26.9.18

INCANTATIONS DU SOLEIL ROUGE OR ET NOIR DE LA VIE


INCANTATIONS DU SOLEIL ROUGE OR ET NOIR DE LA VIE



INCANTATION DU NAÎTRE

Voici déjà l’automne saison des fruits
saison des brumes au verger de tendresse
Tu as mûri tu as déplié ton être mystérieux
tissé de force et de délicatesse

Voici bientôt tu quitteras ton antre délicieux

L’automne avance temps des maturités
Vastes matins de brume sur les terres fécondes
Collines lourdes de vignes plaines labourées

Voici humble vivant tu viens au monde
Tu entres dans la gloire de vivre tu nais
à l’étrange aventure de la mortalité

L’automne avance saison des complétudes
Tu viens vivant fragile et la longue inquiétude
désormais restera compagne de nos jours
ombre fidèle de l’attentif amour
 
Longtemps j’ai séjourné dans la demeure d’ombre
Et voici
il te faut naître
Naître ou n’être pas
Naître ou n’être qu’ombre
au royaume des langueurs
Fauve est le naître non  fade non rose non bleu   


obscure gestation
d’organes
d’yeux
de  membres
fête de chair jubilation souffrance

ventre
chaud comme le pain
glaise tendre où couve la vie
abri de sang

marées de rêves roses

ténèbre tiède qui doucement remue

vase de viscères

demeure mouvante molle murmurante

fluide habitation

nuit de neige silencieuse

de muettes cosmogonies

sommeils de miel peuplés de murmures traversés d’ailes légères danses d’eau de feuilles sommeils fluides fusant d’étoiles
sommeils de glaise gloussements d’aube dans la bleutée fraîcheur des jardins
fragiles envols
des êtres de neige nagent dans la nuit de velours

et puis le silence
la plénitude du silence
silence de chair silence de tendre ciel matinal
silence baigné de bleu

Je me pelotonne dans les buissons d’artères de veines de nerfs
dans l’œuf chaud du ventre je me blottis
dans la nuit bruissante d’eau de sang de sève
et de caresses de baisers je me réfugie je me nourris
de tiédeur de tendresse 
je bois le breuvage ardent
de l’eau de feu qui fait s’épanouir les fragiles vivants
les fleurs frêles les étoiles  passagères

Le ciel de la terre l’oxygène
descend dans mes membres mon torse éclaire ma tête
Je vois des oiseaux voler sur des surfaces d’eau lisse
et longtemps s’illuminer le ciel


tendres profondeurs je vis lové dans le velours
je voyage  à travers des verdures mouvantes des brumes  de tendres éclairs des météores des astres qui dansent

je vis lové dans le velours de la nuit
j’ai des milliers d’yeux des milliers de mains


Tu entends la rumeur de la mer
le murmure sourd du sang
le bruit de soie  des caresses
prodiguées par nos mains
à la mouvante colline du ventre
Tu nais et c’est grande fête
chez les bêtes
qui dansent au soleil levant
Et c’est profonde allégresse
chez les humains
qui se taisent et te contemplent
Et c’est miracle pour les astres
Tu nais et c’est jour  faste
pour tous les vivants
Tu nais et maintenant
naître sera ta tâche
jusqu’à l’ultime que nous avons appelé
MOURIR  



forêt de fables où tu entres le monde
texte diffus confus touffu
des songes humains
tissu de songes de mensonges
tramé en tout lieu
avec nos obscurs désirs
forêt des saisons des lieux
forêt des visages
où tu pénètres


POUR FÊTER TA NAISSANCE


Pour fêter ta naissance
je convie les mots les plus beaux
je convie les ailes des papillons
je convie la transparence des cristaux
le bleu tendre des horizons
je convie la gloire des soleils
les secrètes merveilles
des étangs et des bois
je convie le chant de joie
le chant de mélancolie des terrestres saisons
je convie la splendeur des floraisons
le silence des neiges




UNSPRACHE

ich kann nicht sprechen

alles dunkel

Sonnennacht

Nachtsonne

Nebel

ich bin das ewige Kind

Infans

ich zottere

wo das Leben ?

sterbe ich schon?

versinke ich schon im Ozean des Nichts?

ist am Ende  das Wort ?

ist am Ende Gott ?




