Janvier 1970
Dislocation
du dernier (en date) des édifices lyriques, clos : la chrétienté
médiévale.
Temps
critiques et marche vers le grand jeu mondial ouvert.
Rêve.
Judica. Ses parents. Résiste à leur tentative de « mise du grappin »
sur ma personne.
«Le
livre : ruse par laquelle l’écriture va vers l’absence de livre »
(Blanchot, l’entretien infini).
Ce qui est
définitivement mort : l’œuvre unitaire, s’édifiant dans un espace orienté
(Dante, Hugo).
Ne plus se
tourner vers une figure universelle.
Ténèbre :
absence de figure universelle.
Rimbaud :
œuvre non-unitaire, mais encore en quête de l’unité : journal d’une
« chasse spirituelle », non encore jeu libre au-delà de la mort des
figures universelles.
N’ETRE RIEN
QUE OUI face à tout (l’agréable, le désagréable, le net, le trouble…). Lutte
pour constamment faire taire le Moi (qui refuse le oui sans restriction).
Monde
Ancien : fêtes, répétitions de l’origine.
Nouveau
sacré : entrée dans la différence, Dieu s’inventant.
Monde
Ancien : tourné vers le passé, commémorant ;
Monde
nouveau, produisant la nouveauté.
L’homme ne
se connaît que par ses écarts, folie, crime, maladie, péchés.
« C’est quand on dit : plus un jour
à perdre ! qu’on emploie le plus stupidement son temps. Rien d’excellent
ne se fait qu’à loisir ». (Gide, Journal, 19 janvier 1946).
« Relier
des points de repère apparemment lointains est le propre du génie
productif ».
« Pour
qu’un homme puisse dire et faire quelque chose de grand, il faut que grandeur
et misère de ce qui l’interpelle l’atteignent vitalement et mortellement. Il
faut que la correspondance à cet appel soi pour lui une question de vie ou de mort. Qu’il ne puisse pas dire
et faire autrement, sa liberté ailée coïncidant avec la nécessité terrassante.
Tout génie est foudroyant parce que foudroyé. »(AXELOS, Jeu du monde,
p.44)
Le Dieu
suprême généralement lié au masculin.
Monde
ancien/monde nouveau – non une différence chronologique, mais essentielle.
Deleuze.
Le monde
ancien l’est depuis toujours, monde voué à l’ancien, à la commémoration, à la
répétition. Modernité : rupture de l’horizon fermé.
Père. Sa
lourdeur.
LE TEMPS
NIETZSCHEEN
« La
vie ne demeure entière que n’étant pas subordonnée à tel objet précis qui la
dépasse. La totalité en ce sens a la
liberté pour essence » (Bataille, sur Nietzsche, Préf.6).
«
Célébrer l’avenir et non le passé ! Inventer le mythe de
l’avenir ! » (Nietzsche, Volonté de puissance ,II ).
23.2.70
Lettre de Mère à P :
Bientôt la pluie nous engloutira. Depuis des semaines,
nous n’osons plus espérer le soleil. L’hiver ne veut plus s’en aller. Les
hommes doivent être bien méchants. R est rentré juste à midi quand nous nous
sommes mis à table. Le soir, il est reparti à Marbach. J’ai l’impression que
cette fois c’est du « solide »…
MT traine ses journées, parfois bien, parfois et plus
souvent avec amertume. Le reste de la famille ne réfléchit pas trop, ainsi tout
va bien. Moi, je me démène et j’ai bien peur qu’un jour ou l’autre je craque,
car ma tête est fatiguée. Peut-être la saison humide en est la cause…
Juste MM vient chercher MT pour aller chez les
sœurs-gardes-malades. Elle reçoit des piqûres.
Les grandes mélancolies de la vie, certaines musiques les expriment
admirablement.
1.3.
Libération
de l’écriture. Jouer avec la grammaire, l’orthographe, la typographie.
Littérature :
le plus grand jeu langagier.
La joie plus
difficile que la tristesse.
Poésie,
exercice incessant de création du monde. Exercice d’enfance, de jeunesse, de
nouveauté, toujours recommencé.
Les
docteurs, les témoins de la vie.
Témoins de
la vie : Jésus, François d’Assise, Kierkegaard, Dostoïevski, Nietzsche…
Le plus
difficile : non de comprendre, mais d’étreindre l’ignorance. Non
l’exercice de l’intelligence, mais le renoncement à l’intelligence.
