4.4.10

LABYRINTHE DES JOURS 2010

2010


 VOYAGE EN ISRAËL





7 février 2010
6 heures du matin. Fin de nuit froide. On quitte la maison dans la voiture de Gilbert W. A Kingersheim sur le parking de FLY on embarque Anne. Gilbert nous dépose à la gare de Mulhouse. On rejoint le groupe de 27 personnes qui participent au voyage organisé par « Bible et Culture ». 7 heures. On s’installe dans un bus Chopin. L’obscurité devient graduellement une maussade grisaille. On roule vers Zürich à travers une Suisse endormie en ce début de dimanche. Aérodrome de Kloten. Formalités ordinaires : enregistrement des bagages, contrôles (en particulier un interrogatoire individualisé par les agents de sécurité d’EL AL, la compagnie israélienne qui va nous emmener en TERRE SAINTE). Installation dans l’avion. On est pour quelques heures coincé sur son siège exigu.
Et nous voilà émergeant du brouillard, voguant au-dessus de la mer blanche des nuages. Splendeur lumineuse des versants alpestres…Lumière orange du crépuscule à travers les hublots. Ciel s’obscurcissant : déjà s’aperçoivent les lumières de la côte israélienne.
Atterrissage sur l’aéroport BEN GOURION de TEL AVIV. Accueil par Arié Goldberg qui sera notre guide : un Juif né au          Hasenrain à Mulhouse, habitant Jérusalem. Homme remarquable alliant une connaissance approfondie de son pays, un sens de l’humour toujours en éveil et une forme physique étonnante pour quelqu’un qu’on dit proche de 80 ans.      Arié
                                        

 
 Catherine    Nous voici sur le sol israélien, nous
voici en Terre promise, le pays des Juifs et de Jésus où nous avons rêvé d’aller depuis toujours. Un bus nous emmène à ARAD, à notre hôtel NOF ARAD. Installation et restauration. Arié nous change les euros en shekels, la monnaie du pays.
Hôtel rempli de jeunes fêtant sans doute joyeusement Pourim, le carnaval juif.

8. 2.
Petit déjeuner à l’hôtel NOF ARAD. Libre service comme pour la plupart des repas qui sont généralement de bonne qualité.
Arad, ville nouvelle au bord du désert, proprette, géométrique, avec ses commerces, ses feux tricolores.
Nous marchons jusqu’à un panorama non loin de l’hôtel. Le temps est couvert, le paysage grandiose. Nous prenons le bus MAHFOUZ (la compagnie qui nous transporte à travers Israël). Samir est le chauffeur, un garçon calme, sympathique et sûr conducteur.
Visite de la tombe de BEN GOURION, l’homme qui proclama l’Etat d’Israël  en 1948.
Vue  sur le désert de TSIN.                             
Commence la longue traversée du désert du Néguev. La moitié du pays est désertique. La rocaille constitue une bonne partie du sol israélien.
On voit des tanks faisant des manœuvres. Installations militaires, mais aussi habitations de Bédouins, nomades musulmans sédentarisés.
  
Gorges de EIN AVDAT au fond desquelles coule une eau transparente qui en cas de pluie peut tout submerger. Partout des groupes de jeunes qui visitent, collégiens, soldats  garçons et filles aux allures décontractées…Vitalité heureuse et variété des visages : cela va des têtes blondes à la beauté noire, racée des Falachas, les Juifs immigrés d’Ethiopie.
Arrêt dans un self-service pour nous restaurer.
                   
Installations généralement bien tenues : le tourisme est aisé à tous les plans : sanitaires, alimentation, circulation…
A présent le temps est quasi printanier. Le soleil brille tel qu’on l’a rêvé dans les brumes hivernales d’Alsace.
Visite d’AVDAT, ruines d’une cité nabatéenne couronnant un piton. On fait partout des restaurations archéologiques et le riche passé de cette terre semble émerger du sol dès qu’on soulève une pierre : tant de cultures s’y succédèrent, Juifs, Musulmans, Byzantins, Croisés…Au-dessus de la cité fantomatique flotte le drapeau d’Israël (étoile bleue, bandes bleues sur fond blanc) déployé sur l’impeccable azur du ciel.
MITSPE RAMON : vue panoramique sur un cratère. Beauté, grandeur toujours recommencées. La nuit déjà tombe. Nous arrivons au kibboutz LOTAN où nous logerons. C’est un kibboutz laïc, de tendance écologique, édifié en plein désert.
On nous installe dans de petites maisons munies de tout le confort. C’est plus sympathique qu’à l’hôtel. Repas dans une grande salle. Après le dîner, chaque soir, réunion du groupe (ceci est facultatif) autour d’un thème. Ce soir présentation rapide de chaque participant : quelle est la motivation qui l’a poussé à entreprendre ce voyage. Personnellement je dis mon vif désir depuis toujours, du fait de mon éducation catholique, de visiter le pays des Juifs et des origines du christianisme, et ma conviction qu’il est impossible après l’Holocauste et Vatican II d’être chrétien sans d’abord être fondamentalement imprégné de l’esprit du judaïsme.

