30.9.15

LE JEU DES JEUX Haut Jeu (3)


LIVRE DE CONTEMPLATION






                              "HIERSEIN IST          HERRLICH." (RILKE)                                                                            
                                                  

                                                                 "A FLOWERY  BAND
           TO BIND US

                    TO THE EARTH." (KEATS)
                                                                                              




CUEILLETTE D’ÉTOILE

Une main d'enfant
cueille une étoile
et la laisse choir
nonchalamment
dans le bol d'azur frais
du matin.





DOUCEUR PRINTANIERE


La lumière est amoureuse des roses.

Le ciel rêve sur le repos des choses.

De frais chemins mènent les pas

vers des tiédeurs de miel

près de l’arbre là-bas,

gardien du silence essentiel.




INSTANT D’ÉTÉ

Touffeur.
Songe de soleil peuplé de souffles délicats
et sous les branches
tremblements plus subtils encore:
frissons de flaque,
brindilles qu'un rayon chauffe,
tendresses discrètes de myosotis,
battements d'ailes invisibles,
regards de musaraignes.
C'est le monde arrêté,
suspendu à son propre silence,
la terre qui s'écoute être.
C'est l'oreille des choses
attentive au murmure le plus tendre.


APRÈS-MIDI  D’ÉTÉ


Le ciel tendre
se penche sur le toit.
Bleue de silence,
la fenêtre contemple
le jardin calme
ruisselant de lumière.




DANS LA FORET  D'ETE

J'allais par de frais chemins,
léché tour à tour
par l'ombre et les coulées de lumière.
Des fabulations démentes
me tourmentaient.

Parfois une pluie brève
faisait murmurer les feuillages.

Clairières. Éclaircies.
Lumineuses gazes pendant
d'où l'azur était trouble.
Et, l'averse s'étant tue,
la forêt creusait son silence.



J'AI PASSE COMME LE VENT

J'ai passé
comme le vent
virevoltant
un instant
dans les blés
un matin d'été.

Ne m'a reconnu
qu'un lièvre
sur un sentier perdu
où j'ai disparu
dans le silence aigu
aux odeurs de genièvre.



ENFANTS DE L’INFINI 

Enfants de l’infini,
nous errions ivres
dans les vastes prairies
du paradis

jusqu’à ce que la nuit nous livre

à ses splendeurs de givre.

Etoiles vagabondes,
nous rêvions alors de dérives
aux lointaines rives

où se perdent les mondes.




TOITS  PARMI LES HERBES ET LES FEUILLES

Le chemin s'incurve au pied du peuplier.
Des poulains piaffent dans les prairies
vastes jusqu'au ciel.
Les toits se baissent vers l'herbe
frémissante de lumière.


Villages nimbés de candeur,
assoupis parmi les feuilles;
églises sépulcrales où l'on entre
après la promenade au soleil.
Pierres en prière dans les saisons sans fin.





L'HERBE DE MERVEILLE


L'herbe de merveille
pousse n'importe où,
entre les pierres, dans la boue,
dans les jardins abandonnés,
au bout des chemins vicinaux.

L'herbe de merveille,
nous l'ignorons,
nous la piétinons,
n'ayant pas dans le regard
assez de simplicité
pour la voir,
extrême naïveté
de  toute chose.

L'herbe de merveille
pousse pour le vent,
pour les chiens errants,
pour l'âme des enfants.
L'herbe de merveille diaphane
pousse pour les ânes.




AVANT L'AVERSE

Sur l'humble rose
un papillon se  repose.
Un peu de vent les berce
doucement, doucement.
Quelques grosses gouttes
bombardent la poussière 
de la route.
Voici  venir l'averse.




L’AVERSE

L’averse jette ses bleues giclées

de perles liquides
contre la vitre qui chante

heureuse et fraîche

comme l’enfance en été

quand dans le verger les pêches

ont des joues d’aube

sous l’humide feuillage du matin.





ROSES JUBILEZ


Roses jubilez près des cils.

Aiguilles d’azur, abeilles,

pénétrez le gouffre de parfums.

Un enfant transpercé saigne,

étendu sur le lit d’herbes noires.

Le soleil boit sa bouche pâle.

Roses, ô bourdonnantes d’ailes,

dans le feu disparaissez.

L’agonie de l’enfant brûle au cœur du silence d’été.

                   ROSES
      O BOURDONNANTES  
                                       D'AILES
 


IMMENSEMENT SAISONS DE MENTHE


Immensément

saisons de menthe

dans les collines

avec les myosotis, les brises,

les gigantesques nuages d’éclatante blancheur,

caravelles célestes immobiles


au-dessus des toitures moussues,

immensément

avec la soie des rumeurs,

ailes, sources, craquements

de la terre en gestation.




LONGTEMPS DANS LES SAISONS D'OUBLI

Longtemps dans les saisons d'oubli,
d'arbres flous et de fileuses,
ombres aux visages pâlis,
nous rôdions au bord des meuses,

des meuses, des mélancolies
aux tiédeurs insidieuses.
Nous errions sous les douces pluies
jusqu'aux collines dormeuses

où se perdaient les hallalis
des clairières odieuses
et les bleues guirlandes de cris
des lointaines vendangeuses.


ECLAIRS


Le jour glacé se lève.
Un insecte lentement gravit la vitre.
Au loin dans un reste de nuit
un astre bleuté énorme luit.

      ***

Les corolles la nuit
dégustent le lait de lune,
puis boivent le lait rose de l'aube.
        ***
Jonchées d'astres s'effaçant.
Les glaïeuls gloussent
dans l'aurore.
Les jacinthes jaillissent
des songes d'ombre.

        ***
Braises d'aube
derrière la dentelle des branches.
         ***

La flamme des fleurs danse
sous la neige du printemps.

         ***

Légère, l'aile
au-dessus des lys.
Saison de délice.

              ***
Les ivres fêtes d'ailes
à la neige se mêlent
et d'éclairs étincellent
sur la noirceur du ciel.


                ***
               ROC
               DOIGT
               NOIR
               HORS
               DU BLANC
               FLOT
               D'EAU
              

       
                 ***         


Depuis quelques jours, il neige
et nous ne dormons plus, debout aux fenêtres
à manger la blancheur.




JE SORTIRAI DANS L'ETE RAYONNANT


Je sortirai
dans l'été rayonnant
vers l'eau
plus neuve que la lumière.
Marcheur léger,
je sortirai
pour voir le jour et l'ombre
et les visages éclore
aux brises de clarté.




JOIE

riez  roses
riez de beauté pourpre et blanche
dans la rumeur de neige
ardente des baisers
dans le bruissement bleu des brises
et des branches
brûlez roses brûlez
et vous oiseaux
dansez au-dessus des toits noirs
et des tourments humains
dansez
brûlez de joie jusqu'à l'ébriété
dans l'extase infinie
de l'été souverain


SOIR

Les vitres rutilent
dans le blond visage des maisons;
pain des murs
où glissent des ombres de pigeons.
Dans le verger d'avril,
la jeune mère fragile
éclaire l'enfant
aux regards débordant
du mystère de l'azur
et de la force du futur.

 

 VERTIGE DE SILENCE

Le soir brûle dans les vitres
Vertige de silence.
L'insecte replie ses élytres.
Les  arbres pensent.







                                VITRE

                                   enVols
                                 vertIgineux
         à travers la vaste Transparence
                               du cRépuscule
                front frôlant lE frais rideau

 


LA BEAUTÉ SIMPLE

La beauté simple
visite les jours
de l'ouvrier et de sa femme.
Il y a les tournesols du jardin
et l'odeur du vent
entrant par la fenêtre.
Il y a le pain et le vin
sur la table éclairée
par le soleil couchant.
Il y a les bras de la nuit et la tendresse.



PROFONDEUR DU SOIR

L'arbre respire plus ample.
Pas une étoile
ne tremble
encore au ciel laiteux.
L'araignée se fige
au milieu de sa toile.
Le silence apaisant s'érige
sur les prés brumeux
qui lentement s'inclinent
dans le  soir
comme si la terre,
la vieille terre carnivore
avec ses morts,
s'offrait doucement au ciel
et à la nuit naissante,
comme si un imperceptible mouvement,
au-delà de la demeure des vivants,
fondait la paix des trépassés
et le calme du firmament.
Bientôt ce sera la profondeur,
eaux, herbes, brumes, branches,
tombes aux sombres moiteurs,
toutes choses comme imbibées,
ouvertes par la dense obscurité
envahissant le pays de  lenteur.






HERBSCHTNACHT

D Strossa sen schwàrz.
Dr Raga rüescht.
Im wàrma Hisala
tràïma d Menscha.
Im stella Hisala
schlofa d Kàtza
un schnàchlt dr Hund.
Dr Raga rüescht ufm Dàch.
D Lada lodla im kàlta Wend.
D Strossa sen schwàrz,
d laara Strossa in dr Nàcht.


L’ENFANT AU FRONT POURPRE

Neige bleue

aux vitres d’aube.