L’évolution
décréatrice. L’Histoire comme chemin de dénudation.
1.4. Hier, au Hasenrain, avec Christiane et Richard (qui se sont mariés
le 20). Dans la soirée, Christiane accouche d’un petit Igor.
Poésie : désir pur, aimer le monde inconditionnellement pour
lui-même, non pour notre satisfaction égoïste.
26.4. Libérer
l'homme de lui-même, de sa pensée de soi-même, de ses manières de se penser
soi-même.
Libérer
l'homme de ses conceptions de l'homme et du monde.
Libérer
l'homme des idéologies.
Tout le
passé de la pensée : boucher l'abîme.
Tout est à
repenser dans l'absence de centre.
Poursuivre
sans faiblir sur ma voie dépourvue de direction.
Ma sagesse :
ne me laisser emprisonner par aucun but, reconquérir sans trêve l'ouverture.
J'ai 34 ans
aujourd'hui . Je n'arrive pas à le concevoir. Toujours encore l'impression
d'être un adolescent, de n'être pas encore entré véritablement dans la vie.
Toujours encore de passage (sans doute l'est-on toujours).
J'ai 34 ans
aujourd'hui. Pas de femme, pas d'enfants, pas d'oeuvres, pas de métier, pas de
parti, pas de religion, pas de pays ; un pur non-possédant. Libre. Libre?
Souvent le sentiment d'être écrasé, proche de la catastrophe. En équilibre
instable. Jusqu'à quand?
Mon défi :
maintenir cet équilibre instable jusqu'à l'intenable. Choisir toujours la voie
la plus difficile. Mon combat contre le destin. Ne pas me soumettre au destin
moderne (rentrer dans le circuit). Guerre acharnée contre toute récupération.
Ce que Kierkegaard
fit à l'égard de l'Église, le faire à l'égard de toute la vie actuelle.
27.4. La
dénudation est un mouvement incessant, la mise en question ininterrompue de
soi.
Depuis mon
retour à Paris (10 avril), été avec Richard et Gilbert voir Orden (Pierre
Bourgeade), été voir "Z" avec Paul, ai assisté en sa compagnie à la
Journée des Focolari rue d'Assas, ai rendu visite à sa soeur à Parly, me suis
occupé du logement des enfants de Marbach qui ont visité Paris durant le
week-end de Pentecôte (pour ce faire ai été au Centre d'Information et de documentation
pour la Jeunesse quai Branly, ai téléphoné plusieurs fois à la responsable de
l'Union nationale des associations des parents d'enfants infirmes, ai contacté
les Eclaireurs de Meudon qui mettront leur péniche à la disposition des enfants
de Marbach, ai téléphoné samedi à Richard pour le mettre au courant de mes
démarches et écrit aujourd'hui à Paul pour lui en transmettre les résultats).
J'ai écrit
aussi, ces derniers jours, à un traducteur qui demandait des collaborateurs. Aucune
réaction de ce côté.
Plus
l'artiste se détache de son moi, plus il accède à la grande écriture.
Il y a là un
double mouvement d'une précision plus que mathématique.
Autrement
dit, l'artiste doit jouer le jeu le plus vigilant et le plus ouvert.
L'art n'est
rien autre que ce jeu. Jeu de la liberté qui sans cesse se conquiert et se
reconquiert.
29.Valéry.
Civilisations mortelles. C'est le contraire qui serait étonnant. Vieux rêve des
empires millénaires. Les civilisations ne sont que l'épiderme du Grand Jeu.
Il est clair
que nous récusons autant l'individualisme bourgeois que toutes les philosophies
collectivistes.
2 MAI. Désir
du Livre, désir de la matière dense. Sauver quelque chose de l'informe écriture
quotidienne.
Tant que ta
solitude te fait souffrir, tu n'as pas trouvé la bonne solitude.
Les cris de
douleur, les doutes, les suicides des désespérés disent Dieu plus véridiquement
et vigoureusement que les tiédeurs des croyants et les certitudes des
théologiens.
3. "Le
capitalisme a réalisé l'affranchissement de la collectivité humaine par rapport
à la nature. Mais cette collectivité a pris par rapport à l'individu la
succession de la fonction oppressive exercée auparavant par la nature"
(Simone Weil, Pesanteur et Grâce, p 135).