9. 2.
On découvre le kibboutz LOTAN. Très beau temps chaud. Ca sent la bouse de vache. Visite du kibboutz  avec David, un des 200 habitants du lieu. Il nous mène à une plantation de palmiers-dattiers, une des productions essentielles du kibboutz. Deux ânons broutent à l’ombre des arbres : ils sont destinés au débroussaillage. David explique le système de plantation : arbres mâles d’un côté, arbres femelles de l’autre et processus artificiel de fécondation. Autre production : le lait de 500 vaches. Explication de procédés écologiques, par exemple des installations sanitaires sans eau, des constructions en torchis avec armature métallique. Principe de vie collective : le partage égalitaire des revenus (cependant une grande partie des kibboutz ont intégré aujourd’hui le système capitaliste).
   
Nous reprenons le bus pour continuer à traverser le désert jusqu’à la frontière égyptienne. On aperçoit au loin le massif du Sinaï : espaces de l’Exode et de la rencontre de Moïse avec Yahvé. Et plus près une tour de guet où poireaute un soldat égyptien. Les vues panoramiques à partir des hauteurs du mont EZEKIA sont toujours d’une beauté à couper le souffle. Le Terre promise tient toutes ses promesses du moins en ce qui concerne la splendeur des paysages.
Passage par EILAT, station balnéaire sur la Mer Rouge : luxe et modernisme ordinaires, rien à signaler en-dehors des pierres de malachite qu’on y vend en joaillerie.  Démonstration de la taille des pierres. Nous déjeunons près du lac de Timna au cœur de sites rocheux impressionnants. On fait un peu d’escalade aux COLONNES DE SALOMON et aux anciennes mines de cuivre (indéniable côté sportif du voyage : on est bientôt bon pour TSAHAL…).
 A la réunion du soir, l’increvable Arié, vieux jeune homme toujours en forme, nous parle du judaïsme. Juif pratiquant, il connaît parfaitement le Premier et le Second Testament dont il nous commente souvent des extraits, nous initiant à une lecture minutieuse du Texte sacré dont chaque détail  est interrogé. C’est passionnant. On a l’impression de découvrir la Bible et sa signifiance infinie. Arié nous initie aux arcanes de la judéité : qui est Juif, quelle est la pratique de la religion, le rôle de la THORA (la loi écrite) et du TALMUD (la loi orale, l’interprétation de la THORA pour la vie concrète) et l’essence du judaïsme qui est plus une orthopraxie qu’une orthodoxie. La croyance y a moins d’importance que la pratique éthique quotidienne.
               
