré par l’homme
                                               l’homme piétiné crucifié par l’homme
                                               le Négro lynché par le Ku-Klux-Klan
                                               la clocharde au visage tuméfié
                                               dévêtue sauvagement par des voyous
                                               la femme juive la sale youpine exhibée et tondue par les nazis                                             
                                               le camé le pédé la putain méprisés rejetés par les braves gens                                               
                                               le bougnoul humilié et noyé par des skin-heads
                                               le débilard  moqué racketé molesté par ses camarades
                                               l’enfant martyrisé par ses parents


L’implacable machinerie de la mise à mort se met en route. On te charge de la Croix. On te dirige vers le lieu du supplice. Tu avances péniblement. Plusieurs fois tu chancelles et tu t’écroules sous ton fardeau. La foule te suit sur ton chemin de douleur, badauds, touristes munis de caméras, pèlerins, supporters et détracteurs. Des femmes éplorées ont pitié de toi et pleurent sur ton sort.

On arrive au lieu dit Golgotha, c’est-à-dire lieu du Crâne. On te dépouille de tes vêtements. On te couche sur la Croix. On te cloue comme une bête au bois de la potence. Rictus de ta face, convulsion, crispation de tout ton être, de tes mains, de tes pieds troués.

                                                saignent les mains paluches crasseuses des serfs
                                                pognes calleuses des ouvriers écrasées par les machines
                                                saignent les pieds du bétail humain emmené en esclavage
                                                déporté à coups de crosse                                               
                                                saignent les dos les épaules knoutés
                                                les corps écartelés

On  dresse l’arbre d’opprobre qui à son sommet porte l’écriteau : IESHOUA ROI DES JUIFS. Deux autres condamnés sont crucifiés en même temps que toi. Pendu au gibet, tu regardes tes bourreaux et tu pries: PÈRE, PARDONNE-LEUR, CAR ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT. Pitié, pitié pour les victimes du mal et pitié aussi pour les acteurs du mal, pour la souffrance des uns et pour la terrible solitude des autres. Des passants, braves gens et notables, se moquent de toi : « Sauve-toi toi-même si tu es l’Envoyé de Dieu et descends de la Croix. » Même l’un des malfaiteurs suppliciés avec toi te raille tandis que l’autre, dans un éclair de foi, te demande de l’accueillir dans ton Royaume.

Les trois gibets  se dressent au sommet du Golgotha sur un ciel presque crépusculaire qui soudain s’obscurcit. Tu jettes ton dernier cri dans le silence pesant: ELI ELI LAMA SABACHTANI ? MON DIEU, MON DIEU, POURQUOI M’AS-TU ABANDONNE ? Tu agonises, tu agonises avec chaque être humain, avec le condamné à mort, avec l’enfant mourant du cancer, avec le soldat crevant dans la boue. Toi l’Innocent, tu prends sur toi toute la souffrance, toute la misère du monde et tu traverses l’abîme infranchissable. Avec toute  l’humanité perdue, les suicidés, les désespérés, les mutilés, les fous, les hallucinés, les débauchés, les possédés, les criminels, Tu traverses. Tu traverses avec chacun l’horreur de la mort, l’abandon, le total abandon dans la nuit la plus noire.

Maintenant tu rends ton dernier souffle. Maintenant. Et le voile du Temple se déchire. Et la terre frémit et se couvre de ténèbres. Douleur des pierres, fracas d’astres, cri du ciel rouge noir des éclaboussures du crime au-dessus des potences. Les femmes qui te suivent depuis la Galilée assistent terrifiées à cette implosion de nuit en plein jour.

                 VOICI LA NUIT, LA NUIT DE DIEU, LA NUIT DE L’HOMME.

                                SOLEIL NOIR ÉCLIPSE DE DIEU
                                DIEU EST MORT À VERDUN
                                DIEU EST MORT À STALINGRAD
                                DIEU EST MORT À AUSCHWITZ
                                DIEU EST MORT À TREBLINKA
                                DIEU EST MORT À BUCHENWALD
                                DIEU EST MORT À MAUTHAUSEN
                                DIEU EST MORT À BERGEN-BELSEN
                                DIEU EST MORT À DACHAU
                                DIEU EST MORT À MAIDANEK
                                DIEU EST MORT  À RAVENSBRUCK
                                DIEU EST MORT AU STRUTHOF
                                DIEU EST MORT DANS L’ARCHIPEL DU GOULAG
                                DIEU EST MORT À HIROSHIMA
                                DIEU EST MORT DANS LES RIZIÈRES DU VIETNAM
                                DANS LES DJEBELS D’ALGÉRIE
                                DIEU EST MORT À TCHERNOBYL
                                DIEU EST MORT À SREBRENICA
                                DIEU EST MORT AU RWANDA
                                DIEU EST MORT À GUANTANAMO
                                DIEU EST MORT À ALEP A HOMS

                                                                                         
Étrange clarté de fin de monde sur la Ville et les collines. Ton cadavre pend tel une bête d’abattoir au poteau d’infamie où ton sang se coagule en longues traînées. Lugubre barbaque couverte d’ecchymoses, de plaies, de griffures. Un soldat  transperce ton flanc gauche de sa lance pour s’assurer de ta mort.

Le soir venu, un de tes sympathisants vient détacher ton corps de la Croix. Il le roule dans un linceul et le place dans le tombeau neuf qu’il s’est fait tailler dans les rocs aux environs. Les Prêtres demandent au Gouverneur de faire garder le sépulcre de peur que  tes amis enlèvent ta dépouille et prétendent que tu t’es relevé des morts comme tu l’as annoncé.

NUIT SÉPULCRALE, FOSSE COMMUNE ILLIMITÉE OÙ DES MILLIARDS D’ÊTRES SONT ENSEVELIS  DEPUIS LE COMMENCEMENT DU  MONDE. NUIT LA PLUS NOIRE DONT PERSONNE NE REVIENT. DESCENTE VERTICALE DANS LE NON-ÊTRE.