Antiquité : tentative
d'édification d'un monde divin stable.
Modernité :
tentative d'édification d'un monde profane solide.
Le
christianisme a renversé le premier. Il lui faut à présent renverser le second.
Il est l'ennemi de tout "monde".
20.11.
Arrivée de Richard et Christiane.
21.11. Nous
visitons les expositions Goya et le Siècle de Rembrandt.
22.11.Nous
visitons le Musée Rodin. Promenade sur les Champs-Elysées.
23.11.
Visite du Louvre et de la Butte Montmartre.
24.11.
Départ de Richard et Christiane. Collège de France. Le soir, j'assiste à un
spectacle sur Lautréamont au Centre de Recherche de l'ORTF.
25.11.
Assiste à la soirée des écrivains de Tel Quel consacrée aux évènements de mai
68.
26.11. Leçon
au petit Rodolphe.
27.11.
Bibliothèque du XVe et Bibliothèque Ste. Geneviève.
1.12. Collège de France. Visite de l'Institut
Pédagogique National. Nouvelles demandes de poste. Je réponds négativement à
l'offre d'emploi de l'Euro-Sprachschule (la rémunération y est vraiment
insuffisante :700 marks au minimum et 1000 au maximum par mois). Et puis il est
nécessaire pour moi de rester à Paris (je n'aurai répondu affirmativement qu'en
cas de gain exceptionnellement important).
3.12. Reçois
le chèque. Impossible de l'encaisser à Asnières.
4.12. Vais
dans une banque populaire à Paris : impossible d'avoir de l'argent contre le
chèque.
Bibliothèque
du XVe et Bibliothèque Ste. Geneviève.
5.12. Vois
les Actes des Apôtres, de Rossellini, à la Cinémathèque (en version italienne,
c'est-à-dire qu'une grande partie du dialogue m'a malheureusement échappé ;
pourtant forte impression malgré les longueurs et les imperfections de la
réalisation). Promenade dans les quartiers riches (Champs-Elysées, etc) aux
extravagantes illuminations de Noël.
Hôtels de
luxe où descendent de vieilles bourgeoises en vison, aux allures de momies
fardées.
13.12. Un
jeune homme descend le bd. St-Michel dans la nuit et, mêlé à la foule, ne cesse
de répéter : "je me fous de l'attentat contre le Pape! Il n'avait qu'à pas
montrer ses blancs jupons devant les crève-la-faim".
Le danger
auquel s'expose la théologie nouvelle, non-dogmatique : dans son travail de
déconstruction philosophique, s'arrêter en chemin, briser l'idole du Dieu
Métaphysique sans rendre à Dieu (au surnaturel) ce qui est à Dieu. Nous devons
défaire le travail des philosophes et des théologiens pour, à la fin, rendre au
surnaturel ce qui lui revient.
8.10.70. Ne
pas s’imaginer que ce sera l’homme seul qui façonnera le Royaume. L’hérésie
hégélienne, marxienne, nietzschéenne. L’hérésie moderne par excellence. Titans.
Constructeurs de Babel. Prométhée. Le royaume de Dieu viendra de Dieu (aussi).
Approfondir
la notion de la collaboration divino-humaine. Dieu seul acteur : Dieu
despote.
Homme seul
acteur : homme titanesque. Mystère de l’union de deux libertés.
Tous les
mythes désignent cela. Péché d’Adam (être comme Dieu).
L’homme ne
peut rien sans Dieu, Dieu ne peut rien sans l’homme.
Janvier
1970.
Tu
ouvres la porte
et
je te vois, saigner
comme
de la viande
devant
la table noire.
Tu
ouvres la robe
et
je t’entends pleurer.
Tu
ouvres ton corps de fange
et
je hume
l’odeur
de la mort.
Les modèles: l'enfant, l'animal, la plante, le cosmos.
Valéry souvent moraliste français plus que penseur.
Lettre de Mère à
P :
Bientôt la pluie nous
engloutira. Depuis des semaines, nous n’osons plus espérer le soleil. L’hiver
ne veut plus s’en aller. Les hommes doivent être bien méchants. R est rentré
juste à midi quand nous nous sommes mis à table. Le soir, il est reparti à
Marbach. J’ai l’impression que cette fois c’est du « solide »…
MT traine ses
journées, parfois bien, parfois et plus souvent avec amertume. Le reste de la
famille ne réfléchit pas trop, ainsi tout va bien. Moi, je me démène et j’ai
bien peur qu’un jour ou l’autre je craque, car ma tête est fatiguée. Peut-être
la saison humide en est la cause…
Juste MM vient
chercher MT pour aller chez les sœurs-gardes-malades. Elle reçoit des piqûres.