10. 2.
Nous quittons le kibboutz LOTAN .
Nous roulons toujours dans le désert, celui de la vallée de l’ARAVA, suite de l’immense faille( le rift) traversant l’Afrique et le Moyen-Orient.
Visite de la massive citadelle de MASSADA, perchée sur des hauteurs auxquelles on accède par un téléphérique. Des insurgés juifs y tinrent tête durant 2 ans aux légions romaines au premier siècle de notre ère. Comment les assiégés ont pu survivre en ces lieux arides, isolés, c’est quasiment inimaginable… MASSADA reste le symbole de la résistance juive.
De la forteresse carbonisée par le soleil impitoyable on gagne l’oasis d’ EIN GUEDI. Verdure, restauration et bain dans la Mer Morte : à cause du haut degré de salinité, impossible de s’enfoncer dans l’eau, on ne peut faire que la planche…
Arrêt à QUMRAN, près des célèbres grottes, véritables bouches d’ombre où furent découverts par hasard  après la seconde guerre mondiale les fameux manuscrits dits de la Mer Morte, rouleaux vieux de 20 siècles, et qui contiennent certains livres de la Bible. Ce qui est extraordinaire, c’est que le texte biblique depuis ses origines (quelques siècles avant J-C) est resté absolument invariable. Il est sans cesse recopié à la virgule près même aujourd’hui pour les rouleaux utilisés dans les synagogues. Et l’hébreu qui est la langue officielle des Israéliens est quasi le même que celui des textes retrouvés. L’Etat d’Israël l’a fait revivre après un multiséculaire sommeil.
A QUMRAM vivait une secte juive appelée les Esséniens. On visite  les vestiges de leurs habitations.
Longue route vers le Nord du pays. On suit le Jourdain. Plantations d’agrumes .Les bananes arrivent à maturité. De l’autre côté du Jourdain on voit la Jordanie, pays actuellement  en assez bons termes avec Israël.
La nuit tombe (tombée plus brusque qu’en Alsace). Nous  arrivons au kibboutz SHLUHOT. Un vieux couple, le Docteur Bollack et sa femme, nous rejoint. Ils habitèrent naguère à Mulhouse (le docteur y était ophtalmologue) et se sont installés plus tard à Jérusalem. Des gens charmants.
Installations toujours confortables.
Le kibboutz est défini comme «religieux ». Après le repas, Arié nous parle de l’histoire politique d’Israël. Il décrit la situation selon l’optique d’un Israélien qui a connu tout le devenir dramatique du pays.
A la fin, je ne peux m’empêcher d’évoquer la question des souffrances des populations palestiniennes…

11. 2.
Réveil au kibboutz SHLUHOT où nous resterons 4 nuits.
Le paysage change du tout au tout. Vertes collines printanières. Tiédeur de l’air.  Nous sommes au pays qu’arpenta Jésus et l’on comprend mieux sa lumineuse douceur en contemplant les ondulations harmonieuses de la terre et la tendre bleuité du ciel. Paysage ressemblant à celui de l’Ombrie, le terroir de François d’Assise.
Visite du mont des Béatitudes où la tradition situe l’enseignement le plus célèbre de l’Evangile : heureux, les pauvres en esprit… Le paysage correspond aux paroles sublimes, non les avalanches  de touristes armés d’appareils photos qui se déversent sur tous les lieux consacrés par la tradition (aucun de ces lieux n’est historiquement certain).
Marche dans le parc naturel de TEL DAN. La nature est toujours édenienne. Nous longeons les eaux couleur émeraude du Jourdain. Moment de pure beauté. Vestiges des remparts de l’époque davidique. On est à l’extrême nord d’Israël, tout proche de la frontière du Liban dont on aperçoit sur les versants les premiers villages. Nous nous dirigeons vers le GOLAN, les hauteurs qui surplombent la Syrie et Israël, lieu stratégique de première importance.                              
On se restaure dans un village druze. Les Druzes sont des Musulmans hétérodoxes croyant en la réincarnation. Les hommes portent tous moustaches. Au loin se profile le Mont Hermon (plus de 2800m)  et sa cime enneigée.
On passe par un point de vue d’où l’on domine les premières agglomérations syriennes. Installations militaires. Longue route à travers le plateau du Golan. Silhouettes d’éoliennes sur le ciel crépusculaire.
Retour au kibboutz. Le soir, après le repas, entretien avec un habitant du kibboutz qui travaille beaucoup au contact de la population arabe (les Arabes israéliens).  Il met l’accent sur la difficulté venant de la haine islamiste qui pèse de l’extérieur sur la vie quotidienne des citoyens arabes et empoisonne les relations. Situation intenable faite aux Arabes chrétiens (dont le christianisme remonte à l’aube de la foi chrétienne) qui émigrent de plus en plus. Comment concevoir que dans ce petit pays idyllique, baigné de lumière, les hommes, tous enfants d’Abraham, ont tant de mal à s’entendre ?
Pourquoi Juifs, Chrétiens et Musulmans n’ont pas cessé de se battre, eux qui prient le même Dieu de miséricorde ? Grand mystère de l’histoire. La réconciliation des trois formes du monothéisme est peut être le but ultime du long chemin d’Abraham… Espoir insensé ou rêvasserie de Goy ?