L’enfant nu blotti derrière les braises

rêve de vastes herbages

où galopent des cavales

aux crinières incandescentes.

Neige lente

tombant sur l’épaule des collines.

La mère s’incline

sur le front pourpre de l’enfant songeur,

éloignant d’un baiser

les spectres du malheur .



FLEURS DE GIVRE


A travers les frises
de subtiles fleurs grises
qu'aux vitres dessine le givre
brille la matinée ivre
des baisers de la bise
et dans l'ombre aux senteurs
de cuisine l'enfant se livre
au songe immense de vivre.




IMMENSITE ETRANGE

Heures d'hiver
crépusculaires.
L'horizon infini
rayonne d'une lumière orange
derrière toits et branches
sous la neige ensevelis.
L'enfant rêve à la vie,
immensité étrange.





WENTER

S Hisala schrumpft sech zamma
unterm kàlta Wenterwend.
Dr Schnee tànzt àn da Fanschter.
D kàlta Schiewa hiela.
Um s Hüs gehn gràïa Gschpanschter.
D Hunda hert ma briala.





           "WINTER UNDER CULTIVATION
           IS AS ARABLE AS SPRING."

                                   (EMILY DICKINSON)

"L'Hiver pourvu qu'on le cultive
Est aussi arable que le printemps."




WISSA PRACHT SCHWARZA NACHT

Wissa Pràcht
Schwàrza Nàcht.
Dr Mond tràïmt àm Fanschter.
Dr Ofa sengt.
D Kuch esch wàrm.
D Fràï setzt navem hocha Kanschter
ehr Bubala im Arm.




 
DUNES D’EDEN


J’ai dormi cette nuit sur les dunes d’Eden


toutes tièdes de sang et de souffles légers.


Des ailes survolaient mon lent sommeil de laine


et j’entendais la mer obscure me parler.





Elle parlait de vous, ô collines d’haleines


où niche la tendresse au creux le plus caché.


Et la voix se perdait apaisante et lointaine


aux gouffres de fraîcheur de la tranquillité.



AUX CONFINS DE L'EMPIRE

Aux confins de l'Empire,
près d'une baraque,
la lune se mire
dans une flaque.



PLUS QUE LES GALAXIES


Que sont les astres


et les cieux infinis


si à jamais


je sombre désastre


dans la nuit ?




Plus que les galaxies


tu es la vie,


petit enfant qui souris.









LITURGIE VU DR STELLA


1. MORGA



Dr gànza Tàg, d gànza Nàcht


wia’na Gebatt


àlles üs dr ennra Stella erlawa.




Melda, melchiga Morgastella,


Porzelàn-Hemmel


ewer d igschlofena Derfer.


Blib gànz stell un heer dr Stella züa.


Stella vu da weicha tràimenda Kerwer in da kiahla Zemmer.


Blàia Stella vum Erwàcha,


vu dr emmer neia Wedergeburt àns Lawa.


Stella wia Sida, wia frescha Qualla,


heiligi Màteria, Freeda wia lichta, wissa Nawel


wu ewer d gànza Arda schwebt


un àlles durchdrengt.




Alles steht noch riahwig, àlles steht noch stell


un wàrtet uf dr Tàg.


Mr heert s geheima Kima un Wàchsa vu da Pflànza,


s làngsàma Entfàlta vu da Blätter,


vu da Blüama im durchsechtiga Summertàg,


s Entfàlta vu dr eifàcha Scheenheit, Duft, Fàrwa, Form,


steller Psàlm vu àlla Kreatüra.


D Baim un d Hecka erwàcha


voll vu Aiga un Zwetschra.


D Garta stràhla ewerfellt


vu Lelia, Glàdiola, Sunnablüama.


A wàndersluschtiger Wend waiht durch d Hieser


wu gànz uffa stehn im granzlosa Liacht-Tràim.


S Meer vu da Kornfalder erstreckt sech


bis zu da Rawa, bis in dr Hemmel.




Summertàgstràim. Alles esch stell,


àlles esch ekstàtisch, hoch, unandlig.


D Vegel verliara sech im Sunnagold,


im Glànz vum Pàràdies.


Dr längschta Tàg 

reina Azür-Gestàlt


herscht breit ewer d Ewena


un in dr hellblàia Farna


schwemma d Barga wia Luftscheffa .




2. MITTAG




Mittàg. Stellstànd. Hetz. Hetz. Hundstàgàhetz.


Dr Duft vu dr Arda tànzt in dr vibriarenda Luft.


D Emmala summa im Obschtgàrta.


D Hianer glucksa schlofrig nawem Stàll.


D schlummernda Kender fàwla


un vergehn im Sunna-Wàhn.


D Liawenda schmüsa, flüschtra


un màcha sànfta Senda im Schàtta.


D Hend schlofa un schnàchla im fichta Gràss.


D Kàtza strecka sech üs uf da heissa Pflàschter.


Stellstànd. Unschuld vum Lawa.




Ech setz unterm mim Bàim, dr Bàim vu dr Dechtung


un heer àndachtig, porös dr Stella züa.


Jetz wàchst in mer a àndra Bàim,


dr Wortbàim,  stella Müsik,


stella Sproch vu da Blüama, vu da Wulka, vu da Tiarer,


vu da stumma Sàcha vum blossa Alltàg.


S làwandiga Wort wàchst in mim Kerwer,


s Wort werd Fleisch, werd Liacht, werd Poesie,


s diafa Liad vum Lawa,


s hocha Liad vu dr Schepfung.



Hetz. Summerfiawer. Alles wàrtet uf Gwetter.


Alles riaft: Raga! Raga!


Kumm Raga, schwàrzes Dunnerwatter!


Welder Bletz, verriss d denna Stella


met dina gwàltiga Zickzàcka!


Ewerschwemma d durschtiga Arda,


Wàsser-Kewel vu da Wulka!




Freeda, zàrta Freeda noch’m Gwetter.


D Baim un Pflànza trenka


d frescha Pfaffermenz-griana Melch vu dr Stella.


A Ragaboga vereint dr schwàrza Hemmel un d dampfeta Arda.




Dr veialeta Owa stiegt henter da Dacher.


A Vegalaharz schlet in dr dämmerda Stella.


Freeda, rosarota Zàrtheit vor dr Nàcht.


Dr Hemmel blüatet im dunkla Wàld.




Heert ehr s Harz vu da Vegala schlàga?


Heert ehr d Stella bata?




 3.NACHT



Lieslig kummt d Nàcht


üsm Müater-Schoss vu dr Heimet,


üsm  Ungrund vum Firmamant.




In dr Stella vu dr Nàcht brennt


d versteckta Glüat vu dr Sehnsucht


un d hungriga Flàmma vu dr Luscht,


Luscht noch Wolluscht, Luscht noch Liawa.


In dr Nàcht verdiaft sech d Stella.


Bleicha Visiona, unheimligi Angscht-Erschienunga


umkreisa d stüenenda Einsàmkeit.




In dr Stella vu dr Nàcht heert mr komfüsa Stemma.


O Schlofenda, ô Tràimenda,


heert ehr net riafa in dr Nàcht?


D Fenschternis esch voll Stemma,


stumma Stemma wu schreia.


As sen vergasseni Toda, unsri verlosseni Toda,


àrmi Seela verlora in Nàcht un Nawel.




Besch stell un riahwig,


laar di Geischt un heer züa.


Alles redet in dr Stella, àlles sengt, àlles schreit.


Alles esch eifàch


un àlles esch unandlig, geheimnisvoll.


Alles fàngt à , àlles àtmet un àlles geht zruck


in d ungrundliga Stella Gottes.




O s Wohna in dr ewiga Rüahj!


D Stella esch mini Heimet.


In dr Stella wohn i,


witt vum lütta Schlàmàssel vu dr Walt.


D Stella esch mini Qualla, d Stella esch mini Nàhrung,


d Stella esch mini unandligi Rüahj.




D Stella sengt d Fraid un dr Schmarz vu dr gànza Schepfung.


D Stella sengt d Pràcht vum Starnahemmel


un vum grengschta Schmatterleng.


D Stella esch ewiger Andàcht.


In dr Stella esch s Mysterium vu dr Ewigkeit verborga.


D Stella esch s Harz vu dr Walt,


s Harz vu jedem Gschepf.


D Stella esch d Heimet vu àllem Liawenda.


D Stella esch Gottes Odem.  






LITURGIE DU SILENCE

Faire silence pour écouter le silence, le dire profus du silence.

Taire le vacarme incessant des pensées, vampire men
tal qui dévore au dedans.

Faire silence. Doucement, graduellement, sans effort,
mourant à tout effort, toute crispation, toute volonté propre.
Et s'abreuver, se nourrir de silence.
N'être plus qu'arbre méditatif, plus qu'oreille,
attention intense au chuchotement des choses.

Boire, boire à la source profonde, à la source la
plus profonde, infiniment profonde. Originelle. Matricielle.

Faire silence. Lentement, patiemment s'ouvrir, s'offrir.

N'être plus qu'ardente humble attention, plus que pure ouïe de l'énorme murmure.