Et puis c’est l’aube, l’aube du premier jour de la semaine, l’aube sur les collines  aux amandiers fleuris. Les femmes qui te suivent depuis tes débuts, souhaitant oindre ton corps d’aromates, viennent visiter le tombeau et le trouvent vide. Elles sont dans un grand désarroi. Un jeune homme rayonnant, une boucle d’or à l’oreille,  assis non loin de là, leur dit  que Iéshoua ne repose plus dans le sépulcre, mais qu’il s’est réveillé de la mort.

VOICI LE JOUR, LE JOUR DE DIEU, LE JOUR DE L’HOMME.

Tu es là, Iéshoua, surgi de la nuit la plus noire, debout dans la lumière du matin. Tu t’approches des femmes. NE CRAIGNEZ RIEN. C’EST BIEN MOI, IÉSHOUA. JE SUIS LE VIVANT.

VOICI LE JOUR NOUVEAU, L’ÉTERNEL MATIN.




RÉSURRECTION !



Cri de victoire de la plus grande insurrection,
l’insurrection contre la mort.
Bleu, bleu de paradis le calme de Pâques
Et blanc, blanc éclatant  l’essor
des ailes dans les immensités de fraîcheur.
Voici le Vivant inouï
parmi les oiseaux de neige, les bêtes éblouies,
les floraisons de l’aube.
Hors des contrées de larves,
hors des terres de détresse,
Il avance vêtu de la lumineuse robe
d’astres et d’allégresse.
Il avance, le Vrai Vivant,
dans le candide soleil  d’éternité,
dansant léger avec les brises duveteuses,
les parfums, les pétales bleutés,
dansant , marchant délicieusement lent dans la rosée
matinale inondant de menthe les rues pavoisées
et les jardins des cités ouvrières.
Il traverse auroral les places retentissant de rires écarlates,
les gares aux rails d’incandescence,
les usines, les supermarchés, les bistrots bruissant de juke-boxes ;
et les enfants Le regardent et s’éclatent.
Voici le Vivant de splendide innocence.



                                                                       *



                   
Qui reste en deçà de la Croix, en deçà de la Nuit la plus noire, se maintient dans l’illusion, l’illusion de la vie ou l’illusion de la mort. Il ne consent pas à se perdre sans réserve. Il veut une certitude : la certitude de la vie ou la certitude de la mort.    

                                                                 *
                                                

La Voie est chemin de Croix, chemin de l’impossible.



                                                                 *
Sur  la Croix, ce n’est  pas  le Père qui  sacrifie  le Fils ; c’est l’homme, adorateur d’un ordre mortifère, qui assassine le Dieu  de vie.


                                                                  *

La Croix, le passage par le vide, est l’unique porte. Mais nous préférons encore le néant au vide. Nous préférons encore nous laisser mourir plutôt  que d’affronter l’impossible, le chemin de croix.


                                                                 *


C’est  le Témoin de la vérité de vie que les hommes crucifient, eux qui habitent dans les contrées de la mort et ne supportent pas la lumière plénière.


                                                                *

Le chemin du Christ est croix et résurrection, inséparablement. Il faut affirmer l’une et l’autre sans réserve. Le christianisme est en même temps absolument tragique et absolument joyeux. VIA CRUCIS, nuit la plus noire, et ÉVANGILE, HEUREUSE NOUVELLE.


                                                                   *
La Croix n’est pas une condamnation de la vie, mais son jeu le plus haut : affirmer absolument la vie jusqu’à  travers la mort, jusqu’au-delà de la mort.


                                                                   *


Dieu souffrant. Dieu mourant. Pendant au bois d’infamie.  Comme un maudit.
Celui qui nous a créés, nous le crucifions !
L’Amour,  nous le crucifions !
Péché absolu.


                                                                   *
Ne pas enjoliver la vie ; ne pas l’édulcorer. Éviter le moralisme, les bondieuseries, la  bien-pensance. La vie est impossible. La Croix, c’est traverser cet impossible. Sans raison humaine. FOLLEMENT.


                                                                 *

Chacun a son Golgotha et c’est sa mort, le sacrement suprême.


                                                                  *
Un Dieu traité comme un criminel, un Dieu crucifié : image la plus singulière, la plus terrible, la plus prodigieuse, dont nous n’épuiserons jamais  le mystère. 


                                                             *


L’habitude bimillénaire a gommé depuis longtemps le scandale, la folie de la  Croix et de la Résurrection.

.
                                                                  *


La Passion du Christ condense la VIA DOLOROSA de toute l’humanité. Plus que jamais, après la plongée du XX° siècle dans le pire, après Verdun, Auschwitz, l’Archipel du Goulag, après les hécatombes des guerres mondiales et les génocides, nous commençons à en avoir une conscience plus vive. Meurtre de Dieu par l’Ordre humain assoiffé de puissance et de domination. Nuit de Dieu et nuit de l’homme en même temps. Et c’est dans cette nuit que nous nous trouvons. Et nous n’en sortirons que par l’insensé retournement vers la force résurrectionnelle de l’amour.


                                                             *


Le scandale et la folie de la Croix, unique porte du ciel. Le scandale et la folie de la Résurrection, irruption du ciel sur la terre. Le Christ doublement inassimilable.


                                                              *

Nous vivons dans le Mal et la Mort et pour aller vers la lumière, il n’y a pas d’autre chemin que de traverser le Mal et la Mort. C’est la voie étroite, l’inéluctable chemin de croix (la voie large, elle, propose les mille et unes illusions du monde). Mais la réalité ultime est Résurrection. La Croix n’est que passage. Le dernier mot est Évangile, Joie et non Tragique, non Mort.

                                                             *


Le Christ incarne la seule révolution absolue : la révolution qui triomphe de la mort. Les tentatives révolutionnaires rien qu’humaines se brisent toujours sur l’antique muraille infracassable de la mort.


                                                                  *

Le christianisme est une insurrection de la vie contre l’apparente souveraineté de la mort. Son « cœur absolu » : la Résurrection, la vie infiniment plus forte que la
mort.


                                                                  *
Il convient à nouveau, si l’on veut préserver l’essence du christianisme, de comprendre la Résurrection au sens strict comme relèvement de la mort de l’être vivant entier corps et  âme. On a trop tenté, pour en amoindrir le caractère invraisemblable, insensé, de la noyer dans des sens métaphoriques : recommencement printanier du cycle de la nature, renaissance de l’homme après les désastres et les crimes de l’Histoire…On est allé jusqu’à confondre la Résurrection et la croyance extrême-orientale en la réincarnation. L’événement résurrectionnel rompt avec ces mondes de la répétitivité que sont  la nature et l’Histoire humaine et inaugure la nouveauté absolue, la nouvelle Création dont parle St Paul.