12. .2.
Nous visitons les ruines romaines de BEITH SEAN : rue centrale à arcades, thermes, latrines publiques, théâtre… Une chèvre pas du tout effarouchée suit minutieusement les déambulations du groupe. Sans doute une habitude acquise depuis longtemps.      
TABGHA : église byzantine et couvent bénédictin, lieu traditionnel du miracle de la multiplication des pains. Belle mosaïque représentant deux poissons et une corbeille de pains.
Nous déjeunons au bord de la mer de Galilée (ou lac de Tibériade) : poissons et vin blanc (le vin israélien est correct, cependant il ne concurrence pas les vins d’Alsace…). Je ressens une forte émotion (malgré les hordes de touristes) de me trouver sur les rives foulées jadis par Jésus, de voir de mes yeux les paysages  qu’il contempla.   Ici, près de l’eau, en plein air, sensation quasi physique de la présence du Christ plus que dans les lieux « consacrés » trop encadrés par les diverses églises chrétiennes. Plus que jamais je sens le ridicule des controverses théologiques et autres conflits entre les confessions chrétiennes. Jésus est simplicité et charité, le reste est vaine chamaillerie humaine.
KEFAR-NAHUM (Capharnaüm) : autre lieu sacré où l’on montre la soi-disant maison de l’Apôtre Pierre écrasée sous une architecture moderne (une horreur). On visite les restes de la Synagogue où Jésus  aurait prononcé le discours « Je suis le pain de vie ».
Arrêt sur les rives du Jourdain (un cours d’eau modeste, ne pas imaginer quelque chose de fluvial). Nous puisons de l’eau du Jourdain pour les amies et nous observons les baptêmes d’adultes qui se pratiquent ici en série, hommes et femmes en aube blanche plongés dans l’eau et remontant grelottants et extatiques. En partant, les gens peuvent récupérer le film de l’événement qu’ils viennent de vivre. Le lieu est soi-disant celui du baptême de Jésus par Jean-Baptiste. Les versets évangéliques évoquant cet épisode sont affichés en nombreuses langues du monde. Dans des endroits semblables, on a souvent l’impression du mélange inextricable entre réelle piété et hystérie religieuse. De plus s’ajoute partout l’étalage du commerce de mauvais goût destiné aux touristes. Le Rabbi de Nazareth aurait du travail aujourd’hui : lui qui chassa les marchands du Temple pourrait faire de même avec ceux qui parasitent son propre héritage . Il m’est parfois difficile d’arriver à un véritable silence méditatif pour communier avec ces lieux bibliques. Je perçois plus intensément l’esprit du judaïsme et celui de l’Evangile  dans la lumière de la Terre d’Israël que dans les sites voués au pèlerinage.
Retour au kibboutz Shluhot. C’est vendredi, le début du shabbat. Nous assistons à un culte à la synagogue. Chants et lectures. Les hommes têtes couvertes de la kipa sont séparés des femmes. Des petits enfants se baladent librement dans les allées, observant les bonshommes portant le talith (châle de prière) concentrés sur le culte ou étrangement distraits. Certains discutent même en douce sans gêne aucune. Rien ne semble pesant comme l’est un culte catholique.
Repas de fête commençant par la bénédiction du pain et du vin : c’est le vieux docteur Bollack (nonagénaire) qui officie. Vin rouge sucré, vin blanc et puis les plats succulents se succèdent. On ne jeûne pas… Après ces délectables agapes, une vieille dame du kibboutz nous raconte son hallucinant itinéraire d’enfant et de jeune fille : naissance en Belgique, fuite en France durant la seconde guerre mondiale ; cachée dans une institution privée chrétienne (avec son petit frère…), elle passe plus tard en Espagne et de là peut gagner la Palestine. Depuis elle vit dans le kibboutz dont elle décrit les débuts héroïques. Une dame pleine d’enthousiasme et d’humour, parlant plusieurs langues.