Les grandes mélancolies de la vie, certaines musiques les expriment
admirablement.
Février
70
Il
est l’homme le plus pauvre du monde. Il n’a que son corps. Vous n’avez tous que
votre corps. Mais le corps a des mains, elles se serrent, les mains, d’un corps
à l’autre, faisant l’amitié, elles sont laborieuses, les mains, manipulant
machines et outils, elles caressent, les mains, chattes et femmes, roches et
chairs et écorces…
1.3.
Libération
de l’écriture. Jouer avec la grammaire, l’orthographe, la typographie.
Littérature :
le plus grand jeu langagier.
La
joie plus difficile que la tristesse.
Le
plus difficile : non de comprendre, mais d’étreindre l’ignorance. Non l’exercice
de l’intelligence, mais le renoncement à l’intelligence.
L’évolution
décréatrice. L’Histoire comme chemin de dénudation.
L’homme
en quête de son incarnation, encore et toujours.
La
pensée : un exil, un désert à traverser.
La
quête du Graal est la quête d’un corps.
1er mai 70
1.4.70.
Hier au Hasenrain avec Christiane et Richard (qui se sont mariés le 20). Dans la soirée Christiane accouche d’un petit Igor K.
26.4.70.
Libérer l’homme de lui-même, de sa pensée de soi-même, de ses manières de se penser soi-même.
Libérer l’homme de ses conceptions de l’homme et du monde.
Libérer l’homme des idéologies.
Tout le passé de la pensée : boucher l’abîme.
Tout est à repenser dans l’absence de centre.
Ma sagesse : ne me laisser emprisonner par aucun but ; reconquérir sans trêve l’ouverture.
Apprendre à penser, c’est aller contre sa pente naturelle.
Pensée comme forme suprême de l’ego (métaphysique) et comme espace où se désagrège l’ego.
J’ai 34 ans aujourd’hui. Je n’arrive pas à le concevoir. Toujours encore l’impression d’être un adolescent, de n’être pas encore entré véritablement dans la vie. Toujours encore de passage (sans doute l’est-on toujours).
J’ai 34 ans aujourd’hui. Pas de femme, pas d’enfants, pas d’œuvres, pas de métiers, pas de parti, pas de religion, pas de pays : un pur non-possédant. Libre.
Libre ? Souvent le sentiment d’être écrasé, proche de la catastrophe.
29.4.70.
Valéry. Civilisations mortelles. C’est le contraire qui serait étonnant. Vieux rêve des empires millénaires.
Les civilisations ne sont que l’épiderme du Grand Jeu.
Fragiles visages
piétinés de ténèbre
corps renversés
dans les gouffres de la volupté bleue
au sommet des collines
morsures d’azur sous les seins
glaives de gloire
remuant le fumier des hanches molles
les barques d’enfance dérivent dans la lumière
barques de mort
dans l’été ténébreux
4.5.
Me suis-je trouvé ? Tout au moins, je commence à entrevoir mes vraies terres.
Renversement de l’ego : nous arracher au Principe Unique, Dominateur, entrer dans le jeu libre de l’expérience originelle sans cesse recommencée.
Jeu. Nécessité d’une pensée non-représentative.
Le Jeu ne peut se représenter. Il est l’expérience d’être, ouverture.
Il ne peut que s’expérimenter.
22 mai.
Ce qui me sépare des « Telquelistes », c’est ce qui séparait Artaud des Surréalistes : l’expérience du feu vécu. Tel quel, Surréalisme : littérature, parler de, au lieu de vivre.
Tant que ta solitude te fait souffrir, tu n’as pas trouvé la bonne solitude.
Poésie, considérer tout comme élément du Grand Jeu poétique. Le monde comme langage poétique, non comme réalité-objet.
13.7.70
Asnières
Mes
chers,
Admirable
temps sur Paris qui s’apprête à fêter le 14 juillet. Je ne veux pas manquer
ça ! Je crois que la nuit prochaine sera blanche et …tricolore.