ALANGUE

je ne peux parler
tout est sombre
soleilnuit
nuitsoleil
brouillard
je suis l’éternel enfant
infans
je bégaie
où est la vie ?
déjà je meurs ?
déjà je sombre dans l’océan du néant ?
à la fin y a-t-il la Parole ?
à la fin y a-t-il Dieu ?


 
POUR NAITRE

                                            N'être pas encore né et être
                                            déjà forcé de se promener
                                           dans les rues, de parler aux
                                           hommes.
                                                                              KAFKA


Pour naître, dotez-moi d'un corps, douez-moi d'une
voix, donnez-moi un nom, un beau nom habitable, et
un peu de jour. Derrière les âcres fumées, derrière
les gravats amoncelés, je végète, infirme, informe,
lançant de petits appels stridents, esquivant de
risibles petits gestes , vite épuisé à cause de
l'épaisseur oppressante de l'air. Depuis
d'immémoriales saisons, je dissimule la larve de
mon être. Toute ma patience, je l'ai vouée à désirer la
naissance. Désespérément je tends les bras; je me
force jusqu'à risquer mourir. Ah! vite, vite un vrai
corps vivant, que je sois au monde! Vite une voix,
que j'entende mon propre écho et me sache existant!
Pour que je naisse, appelez-moi, entendez-moi, je
vous en supplie, entendez-moi.
Pour naître, je ramperai sur les briques et, haletant,
au sommet du tas, je hélerai les passants distraits.
Pour naître, de toute ma débile violence, je les
agripperai, de tout mon chétif, de tout mon féroce
désir, je les ouvrirai et je parasiterai les êtres.


 
RÉVEIL

Cris pourpres du coq à l'aurore.
Les enfants sommeillent encore.
Dans la pénombre bleue des chambres,
l'aube vient caresser leurs membres.


Et puis voici que la lumière
vient soudain noyer leurs paupières
lorsque la matinale sœur
ouvre les volets aux fraîcheurs
étincelantes du matin
montant des rues et des  jardins.



A TRAVERS LA CLÔTURE ENVAHIE DE LISERONS


A travers la clôture

envahie de liserons,

j’épie la fraîche fille


qui arrose les salades

dans le jardin voisin.

 



ENFANTS DE L’INFINI 

Enfants de l’infini,
nous errions ivres
dans les vastes prairies
du paradis

jusqu’à ce que la nuit nous livre

à ses splendeurs de givre.

Étoiles vagabondes,
nous rêvions alors de dérives
aux lointaines rives

où se perdent les mondes.


 LA MAISON QUI DÉRIVE

Dans la lumière mate
du jour d'automne,
l'enfant s'abandonne
aux imaginations.
Une mer de ouate
environne  la maison.
Des hautes nefs la traversent
comme dans un rêve,
très lentement,
embarcations énigmatiques
d'où émanent des musiques.
Et parfois des visages extasiés
apparaissent aux hublots,
regardant l'enfant en sarrau
avec des grands yeux d'éternité.
Et la maison aussi
se met à naviguer
jusqu'au bord du ciel,
accompagnée par le carrousel
des oiseaux familiers.
Elle dérive dans la brume bleutée,
elle danse, danse au-dessus des arbres,
au-dessus des clochers.
Et l'enfant dans la cuisine
caresse l'échine
du chat qui ronronne d'aise
en lapant le lait dans son bol.
Et la table, les chaises
doucement glissent sur le sol.
Et la maison, bercée par la houle de lumière,
gagne le large et là-bas, loin des pôles,
s'illumine de splendeur hauturière.



NEIGE DU PRINTEMPS

Silencieusement lentement
la neige du printemps
danse parmi les lys.
Revenez pures délices
des saisons candides.  
Revivez magies liquides
du royaume d'enfance
aux claires jouissances. 
Doucement tendrement
la neige du printemps
tombe sur les pâquerettes
et les papillons qui volètent
à travers le verger fleuri
où s'ébattent les enfants du paradis.



J'AI PASSE COMME LE VENT

J'ai passé
comme le vent
virevoltant
un instant
dans les blés
un matin d'été.