13. 2.
Jour du shabbat. Jour consacré sans réserve à Dieu et au repos. Nous ne quittons pas le kibboutz Shluhot. Tout travail est interdit. Faire le vide des activités profanes. Laisser l’appareil photo au repos. Prier, se promener et participer à l’office de la synagogue. L’objet le plus vénéré, les rouleaux de la Torah sont sortis de l’arche. On lit un passage du texte sacré. Le rabbin fait un sermon. Et puis hommes, femmes et enfants se retrouvent au soleil sur le parvis.
Après le culte, nous visitons une exposition de peintures, œuvres d’une artiste locale. Les tableaux représentent des scènes bibliques connus, Caïn, l’Echelle de Jacob, ABRAHAM entre Sarah mère d’Isaac et Agar mère d’Ismaël. Cette dernière scène pourrait symboliser tout le drame actuel du Proche-Orient, le conflit entre Juifs et Arabes, car Abraham est à la fois le père des Juifs à travers Isaac et le père des Arabes à travers Ismaël, le père des deux peuples sémites quasiment cousins et dont les religions sont très proches.
Nous nous promenons à travers le kibboutz en compagnie de la dame qui hier nous narrait son odyssée tragique durant la guerre mondiale. Elle nous montre les premières maisons construites et les procédés astucieux pour « isoler » les fenêtres des grandes chaleurs (l’été ici est intenable).
 On passe près de l’école maternelle, près des installations agricoles, l’enclos des animaux, la plantation des cactus géants… Tout est paisible, les familles flânent, les enfants jouent… Installés au soleil, Lili et moi, nous lisons la Bible, recherchant les extraits sur les lieux que nous avons visités. Le Livre des livres lu sur place devient infiniment plus concret et l’histoire de Jésus plus tangible : il a évolué dans un cadre aux dimensions tout à fait humaines.
Séance de lecture de l’Exode par Arié. Toujours l’étonnante méthode de décryptage de chaque détail du texte. Le  repas du soir a lieu vers 17h , avant le coucher du soleil qui marque la fin du shabbat.

14. 2.
Départ du kibboutz Shluhot.
On passe non loin du Mont Thabor où aurait eu lieu la Transfiguration.
Nous arrivons à Nazareth, à présent ville arabe. Nous visitons l’Eglise de l’Annonciation. Nous assistons à un office de rite melquite. Liturgie de style plutôt orthodoxe. Cependant l’église est rattachée à l’Eglise catholique et nous (les catholiques) participons à l’eucharistie (sous les deux espèces). A la sortie, bref entretien avec le Père Shoufani qui parle un parfait français. Auteur de livres, il est connu en France. Nous rencontrons aussi un Français qui sillonne le Proche-Orient en vélo…
On se restaure dans une grande surface à Haïfa (une des trois grandes villes avec Tel-Aviv et Jérusalem).
Arrêt à Saint-Jean d’Acre. Forteresse des Croisés, caravansérail, remparts. Constructions puissantes montrant que les hommes du passé bâtissaient pour l’éternité.
Nous sommes sur la Côte méditerranéenne.
Retour à Haïfa. Le bus tombe en panne à l’entrée de la ville : une affaire de courroie. Deux heures d’attente au bord de l’autoroute à la dense circulation : l’Israël moderne urbanisé ressemble à n’importe quel pays occidental. On vient nous dépanner et nous reprenons la route à la tombée de la nuit. D’une hauteur, point de vue splendide sur l’immense agglomération illuminée. Nous arrivons en retard au kibboutz Beith Oren sur le mont Carmel où nous passerons une seule nuit.  