15
juillet : anniversaire de Vater. A cette occasion, je lui souhaite le
meilleur, et avant tout, un état de santé plus satisfaisant. Gsundheit !
un sàlü binànder !
17.8.
Les deux faces de la vie : la vie ordinaire rassurante,
la vie vue de la mort, de l’abîme de l’existence (face difficile à saisir).
18.8.
Hier à Colmar conduire Père chez le magnétiseur Lapp. Sommes
passés chez les Selig et à Marbach.
24.8.
Tes poumons palpitent de flammes fraîches
des frissons de feu parcourent tes entrailles
entre tes fesses verdoie mon phalle
et crache
rugit d’opalescence
dans tes excréments
et s’enfonce dans ta fange brune
dans tes profondeurs nauséabondes
se blottit
palpitant
dans ton derrière de prêtresse
dans tes pâles fesses
de vierge
et parfois nous devenons loup et louve
frémissant dans les vallées d’Hormore
parmi les milliers de corps forniquant
sur les versants moussus
bêtes et hommes
morts et vivants
et dieux
et déesses
s’accouplant sur les collines d’Hormore
C’était au septième millénaire après la naissance de l’Antéchrist.
Des avions survolaient les forêts de la nuit, mitraillant les amas de corps enlacés. Mais les balles perforaient les chairs comme de douces gouttes de pluie ponctuant les longues extases amoureuses.
Ricardou. Style gidien. Curieux mélange, dans le telquelisme, de langue très classique (bourgeoise) et d’idées avancées.
Poésie : déboucher sur le grand espace ouvert.
Phrase : mot à mot pénétrer dans l’énigme, s’étonner, s’avancer pas à pas dans l’espace inconnu.
2.9.70.
Ce que nous respectons chez le petit enfant, c’est l’infinité des potentialités qu’il recèle.
L’homme adulte devrait être celui de la plus grande ouverture. En fait, il n’est d’ordinaire qu’un être fermé, fixé sur une position définitivement adoptée.
Eliade :
« L’horizon des archétypes et de la répétition ne peut être dépassé
impunément que si l’on adhère à une philosophie de la liberté qui n’exclut pas
Dieu.»
L’homme
s’arrachant du Dieu Nature, mais retombant dans le Dieu Histoire,
le
vrai Dieu chrétien au-delà de ce processus.
LE
VRAI DRAME DE LA MODERNITE
Ce
qui vraiment a lieu dans la pensée moderne : le combat pour ou contre le
Dieu chrétien.
C’est
lui qui s’incarnera vraiment en l’humanité, ou l’homme périra (et Dieu avec
lui ?)
Episode
capital du drame divino-humain.
Il
y a des questions vertigineuses.
Vérité.
Pas
de vérité avec V majuscule.
Esprit
de vérité, désir de vérité, recherche, streben, dialogue.
Vérité
de la recherche, au lieu de : recherche de la vérité.
Est
vraie (bonne) la disposition à maintenir le discours ouvert ; est
condamnable : la prétention à posséder la Vérité , le dogmatisme.
Philosopher
ne peut donc signifier : recherche de la vérité, mais penser sans relâche
au contact des autres. La pensée comme pratique ouverte. Impossibilité du
système.
Le
critère de vérité d’une pensée gît dans sa disposition à l’ouverture, au
dialogue, non dans son adéquation à un monde vrai préexistant dont
l’esprit humain serait coupé et qu’il s’agirait de redécouvrir (Platon). Chez
chaque personne, des moments de plus ou moins grande vérité, selon qu’il consent
à l’ouverture ou tend vers le dogmatisme.
Les
moments les plus authentiques d’un penseur sont sans doute ceux où il doute, où
se lève en lui le soupçon contre lui-même. Les moments où il découvre que lui
aussi idolâtre sa propre pensée. Le dernier Nietzsche. Les fulgurations de
Turin.
6.10.
Poésie :
introduire dans l’ouverture.
7.10.
Le
bénéfice que l’on tire de la culture intellectuelle bien comprise consiste
moins dans l’acquisition de connaissances que dans la délivrance de l’esprit de
préjugés ordinaires de l’homme de la rue. Il est vrai que la culture intellectuelle
risque aussi d’en faire naître de
nouveaux.