Ne m'a reconnu
qu'un lièvre
sur un sentier perdu
où j'ai disparu
dans le silence aigu
aux odeurs de genièvre.




SOIR

Les vitres rutilent
dans le blond visage des maisons;
pain des murs
où glissent des ombres de pigeons.
Dans le verger d'avril,
la jeune mère fragile
éclaire l'enfant
aux regards débordant
du mystère de l'azur
et de la force du futur.






SOIR DANS LA CUISINE

Odeur de concombre
dans la cuisine.
Le jour décline.
La maison s'emplit d'ombre.
Le père rentre de l'usine,
l'air sombre.


CHANSON DU SIMPLE


Je ne suis ni savant ni roi.
Frères humains, je suis le simple.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Qu'éclot la lumière tout humble.


Je ne pèse pas d'un grand poids,
Frères humains, dans vos affaires.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que le jour ouvre ses paupières.

J'ai du mal à suivre vos voies.
Frères humains, je suis l'obscur.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que le ciel se déploie si pur.

Au chapitre je n'ai pas voix.
Frères humais, je parle peu.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que l'azur brûle ivre de bleu.



AUTRE CHANSON DU SIMPLE

Je ne sais pas pourquoi,

pourquoi le ciel est bleu.

Je ne sais pas de quoi,

de quoi est fait le feu.


Je ne sais pas s’il y a

un ciel avec un Dieu.

Je ne sais pas où va

l’âme, quel est son lieu.


Je ne sais rien de rien,

rien de moi, rien de toi,

rien du mal, rien du bien,

et je demeure coi.


LA BEAUTÉ SIMPLE

La beauté simple
visite les jours
de l'ouvrier et de sa femme.
Il y a les tournesols du jardin
et l'odeur du vent
entrant par la fenêtre.
Il y a le pain et le vin
sur la table éclairée
par le soleil couchant.
Il y a les bras de la nuit et la tendresse.



BRAISE SECRÈTE

Dire. Il  faudrait pouvoir
dire. Cette chose indicible.
Dire cette chose la plus simple,
la plus prodigieuse.
Etre là. Ensemble.
Nous. Connivence heureuse.
Avec les saisons, les jours, les nuits.
Avec le ciel de miel ou de suie,
et la lumière.
Etre là. Avec les maisons, les arbres,
les montagnes bossues au loin.
Les oiseaux qui traversent aventureux
la vitre crépusculaire.
Avec les odeurs, les choses familières,
la table, l'assiette, le livre,
les portes entrebâillées sur le silence
apaisant des chambres.
Etre ensemble. Dans le calme
des soirées terrestres.
Visages se regardant,
dévisageant la vie,
les sourires, les mélancolies.
Là. Ensemble.
Dans l'incertitude du temps.
Dans le bref instant débordant
de lumière.
Dire. Pouvoir dire ce mystère
Infiniment simple : vivre.
Pouvoir dire parfois
ces mots qui délivrent
de la grise poussière des jours
et font aimer.
Il faudrait pouvoir dire
ce que pudique, malhabile,
l'on n'ose jamais dire.
La braise secrète de l'amour. 




                                       DIRE. POUVOIR DIRE CE MYSTÈRE
                                              INFINIMENT SIMPLE : 
                                                                VIVRE.

COMPLAINTE DES JOURS D'AMOUR DES NUITS D'ORAGE ET
AUTRES LAPS DE TEMPS
Il y a des jours, il y a des nuits,
tendres saisons et temps maudits.
Il y a de limpides aurores;
fraîches les vierges les amphores.
Il y a parfois des matins vastes
où les regards éclosent chastes.
Il y a de lentes journées pâles;
douceur des rêves et des châles.
Il y a de souverains midis;
on étreint nu le feu de vie.
Il y a des hauts moments de fièvre
quand l'aveu fou brûle les lèvres.
Il y a des soirs, langueurs de brume,
où les cœurs saignent d'amertume.
Il y a de lourds laps de colère
parmi les fadeurs ménagères.
Il y a des nuits, moments de rage
où les corps hurlent dans l'orage.
Il y a des nuits rouges de crime;
l'amour y côtoie les abîmes.
Il y a des nuits sombres déserts,
chambres closes pour solitaires.
Il y a  des ères de détresse
dans les ruines de la Promesse.
Il y a des ans s'effilochant
dans la fugacité des vents.
Il y a des jours, il y a des nuits
saisons d'amour et temps d'oubli.