15. 2.
Nous quittons le kibboutz de Beith Oren( maison des pins) situé en montagne. Lacets fort appréciés par Lili…
Visite de CESAREE où vinrent l’Apôtre Pierre et l’Apôtre Paul. Ruines romaines. Aqueduc, amphithéâtre, hippodrome. Plage en bordure de la Méditerranée.
Arrêt de midi à NEOT KEDUMIM.  C’est un parc naturel .Champs de fleurs : cyclamens, anémones... Oliviers, amandiers, cèdres. Repas champêtre : pita, pain évidé qu’on remplit de diverses crudités  et sauces. Journée la plus chaude : plus de 30°. Nous visitons le parc avec EVA, une Israélienne originaire de Colmar. Elle parcourt les lieux la Bible à la main, ne cessant de faire le rapport entre ce que nous voyons et ce que dit le texte : évocation des citernes, de l’hysope, du jujubier… Un bel oiseau blanc, l’aigrette, se tient élégamment à l’ombre des amandiers en fleurs, parmi les anémones rouges. Sommes-nous au jardin d’Eden ? Sommes-nous aux premiers matins du monde ? Non, on est bien au Proche-Orient en 2010 car non loin de ce havre de paix on entend des détonations : des exercices militaires. L’Armée ne cesse de veiller. Permanent état de guerre latent derrière les apparences paisibles d’un pays normalisé.
Et voici un grand moment du voyage : nous nous approchons de Jérusalem, étape ultime du périple. Nous roulons parmi les collines rocailleuses, sur une route israélienne en plein territoire palestinien. Des deux côtés de la route, le fameux mur destiné à protéger Israël contre l’intrusion des terroristes…
Nous entrons dans Jérusalem. Ville construite sur des collines couvertes d’habitations blanches (la pierre blonde du pays) dont l’architecture moderne ne jure pas trop avec l’antiquité du site. Nous logeons au THOMAS HOME, maison tenue par des sœurs. Nous nous trouvons en quartier arabe et déjà retentit la voix du muezzin du haut du minaret. En fait, les trois religions, judaïsme, christianisme (avec ses multiples confessions) et islam ne cessent de se mélanger inextricablement à travers la ville. Et cette cohabitation est une caractéristique de Jérusalem, ville trois fois sainte.
Installation, repas servis par des hommes. Visite nocturne de la vieille ville avec Arié. Nous circulons dans le dédale des rues du souk aux échoppes closes. C’est d’un pittoresque incroyable. On arrive au mur des Lamentations dont hommes et femmes s’approchent séparément. Tête couverte, entouré de fidèles en oraison balançant leur corps, je confie ma prière (une prière pour toute notre tribu et en particulier pour les plus jeunes, Herbert, Valentine, Louna) à une fente du mur. Geste très émouvant.
Nous revenons au Thomas Home par d’autres ruelles aussi pittoresques. D’un étage à l’autre, on passe sans transition de maisons arabes à des locaux occupés par des Juifs orthodoxes, une école talmudique bourrée d’écrits bibliques. On marche sur les toits de la vieille ville, des terrasses d’où l’on contemple Jérusalem sous le ciel noir, ses coupoles, ses clochers, ses minarets, ses mystères plurimillénaires. Vision fabuleuse, instants de communion que trouble parfois un chat rodant dans l’obscurité (Jérusalem est la capitale des chats omniprésents).

16 .2.
Mont des Oliviers, Gethsémani… Lieux mythiques à ce point « encadrés » qu’il est difficile de retrouver quelque chose d’authentique… Vue formidable sur Jérusalem, ville blanche, lumineuse avec ses dômes et ses bulbes d’or sous l’azur parfait. C’est plus beau  que je ne l’imaginais. Jésus voyait ce panorama même si rien ne subsiste de la ville de son époque. Limpidité de la lumière, beauté des arbres,oliviers aux troncs torturés à la Van Gogh.             
YAD VASHEM, musée de l’Holocauste.  Vaste  architecture moderne. Les espaces verts sont plantés d’arbres au nom des Justes des Nations (non Juifs ayant sauvé des Juifs durant la 2ème guerre mondiale). Crypte avec le nom de tous les camps d’extermination, la sinistre litanie de la Shoah. Le musée lui-même est immense et rassemble une documentation innombrable sur la persécution et l’extermination des Juifs européens. Il faudrait des longues heures, des semaines pour tout voir en détail et nous ne faisons qu’une traversée au pas de charge.                                          
Nous quittons Jérusalem pour Bethléem qui se trouve en territoire palestinien. Arié ne nous accompagne pas (risque pour un Juif de sortir d’Israël). Contrôle au check point. Présence pesante du mur.
Arrêt à Beit Jala dans l’auberge d’Abraham. C’est une institution protestante tenue par un pasteur d’origine palestinienne. Locaux très propres, bon standing. Repas, puis entretien avec le pasteur qui s’exprime en allemand (traduit par Catherine, le pasteur qui nous chaperonne). Il milite pour le rapprochement entre Israéliens et Palestiniens, entre Chrétiens, Juifs et Musulmans. Arabe, sa famille est chrétienne depuis les premiers temps du christianisme.
Bethléem (comme Nazareth c’est aujourd’hui une ville arabe). Visite avec un guide local de l’Église de la Nativité. Il faut faire la queue interminablement pour voir de près la soi-disant grotte où Jésus serait venu au monde. Se cumulent ici la folie touristique et une bonne dose de délire religieux. Malgré tout on peut apprécier la beauté des architectures et de la décoration du style orthodoxe. A la sortie, un enterrement, une compacte foule en noir .Clocheton, minaret surmonté du croissant se découpant sur ciel crépusculaire.
Passage par l’inévitable magasin touristique (qui paye le guide). Nous achetons (enfin !) un cadeau pour Louna : une mignonne petite croix de Jérusalem et une chaînette adéquate.
Après le repas, dernière réunion avec Arié. Revient le thème politique obsédant (conflit Israël/Palestine). Mise en évidence de l’impasse actuelle. Impasse qui manifeste aussi l’échec spirituel des religions abrahamiques prônant toutes les trois l’ouverture aux autres. Je souligne un manque du voyage : aucune rencontre avec les jeunes générations israéliennes ou palestiniennes. Quelle est leur vision du Proche-Orient pris dans la terrible contradiction entre ses politiques et les spiritualités nées sur son sol ?                      