Le silence parle. Avec des murmures, des babils, des
gazouillis, des balbutiements. Clameur muette à
l'adresse des humains qui ont des oreilles, mais qui
n'entendent pas.

Le silence chante, bruissant comme soie, comme blé
ployé par brise blonde, moires murmurantes.

Le silence chante, s'ouvrant, s'amplifiant, se creusant de gouffres d'odeurs,
irradiant, coulant ruisseau, fleuve, lave, s'élargissant lac, mer, océan,
vaste psaume, s'affinant porcelaine, fluide lave de fraîcheur.

Le silence chante, clamant  du haut des sommets chauves,
prophétisant, au coeur des amoncellements cyclopéens de pierres.

Le silence chante habillé de mousse, de lichen, de
touffes de thym laineux comme la toison des moutons.

Le silence chante, hurlement tragique de minuit
et joie, joie aux matins renaissants.
Vastitude océanique précieuse comme une perle ;
récitation pathétique et subtile, d'extrême faste et d'extrême discrétion.
Le silence chante, grandiloquence de voie lactée et fragilité d'aile de libellule.




C'EST UN JOUR DOUX ET GRIS

C'est un jour
doux
et gris infiniment
d'automne,
lent
et lointain d'enfance,
et noir
de brume jaune.



AUTOMNE

Il y a près des étangs
des peupliers tremblants
et sur les grands bois jaunes
le blanc soleil d'automne.
Il y a dans les rues grises
les feuilles que la bise
fait danser follement.
Il y a la pluie, il y a le vent.


 







LITURGIE DU VENT ET DE LA PLUIE



Psalmodies du vent.


Frais froissements de feuillages.


Un coup de vent retourne rageusement la page de mon livre.


Quand l’orage menace, le souffle du vent s’amplifie,


secoue vigoureusement les feuillages.


La nuit, des mugissements de tempête


tourbillonnent autour de la maison.

Voici l’orage dans la grisaille de l’aube.


On entend de sourds roulements dans le ciel


tel un jeu de quilles aux dimensions des étendues célestes


ou le remuement de tôles gigantesques.


De temps en temps explose le tapage fracassant du tonnerre


dont l’écho se répercute à travers les montagnes


en craquements sinistres.


La maison frémit, environnée d’éclatements et d’éclats.


La pluie crépite bruyamment sur le toit.


Et puis, progressivement, le calme se réinstalle.


Les effrayants joueurs de quille s’éloignent,


allant exercer leur hargne sur d’autres hameaux, d’autres bourgs.


Les grondements s’amortissent jusqu’à n’être plus


qu’une vague rumeur lointaine.


La pluie se fait à la fin délicat tapotement de doigts sur les feuilles.




LITURGIE DU RUISSEAU


J'écris assis sur une pierre

émergée au milieu du ruisseau

et j'écoute la fraîche rumeur.

L'eau glougloute glacée

entre les amas chaotiques de pierres.

Le bruissement de satin froissé des feuilles

remuant au vent

couvre parfois le clapotis de l'eau.

Le ruisseau chantonne.

Elégies de menthe.

Chorégraphies de papillons, de libellules.

Le ruisseau chantonne.

Strophes bondissantes des cascades.

Stances amples des bassins ombreux

où quelque truite parfois ondule

sous la surface ridée de l'eau.

Silence des trous d'eau, des berges

envahies d'inextricable végétation.




LITURGIE DES BETES



Invisible, omniprésent orchestre des insectes


aux bruissements d’aiguilles remuées,


basse continue de la symphonie du silence


battant comme un pouls vibrant.

Mouches tourbillonnant comme atomes en folie

autour de ma tête.

Gros insectes volants dont on appréhende l'approche.

Sur l'arbre sous lequel j'écris, une cigale jette par intervalles

sa stridulation insistante dans la sérénité de l'après-midi.

Sur la terrasse, un long lézard s'immobilise un instant au soleil

et détale au moindre bruit.

Serpents, lézards...Idéaux résidents de ces hauts lieux du silence et du secret.

Oiseau égrenant parcimonieusement ses neumes monotones.

Maigres troupeaux de moutons et de chèvres.

Le bruit liquide des clochettes se mêle à la rumeur du ruisseau. 








ROCS NOIRS DE L’ORAGE


Rocs noirs de l’orage,

sombres rages

autour des pylônes.

Sur le sol s’abattent des oiseaux

que piétinent sauvagement des gnômes

couverts de boue.

Dans le ciel tourne la roue

énorme de la mort.





TOURBILLONNANTS CHAOS


Tourbillonnants chaos de neige
sur les campagnes désertées,
tonnes de blancheur dont s'allègent
les gouffres noirs de bleuité.

Parfois rugissent des stridences
aux lisières des forêts floues,
fureurs de sang, sombres silences
béant comme d'horribles trous.


Sans fin danse, danse la neige
sur les étendues dévastées,
lentement tombe et puis s'agrège
aux herbages ensanglantés.




SOUS LA TERRE 


Sous la terre
du feu blanc
où se blottissent les démons
où germent les crimes
et les rires des printemps
sous la terre
du lait et les louves fluides de l’enfer
et les forces noires
charbon métaux
reptiles
sous la terre nuit lourde lenteur
morts



LITURGIE DES PIERRES

Rocs, blocs autistiques terribles de nuit
compacte, dense matière de silence
comme rage figée,
runes d'une parole barbare proférée
aux âges premiers.
Pierres rectangulaires comme des autels
d'anciens rites sacrificiels
délaissés par le retrait des dieux.
Pierres rondes, pains géants livrés
à une cuisson interminable.
Pierres ventrues, colossales parturientes
se prélassant au soleil.













 LIVRE DE MEDITATION




L' INNOCENT

Il marche sur les eaux.
On le caresse, on chante, 
on jette des fleurs.
Tu es le miel,
tu es le pain,
Tu es la force et la douceur du vin.

Ils le cherchèrent,
lui qui caresse les ânes
et le voulurent pour roi.

Il fondit au soleil. 



ENFANCE EN MAINS DIVINES

 enfance en mains divines
libre encore des mots
de l’abîme des mots
ô suave inscience
force fragile et tendre
Dieu l’immédiat étincelait

dans la pure goutte au creux des feuilles



FEU DE BOREE


Tôt levé ce matin, avant le remuement des soucieux, dans la pénombre des chambres j'ai aimé la nuit d'hiver.
La grise lumière révéla les collines chenus.
A la crête de ma clairvoyance et de ma tendresse, sans inquiétude j'ai regardé le ciel plombé.
Je suis sorti au jour ombreux, dans la neige neuve.
Pays sans trace, sans chemin (ô neige bienvenue, hiver heureux, qui ensevelit les vieux sentiers de l'habitude).
Ouvrir la voie,
vers où?
vers le coeur de la plaine à égale distance des bois muets et des bourgs léthargiques là où dort la totale bonté.

Je suis  sorti affronter les meutes d'hiver.

Ne plus se lover, se couvrir, se reclure.
Se lever, sortir des murailles, des épaisseurs, des songes, des nostalgies.
S'exposer, s'offrir, ouvrir son chemin nouveau dans la neige intacte.  

Vers le cœur de la plaine à égale distance des bois muets et des bourgs léthargiques là où veille la totale bonté.

Avance.
Ne crains pas les couteaux du matin, le ceste d'Aquilon.
Découvre ta plaine de blancheur.

Espace radieux. Aveuglé de poussière glaciale, parvenu au centre de l'aire éclatante, tu fais halte dans la torche interne du corps revigoré, les pulsations du sang, la vaste respiration de l'esprit.



Plaine, ô pur sentiment de mortel, neige nuptiale d'une heure de vie.

Que le froid encore s'aiguise!
Qu'il brûle!
Dureté, douceur absolue de Dieu.

Nous nous déchirions entre l'azur et la glaise. Et voici que la neige nous enseigne la tendre, la terrible lucidité de la terre.
Voici Dieu : aimer la terre hiémale.






ENTRE VERTIGE ET MORT

Habitat froid où pourrissent mes ailes afin que vide
je revive à l'occident des herbes.
Désert des corps glacés
où traînent
hagards
mes visages perdus.
Je me lève
et les ombres me cernent
comme l'enfant qu'assaillent les cauchemars de la nuit.
Matin frêle sur les vitres qui cèdent aux souffles des aubes.
Alors
brusque je
déplie mes organes
et
aux outres tente de boire
OSCILLANT ENTRE VERTIGE ET MORT.





NUR A AÏGABLECK


 Nur a Aïgableck

sahn mr d Ardapràcht.

Nur a Aïgableck

empfenda mr s Lawafiawer. 


O heimliga Arda,

a so unheimlig Geheimnis.

Nur a Aïgableck

 Unsr Lawa.

A làwandiga Frog sen mr.

Un mr schlofa un tràjma

un sahn Gott net

in jeder Blüam,

in jedem Gsecht.