ROUGES
les roses
les lèvres 
le vin de l'amour
Rouge
le sang de la vie
la gloire du soleil couchant
le feu le feu dans la splendeur des nuits fauves


FEUILLES D'AUTOMNE

Les feuilles folles
du mol automne
valsent et volent
dans les matins qui sonnent.


Feuilles de pluie,
pluie de pommes.
On pleure, on sourit.
Vive les petits hommes
qui s'en vont à l'école!





HERBSCHTNACHT

D Strossa sen schwàrz.
Dr Raga rüescht.
Im wàrma Hisala
tràïma d Menscha.
Im stella Hisala
schlofa d Kàtza
un schnàchlt dr Hund.
Dr Raga rüescht ufm Dàch.
D Lada lodla im kàlta Wend.
D Strossa sen schwàrz,
d laara Strossa in dr Nàcht.



NUIT D’AUTOMNE
Les rues sont noires.
La pluie glougloute.
Dans la chaude maisonnette
rêvent les humains.
Dans la chaumière silencieuse
dorment les chats
 et ronfle le chien.
La pluie bruit sur le toit.
Les volets remuent dans le vent froid.
Les rues sont noires,
les rues vides dans la nuit.




SAISON DE DEUIL

Cœurs

en pleurs

aux heures

de langueur.

Saule qui s’effeuille

dans le jardin en deuil.

Profonde et douce est la tristesse

du cœur que tout délaisse

près de l’obscur seuil.



ATTENTE DE LA NUIT

Long jour de l'homme entre les arbres et les pierres.
La paisible  respiration et les lentes paupières du vieillard
attendent la venue de l'ombre près de la porte entrouverte.
Un enfant fort comme l'éternité
dans le fragile abri de son corps
avance sur le chemin.
Lointain matin oublié derrière la forêt des ans,
lointaine chaleur remémorée sous les cendres du temps.
Le regard du vieillard suit
le jeune promeneur que la lumière dissout
là-bas près des buissons.


IMMENSITÉ ÉTRANGE

Heures d'hiver
crépusculaires.
L'horizon infini
rayonne d'une lumière orange
derrière toits et branches
sous la neige ensevelis.
L'enfant rêve à la vie,
immensité étrange.



FLEURS DE GIVRE

A travers les frises
de subtiles fleurs grises
qu'aux vitres dessine le givre
brille la matinée ivre
des baisers de la bise
et dans l'ombre aux senteurs
de cuisine l'enfant se livre
au songe immense de vivre.



 
SOIR D'HIVER



Dehors on voit de furtifs cortèges
passer dans la tourmente de neige.
Dedans la maison est chaude,

la vie certaine.
La mère dans l'ombre brode
et l'enfant de son haleine
couvre la vitre de buée.
Sans fin se traîne
douce, dense, la soirée.





WENTER

S Hisala schrumpft sech zamma
unterm kàlta Wenterwend.
Dr Schnee tànzt àn da Fanschter.
D kàlta Schiewa hiela.
Um s Hüs wàndra gràïa Gschpanschter.
D Hunda hert ma balla.



HIVER
La maisonnette se pelotonne sur elle-même
sous le vent froid d’hiver.
La neige danse aux croisées.
Les vitres froides pleurent.
Des spectres gris errent autour de la maison.
On entend hurler les chiens.








WISSA PRACHT SCHWARZA NACHT

Wissa Pràcht,
Schwàrza Nàcht.
Dr Mond tràïmt àm Fanschter.
Dr Ofa sengt.
D Kuch esch wàrm.
D Fràï setzt navem hocha Kanschter
ehr Bubala im Arm.


SPLENDEUR BLANCHE NUIT NOIRE

Splendeur blanche,
nuit noire.
La lune rêve à la fenêtre.
Le poêle chantonne.
La cuisine est chaude.
La femme est assise près du haut buffet,
son bébé dans les bras.


  CHANSON DE NOËL

Sapins, étincelez de givre,
Brillez de guirlandes d’argent !
Dansez, clartés, dans le rêve ivre
Des petits et des grands enfants !