                                                              *

Nous vivons la foi résurrectionnelle dans la mesure où nous résistons à  la croyance aux fatalités biologiques, psychologiques, sociales, économiques, où en tout domaine nous combattons les forces de fermeture et de mort et restons attentifs et disponibles à l’irruption de l’inouï sur nos chemins d’humble humanité.

                                                               *



Chassés du paradis, nous ne pouvons y retourner que par le chemin de croix et non par le rêve  régressif du retour à l’état fusionnel édenien ou intra-utérin.


                                                            *

La folie de la Croix et le caractère inouï de la Résurrection sont tout autant incompréhensibles aux hommes modernes qu’ils l’étaient aux Anciens Grecs et Hébreux.

                                                              *

Le vrai visage de Dieu est celui de l’enfant, du pauvre humilié, du crucifié.


                                                               *

La Croix a sans doute été le symbole d’un christianisme doloriste, sacrificiel, et notre époque tout à son esprit positif, à  son occultation du mal et de la mort, a tendance à l’évacuer et à ne plus voir dans l’Évangile que l’aspect affirmatif. Le christianisme est évidemment cela, affirmation absolue ; mais ce oui sans réserve ne peut se séparer de la traversée  du plus négatif. La Croix est le signe d’un Dieu  qui s’incarne pour affronter les ténèbres, signe du plus haut combat, combat pour la Vie et non emblème d’un processus sacrificiel exigé par quelque Divinité punitive.


                                                               *


L’homme ne tourne pas en rond comme le pensaient les sociétés traditionnelles. L’homme n’est pas prisonnier  du grand cercle de l’éternel retour. Il est fondamentalement être de crise et de rupture. Il aspire à l’ouverture du cercle de la finitude. Son seul tort est de toujours retomber dans le fini, d’avoir peur de lâcher prise sans réserve. De ne pas vraiment croire Dieu. De toujours à nouveau croire plutôt la mort que Dieu.

                                                             *




"LA CROIX BRISE LE CERCLE." (MAURICE CLAVEL)



                                                               *

Au fond ce qu’ils veulent aujourd’hui, c’est un christianisme sans la Croix, un christianisme affadi. Une simple morale, une simple vision politique. La voie large a grandement triomphé de la voie étroite.


                                                              *

Il m’arrive souvent de penser que la mort plonge dans le néant définitif. La foi n’efface pas cette pensée. La foi tend follement vers l’impossible.
Jusqu’au bout je resterai terrorisé par le noir absolu de la mort et accroché comme un enfant perdu au Ressuscité.


                                                              *


Ils achoppent tous à la Croix, les croyants aux tièdes petites croyances doucereuses, aux routines rassurantes, et les incroyants qui se contentent des misérables petites certitudes de ce monde.


                                                                  *


Notre temps accomplit planétairement ce que les contemporains de Jésus ont accompli au Golgotha : le meurtre de Dieu.


                                                                  *

Le christianisme est en son fond religion de victoire sur la mort, religion de la Résurrection. Comment a-t-on pu en faire une religion anti-vie, une ténébreuse religion de la mort ?

                                                                *
Prière folle, de profundis. Que la clameur des humains parvienne à percer le Néant et à atteindre le cœur de Dieu !

                                                                *

La Croix : absolue prière.

                                                                   *    

Le Christ vit le Jeu absolu, Croix et Résurrection. En ce sens et en ce sens seulement, Il est la voie, la vérité, la vie. Ne pas se contenter d’en faire un Modèle moral ou socio-politique.


                                                                *

Dieu pour s’incarner a ignoré le prestige social et pour mourir a consenti à la mort la plus ignominieuse.

                                                                *

Regarder le Crucifié avec des yeux vierges, en essayant d’oublier pour un instant 2000 ans de christianisme. 


                                                                *

Chaque époque représente la Passion christique à sa manière, dans l’esprit du temps. Cependant, sous cet habillage changeant,  le message demeure intemporel : Jésus crucifié et ressuscité est le Passeur qui fraie la voie vers la Vie, à travers l’assumation du mal et de la mort, Celui qui coupe l’Histoire humaine en deux en ouvrant le sépulcral monde de la Nécessité à la liberté  de Dieu.                                                                    
                                                                *

L’homme projette le Mal sur l’autre, sacrifie l’autre. Le Christ prend le Mal sur soi et le traverse. 

                                                                    *
Croire la Résurrection, c’est croire l’Amour plus fort que la Mort. Croire l’absolument incroyable.

                                                                     *
Croire au Christ, c’est croire à la Résurrection et vivre selon cette Foi, Foi absolument folle, Foi impossible.

                                                                      *
Le christianisme ne cesse d’être affadi. Loin de la mièvrerie ordinaire de nombre de chrétiens, il est voie d’absolu tragique et d’absolue joie, Croix et Résurrection.
                                                             *

Christ, Dieu traversant la mort. Même Dieu ne peut s’épargner ce chemin.
Part tragique du christianisme : Croix impossible à éluder.
Mais la mort n’est pas le dernier mot. Le christianisme affirme la victoire définitive  de l’Amour sur  la mort. Message incroyable qui, s’il est vraiment pris au sérieux, change tout.
                                                              *

Le Néant apparemment l’emporte. La foi, c’est croire que la vie est malgré tout plus forte que la mort, et que se brise à jamais le cercle infernal de l’être et du néant.

                                                             *


Résurrection : révolution absolue, abolissant  la mort.

                                            *



VOIES DE L’ESPRIT



TRAVAIL DU ROYAUME


L’Esprit (Pneuma): la Parole transcendante s’incarnant dans le Christ et en l’Esprit du Christ s’éveillant  en chaque être de foi et entre les êtres de foi.
                                                          *
Travail de l’Esprit, travail du Royaume : graduelle christification de l’humanité à travers le temps.
                                                                 *
Présence latente de l’Esprit en chaque être humain: évidence non évidente.
                                                                 *
L’Esprit ne se laisse pas enfermer dans un Temple.
L’Esprit n’aime pas l’odeur de renfermé.
L’Esprit n’aime pas l’odeur d’encre des scribes.
L’Esprit n’aime pas l’odeur d’encens des prêtres.
L’Esprit aime les eaux et les montagnes.
L’Esprit aime les déserts.