PARFOIS AUX ABORDS DE L'ETERNITE

Parfois
aux abords de l'éternité,
le silence s'enflamme
en torsades de beauté
autour de la méditation de l'âme,
neige de tendre verdure
que la lumière enrobe
et que frôle le duvet d'ailes lisses
aux mystérieuses striures;
vallonnements d'aube
où des déclivités de délice
douent les doigts
du  subtil savoir de  joie.





L'AME LA NEIGE

La fenêtre s'entrouvre
sur l'âme ,
ciel traversé
d'arbres pâles.
Un visage s'incline
près de la croisée
et regarde la neige du soir
qui soudain s'illumine
de bleu jusqu'aux collines
silencieuses là-bas
dans le plus secret de la mémoire.









OU J'HABITE SE DONNE UN DIEU CANDIDE

Corps de gloire m'arrachant aux morsures de la mort,
Je ne verse plus ma vigueur aux véhémences vertes
De la mer. Clarté triomphale à travers cils, ramilles,
Pétales! Babil des brises dans l'ombre des charmilles!
Fumées, fraîches senteurs du soir montant des brumes d'herbe!
Le déclin doré de douceur drape les cariatides.
Et les palmes bleues balaient les frontons aux néréides.
Soleil sur le gouffre innombrable des pensées; rayons
Pénétrant les abysses tourmentés. Le jour fut long
Qui dévora notre chair troublée , plante de désir
Inapaisable prise au piège horrible du néant!
J'ai laissé votre rage, avides hommes d'Occident.
J'ai laissé votre songe, peuples aux drapeaux ardents.
Où j'habite se donne un dieu candide, un dieu enfant.





ODE

dans les cathédrales rageuses de joie
éclatent les psaumes
colombes de douceur
survolant les cierges
traversant diaphanes les nuées d'encens
se perdant dans la lumière des vitraux
qui vibrent d'allégresse dorée





Bête  de  Nudité et de Lumière


Alors j'ai obéi à ton obscure injonction.
Je me suis mis en route dans ma ténèbre,

et un à un mes vêtements ont chu sur le sol.

A l'aurore j'avançais nu vers ta gloire et
le cimeterre de ton éclat m'a transpercé.

               
                Le corps vêtu de ma seule âme
                à toi je me livre
                splendeur.


Mes crimes ont creusé le lit
où maintenant se rue cette eau d'ébène
et d'or, ce fleuve d'astres et d'ardeur.

Au plus profond de mon puits de solitude,
sous ma bourbe immonde,
je redécouvre la nappe d'amour, la lave
éternelle qui dort au centre de l'être.


Bête de nudité et de lumière,
nous chérirons même la mort,
par-dessus tout la mort,
qui nous arrachera le travesti ultime
et nous affrontera au terrible diamant de l'opaque.

Savoir patent: que nous sommes nus,
nus jusqu'au sexe comme l'enfant,

et que rien ne protège contre le froid de mort.
Tous, oripeaux de mascarade,

habits de faux rois, de clowns.
Douceurs mensongères.
Mais aussi, à clamer, ce désir

qui ne peut se dire.



 AU PAYS DE L'ABSENCE

J'ai longtemps séjourné au pays de l'absence,
attendant la venue d'un être de beauté.
La nuit, me harcelait la horde des démences
et je mourais de soif d'une eau de pureté.

Et je mourais de faim du pain de nudité
dans des pays fermés aux souffles de l'amour.
De grisaille et de suie j'étais environné,
ne sachant retrouver le chemin du retour.

Le chemin du retour vers la simplicité,
la difficile et haute enfance reconquise.
Et je mourais d'attente en des déserts brûlés
quand s'éleva la voix enfantine et exquise.




"NAH IST
UND SCHWER ZU FASSEN DER GOTT."                 
                                                      
(HOELDERLIN)



                                                  "J'ATTENDS DIEU AVEC GOURMANDISE."
                                                                                       (RIMBAUD)                                                                                                                                                                                      


SOIS CRI MAINTENANT


Sois cri
maintenant
au coeur de ta sauvage réserve.
Sois cri,
cri abrupt silencieux
dans la nuit de Dieu
et attends,
attends
nu dans l'âpre,
dans l'obscur
sans chemin,
attends
le tendre éclair,
la grâce.





LE SOUFFLE DE DIEU

Le souffle de Dieu,
c'est cette brise légère
qui parfois se lève
quand s'interrompent le bruit et la fureur,
quand se taisent les bavardages
et que le silence soudain se déploie
des coeurs méditatifs
jusqu'à la lumière d'ailes de neige
là-bas par-delà les cimes.
Alors au plus secret de chaque orant
frémit le tendre murmure de Dieu
et son feu frais irradie à travers les visages.
Et comme une immense caresse
le ciel touche la terre,
vivifiant tout être
qui s'offre au plus profond Respir.




NATIVITE


dans la nuit
dans la froide nuit du monde
une étoile surgit
une fleur éclot
un enfant naît
l'enfant absolu
le Dieu d'enfance
rien qu'un petit et fragile corps
perdu dans la froide nuit
où s'incarne
la Toute-Puissance de l'infinie Tendresse



voici naître
le Dieu fou
le Dieu illogique
brisant les raisonnables ordonnances des Raisonnables
Créateur prenant la forme d'une créature
voici naître
Iéshoua fils de Myriam
à Bethleem de Juda
obscur patelin d'où selon la tradition
rien de bon ne peut sortir
et c'est le  Rédempteur du monde
le trésor entre tous
le Nom qui sera élevé au-dessus tous les noms
voici naître
l'Obéissant absolu du Dieu Amour
et le radical Rebelle
qui va subvertir le règne de domination et de mort
voici naître
le Maître de douceur le Maître de vie
ni Dieu pur esprit ni Dieu rien que chair
ni culpabilisateur ni adorateur de ce monde
mais son Créateur et son transfigurateur
voici naître
voici s'éveiller
au coeur du silence nocturne
loin des Capitales agitées

loin des Palais majestueux
voici s'ouvrir la toute petite graine l'infime présence
du Dieu Infini qui lentement silencieusement
germera jusqu'à l'Accomplissement



A L'ENFANT DE LUMIERE


Me voici
dans mes caves d'ombre
offert aux frôlements de l'aile éternité.
En moi l'amande d'amour s'éveille
parmi racines ivres et ronces.
Ô tâche terrifiante!
Tout anxieux devant le faix à porter,
devant la mort crucifiante et l'énigme,
je suis là, ouvert, à attendre,
à attendre qu'à travers moi tu renaisses,
à attendre la suite de mes jours et leur terme dans ta transparence.
Le vent gémit et tourmente les branches.
Le froid sagitté cerne les abris et les nids.
La nuit écrase et crie.
J’attends.
Et tout attend, balbutiant son désir indicible.
J'attends et n'entends plus que mon silence tendu,
et les neiges de la nuit attentive,
et les cloches lointaines contre le ciel
fêtant le ferme et frêle espoir
d'un miracle de rose sur la tige de Jessé.
Me voici, Enfant,
comme aux saisons naïves
venu vers toi,
parmi bergers et rois,
pâtre éperdu d'un troupeau sans figure,
astres, plantes, bêtes,
âmes et peuples épars se nourrissant de nuit
dans le vertige des millénaires.
Je viens puiser la lumière
d'une humilité nouvelle.
Ô fasse qu'en nos corps inextricables
la terre trouve son visage, sa nudité, son feu.





CHANSON DE NOËL

Sapins, étincelez de givre,
Brillez de guirlandes d’argent !
Dansez, clartés, dans le rêve ivre
Des petits et des grands enfants !

Voici Noël ! Voici Noël !
Allumons nos blanches chandelles !
Reflétez les mille lumières,
Boules bleues et boules dorées !
Globes de subtile matière,
Grisez les yeux émerveillés !

Voici Noël ! Voici Noël !
Décorons maisons et chapelles !

Cieux et églises, célébrez
Sous vos voûtes la sainte messe
De la nuit de Nativité !
Rugissez, orgues d’allégresse !

Voici Noël ! Voici Noël !
Exultons de joie solennelle !

Bambins, bambines, gambadez
Par les ruelles recueillies !
Courez dans la bise glacée
Jusqu’à l’étoile du Messie !

Voici Noël ! Voici Noël !
Chantons l’Enfant Emmanuel !


Neige, lente de blancheur bleue,
Tapisse en douceur les chemins !
Dans la vaste veillée de Dieu
Fête Noël pour les lapins !

Voici Noël ! Voici Noël !
Nuit de tendresse et nuit de gel !

Nuit, profonde Nuit, prophétise
D’astres par-dessus les hameaux !
Et que le cosmos catéchise
L’âme inquiète des animaux !

Voici Noël ! Voici Noël !
Entrons dans la Nuit Essentielle !

Anges, tendez vos ailes d’aube
Au-dessus des sombres pâtures
Et annoncez aux veilleurs probes
Le Règne qui tout transfigure !

Voici Noël ! Voici Noël !
Paix sur la terre et joie au ciel !