17. 2.
Nous allons à pieds à travers Jérusalem. Nous traversons à nouveau la vieille ville labyrinthique si pittoresque avec ses escaliers, ses voûtes, son brouhaha, sa variété d’arômes. Les boutiques du souk ouvertes, les ruelles dallées sont à présent vivantes, grouillantes de monde, autochtones et touristes mêlés. Les étalages se succèdent, proposant une infinie gamme d’articles : fruits, pâtisseries, étoffes, vêtements, babouches, objets artisanaux, viandes, épices…  On suit plus ou moins la VIA DOLOROSA que Jésus aurait parcouru lors de sa Passion. Cependant rien ne subsiste de la ville de l’époque du Christ et les stations indiquées sont purement mythiques. Nous débouchons (à travers des contrôles) sur la grande esplanade du Mur des Lamentations. Espace idéal d’observation : y déambulent des touristes, des pèlerins, de jeunes militaires en permission, des vieux Juifs barbus en habits noirs et grands chapeaux. Au pied du Mur les gens en prière, les uns immobiles, concentrés, les autres oscillant d’avant en arrière. Nous nous trouvons au lieu le plus sacré du judaïsme car c’est ici que s’élevait jadis le Temple détruit au premier siècle de notre ère. Pour les Juifs, c’est ici le nombril du monde. Cela l’est aussi en quelque sorte pour les Musulmans : la Mosquée du Rocher à la coupole d’or avoisine le Mur des Lamentations. Le Rocher en question serait à la fois celui du « sacrifice suspendu » d’Abraham et celui du voyage céleste de Mahomet sur un cheval.
De ces espaces sacro-saints nous regagnons la ville. Quartier juif. Venelles étroites à l’ombre bienfaisante. Petite place où mûrissent des orangers. Une école de Juifs orthodoxes : les enfants en tenues traditionnelles s’y amusent gaiement comme dans toutes les cours de récréation du monde.
Visite de divers sites religieux chrétiens : Eglise Sainte-Anne de style roman, à l’acoustique parfaite (nous y entonnons un ALLELUIA).Piscine de Béthesda, soi-disant lieu d’un miracle de Jésus. Eglise du Golgotha et de la Sépulture. Afflux des masses touristiques. Il faut faire la queue pour voir le trou de la croix et la tombe du Christ… Pseudo lieux saints dont les beautés saint-sulpiciennes et les étalages de bondieuseries n’arrivent pas à me toucher. Eglise de la Dormition consacrée à la Vierge Marie et à la fin de sa vie terrestre. Cénacle : salle où Jésus aurait partagé le dernière Cène avec les Apôtres. Déjeuner à la terrasse d’un café très fréquenté, parmi les vagues de touristes.
La marche à travers Jérusalem se termine par un retour dans les souks où chacun peut faire ses dernières emplettes. Lili et moi, nous buvons une bière dans un café arabe où l’on parle français. On ne semble pas apprécier notre Président dont on retrouve des portraits enturbannés dans certaines vitrines (en compagnie d’autres leaders politiques occidentaux…).
Quel plaisir à voir défiler la foule bigarrée dans la rue marchande débordant de vie. Se croisent Arabes portant keffieh ou chéchia et Juifs en caftan, chapeaux noirs et papillotes. L’ambiance semble apparemment paisible et bon enfant bien qu’on aperçoive de temps en temps un groupe de soldats armés… Ce calme cache sans doute des tensions invisibles et pourrait facilement basculer en sens inverse.
Après le repas du soir, l’infatigable Arié nous entraîne dans une nouvelle promenade nocturne, cette fois plutôt dans la partie moderne, bars, restaurants, quartiers chics… On ne cesse de monter et de descendre des escaliers car Jérusalem est cité des collines. Ample vue sur l’ensemble de la ville nocturne, ses clochers ( dont l’un imite la tête de Guillaume II qui le finança), ses minarets, ses remparts. Arié nous quitte. Nous suivons les remparts jusqu’à la Porte de Damas pour retrouver notre home. Expérience unique que ces trajets dans ces lieux célébrissimes où le plus sublime côtoie la quotidienneté la plus ordinaire.