Voici Noël ! Voici Noël !
Allumons nos blanches chandelles !

Reflétez les mille lumières,
Boules bleues et boules dorées !
Globes de subtile matière,
Grisez les yeux émerveillés !

Voici Noël ! Voici Noël !
Décorons maisons et chapelles !

Cieux et églises, célébrez
Sous vos voûtes la sainte messe
De la nuit de Nativité !
Rugissez, orgues d’allégresse !

Voici Noël ! Voici Noël !
Exultons de joie solennelle !

Bambins, bambines, gambadez
Par les ruelles recueillies !
Courez dans la bise glacée
Jusqu’à l’étoile du Messie !

Voici Noël ! Voici Noël !
Chantons l’Enfant Emmanuel !


Neige, lente de blancheur bleue,
Tapisse en douceur les chemins !
Dans la vaste veillée de Dieu
Fête Noël pour les lapins !

Voici Noël ! Voici Noël !
Nuit de tendresse et nuit de gel !

Nuit, profonde Nuit, prophétise
D’astres par-dessus les hameaux !
Et que le cosmos catéchise
L’âme inquiète des animaux !

Voici Noël ! Voici Noël !
Entrons dans la Nuit Essentielle !

Anges, tendez vos ailes d’aube
Au-dessus des sombres pâtures
Et annoncez aux veilleurs probes
Le Règne qui tout transfigure !

Voici Noël ! Voici Noël !
Paix sur la terre et joie au ciel !





SOLEIL DESESPEREMENT

Soleil désespérément,
soleil, soleil, soleil,
trop de lumière!
trop d'azur éclatant,
trop de clarté!
J'ai soif d'obscurité
où cacher mon néant,
ma peur, mes désirs déments,
mon peu de vie.
J'ai désir de nuées,
de cieux brouillés
clamant la mélancolie
et l'immense, l'immense nostalgie.



DES VISAGES VIENNENT DU FOND DE L'OMBRE


Les maisons sont vides,
la nuit les traverse.
Parfois tombe une averse
sur la terre et ses rides.

Des enfants dorment sous l'arbre
qui se remplit d'étoiles.
La nuit étend son voile
sur les tombeaux de marbre.

Des visages viennent du fond de l'ombre
et se perdent dans la clarté;
d'autres restent froids et sombres
au passage de la beauté.

La main se tend vers la table,
mais le pain est absent.
La faim est épouvantable.
Dehors rôde le vent.





NUIT D’ANGOISSE

Nuit d’angoisse
dans les caves blanches de l’insomnie.
On entend des aboiements, des râles, des cris,
et au loin dans l’opacité pluvieuse
des trains scandant leurs courses haletantes.
Tu regardes tes mains tremblantes,
tu te tâtes le pouls.
Et la mort se terre dans les recoins poussiéreux
comme une sale goule
prête à bondir au milieu de la pièce
pour t’égorger au bas de ton lit.




TERRIBLE MONOTONIE TERRESTRE

grisailles routines
terrible monotonie terrestre
vagues jours de l’homme
travailler manger dormir travailler
parfois une lueur un éclair de beauté
grisailles lourdeurs doutes déchirures
morts absurdes
terrible machine de l’univers
qui broie les vivants précaires




LUGUBRE

Lugubre
hulule
sous la lune
l’oiseau nocturne.
Au matin gris
Des clous
crucifient
le hibou
sur la porte
de la grange
et dans son lit
la fille morte
dort d’un sommeil étrange.
 

L'ENFANT DE CHŒUR QUI PISSE

C'est le matin.
Les lys
se dressent dans le jardin
du presbytère.
Un enfant de chœur pisse
au soleil, sa robe rouge relevée,
écartant les jambes.
L'urine savonneuse fait des bulles
s'en allant légères au gré de la brise
éclater contre les vitraux poussiéreux
de la vieille église.