ET INCARNATUS EST


et s'est incarné
en pleine pâte
en pleine matière
pour être avec les étoiles les herbes les bêtes familières
pour être avec toutes ses créatures
et s'est incarné
s'est fait chair
s'est fait homme a assumé sa déchirure
s'est incarné dans notre misère
dans notre nudité
s'est fait enfant
enfant vagissant
enfant affamé qu'on allaite
enfant inquiet que l'on apaise
s'est incarné dans l'humaine glaise
dans l'humus fondamental
et s'est fait corps fièrement vertical
s'est fait sang viscères muscles sexe
s'est fait cerveau aux pensers complexes
s'est fait mains
mains qui secourent qui pacifient
s'est fait bras pour étreindre l'ami
s'est fait corps bipède agile
pour arpenter campagnes et villes
et s'est incarné
dans l'abjection dans la merveille humaine
dans l'angoisse humaine
et s'est impliqué dans nos histoires mondaines
et s'est fait homme
de la même humanité que toi et moi
de la même pitoyable miraculeuse humanité que toi et moi
et s'est incarné dans l'humilité
dans l'incognito parfait de la commune loi
s'est fait homme comme n'importe qui
comme le moindre d'entre nous comme le plus petit
pour donner visage
à tout homme toute femme tout enfant
visage transhumainement humain
visage nu du Dieu Souverain
visage transfiguré de l'homme



DES VISAGES VIENNENT DU FOND DE L'OMBRE

Les maisons sont vides,
la nuit les traverse.
Parfois tombe une averse
sur la terre et ses rides.

Des enfants dorment sous l'arbre
qui se remplit d'étoiles.
La nuit étend son voile
sur les tombeaux de marbre.

Les visages viennent du fond de l'ombre
et se perdent dans la clarté
d'autres restent froids et sombres
au passage de la beauté.

La main se tend vers la table,
mais le pain est absent.
La faim est épouvantable.
Dehors rôde le vent.



LA MORT DE L'ATHEE

Laissez-moi,
je veux mourir seul,
sans vos illusions,
sans votre pitié,
seul comme vous le serez tous
à l'heure de la mort.
Laissez-moi regarder en face
la splendeur du néant
sans vos discours mielleux.



SOLITUDE


oiseaux perdus
dans la nuit opaque
cris
au-dessus des toits chargés de peur
la verdure noire vocifère
et dans la terre dorment
les bêtes minuscules
immensément seules
au milieu des galaxies






PSAUME DE LA PLUS HAUTE FOLIE

Seigneur,
me voici,
nu devant Toi.
Me voici nu,
approchant de la nuit.
Me voici face à la nuit
et je n'ai rien fait de ma vie.
Perdu ma vie
en stupidités, indignités,
doutes, veuleries,
folies.
Me voici
les mains vides
au bout des quêtes fiévreuses,
au bout des sentes tortueuses,
aussi nu,
aussi perdu
qu'un enfant,
rien que blessure béante,
rien que faim, infiniment.

Seigneur,
me voici,
nu devant Toi.
Emplis-moi  de la plus folle folie,
la folie de la foi.





SCHREI



In der leeren Kammer sitzen stundenlang, still,


am Rande der Stadt.


Die Landschaft betrachten unterm Schnee.


Kahle Baüme wie Angstgespentster im Nebel.


Nähert sich in der Ferne der Wald des Grauen?




Wieviel Tage, wieviel Nächte ohne zu reden,


wartend auf ein Wort,


nur ein Wort.


Aber nichts.


Unendliche Stille.




Jetzt draussen


stundenlang in leeren Viertel irren


zielloser düsterer Wanderer.


Niemand, kein Gesicht begegnen stundenlang,


kein freundlichen Blick.


Unterwegs in wüstigen Gassen, auf öden Strassen.


Niemand, kein lebendiges Wesen, keine Seele.


Verwirrter Wanderer im Niemandsland verloren.




Ist die Stadt ausgestorben?


Ist Ende der Welt


oder trauert Gott?


Schwarze Baüme am Fluss. Schwarzes Wasser.




Todbleiche Dämmerung, Nacht und Nebel.


Weite Einsamkeit


bis zu den Kasernen, dem Bahnhof, dem Gefängnis,


bis zur Hurenstrasse


wo sie strahlt die Einsamkeit


in den Augen voll Hunger und Scham.


Im Wasser schwimmt Dreck.


Sternen fallen.




Sei Schrei jetzt


aus deiner stummen Wildnis.


Sei Schrei,


stiller Schrei


in der Gottesnacht


und warte,


warte nackt


im herben Dunkel ohne Pfade,


warte auf den zarten Blitz der Gnade.






DOLOR


douleur des pierres


compacte dure terrible nuit minérale


douleur des arbres figés


sous le ciel  torride


ou tordus  par la fureur déchaînée des tempêtes


douleur lourde lente des plantes


dans le froid


douleur  dans l’infini


fracas d’astres


cri


du ciel


rouge


noir

au-dessus des potences



L'EAU NOIRE

La pluie tombe, tombe
dans le sombre soir d'automne.
Elle noie les morts, les pauvres morts atones
qui dorment sous la glaise.
L'eau noire remplit les orbites
où furent les yeux splendides
qui contemplèrent les matins de braise.
L'eau noire emmène
les restes de songeries
des crânes qui pensèrent
les cosmologies, les théologies.
L'eau noire entraîne
les pauvres morts, les corps sans nerfs,
vers les gouffres d'enfer
où pourrissent les soleils éteints,
les divinités exsangues.
L'eau noire du néant
tombe, tombe sans fin
dans des chaos sans langue.


VISION D'IDOLES

Funèbres visions sorties d'antiques nuits,
Elles vinrent à moi, pas à pas, silencieuses;
Elles vinrent, passions sublimes, ténébreuses,
Tristes dieux ancestraux par le passé détruits.

C'étaient les dieux déchus, ombres marchant sans bruits.
Ils venaient, affamés, des tombes mystérieuses.
Et, muets, se serraient dans des marches fiévreuses,
Fantômes terrifiants sur mes chemins conduits.

Fictions, produits spectraux des ères reculées,
Dieux de Delphes, d'Angkor, Babylones passées,
Peuples olympiens, meutes de Walhalla!

Dieux sombres de l'Eddas, idoles gangétiques,
Rêves puissants, obscurs, illusions mystiques
QU'AU-DESSUS D'UN MONT CHAUVE UNE OMBRE TERRASSA!



                                              "ET POURTANT NOUS DEVRONS DIRE ADIEU A LA TERRE,
                           EFFACER DE NOS YEUX LE VISAGE DES ÊTRES,
OUBLIER JUSQU'AU CIEL POUR APPRENDRE LA NUIT."
(VIGEE)


                                                 "SEUL, SANS RECOURS, IL FAUT FERMER LES YEUX
                                        ET TOUT AU FOND DU NOIR CREUSER VERS DIEU."(DADELSEN)







NOUS VOICI SEULS DEVANT LE CIEL NU



Nous voici seuls devant le ciel nu, nous voici, craintifs, gouffres mornes


de toute la mort qu'il faudra traverser après  ces lambeaux de vie moite de vagues bonheurs.


O nuit, broie nos âmes, broie la crayeuse roche qui rugit son silence au coeur des monts noirs !


Nous cachons notre honte dans l'enclos des pierres, indignes de ta sombre splendeur.


Ah ! brise nos corps versatiles de ton acier atroce !



NUIT


J'ai cherché la clarté indubitable du jour


et j'ai trouvé la nuit.


J'ai cherché la connaissance


et j'ai trouvé la nuit.


J'ai cherché la beauté


et j'ai trouvé la nuit.


 J'ai cherché


 et la nuit m'a trouvé.






JEU NU

Vastes contrées s'ouvrant. Il arrive. En pleine nuit. En plein jeu.

Devant la nuit, me voici. J'ai cherché la clarté indubitable du jour et j'ai trouvé la nuit.

Depuis des éternités, toute cette longue enfance, il est en chemin. Interminables limbes. A erré, cherché à tâtons, avec désespoir, avec espoir, fouillé, piétiné sur place, exploré avec méthode, nonchalamment, assidûment, cherché, scruté, expérimenté, avec tiédeur, avec acharnement, en désordre, minutieusement, de tous côtés, cherché. Impasses, pistes incertaines s'égarant,

bourbiers... Tout ce chaos de quêtes confuses. Tout ce long matin.

J'ai cherché la connaissance et j'ai trouvé la nuit.

J'ai cherché la beauté et j'ai trouvé la nuit.

J'ai cherché et la nuit m'a trouvé, au bout de mes itinéraires hagards.

Ai traversé les pays d'illusion de tous les Dieux, ceux

des Cieux et ceux de la  Terre.

Un à un, m'ayant pour quelque temps enivré de leur sang, les Dieux sont morts en moi, et je suis né à la nuit.

Me voici dans la nuit, rugueuse, hospitalière.

Je laisse parler la nuit, le silence infiniment infini de la nuit. Respirations de mers.

Je laisse faire la nuit. Végétation d'astres infiniment lente.

Mort. Embrasé.

Vide. Comblé.