                                                        *


Le souffle de Dieu,
c'est cette brise légère
qui parfois se lève
quand s'interrompent le bruit et la fureur,
quand se taisent les bavardages
et que le silence soudain se déploie
des cœurs méditatifs
jusqu'à la lumière d'ailes de neige
là-bas par-delà les cimes.
Alors au plus secret de chaque orant
frémit le tendre murmure de Dieu
et son feu frais irradie à travers les visages.
Et comme une immense caresse
le ciel touche la terre,
vivifiant tout être
qui s'offre au plus profond Respir.


                                                                                                       *

L’Esprit travaille au cœur de la Création pour faire advenir son accomplissement, la Nouvelle Création.

                                                            *

La Nouvelle Création est l’invention du règne de l’Amour dans un monde polarisé par la Force. Christification du monde. Retournement de la Création vers le Dieu-Amour.

                                                           *

La Création présente est la matrice de la Nouvelle Création, de la genèse du Royaume.
                                                                     *

La Création sort du Néant et s’accomplit dans le Royaume de Dieu.

                                                              *
LE CIEL ET LA TERRE. Les deux grandes hérésies : penser la terre contre le ciel et le ciel contre la terre.
                                                                      *
Le ciel n’est pas un autre monde. Il est la dimension dans laquelle s’accomplit ce monde.
                                                                       *
Le Monde est le chantier du Royaume, non son opposé.
                                                                         *
Terre et ciel sont liés dans le même drame abyssal.
                                                                          *
La Terre est le champ, le ciel est le germe.
Notre tâche : laisser éclore le germe.
C’est le travail de l’Esprit à travers le temps.

                                                                      *
Dieu habite le temps, non l’espace.                                                                       

                                                                      *
Ne pas rêver du ciel. Faire d'abord la vérité et la justice ici maintenant. Un Dieu exilé dans le ciel est un faux Dieu.
                                                                *

Le monde est genèse dans la nuit, genèse-apocalypse.

                                                               *

Travail du Royaume. Assumer tout le réel et le transfigurer à travers la Croix. Assumer toute la vie et la transmuer à travers la ténèbre de la mort. Immense labeur de christification de toutes les réalités.

                                                           *

Le Royaume s'édifie en ce monde, contre sa réification.

                                                            *

Le Royaume, c’est clairement et nettement l’incarnation du règne de la charité, non un ciel chimérique.

                                                             *

Le Royaume se fait ici maintenant et n'est pas à exiler dans un au-delà imaginaire.

                                                              *

Il n'y a de vie éternelle que celle dont nous sommes les germes dans le champ du monde présent.

                                                             *

Travail du Royaume: programme de l’antipolitique, le contraire de la politique de puissance. Lutte pour l’homme de droit divin.

                                                           *
Tâche infinie : sans cesse défaire toute Image du Monde et ouvrir en-deçà, au-delà, à la Vie débordant toute Image de la Vie.


                                                            *

Le Royaume du Christ n'est pas de ce monde, c’est-à-dire du monde de la domination, du monde de la puissance, du monde de la maîtrise. Du monde des maîtres et des esclaves qui adorent les maîtres.

                                                               *

Dieu aussi a été réifié.


                                                                 *

Le Royaume est en toi, dans ta découverte sans fin de l'amour. Le Royaume est entre toi et les autres, dans la mutuelle pratique de la charité.

                                                                    *

Le Royaume n’est pas simplement un pari « pascalien » sur l’au-delà. Il est ici maintenant l’instauration concrète de l’ordre de la charité.

                                                                      *
Le Royaume est difficile d’accès pour les Riches, mais aussi pour les Intellectuels : les possessions spirituelles comme les matérielles bouchent l’entrée. C’est seulement nu qu’on peut traverser le seuil.

                                                                       *
Vision christique du monde : Jeu du Monde et du Royaume. Ce n’est pas une rêverie d’outre-tombe, grand reproche qu’adressent au christianisme ses contempteurs modernes. Le travail du Royaume s’accomplit en pleine pâte du monde et va au-delà. Travail dans le fini vers l’infini, fini et infini étant étroitement imbriqués.
                                                                  *
Nous sommes sur terre pour incarner la Parole et par ce moyen laisser croître le Royaume.
                                                                 *
Le Royaume ne s’oppose pas à la Terre : il l’accomplit.

                                                                 *
Celui qui veut aller au ciel n’y arrivera pas car le ciel n’est pas un royaume à conquérir.
N’entre au Royaume que celui qui renonce à tout règne.

                                                                   *
Un Royaume qui se ferme sur lui-même n’est pas le Royaume, espace ouvert où doivent pouvoir se rencontrer tous les êtres humains.
                                                                   *
Message de libération. Le Royaume, faites-le.
Jésus dit : le Royaume est en vous.
Mais on a tout recouvert, l’Ancien a réabsorbé la nouveauté.

                                                                     *
Les chaînes du monde sont en l’homme.
                                                                     *  
Jésus annonce le Royaume au peuple. Mais les Puissants, les Docteurs le crucifient. Et la Nuit retombe.
Et règnent encore et toujours les Monopolisateurs du Monde.

                                                                       *

Vous, les Puissants, abandonnez la puissance.
Toi, le peuple, abandonne la soumission et construis le Royaume.
                                                                       *
Ne rien enseigner. Enseigner à se libérer des enseignements, à trouver la vérité de vie au fond de nos cœurs.