Livres
dans le vide accumulant nombres courbes zoologies et dressant au-dessus de la
neige des fronts ces édifices de tristesse Aristote la bibliothèque de Babel
lugubres tombeaux où parfois en dépit des assemblées de docteurs tombe l’éclair
de Dieu soudain délire des géométries valsent dans la vacuité des espaces
célestes grouillement imprévu de la faune tropicale parmi les grammaires de Cambridge
et la démonologie freudienne tandis que l’hiver dessine sa flore aux vitres du
British Museum.
8.10.70.
Weil
(cahiers 1) :
« Art
suprême, ordre sans forme ni nom. »
« Poésie.
Images et mots qui reflètent l’état sans images et sans mots. Musique. Sons qui
reflètent l’état sans sons. Mots et sons équivalents au silence ».
« L’unité
de plusieurs formes n’est pas une forme. »
Ne
pas s’imaginer que ce sera l’homme seul qui façonnera le Royaume.
L’hérésie
hégélienne, marxienne, nietzschéenne. L’hérésie moderne par excellence. Titans.
Constructeurs de Babel. Prométhée. Le royaume de Dieu viendra de Dieu (aussi).
Approfondir
la notion de la collaboration divino-humaine.
Dieu
seul acteur : Dieu despote.
Homme
seul acteur : homme titanesque.
Mystère
de l’union de deux libertés.
Tous
les mythes désignent cela. Péché d’Adam (être comme Dieu).
Le
sort global de l’humanité nous échappe. Personne n’en est responsable. Dieu.
(23.12.2015 :
Dieu et l’homme sont responsables du monde.)
L’homme
ne peut rien sans Dieu, Dieu ne peut rien sans l’homme.
«Un
être humain doué pour un art y parvient à un degré d’excellence exactement
proportionnel à sa capacité de ne pas penser à.» (S. Weil)
L’ère
planétaire ne doit pas être l’Occident étendu à la Terre , mais la Terre pluraliste, jeu de
différences.
18.
XI.
La
science ne voit dans le monde que ce qu’elle veut voir.
Mozart,
Schubert. Le cri de la mélancolie.
Que
restera-t-il de Stockhausen, Xenakis, Boulez, Cage, Henze, Busoti… ?
Tout
notre art voué à la poubelle de l’histoire (Malraux) ?
« Le
sens n’est jamais principe ou origine, il est produit. »(Deleuze).
N’est-ce
pas « l’existence précède l’essence » de l’existentialisme ?
Depuis
le 20, Richard et Christiane sont chez moi, à Asnières. Le 21, en leur
compagnie, visite des expositions GOYA et LE SIECLE DE REMBRANDT. Le 22, Musée
Rodin. Aujourd’hui : Louvre et Montmartre.
24.Départ
de Richard et Christiane.
25.Hier,
spectacle sur Lautréamont à l’ORTF.
Contradictions
d’une certaine intelligentzia actuelle ! critique de la culture à partir
d’un langage hautement cultivé ; critique de toute beauté comme idéaliste
( mais de quelle poésie se nourrira le peuple « libéré » ?).
Il
m’est impossible d’opter clairement entre les diverses positions politiques qui
se partagent le monde actuel.
Vers
une politique pluraliste.
De
la vérité chez Bernanos, Weil, Céline comme chez les Maoïstes. Etc.
L’opposition
gauche-droite, vieillerie ?
Le
vrai combat non celui des classes, mais celui de deux conceptions du monde,
une
conception scientifique contre une conception religieuse.
1.12.70.
Bleu
s’épanouissant
en palmes mouvantes
vertigineusement
au-dessus de la mer
comme
ce long cri de colère aux vibrations du sang
usines
métro
vous
qui entrez ici ne pensez plus
au
vaste azur souriant
des
méditerranées
noir
fracassant s’écroulant
se
lèveront les poings dans le matin gluant des banlieues
les
poings meurtris frapperont la grande porte d’acier
et
s’épanouissant la vertigineuse clameur
montera
dans le ciel
vrombissements
rugissements martèlements
matin
de mort
voici
la mer
voici
bleu et frémissant de sources
le
matin paix aux hommes de bonne volonté
voici
tu descends la rue vers la mer
et
tu chantes
ton
sang inonde l’avenir
qui
est une nuit secrète toute muette de germes
et
tu marches dans la nuit
aux
sourires de femmes
et
les poings s’ouvrent en fleurs
dans
la grande rumeur des villes
et
vous mourrez dans la lumière retrouvée
afin
que des peuples d’enfants
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