1968
Espagne. Andalousie.
Cordoba.
Madrid. Toledo.
22.3. Ciel
nuageux avec des touches de bleu pâle. Nuages en mouvement
plus
tourmentés que l'uniforme grisaille d'hier. Oiseaux planant sur ce
fond
changeant . Vent plus fort secouant le cyprès et les rameaux nus
du peuplier.
Grelot de bicyclette.
Poésie outrageusement
inutile, gratuite, déconcertante.
24.3. Beauté.
Quel est le commun dénominateur entre la beauté des pétales blancs pleuvant
dans le soleil printanier, la beauté des éléments déchaînés, la beauté d'un
poème de Rilke, etc?
Autorité. Jadis
elle avait sa source au-dessus de la société, elle l'a maintenant en
son sein,
dans l' Opinion publique. Il n'y a plus que deux politiques possibles : la
démocratie (et toutes ses faiblesses), la dictature (et toute son inhumanité),
la Bête multiple ou la Bête tyrannique. Toute la politique du siècle oscille
entre ces deux pôles (mais sous une autre oscillation, l'apparente :
conservatisme - progressisme).
Une
révolution véritable ne peut être que celle qui tuera l'Autorité et rendra
l'homme, non au contraire de l'autorité, à l'anarchie, mais à un état au-delà
de la force et du chaos. (Note assez étonnante si l'on songe que le Mouvement
de Mai allait éclater quelques semaines plus tard...).
Éternité de
la lumière; beauté a-historique.
Mais la
nature aussi a une histoire. Le temps manifeste partout sa présence, son
travail de vie et de mort, de genèse et d'usure. Flancs érodés de l'Aurès.
Le soleil
lui aussi n'est pas éternel. Certitude de mort, la seule.
21.9. Par
instants cette sensation de ne plus écrire pour les hommes mais dans la nuit.
22.9. Ne
plus écrire, se laisser écrire.
4.10. Un
certain sentiment de la pureté fait que je ne pourrai jamais me détourner
entièrement de ce qui est authentiquement chrétien.
"Dieu
ne doit pas être pour un coeur humain une raison de vivre comme est le trésor
pour l'avare" (S. Weil).
Peur de la
vérité des chrétiens (ou des marxistes, ou...) devant Sade, Nietzsche,
Bataille. Peur de la vérité des esprits libres devant Jean de la Croix,
François d'Assise, Simone Weil.
Ma pensée.
Montrer que l'esprit moderne le plus lucide (Nietzsche,
Marx,
Bataille) ne peut aboutir qu'au christianisme authentique. Non pas
inventer une
nouvelle position métaphysique (à la manière des structuralistes). Point de
confluence de la modernité et de tout le passé humain.
Surtout :
purifier la vie de l'âme de toute sentimentalité moralisatrice.
Le vrai
danger qui menace de nos jours la vérité de l'âme, ce ne sont pas les doctrines
mensongères, mais le matérialisme des foules.
Dieu est
mort. Il n'est pas mort un jour dans le cerveau d'un philosophe, mais dans
l'ensemble des moeurs des Temps Modernes. La formule de Nietzsche n'exprime pas
le résultat d'une déduction intellectuelle, mais la constatation d'un
moraliste.
Les temps
modernes constituent la seule époque areligieuse de l'histoire, la seule où
l'homme s'isole du reste de l'univers. Même si les époques antérieures à la
Modernité sont toutes (?) plus ou moins idolâtres, on peut néanmoins les
considérer comme profondément religieuses, comme reliant profondément l'homme
et le monde.
L'art, c'est
la charité étendue à la totalité des êtres et des choses..
Aimer les
êtres et les choses comme existants.
De la
possibilité d'une civilisation spirituelle ; aucune ne l'a été.
"Je
prie Dieu de me libérer de Dieu" (Maître Eckhart).
8.10. Nuits
en compagnie de Sade, Genet, passées en immenses débauches
solitaires ;
l'aube se levait comme un cantique de pureté.
Quête de
l'écriture fulgurante de ténèbre.
Le sentiment
de ma singularité m'arrachait à la consistance du monde familier. Je me sentais
une ombre parmi les êtres si remplis d'aisance et de sûreté dans leurs
activités journalières. Ils vivaient sans questions comme s'il était normal de
vivre et puis de mourir. Mais je comprenais que leur réalité solide était le
vrai songe et que, tout exilé que je fusse de la vie normale et familière, la
vie de millions et de millions d'êtres sans questions, je comprenais que moi,
l'outlaw, l'outsider, j'étais plus proche de la vérité de la vie qu'eux tous,
qui n'avaient que mépris pour les rêveurs de mon espèce.
Devenir
décréateur, aboutissant à la nudité consciente, où librement un être, l'homme,
consent à ne pas être Dieu et à affirmer la ténèbre.
Rectifier Teilhard
par Weil.
Le péché : vouloir
la connaissance. Mais finalement la conscience affirme le non-savoir.
Paradoxe
impénétrable aux avides : tout est pour renoncer à l'être.
17.11. La
complaisance au mal, le moralisme. Les deux écueils à éviter. Regard pur.
La poésie du
vécu non pour raconter son moi mais pour donner l'âme des choses singulières.
Proses
évangéliques. Récrire l'évangile
18 Nov. Paris,
Hôtel Racine.
L'éternel
tragique. Les conditions matérielles de la vie humaine évoluent, mais cela, la
beauté, le mystère, la mort, restera toujours le même.
La religion
du progrès est la plus idiote. Tout ce qui ne conduit pas vers un
approfondissement du sentiment tragique de la vie est vanité.
21 Nov. Nouvelle
occasion de me reprendre à fond.
Films :
Oedipe-Roi,
de Pasolini.
Baisers
volés, de Truffaut : du brio, de la légèreté bien française.
Ordet, de
Dreyer. Très fort.
La mariée
était en noire, de Truffaut.
À mi-chemin
entre Nord et Sud, j'apprécie le tragique nu à la Pasolini autant que le drame
puissant à la Dreyer. Mais les produits spécifiquement français, sans âme, ne
m'émeuvent que médiocrement.
3.12. Quitté
Paris le 26.11. Visité Fontainebleau. Passé à Lyon où j’ai vu Chantal. Revenu
chez moi le 1° au soir.
16.12. L'absente.
Présence obsessionnelle d'une personne absente au milieu d'un groupe.
LIEUX
Espagne. Andalousie. Cordoba. Madrid. Toledo.
21.9.
Par instants cette sensation de
ne plus écrire pour les hommes mais dans la nuit.
22.9.
Ne plus écrire, se laisser
écrire.
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