                                                                           *
Libérer l’Éternité incarcérée dans les chaînes du Temps.
                                                                           *
Libère-toi des Dieux et fais le Royaume.
Le Royaume est à l’occident de tous les Dieux.
                                                                          *
La science, la technologie : des Dieux, encore des Dieux.
                                                                        *
Je parle d’un lieu sans autorité.
                                                                        *

Entrez dans le Jeu.
Abandonnez la pesanteur des grands discours et devenez grâce – ici et maintenant. 
                                                                         *
LE PEUPLE DE DIEU, LA CHRÉTIENTÉ. Il n’y a pas de chrétienté. Le seul peuple de Dieu est celui des Non-possédants, de ceux qui, dispersés à travers le monde, mettent la non-possession au-dessus de la possession, le non-pouvoir au-dessus du pouvoir, le non-savoir au-dessus du savoir.

                                                                        *

COMMUNION. Dans la Parole, on ne communique pas, on communie ; on vit ensemble le Mystère.
                                                                      *
« LÀ OÙ DEUX OU TROIS S’ASSEMBLENT EN MON NOM, JE SERAI PARMI EUX. »                      

                                                                       *

EUCHARISTIE. L’eucharistie christique est un coup de génie absolu. Sublimation du cannibalisme. Manger Dieu, en faire notre substance intime.

                                                                           *
La voie est co-naissance au Verbe vivant, manducation de Dieu  et non quête d’une réalité métaphysique ou d’un Idéal.

                                                                  *

Dieu est l’abîme à oser, la plus grande aventure, la plus grande ouverture.

                                                                  *

La voie christique veut une transmutation du monde hic et nunc, non une pure utopie terrestre ou céleste. Réalisme prophétique, non rêve idéaliste.
                                                                 *

L'INSENSÉ BOND
Le seul événement est
l'interruption de l'histoire,
de l'histoire
que se racontent les êtres humains
pour faire sens ensemble.
Le seul événement est
l'insensé bond
hors des légendes humaines,
trop humaines:
l'étreinte de l'éternité
ici, maintenant,
à jamais ;
l'affirmation verticale:
poésie, mystique,
subversion absolue
du monde humain rien qu’humain,
genèse du Royaume ...


                                                        *
                                LE FEU SUR LA TERRE

                      RÉVOLUTION - RÉVÉLATION DE L'ESPRIT

                                                         *

PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ. Sentiment de responsabilité et d'implication relativement à tout ce qui arrive au monde. Chacun est pris dans le Jeu entier et ne peut se croire hors-jeu, isolé sur son île, qu'en s'illusionnant. Nous sommes embarqués et embarqués tous ensemble.
                                                           *
Chacun est responsable de toute l’humanité. Chacun doit vivre, penser, agir comme s’il représentait l’humanité entière.
                                                            *
LE TEMPS, L’ÉTERNITÉ

EXTRÊME LE TEMPS. Tout est toujours à faire, à refaire.
                                                             *

Le temps est toujours extrême: constante urgence de la vie personnelle et de la vie du monde.
                                                               *

Le présent comme temps de la permanente conversion, de la permanente ouverture à ce qui advient.

                                                                 *

Critique du temps cyclique, tourné vers le passé; critique du temps linéaire, tourné vers le futur ; critique du temps fermé sur le présent.
Sortir des images du temps : passéisme, futurisme, présentisme.
Le temps est vertical : temporalité travaillée par l’éternité.

                                                              *
Vivre l'extrême présent. Consentir sans réserve au temps sans fuir dans un passé ou un avenir imaginaires. Être absolu oui ici maintenant à jamais.

                                                                *

Le temps n'est pas linéaire, n'est pas cyclique, n'est pas représentable, n'est pas
maîtrisable. Est in-imaginable. Est naître.

                                                              *
Ici et maintenant vivre le temps extrême, vertical, absolument traditionnel, relié à la Source, et absolument moderne, ouvert à l'Inouï.

                                                                *

L’ÉTERNITÉ ICI MAINTENANT. N'attends pas l'éternité au-delà du temps, mais brûle dès maintenant le temps dans l'éternité incandescente de l'instant.
                                                                            *
Abandon de l’idée du temps chronologique, du temps téléologique. A la place : le temps-naître, l’Éternel Naissant .
                                                                                 *
L’essentiel ne se situe ni en arrière ni en avant. L’essentiel se joue ici et maintenant, dans l’état naissant de l’existence.
                                                                               *
 Au lieu de tendre vers, laisser émerger, laisser naître. Temps comme devenir délivré du vouloir humain. Temps de Dieu.

                                                                                  *
Pour vivre dans le temps, pour vivre la plénitude du temps, il faut s’arracher au temps, ne plus objectiver le temps.

                                                                               *
Abandon de toute Image du temps et de l’espace. Nous n’habitons pas l’Histoire, nous n’
habitons pas le Cosmos. Nous habitons le Lieu-Non-Lieu de la Parole.

                                                                                   *
Temps extrême : l’homme est acculé à l’abandon de toute Image du monde et de l’outre-monde.

                                                                               *

Être d’une brûlante inactualité.

                                                                                   *

Ceux qui tuent le temps sont à vrai dire des meurtriers de l’éternité qu’ils ne savent pas trouver au cœur du temps.
                                                                                *
Ne te soucie pas du ciel. L’éternité est déjà là : il suffit de t’ouvrir avec confiance  au temps naissant, au temps de Dieu.

                                                                              *
Qui se soucie du ciel s’en ferme la porte.
                                                                               *
Se dénuder et  sans cesse pénétrer dans le Mystère inépuisable, s’ouvrir à l’insaisissable Vie. Ardente co-naissance.

                                                                                 *
Dieu dans le corps présent, non dans les abstractions de la tête.

                                                                                 *
Plus que penser Dieu, il s’agit de Le vivre, de Le laisser s’incarner en notre humanité, de laisser le Verbe transfigurer la chair.
                                                                                 *
Si Dieu n’est pas le cœur de la vie la plus concrète, il n’est qu’une Idée vaine et dangereuse.

                                                                                 *
Dieu est présence réelle, non Entité métaphysique, imaginaire.
                                                                                    *
LE TEMPS, L’HISTOIRE. Ne pas opposer l’Ancien et le Nouveau temporels, historiques, mais l’Ancien et la Nouveauté Éternelle – l’Ego et le Non-Ego.