18.2.
Dernier jour en Israël. Toujours le bleu intense du ciel. Non loin du Thomas Home nous visitons le Jardin de la Tombe où l’on trouve un des multiples       
lieux possibles de la sépulture du Christ. Nous y célébrons en plein air un culte œcuménique autour de Catherine Fritsch, la responsable du groupe, pasteur protestant d’une grande simplicité et d’une belle tolérance. C’est un des sommets du voyage : il réunit dans une même méditation des Juifs, des Catholiques, des Protestants et autres Evangéliques et aussi des personnes se disant agnostiques. A l’invitation de Catherine participent à la Cène ceux pour qui ce geste est parlant. C’est simple et profond.
Et voici : il faut penser au retour, faire les valises, acheter un casse-croûte pour la route…
Le bus nous ramène à l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv. Formalités d’enregistrement des bagages. Contrôles particulièrement sévères. Nous faisons nos adieux à Arié Goldberg, le valeureux guide qui nous a initiés à son pays d’une manière si sympathique et si compétente. Ce fut une chance rare de rencontrer un tel homme, porteur de tant d’expérience et de tant de connaissance.
Vol Tel Aviv - Zürich. Dernier repas « casher » (avec certificat). Nous retrouvons le sol européen dans la froide nuit d’hiver. Un bus nous ramène à Mulhouse.
Le groupe se sépare rapidement. Fin de douze jours lumineux. Il faudra des semaines pour digérer l’immense densité de la matière emmagasinée. Je commence à le faire en écrivant ces notations rapides qu’il faudra sans doute compléter.
La Terre promise a tenu plus que ses promesses. J’avais peur que le voyage en Israël détruise mon « histoire sainte » imaginaire ; il a au contraire remplacé ma Bible fantasmatique par une expérience plus concrète, plus vivante du premier et du second Testament.
Désormais je ne pourrai plus séparer la foi juive et chrétienne de cette terre de lumière. Et plus que jamais je suis convaincu de l’unité profonde judéo-chrétienne sans méconnaître par ailleurs l’énigme abyssal de l’émergence du christianisme du sein du judaïsme.

PIERRE pour le texte et LILI pour la photo.

2.4.10. Vendredi saint.
Croix. Refus par le monde du Verbe d'Amour et non masochisme de Dieu.
Ce sont les ténèbres qui crucifient la Lumière et non la Lumière qui aime la souffrance.

Parfois le sentiment d'arriver ( bien tardivement) au coeur de l'être.

Obéissance de la plante: elle se contente de se nourrir de lumière.

L'homme contemporain n'a pas d'oreille pour entendre l'Inouïe Parole. Son affairement, sa quotidienneté envahissante empêchent l'écoute. Spiritualité comme occasionnel supplément d'âme, non comme centre de gravité de toute l'existence.

BELLET: Naissance de Dieu, L'Issue. Je continue à l'estimer comme penseur essentiel.

3.4. Il n'y a (apparemment) pas de femme à la dernière Cène, mais le premier être humain auquel se révèle le Ressuscité est une femme.

4.4. Pâques. Lire littéralement l'Évangile comme Livre de la Résurrection, chant de l'humanité nouvelle, délivrée du mal et de la mort. Essence de la Bonne Nouvelle.

         3.7. Auto-analyse. Mal à l’aise en présence du Père, me sens bien avec Mère.

26.8.Nous sentons que la vérité de la vie habite en l’enfant. C’est pourquoi sauf exceptions tristes nous le respectons plus que tout.

26.9. Fontenoy la Joute, village du livre. Acquisition: RICHARD MORGIEVE ( Sex vox dominam).