Je laisse faire. Brûle.



TRAVERSER L'OBSCUR

Traverser l'obscur,

la rouille, la mort.

Avec patience, avec courage,

avec rage.

Traverser la  nuit.

Douloureusement traverser la glaise,

la gluante terre,

la terrible gluante terre,

la chair.

Lumineusement traverser

l'enfer.

Ne pas s'arrêter.

Ne jamais  s'arrêter.

Ne pas se retourner.

Ne jamais se retourner.

Avancer.

Traverser.

Traverser le noir.

Dans l'absurde.

Dans le désespoir.

Encore. Encore.

Dans le délire.

Marcher.

Avancer.

Traverser, brûler le pire.

Energie de Dieu.

Au centre.

Force axiale.

Feu.



LA NUIT DE DIEU

A genou,

nu,

dans la haute nef.

Livré au terrible silence.

Des dalles monte

le froid de mort.

Vagues vitraux

de laiteuse nuit.

Nu,

face contre le sol,

abandonné

au vertige de nuit,

à la nuit infinie

où naissent et meurent

infiniment les mondes.

Seigneur,

quand montreras-tu ton visage?



ELEVATION DE LA VIERGE  

Ayant aux aveux doux

fermé sa douce bouche,

l'ayant étendue nue

dessous la glaise rouge,

l'ayant pure élevée

d'entre les chairs enceintes

Dieu pris la jeune morte

parmi les vierges saintes.





MERE REPOSE EN PAIX

Mère,

Müater, unsri Müater.

J'ai du mal à parler,

à dire ces mots que tu m'as appris.

La peine m'étreint.

Mais debout il faut dire ton chemin,

ton chemin d'humble gloire.

Debout il faut dire

l'infinie tendresse qu'irradiait ton visage

et ta profonde stupéfaction d'être.

Enfant, tu as connu tout le bonheur de vivre

et tout le malheur de vivre.

Tu as vécu la mort de la mère, de ta mère,

et  ce fut comme un glaive

transperçant pour toujours

ton âme de petite paysanne.

Mère, repose en paix

dans la maternelle tendresse de Dieu.

Jeune femme, illuminée de ta frêle beauté,

tu as connu les joies et les soucis

d'épouse et de mère.

Tu as été la compagne attentive de notre père,

le soignant jusqu'au bout,

le pleurant inconsolable après sa disparition.

Mère, repose en paix

auprès de celui que tu as rejoint,

notre père terrestre.       

Tu as été la güata Fràj et la Mûater,

mère par excellence,

mère pour tout le monde,

tes enfants, tes petits-enfants, tes brus, tes gendres,

et tous ceux que ton coeur accueillait,

mère sourire,

mère confidence,

mère courage,

mamama bonne soupe

mamama gâteau.

Jour après jour, tu as fait ton oeuvre,

l'oeuvre humble de la maison du bonheur,

la grande oeuvre ordinaire de persévérance et d'amour,

qui vaut mille fois celle des Importants.

Müater, tu as accompli ton oeuvre,

repose en paix dans la douceur de Dieu.

Tu as trimé jour et nuit,

nettoyé, lavé, lessivé, cuisiné,  jardiné,

tenu ton commerce,

éduqué tes enfants,

aidé ton mari...

Tu as traversé les fatigues, les grisailles,

les tracas quotidiens, les faiblesses communes,

les péchés de tout le monde,

les angoisses, les mélancolies.

Tu as lutté, porté, supporté.

Mère, repose en paix dans la joie de Dieu.

                                                                                                                                     2

Tu as été celle qui donne sans mesure.

Tu voulais secourir toutes les misères du monde,

soulager toutes les détresses.

Tu as été la tolérance et la générosité incarnées.

Tu as su écouter chacun, sans jamais juger,

parler à chacun, selon sa personnalité,

à l'intelligent avec intelligence,

à l'esprit borné avec indulgence,

au rabâcheur avec patience,

au bienveillant avec reconnaissance.

Tu as eu compassion de toute créature souffrante,

y compris les animaux,

le chien abandonné, la bête martyrisée.

Tu as été le coeur le plus ouvert, le plus aimant,

le coeur le plus blessé

par tout le malheur du monde.

Mère, repose en paix

auprès du  Dieu Consolateur.

Tu as marché dans la nuit,

la nuit des doutes,

la nuit des questions crucifiantes,

pourquoi le mal,

pourquoi la mort,

pourquoi la souffrance des enfants innocents.

Tu te croyais la plus indigne,

la pauvresse sans défense qui ne sait rien

devant le grand mystère.

Tu as marché dans la nuit.

Mère, repose en paix

dans le Dieu de lumière.  

Tu as cru au Bon Dieu,

au Dieu de bonté.

Tu as cru comme une enfant

en l'Amour qui surpasse tout.

Mère, repose en paix dans la candeur de Dieu,

et aide-nous à croire l'incroyable,

que l'Amour est plus fort que la mort,

que tout est grâce,

qu'à jamais tu es vivante en Dieu

et au plus intime de chacun d'entre nous

qui te chérissions.

Mère, repose en paix

dans l'aube éternelle du Christ ressuscité.

Mère, repose  en paix.





                                            

 RESURRECTION

Cri de victoire de la plus grande insurrection,

l’insurrection contre la mort.

Bleu, bleu de paradis le calme de Pâques

Et blanc, blanc éclatant l’essor

des ailes dans les immensités de fraîcheur.

Voici le Vivant inouï

parmi les oiseaux de neige, les bêtes éblouies,

les floraisons de l’aube.

Hors des contrées de larves,

Hors des terres de détresse,

Il avance vêtu de la lumineuse robe

d’astres et d’allégresse.

Il avance, le Vrai Vivant,

dans le candide soleil d’éternité,

dansant léger avec les brises duveteuses,

les parfums, les pétales bleutés,

dansant , marchant délicieusement lent dans la rosée

matinale inondant de menthe les rues pavoisées

et les jardins des cités ouvrières.

Il traverse auroral les places retentissant de rires écarlates,

les gares aux rails d’incandescence,

les usines, les supermarchés, les bistrots bruissant de juke-boxes ;

et les enfants Le regardent et s’éclatent.

Voici le Vivant de splendide innocence.

























LIVRE D’INCANTATION





BARQUES BRÛLANT DE NUDITE


barques qui dans d'ardentes brumes se dissolvent
barques au fond des nuits brûlant de nudité
cargaisons de péchés que les astres absolvent
et que l'aurore noie de luminosité
                     

                                     


FEU DE FANGE AU BORD DE LA FOLIE


venez louves liquides aux langueurs de lait noir
laper le feu de fange au bord de la folie
venez filles de crime ensanglanter le soir
et mordre dans l'obscur les faces d'agonie





VISAGES A TRAVERS DES VITRES VIOLEMMENT LUMINEUSES




visages à travers des vitres violemment


lumineuses entre les orages


avec des neiges d’éclairs dans les regards


avec des chevelures comme  sentes de fraîcheur


se perdant dans les sous-bois aux myosotis


visages que traversent des ailes vastes


comme l’aube 


souveraine transparence au-dessus des agonies


                                      

               LUMINEUSES

                                       ENTRE LES ORAGES


AILES VASTES COMME L'AUBE





A L'OCCIDENT DES DIEUX


A l'occident des dieux, éclate,
splendeur verte de l'athéisme, ouragan de roses !
Au-dessus des dômes et des palais,

danse, printemps d'ailes et d'épées!



Seuil de la nouvelle Ionie. Embruns des prophéties


jusqu'aux Andes, aux Mongolies.


Dans le scintillement des chaos de foudres, tu nais,


Eustrie, ode de porphyre montant des mers.

 

derrière les herbes d'acier


brûlent les porcheries


brume de débauche que les socs


taillent en soies de sang




Nous mangions des groseilles au fond des jardins de jade
tandis que dans la verdure violette des Asies

croissaient les noirs éclairs de la mélancolie.