                                                                       *

L’Histoire de Dieu et de l’Homme est celle d’une intériorisation progressive du Divin en l’homme jusqu’à la révélation en Christ de l’Esprit comme cœur de l’Homme.
                                                                   *
                                                  
          
      
HUMANITÉ  THÉOPHORE                                                                      
                                                
                   HOMME TEMPLE DE DIEU
                                                                             *
ÉTERNITÉ. Tout ce que cette terre a porté de beauté et d’amour, Dieu le recueille-t-il dans son éternité ?

                                                                   *
Représente-toi l’être qui t’est le plus cher. Peux-tu concevoir d’en être séparé éternellement ? Ne désires-tu pas un amour éternel ?
                                                                    *
En contemplant les visages aimés, je ne peux pas ne pas désirer leur éternisation.
                                                                      *
Vivre, aimer, écrire, créer comme si c’était pour l’éternité.

                                                                       *
Foi en la Vie pour ici maintenant et pour l’éternité. Il n’y a pas de christianisme sans foi en Christ ressuscité.

                                                         *





RELIGION, RELIGIONS



Si la religion n'est  pas l'expression du total amour, elle n'est que farce vaine.

                                                    *

Les religions deviennent souvent des tombeaux où l'on enferme l'esprit vivant des génies religieux.
                                                       *

Les religions ont en permanence à se convertir au noyau spirituel qui en constitue le cœur, à répéter en permanence l’ardente co-naissance.

                                                          *

Grandeurs et faces d'ombre des religions. Manifestations du désir infini de l'homme d'un côté et de l'autre, instruments de sa folie de toute-puissance.


                                                           *

Le Dieu que revendiquent les humains est généralement le Dieu de Toute-Puissance, non le Dieu de Miséricorde.
                                                                     *
La religiosité ne doit pas être un domaine à part, une spécialité parmi d’autres, mais l’espace le plus ouvert où tous les aspects de la vie peuvent se déployer et s’enrichir mutuellement.
                                                                         *
La religion concerne tous les éléments de l’être humain, et non pas seulement des parties privilégiées, l’être humain endimanché.
                                                                            *
« RIEN N’EST CONTRAIRE À CE QU’ON NOMME LA RELIGION COMME CE QU’ON NOMME LA MORALE ; LA MORALE ENDUIT L’HOMME CONTRE LA GRÂCE. » (PÉGUY)

                                                                        *

La médiocrité, la vieillerie, le conservatisme , le dogmatisme rigide des Eglises chrétiennes ont sans doute détourné plus d'êtres humains du Christ que toutes les propagandes antireligieuses.

                                                                          *

Toute religion doit se défaire de l’idée qu’elle représente la colonne vertébrale du monde et entrer en dialogue avec les autres traditions spirituelles.

                                                                  *
Une religion qui cherche à dominer sert toujours un faux Dieu.

                                                                 *
En matière de religions, je suis contre le syncrétisme et cependant ouvert aux inspirations venant de toutes les traditions spirituelles enrichir ma propre tradition.

                                                                 *
C’est facile de critiquer les religions, mais infiniment plus difficile de suivre vraiment les témoins de Dieu, les saints de toutes les religions.
                                                                   *
Distinguer clairement les institutions religieuses avec leurs grandeurs, leurs faiblesses, voire leurs noirceurs, et l’expérience intérieure du divin, l’inspiration mystique, poétique, révolutionnaire, les voies de la sainteté. Deux dimensions, extériorité/intériorité, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre, qui tantôt concordent tantôt discordent.

                                                                     *

La religion ne doit pas servir à supporter la vie, mais à l’illuminer.

                                                                   *
Il y a deux folies de Dieu, diamétralement opposées: l’extrémisme de l’amour (François d’Assise, Hallaj) et l’extrémisme du dogme pétrifié pétrifiant (l’éternelle Inquisition s’emparant de temps à autre de toute tradition religieuse).
                                                                   *

Religions de la terre/religions du ciel: les unes peuvent être aussi pernicieuses, aussi oppressives  que les autres.

                                                                   *

Toute religion qui anathémise est elle-même anathème.
 
                                                                         

                                                                         *

Il y a un abîme entre la radicalité fanatique, persécutrice et meurtrière, et la radicalité de la charité, compassionnelle,  les deux faces extrêmes de la religiosité, la ténébreuse et la lumineuse.


                                                   *
GÉNIES RELIGIEUX. Les grands génies religieux ont tous été trahis et défigurés en images pieuses. On ne les retrouve qu'en redécouvrant toujours à nouveau le scandale qu'ils incarnent dans les sociétés humaines.

                                                                     *

Les religions suscitent à la fois les pires folies du fanatisme et de la superstition et la plus haute folie de l’amour.

                                                                  *
Toute instrumentation politique de la religion est un meurtre de Dieu. Dieu n’a rien à faire avec la Puissance ; il n’a à faire exclusivement qu’avec l’Amour.

                                                                     *
ÉCRITURES. La Parole de Dieu n'est pas dans les Écritures, ce sont les Écritures qui sont dans la Parole de Dieu.

                                                                    *
Dieu est infiniment plus grand que toute Écriture sacrée.

                                                                   *
TEMPLE. Si le Feu s'est éteint dans le Temple, abandonne le Temple.

                                                             *
LA SAINTETÉ, LE SACRÉ. Dieu n'habite que dans le cœur humain. C'est le seul lieu saint. Il n'y a ni Écriture sainte, ni Site sacré.

                                                                           *

PÉCHÉ CONTRE L’ESPRIT: transformer Dieu en système qu'on impose de force aux hommes. La plupart des religions le commettent de temps à autre.

                                                    *

                                                                   
La Révélation vient du dedans. Une grande part des religions est chosification, formalisme extérieur, y compris dans le christianisme traditionnel.
                                                     *
La vraie Foi est expérience de l’intériorité, naissant de l’inspiration de l’Esprit. La croyance ou l’incroyance imposées du dehors par les traditions religieuses dogmatiques ou par la force politique sont le péché capital contre la liberté inaliénable de chaque subjectivité humaine, le péché contre l'Esprit qui ne connait pas de pardon.



TRANSFIGURATIONS

Ouvrez vos yeux entre les éclairs. Voyez. Voyez par-delà les figures de ce monde. Soyez des voyants aux pupilles dilatées par le mystère.


Les nations habillées d’aigles s’agglutinent dans les crevasses de la Peur où pullulent  serpents et scorpions.