DANS LA CAVE AU CRAPAUD

le garçon lèche la succulente colline  de lait
entre  les cuisses de miel
des filles qui lèvent haut leur robe bleu-ciel
dans la cave au gros crapaud laid
et puis les filles accroupies pissent
sur la bête que le garçon met au supplice
avec un noir dur bâtonnet





PRES DES HLM LE SOIR


Le sirop de guimauve de vesprée
dégouline sur les façades couleur crème
des HLM
et sur les parkings où traînent
des pneus usagés.
Des gamins shootent dans des ballons crevés.
Au pas des portes,
des bonnes femmes en tablier colportent
les derniers ragots
du patelin
tandis que des marmots
braillent dans les landaus
gardés par des clebs aux yeux mi-clos.




DANS LES PARKINGS SOUTERRAINS

Sale le sexe                                                                               
dans les parkings souterrains
où de petites salopes aux lèvres fardées
sucent les bites turgescentes
des jeunes voyous
tandis que dans les oreilles rugissent les walkmans.
Une voiture passe
éclairant un gaillard à blouson de cuir clouté
qui sodomise une adolescente noire
affalée sur un capot.         
Une voiture s’arrête.
Le garçon se tourne vers les phares
qui l’éblouissent.
Il brandit son sexe
et arc-bouté se branle.
Des gars masqués descendent du véhicule,
s’approchent lentement du hurleur forcené
et l’abattent.




CRIME DANS UNE CHAPELLE ABANDONNEE


Dans une chapelle abandonnée
un vacher flagelle
une jeune bergère dénudée,
puis se masturbe sur elle.
Le sperme glisse

sur le dos lisse
de l'adolescente sanglotant
tandis que la lumière du couchant
illumine la tête du Crucifié.
Le rustre étrangle la bergère
et s'en va se saouler
au hameau laissant le corps nu
inerte perdu
dans la poussière et l'obscurité.





SABBAT

Langue
langue rêche
lèche
la crème noire
le chocolat mental du désespoir
lèche
lèche longuement
l'ordure diabolique
la merde de Dieu
lèche le cul rugueux
de la démone hystérique
lèche sa  fangeuse faille
et le fruit puant
de ses entrailles
lentement
lèche l'étron
de charbon
de Monseigneur Satan


 

CRI

Être assis  des heures durant, silencieux, dans la chambre vide,
au bord de la ville.
Contempler le paysage sous la neige.
Arbres dénudés comme des spectres d’angoisse dans le brouillard.
La forêt de l’horreur s’approche-t-elle dans le lointain ?

Combien de jours, combien de nuits sans parler
attendant une parole,
seulement une parole. 
Mais rien.
Un silence sans fin.

Maintenant dehors
errer des heures durant dans des quartiers déserts,
sombre promeneur sans destination.
Des heures durant ne rencontrer âme qui vive, aucun visage,
pas un regard amical.
En chemin interminablement dans des rues désolées, sur des voies comme abandonnées.
Promeneur égaré perdu dans le pays de personne.
La ville est-elle morte ?
Est-ce la fin du monde
ou Dieu est-il en deuil ?

Arbres noirs sur la rive du fleuve, eaux noires.
Crépuscule couleur de mort. Nuit et brouillard.
Vaste solitude jusqu’aux casernes, à la gare, à la prison,                                                                  
jusqu’à la rue des prostituées
où elle rayonne la solitude
dans les regards incendiés de famine et de honte.
Des déchets, des cadavres flottent dans l’eau.
Des étoiles choient derrière les tours. 




DAS BLAUE BORDELLHAUS

Dunkle Bäume schlafen
um das blaue Bordellhaus
am Rande der Stadt.
Alles ist unendlich einsam
in der Sonne der Misere.
Der Hunger brennt.
Und hinter der Mauern
schlummern die Frauen.

 

LE BORDEL BLEU

Des arbres sombres dorment
autour du bordel bleu
en bordure de la ville.
Tout est infinie solitude
sous le soleil de la misère.
La faim brûle.
Et derrière les murs
sommeillent les femmes.                                                                                                 
                                                                      




JUSQU'À CE QUE LA NUIT SE DÉCHIRE

Les demeures d'ombre
se dressent nues
dans les lointains automnes.
La pluie ruisselle drue
sur les carreaux noirs
où grimacent les visages de la peur,
spectres qui se lèvent
des lits  d'amour et de mort
et qui dansent masqués
autour des tables chargées
de chairs sanglantes
et qui hurlent la folie
sur les terrasses
jusqu'à ce que la nuit
se déchire de pitié