CROIT LE REGNE D'IRIS LA SOUVERAINE




sur la mer fut ton chemin




tu  viens


tu sors des tombeaux de Sumer du Pérou


et tu t'avances sur la terre neuve jonchée de germes




           dans le scintillement des vergers de vertige




           filles en touffes de foudre




           indolentes comme le lait




tu es la géométrie non-euclidienne

petite ouvrière de Smolensk

tu es la Sophia des théosophies orientales

tu es une chienne rôdant dans les jardins d'Académos

tu es prêtresse du Soleil à Cuzco

tu es la main du maître Mathis Gothart Nithart dit Grünewald

peignant le Christ en croix d'Isenheim

tu es cette pauvre vieille de l'Aurès ployant sous son fagot

tu es l'ordinateur fonctionnant aux usines Fiat à Turin

Iris les temps sont mûrs

tu sors des tombeaux d'Egypte

et à l'occident des dieux

dans la poussière des chantiers

tu foules la terre d'Eustrie


approche approche de cet arbre de cris

jaunes et rouges debout dans le sommeil

et secoue les dormeurs séculaires






sous la chappe de grisaille


entre les cuisses velues des guerres


tu croîs terre des libres éclosions

  




          entre les cuisses velues




              des guerres



gouffres bruns des débauches








          spongieuses immensément

journées des crimes







gouffres bruns des débauches tôles tessons CRACHEZ



avec sous les robes le rire


et ces crapauds délicieux de bave


la fosse où des légions entières


étincelantes de métaux


s'engouffrent




le bleu funèbre chante en moires de corruption


dans les antres de vos nudités adolescentes filles des mers


les guerres aux plumages d'aigles passent entre vos cuisses


impudiques ô ménades précoces ô bêtes impubères


neige d'encre de vos gémissantes délectables bouches


doigts de braise


barques de lait de vos périnées de jeunes laines d'ombre




spongieuses immensément journées des crimes


délicieux


arôme du venin volcanique des coïts sous les brises


d'Aorasie


proue suave s'enfonçant dans la brume orange


des plaisirs


poutre de lave fichée au centre


dans le miel des cuisses écartées






lait et encre se mélangèrent dans leurs bouches


toutes nocturnes de fraises


au coeur des vastes demeures de boue





BRISES BAIGNANT SEPULCRES ET PORTIQUES



balbutient les bouches près des épaules d'archipels

verdure douce où roulent les crânes


vers les blancheurs des mers


crânes de Sade de Sappho


la foudre dévore les filles


et les abandonne inertes sur le gazon

de ce parc d'Arcadie


aux sépulcres de luxure




Babil des brises dans les bleus bosquets de l'oubli !


Fumées, fraîches odeurs du soir montant des herbes d'ombre!


Le déclin doré de douceur drape les cariatides ;


Et les palmes de paix balaient les frontons de l'Attique...



                                                                noirs cyprès


la puanteur tiède des tombes se répand dans la touffeur de l'air


des remugles de géhenne montent des fosses de fange


la foudre se fige dans les miasmes de mort  




 

la paille (knout) des supplices (ongles nerfs) brûle les porcheries




Un ange resplendissant cravache des rondeurs superbes.


Velours déchiqueté d'où s'épanche la salive des saturnales.


Buvez, lèvres de mort, ce vin d'entrailles, ce vin de gorge tranchée.


Oiseaux des ténèbres, précipitez-vous au milieu de ces noces


nocturnes, et soyez voraces d'yeux, de langues, d'oreilles


délicates où expirent les rumeurs du monde.




saignent ferrailles d'angoisse crient rient rails de rage


dans la ronde hautaine des nébuleuses


socs tranchant la glaise des abjections


dans la nudité des nuits


et blasphèmes


flagellations


CRACHEZ meutes de holches et de vos groins


fouillez les femailles


et la paille poissée de sang


                  hurlurances


ïambes de meurtres



les décombres des arbres fument


dans le brouillard aux noires odeurs


la guerre rôde aux horizons


l'enfant est seul parmi les ruines


aux terribles exhalaisons 


odeurs de meurtres et d'urine


hurlez




MUNDUS EST IMMUNDUS




ongles


nerfs


furoncles


fers


hongres


khmers


ombres


glaires


chairs


hères


serfs




Un ange rayonnant, blond tankiste imberbe, fouaille


les tendresses d'Eustrie.


Sous les lambris se tordent


des cyclones.


Les épées plongent


vers les gorges


et la gaze


voilant les cuisses.


Giclées de sang contre les miroirs,      


giclées de sang sombre,


clameurs ;


longues lamentations répercutées par les couloirs


jusqu'à ce que, vers l'aurore, le lait bleu du silence


ait noyé les vastes chambres des demeures de boue.







la verdure des crimes hyènes ! ha! tigres ! dévore l'enfer gris de béton


TYGER TYGER BURNING BRIGHT


IN THE FORESTS OF THE NIGHT




baignant de fraîche tendresse les sépulcres



la flore des violences progresse sur les boulevards

jaillit en arabesques jaunes sur les places éclate arborescence vertigineuse contre les façades des banques cerne les palais les tribunaux les chancelleries les églises majestätische sittliche Gebaüde




des milliards de termites montent à l'assaut de la cathédrale




vaste carcasse délaissée au milieu des champs de tulipes


le feu s'empare des arbres et des constellations


les empires s'écroulent comme d'énormes forêts pourries


et la plèbe livide et pourpre la pègre prophétique roulant


des joyaux dans son écume submerge les jardins royaux




des enfants armés de mitraillettes massacrent les passants à


l'aveuglette


des femmes nues viennent maternellement essuyer leurs visages


noircis de fumée et panser leurs blessures


puis elles vont s'agenouiller au milieu des chaussées laissant les


balles cribler leurs chairs laiteuses.




un homme ensanglanté titube sur le trottoir ses mains flamblent


et ses yeux sont crevés une foule flasque l'entoure mais ne le voit pas




un ange (Rimbaud) fumant placidement une cigarette barbouille les murs de grandes lettres de sang


         VIVE LA REVOLUTION  VIVE LA LIBERTE  VIVA LA MUERTE


                                                                         


le meurtre danse de beauté à travers la ville


les enfants sourient aux désastres et s'avancent dans des zones 


calmes comme l'enfer dans la tiédeur déchirante des agonies


les décombres sont des seins de jouvencelles frissonnants de pureté


les croix ruissellent de crachats  


New-York fleurit glorieusement de crevasse-vulves


on enterre les enfants dans les parcs défoncés où rôdent les tigres


des ailes candides déchiquettent les meurtriers.

                                                                             



DES TIGRES DEVASTENT LES CATHEDRALES


PERDUS DANS LES FORETS DE LA NUIT.




UN ANGE ECRIT : MORT A DIEU!




LA LIBERTE AUX SEINS D'ADOLESCENTE AVANCE
PARMI LES DECOMBRES DES EMPIRES.
VERDURE DE DIEU.



MERS DANSANT AVEC LES ILES AVEC LES NEBULEUSES

mers dansant avec les îles
avec les nébuleuses
à l'occident d'Eustrie
là où naissent les tendresses tièdes des lilas
où se creusent de bleues trouées les firmaments d'angoisse
traversés par l'incandescence des rails

violette féminité des eaux
vastes odeurs des nuits sur les étreintes
moires qui se meuvent jusqu'au silence des îles
où dorment les serpents lovés dans la nacre des nuits
eaux dansant avec les îles
avec le sommeil des reptiles
dansant avec les galaxies
mers de roses creusées de cratères violets
dansant avec les cris
des rails d'angoisse
les névroses
striées de stridences noires






RIEN RIEN ROIS QUE LA FETE DE FEU

brasiers peuplés de paons calmes et nobles

Les princes d'Eustrie, Galga, Nurbur, Maldoror,
avancent parmi les feux: grands insectes noirs,
subtils animaux vêtus de sang.
Les  torsades de fumée tournent et s'épaississent
au-dessus des buissons rouges de leurs chevelures
tandis que les guerriers aux masques d'effroi
dansent au rythme du tam-tam.


Accueille tes épouses morganatiques, ô monarque
des archipels.
Servantes soyeuses venues des mers
et que déflorèrent les foudres de solstice.

Nous marchions filles des herbes près des marbres
de menthe jusqu'aux murailles des morts là-bas près de Ninive.
Nous étions des bêtes éclaboussées de boue blanche
et l'ombre des guerriers protégeait notre enfance,
vaste presqu'île de bronze toute bruissante de palmes.

Accueille tes épouses, ô roi des îles.
Le feu de leurs ventres calcinera l'aigle funèbre des
guerres.



MONSTRUEUSE VERDURE DE MORT

et ces amoncellements de cruautés
ces éventrements de la paix dorée
des campagnes et ces férocités (napalm)
ces cris aigus ces cris rauques et
ces éventrements ces viols parmi les décombres bruns
ces hurlements sous les feuilles huileuses
forêts en folie furies fluides fouillant
le ventre de l'Afrique
et ces entassements de cadavres
ces myriades de mandibules mâchant la charogne (napalm)
dans la rumeur moite de la jungle
et ces jaillissements  de sang sombre ces luxures
ces rugissements de fauves et puis
cette tranquillité
blanche de la mort
cette monstrueuse
verdure de la
mort





VULVE D'OMBRE



toi vulve de catin pourrie toi terre astre de faim


soleil d'abîme TOI


dans le sommeil de ta toison noire


croissent les soleils les glaciers les empires


ténébreuse tendresse


gazon vertigineux


les dômes montent et dansent sur ta lassitude.



la mer des prophéties clapote en toi vulve d'ombre



et sous la fourrure des rails trempée de bruine


les rats se vautrent insomniaques


dans la lave des vagins




TU ES LA FETE DE FANGE SPLENDIDE


LA FETE DE FOUDRE


QUI SAIGNE A L'OCCIDENT DES DIEUX




A L'OCCIDENT DES DIEUX (O EUSTRIE DE NACRE!)


PARMI LES TENDRESSES VERDATRES (O FOULQUES! O FOUGERES)


CROIT LE REGNE D'IRIZEE HALLELUYAH!