Et la grande Ombre céleste passe sur les têtes, la terrifiante brusque Ténèbre éteignant tous les éclairages des métropoles et des hameaux et jetant la nuit totale sur les continents.

Et les bouches de la Terre, gueules d'enfer, s’ouvrent et avalent goulûment les multitudes proies de la Grande Angoisse.

Et les oiseaux aux ailes de vertige flambent et s’envolent en nuées immenses au-dessus des pierres levées de la détresse terrestre, dérivant dans le ciel crépusculaire et se perdant  au-delà des monts obscurs.
 

Oh ! ce silence d’agonie au pied des murailles infranchissables de la Faute.

Les morts enveloppés de linceuls déchiquetés se levant de leurs grabats montent des souterrains remplis de vapeur létale  et s’égaillent en hordes verdâtres à travers les terres dépouillées.


On sent dans l’air l’odeur des débauches et des crimes.

Gravitations lugubres de rapaces dans le ciel de plomb au-dessus des morts-vivants déguenillés.

Tout se tait

et les feuillages s’enflamment de verdure noire.


Songeur d’apocalypse,
tu marches au sein de la foule somnambule
et là-bas dans le crépuscule orange la vision violente du Royaume
illumine les longues files de voitures,
les multitudes fabuleuses de la cité moderne.
Tu entres dans un bistrot
et tu bois un café bien chaud
en pensant au Golgotha.
Un clochard passe sur le trottoir,
le visage tuméfié.

Saignent les ferrailles d'angoisse, crient, rient les rails de rage dans la ronde hautaine des nébuleuses.


Socs tranchant la glaise des abjections dans la nudité des nuits sanglantes.

Des milliards de termites montent à l'assaut de la cathédrale,  
vaste carcasse délaissée au milieu des champs de tulipes.

Le feu s'empare des arbres et des constellations.

Les empires s'écroulent comme d'énormes forêts pourries 
et la plèbe livide et pourpre, la pègre prophétique roulant des joyaux dans son écume submerge les jardins royaux.

À l'occident des dieux, éclate, Très sainte Révolution, splendeur verte de l'athéisme, ouragan de roses !
Au-dessus des dômes et des palais, danse, printemps d'ailes et d'épées!

Dans la cathédrale rageuse de joie retentissent les psaumes.
Les colombes de candide douceur survolent les cierges, traversant diaphanes les nuées d'encens, se dissolvant dans la lumière des vitraux qui vibrent d'allégresse dorée.


Seuil de la nouvelle Ionie. Embruns des prophéties jusqu'aux Andes, aux Mongolies.
Dans le scintillement des chaos de foudres, tu nais, terre de feu, ode de porphyre émergeant des mers.

Les foudres noircissent l’or des ostensoirs, brûlent les hosties immaculées.
Le pain du ciel saigne.
Les soldats mitraillettes en bandoulière boivent le vin noir dans les calices volés sur les autels du temple et crachent sur les suppliciés.

Au lieu-dit du crâne de tendres brises frôlent les crucifiés
et dispersent les neumes au-dessus des pâtures de Judée.

La cathédrale s’effondre
et le maïs immensément envahit les ruines
avec une calme violence. 

Le sanctuaire offert à l’azur libre retentit du cantique des luxures printanières.
Les effluves sombres de sexe se mêlent aux fortes senteurs de l’encens et des lys.
Des gerbes de sang tiède inondent les Livres, Korans, Védas, Bibles, et éclaboussent les officiants     

portant chasubles en soie et dorures.


ABBA
PATER NOSTER QUI ES IN CAELIS
PÈRE, QUE TON NOM SOIT SANCTIFIÉ !          


La liberté aux seins d'adolescente avance parmi les décombres des empires.
Verdure de Dieu, Alléluia !


Verdure bleue

s’épanouissant en amples palmes

vertigineusement au-dessus de la mer

comme ce long cri de sainte colère aux vibrations du sang,

HOWL, tam-tam, tambours frénétiques, clameur nègre des trompettes d’or étincelant aux soleils noirs de l’humiliation et de la souffrance. 


Archipels de la grande détresse, camps de mort, charniers, banlieues glauques, métro hanté par les sans-abris et les bardes hirsutes à guitare, sébile et voix éraillée, usines aux murs éclaboussés de colères ravalées, trains allant au bout de la nuit, au bout de l’enfer.


NACHT UND NEBEL. Nuit et brouillard.

VERGIB UNS UNSERE SCHULDEN

PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES COMME NOUS PARDONNONS À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS.


Apostasie de toutes les nations. Ère des ténèbres, diluvienne. Holocauste planétaire. Terres plantées de barbelés, de miradors, de blockhaus. Hurlements des tortionnaires, des meurtriers de Dieu.

Vous qui entrez ici ne pensez plus au vaste azur lumineux des méditerranées .
Noir fracassant, écroulements de ténèbre, tam-tam,
percussions se répercutant dans la grande forêt hallucinée de la folie humaine
où rôdent les masques démoniaques,
HOWL, Heulen der Sirenen, Heulen der Schmerzenden,
hurlement, hurlement des sirènes, hurlement des souffrants, des déments, des agonisants. Hurlement de la haine, des lapidations, des anathèmes, des blasphèmes.

PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES !

Se lèvent les poings dans les matins gluants des cités délabrées,
les poings meurtris frappent les portes d’acier colossales.
Et se déployant en cyclone la vertigineuse clameur monte dans le ciel,
vrombissements, rugissements, martèlements, explosions,
jours de mort, entassements de cadavres.

SED LIBERA NOS A MALO !

Délivre-nous du règne du meurtre !

ERLÖSE UNS VON DEM BÖSE

Ouvrez vos yeux entre les éclairs. Entre les éblouissements, les aveuglements. Voyez ce que l’homme ne voit pas. Par-delà tous les sens, devenez des voyants.  Voyants d’apocalypse, témoins de la transfiguration, vigies de la plus grande paix, celle qui surpasse tout entendement !

Ouvrez vos oreilles entre les fracas du tonnerre. Entre les explosions, les clameurs.  Dans les tréfonds du silence, percevez la Parole qui vient de la Source.

Écoutez l’Inouï par-delà le vacarme de ce monde hagard.