BRISES BAIGNANT SEPULCRES ET PORTIQUES


ODE DE PORPHYRE EMERGEANT DES LANGUEURS DU SOMMEIL


RIEN RIEN ROIS QUE FETE DE FEU


FABLE DES AILES EMBRUNS DES PROPHETIES JUSQU'AUX


ANDES AUX MONGOLIES


MERS DANSANT AVEC LES ILES AVEC LES NEBULEUSES


PARMI (PALMES O JUBILATIONS!) LES FEUILLAGES DE GLOIRE


L'ODEUR DES HOLOCAUSTES


LES PSAUMES DE NEIGE EXULTENT DANS LA NUDITE DES NUITS


LIBERTE DES ECLAIRS SUR LES HERBES D'ACIER


ARCHANGES COURONNES D'ORAGES DE ROSES.



contrées de bave ferrailles de foudre TU  SAIGNES


dans la poussière des chantiers haches de cendre d'angoisse


gouffres bruns des débauches tôles tessons crachez


lambeaux de meurtres (O STILLE DER SCHATTENWELT!) tombant des


ombres crucifiées


la paille des supplices  brûle les porcheries


la verdure des crimes hyènes ! ha ! tigres ! dévore l'enfer gris de béton


rails de rouille artères de mazout NOUS rats sueur nègre HOLCHES DE HAINE


traversant (socs ; missiles)  les strates de brouillard fourrure funèbre fange


veinée de lave (ATHEISME)  et de venin (REPTILES) glaise des abjections


îambes de houille TUEZ hurlant EXTERMINEZ (napalm;schisme) entre les cuisses velues des guerres


et INSOMNIAQUES dans la graisse grouillante des doutes des blasphèmes


toi vulve de catin pourrie toi terre astre de faim soleil d'abîme TOI



 


A L'OCCIDENT DES DIEUX (O EUSTRIE DE NACRE!)

PARMI LES TENDRESSES VERDÂTRES (O FOULQUES! O FOUGERES)

CROÎT LE REGNE D'IRIS HALLELUYAH!

BRISES BAIGNANT SEPULCRES ET PORTIQUES

ODE DE PORPHYRE EMERGEANT DES LANGUEURS DU SOMMEIL

RIEN RIEN ROIS QUE FETE DE FEU

FABLE DES AILES EMBRUNS DES PROPHETIES JUSQU'AUX ANDES AUX MONGOLIES

MERS DANSANT AVEC LES ILES AVEC LES NEBULEUSES

PARMI PALMES O JUBILATIONS! FEUILLAGES DE GLOIRE

L'ODEUR DES HOLOCAUSTES

LES PSAUMES DE NEIGE EXULTENT DANS LA NUDITE DES NUITS

LIBERTE DES ECLAIRS SUR LES HERBES D'ACIER

ARCHANGES COURONNES D'ORAGES DE ROSES.



contrées de bave ferrailles de foudre TU  SAIGNES

dans la poussière des chantiers haches de cendre d'angoisse

gouffres bruns des débauches tôles tessons crachez

lambeaux de meurtres (O STILLE DER SCHATTENWELT!) tombant des

ombres crucifiées



GRANDES SOUFFRANCES MARMOREENNES PARMI LA TIEDEUR DES MIMOSAS

grandes souffrances marmoréennes
parmi la tiédeur des mimosas
les plissements hercyniens soulèvent
les âmes sanglantes dévorées d'épées et d'abeilles
et attisées par l'haleine des océans
toute givrée de colombes à nos croisées
entre hiver et printemps

présences démoniaques derrière le vaporeux paysage de fleurs
abricotiers des vallées d'oracles
où fume noire la nudité des vierges ordonnatrices des meurtres
où contre les falaises sont crucifiés
les guerriers scintillants aux torses de ténèbre
les paumes délicates des nymphes recueillent
la sève des athlètes sacrifiés fichés au sommet des falaises
membre dressé vers le soleil de solstice
parmi les brumes de guêpes
le souffle des sables brûle
desséchant les vallées incurvées
où les branches sanglantes gémissent la nuit
sous les rochers pythiques.
 







APRES-JEU



TABLE DES MATIERES

Livre de légende

Livre d’illumination

Livre de vie

Livre de désir

Livre de contemplation

Livre de méditation

Livre d’incantation



SOURCES  REFERENCES THEMES


ANNEXES

Approches de la poésie.

Bachelard/Blanchot/Bollack/Boisdeffre/Borer/Bosquet/Jean Cohen

Du Bos/Fondane/Guardini/Heidegger/

Kristeva/Lacoue-Labarthe/Eric Marty/Palmier

Roland de Renéville/JP Richard/

Sollers/Steinmetz/Todorov

Veinstein/Veyne

Simone Weil


INDEX THEMATIQUE

Alexandrin/Absence/Amour/Angoisse/Arda Terre Erde symphonie planétaire/Aube/

Ballade/Beauté/

Chanson/Comparaison/Cosmos/Crépuscule

Décasyllabe/Désespoir/Désir/Détresse/Deuil/Dieu/Distique/

Elégie/Enfance/Enfer/Epopée/Eros/

Fable/Fleischeslust/Fleurs/Foi

Haïku/Heimweh/ Hémistiche/Hymne

Illumination/Image/Inspiration/Ivresse

Ïambe/Idylle

Joie

Légende/Litanie

Mal/Mélancolie/Métaphore/Midi/Mort/Musique/Mystère/Mystique/

Nada/Nature/Naturlyrik/Nostalgie/Nuit/

Octosyllabe/Ode/Oiseaux/Oracle

Paysage/Piété/Plaisir/Présence/Poème en prose/Psaume/Prière/Prophétie/Prose poétique/

Quatrain/

Rêve/Rêverie/Révolte/Rythme

Sacré/Saisons/Sehnsucht/Sensation/Silence/Simplicité/Slam/Soir/Solitude/ Sonnet/Souffrance/Souvenir/Strophe

Temps/Tendresse/Tercet/Tristesse

Verlorenheit/Vers libre/ Verset/Vie quotidienne/Vision/Volupté/Voyage/Voyance

Wanderslust


INDEX NOMINAL

Adonis/Alberti/Alcools/Akhmatova/Angelus Silesius /Apollinaire/Aragon/Arp/Artaud/Audiberti

Ingeborg Bachmann/Bataille/Baudelaire/Beat Generation/Benn/Bible/Blake/Bobin/Bonnefoy/Borgès/Bousquet/Brecht/Brentano/Breton/Bukowski/Bulteau/Butor/Byron

Cadou/Calligrammes/Cantique des cantiques/Cavafis/Celan/Cendrars/Césaire/Chamisso/Chants de Maldoror/Char/Chénier/Claudel/Cocteau/Coleridge/Corbière/Corso/Cros/

Dadelsen/Dadaïsme/Dante/Darwich/Dattas/Daumal/Emily Dickinson/Desnos/Du Bouchet

Eluard/Elytis/Pierre Emmanuel/Essenine/

Les Fleurs du Mal/Follain/ François d'Assise/Frénaud

Genet/George/Gide/Gilbert-Lecomte/Ginsberg/Glissant/Goethe/Goll/Grand Jeu/Grosjean/Grünbein/Guerne/

Hafiz/Zbigniew Herbert/Hérédia/Hernandez/Hoelderlin/Homère/Horace/Hugo/Hymnen an die Nacht

Les Illuminations/

Jabès/Jaccottet/Max Jacob/Jammes/Jean de la Croix/Jiménez/Jouffroy/Jouve/

Kabir/Nathan Katz/Keats/Keineg/Kerwich/J.Paul Klee/Thomas Kling

La Fontaine/Laforgue/Patrice de La Tour du Pin/Lautréamont/Christine Lavant/Leconte de l'Isle/Lenau/Leopardi/Lorca

Machado/Maïakovski/Malherbe/Mallarmé/Mandelstam/Meschonnic/Michaux/Milton/Montale/Mörike/

Neruda/Nerval/Nietzsche/Anna de Noailles/Novalis/

Pierre Oster

Pasolini/Pasternak/Paz/Péret/Pessoa/Pétrarque/Pichette/Pindare/Pleynet/Poe/Pouchkine/Pound/Prevel/Prévert/Psaumes/

Quasimodo

Réda/J.Claude Renard/Reverdy/Rilke/Rimbaud/Rítsos/Rodanski/Rolland de Renéville/Romantisme/Roubaud/Rumi/Rutebeuf

Saadi/Nelly Sachs/James Sacré/Saint-John Perse/Schiller/Segalen/Shakespeare/Shelley/Soupault/Stadler/Sturm und Drang/Supervielle/Surréalisme/Symbolisme/

Tagore/Dylan Thomas/Trakl/Transtromer/Marina Tsvetaïeva/Tzara

Valéry/Velter/Verlaine/Verhaeren/Théophile de Viau/Vigée/ Villon/Virgile

Jan Wagner/Whitman/William Carlos Williams/ Conrad Winter/ Wordsworth

Kateb Yacine/ Yeats