Dénouez vos êtres et laissez-vous irradier par L’ESPRIT QUI SOUFFLE OÙ IL VEUT, Alléluia !

Haut Souffle ignifiant chargé de sel, de vaste senteur de mer,  ON NE SAIT NI D’OÙ IL VIENT NI OÙ IL VA.


Brume de brûlure investissant, vivifiant les êtres translucides.


Ouvrez vos corps-âmes à la Pulsion divine, à la Voix du Cœur clamant en silence par-delà les vagues de l’océan déchainé de la vanité humaine.


Écoutez le silence prophétique. Écoutez la prophétie du Feu inextinguible qui vient du dedans. Lave de l’Esprit.


Les drapeaux rouges, noirs, tricolores brûlent dans le brasier de Dieu et les croix sur les collines autour des villes saintes s’illuminent comme des arbres de vie aux fruits d’or, aux fruits d’éternité.


PÈRE, QUE TON RÈGNE VIENNE!

Voici la mer,
voici bleu et frémissant de sources
le matin du Ressuscité,
paix aux hommes de bonne volonté.
Voici, tu descends la rue vers la mer
et tu chantes,
et tu t’ouvres corps et âme.
Ton sang inonde l’avenir
qui est une nuit pure, une aurore secrète toute vibrante de germes
et tu marches dans la transparence printanière,
parmi les floraisons, les guirlandes,
les sourires des femmes rayonnantes,
et les poings s’ouvrent en fleurs
dans la vaste rumeur des villes,
et vous vous dissolvez dans la clarté retrouvée
afin que des peuples d’enfants
croissent au cœur des mers
et dans les rues désolées des banlieues.

ADVENIAT REGNUM TUUM

Voici le psaume montant des entrailles du temps,
le psaume des peuples en marche
et des éclatements.
Rouges noirs les jours de rage,
les jours de gloire,
et bleus l'été la liberté,
bleus les yeux de la liberté,
l'azur ivre au-dessus des champs de blé
et la mer la mer
immensément lumière.
Blanche l'éternité,
la neige paisible sur les hameaux d’Occident et d’Orient.
Blanche l'attente séculaire,
l'éternelle éternellement muette attente dans les chaumières
du grand jour de délivrance.

DEIN REICH KOMME !

Bleus le rêve l'utopie le ciel sur la terre,
bleu le paradis îles ô îles d'innocence par-delà la mer,
pays de cocagne ou Atlantide.
Voici le psaume des profondeurs,
le chant de l'indestructible Espérance.
Rouges noirs soudain et bleus et blancs
les jours des nations en transe
de haute subversion.
Clameur rauque démoniaque
remplissant le ciel, millions d'ailes
se trempant dans les flaques
du nouveau matin
et s'envolant parmi les danses
et les rires cristallins.
Voici le sombre chant le cantique irradiant
de la sainte véhémence.

DONNE-NOUS AUJOURD'HUI NOTRE PAIN DE CE JOUR !
ET PRÉSERVE-NOUS DE L’ÉPREUVE !

Infinie transhumance dans la lumière de la Parole des créatures sorties de l’humus et en chemin vers le Royaume de la Vie. 


Immémoriale Genèse-Apocalypse, grosse d’astres, de plantes, d’animaux, de rêves humains sous les vents noirs d’enfer et les brises de menthe.

QUE TON VOULOIR SOIT FAIT SUR TERRE COMME Il EST FAIT AU CIEL!
DEIN WILLE GESCHEHE WIE IM HIMMEL SO AUF ERDEN

Parousie éclatante parmi les oriflammes et les nuées en feu, Alléluia !

Ô nouvelle Jérusalem ! Nouvelle Terre ! Nouveaux cieux ! Communisme de Dieu ! Très sainte Utopie !


MILLION D’OISEAUX D’OR, Ô FUTURE VIGUEUR ! 


ELLE EST RETROUVÉE.
QUOI ? L’ÉTERNITÉ.
C’EST LA MER ALLÉE
AVEC LE SOLEIL.

Les bêtes sacrées, veinées de lave, traversent fougueusement la buée de l'aurore, escaladent les montagnes de fraises      qui séparent le pays des  Nuages de celui des Bannières, et, se cabrant sur les crêtes chenues, dressent leurs corps d'ébène vers l'Étoile radieuse du Matin.

Les trompettes d’or éclatent d’allégresse au soleil qui se lève sur le labyrinthe des cités de marbre ou de boue, sur la houle des collines boisées. Hosannah ! Nuées pourpres au-dessus de la terre promise. Plérôme, plénitude d’été. Avènement du Règne de justice.

Ô Lumière incorruptible transfigurant la Création présente !
Ô Nouvelle Création ! Eternelle Eucharistie ! Éternel Amen ! Eternel Alléluia!

DENN DEIN IST DAS REICH

CAR C'EST À TOI QU'APPARTIENNENT LE RÈGNE, LA PUISSANCE ET LA GLOIRE POUR LES SIÈCLES DES SIÈCLES. 
                                                                  

                                                                                      *

TABLE

JEU DES JEUX HUMAINS

SEUIL
AU COMMENCEMENT LA PAROLE
LE JEU DES JEUX
CŒUR DE L’ÊTRE
LE DÉSIR, L’ESSENTIEL, L’IMPOSSIBLE
JEU DE L’EGO ET DU NON-EGO
FOI
OU BIEN OU BIEN
HOMO VIATOR
TRAVAIL DE LA PENSÉE
ORDRE DE LA CHARITÉ, DIVINITÉ DE LA HAUTE TENDRESSE
L’ABSOLUE SIMPLICITÉ
VOIES DE LA BEAUTÉ
ECCE HOMO, GRANDEUR ET MISÈRE DE L’HOMME
LE BIEN ET LE MAL
L’ORDRE-DÉSORDRE HUMAIN, TROPHUMAIN, INHUMAIN
LA VIE ET LA MORT




JEU DE DIEU

CREDO

LA SOURCE VIVIFIANTE
CHRIST
L’Incarnation
Christité
La Folie de Dieu : la Croix et la Résurrection


VOIES DE L’ESPRIT
Travail du Royaume
Le Temps, l’Éternité
Religion, religions