12.1.19

INCANTATIONS ILLUMINATIONS TRANSFIGURATIONS






EUSTRIE DE NACRE

des artères de mazout la sillonnent
scintillement des jardins de reines
lentes comme le lait
torrents en fête dans les vallons
aux brises veloutées

Eustrie songe ocellé où calmement se meuvent
les amantes  mérovingiennes aux yeux de voie lactée
du fond des Asies les races rauques avancent vers tes verdures
tes eaux printanières

chevauchent vers toi Eustrie de glaise tendre
les rois rouges
verdure de cruautés  



 dans le scintillement des vergers de vertige



            filles en touffes de foudre



           indolentes comme le lait

 


lait et encre se mélangèrent dans leurs bouches

toutes nocturnes de fraises
                                                                                         
au cœur des vastes demeures de boue





filles qui brûlent fleurs noires
dans la brume dorée des désirs
dans les vertiges de désespoir 
filles qui éclatent
en haillons solaires
en danses sauvages
chairs criblées d'ailes et d'éclairs
filles qui fondent en douceur
parmi les ombres crépusculaires 


Ma main tord son squelette
parmi les insectes de nuit
et dévore le sexe succulent
d'une fleur pâmée
la souche du corps vermeil
dresse son absence de nerfs
sur la nacre de ma sève





LE SILENCE BLEUIT



grilles du matin


qu’ouvrent des mains de brume


cri d’astre


au-dessus des toitures


la clarté danse sur les tuiles


et le silence bleuit



LUBRICITÉS SUAVES

Des lubricités suaves

enveloppent les pylônes
de floraisons blanches.

Les abattoirs retentissent

de meurtres mordorés.



Et sur les continents
entre les océans gris de chevelures
les vastes chantiers chuintent au soleil
national aéronautics and space administration
tendre bruissement se déployant en diaprures duveteuses
venant se mêler au chant de salive des flots
et sur les péninsules
vrombrissements des camions dans l'aube de fraise
frangée de palmes
les trains trouent la rêverie ronde des troupeaux
traversent les gares le poitrail frémissant
de longs lambeaux de bave
s'arrêtent au flanc des usines dévoreuses de métaux
des molécules de rêves s'évadent parfois en bulles brèves
des hangars assourdissants des bureaux abrutissants
paradise now vers les plages les bars les juke-box
les drugstores les cinémas
les pylônes nagent dans les soleils
les radars rient aux éclats dans le ciel turquoise
tourbillonnant de tourterelles
les piles électriques flottent sur des fleuves de parfums
les labyrinthes conduisent à des sous-sols verdâtres
aux odeurs d'orange et d'encens 



VROMBISSENT LES CAMIONS DANS L'AUBE DE BRAISE



TENDRES ÉNERGIES DE NEIGE

Des nudités de nymphes
dans des nébulosités de nuit
s'ouvrent
et répandent
de tendres énergies de neige,
brumeuses blancheurs qui nimberont
l'incandescence des astres
derrière la dentelle angélique
tissée entre le ciel et l'enfer.

 



NUIT DES CRUCIFIÉS

Les psaumes de neige exultent dans la nudité
des nuits  d'Eustrie contrées de foudre  hosannah!

Les rois crucifiés prophétisent

étendant leurs feuillages de feu jusqu'aux Mongolies.

Au lieu dit du crâne de tendres brises frôlent les crucifiés
et dispersent les neumes au-dessus des pâtures de Judée.

Couronnée des tempêtes de glycines la vulve d'abîme
jubile d'astres par-delà les portiques d'Aorasie.

La graisse des nébuleuses sperme des dieux remue
imperceptiblement dans la grande vulve ointe de miel.







                            LA VULVE D’ABÎME      
JUBILE D’ASTRES                        
                                                   
                                                           SPERME DES DIEUX




Splendeur verte de l'athéisme, ouragan de roses !
Au-dessus des dômes et des palais,

danse, printemps d'ailes et d'épées!


Seuil de la nouvelle Ionie. Embruns des prophéties

jusqu'aux Andes, aux Mongolies.

Dans le scintillement des chaos de foudres, tu nais,

Eustrie, ode de porphyre montant des mers.
 

dans la nuit verte tournoient les soleils sanglants
dans l'aube grise se lèvent les soleils noirs
les rues désertes sont balayées par les vents
portant au loin les pleurs de désespoir




les crimes fleurissent noirs dans les crépuscules oranges
de radieuses démones enlacent des anges
danse de neige tendre
s'offrant nimbée aux astres

lentement la nuit de désastre
envahit le ciel de cendre
au-dessus des miradors
les crimes brûlent rouges dans les champs de la mort






DANSE DES NEIGES DANS LES VASTES VERDURES DE LA MORT







AUX RUMEURS DES GUERRES LOINTAINES

Le poulailler s’endort

aux rumeurs des guerres lointaines.

Tu t’es assoupie dans la cuisine.

Demain nous nous lèverons tôt.

Nous accrocherons nos tristesses

au clou rouillé de la porte.

Nous prendrons pelles et pioches

pour enfouir ce peu de peur

là où pourrissent les dernières tomates.

Et les portes, les planchers, les entrailles,

tout fera silence.

Longtemps les plantes pourriront.

La table et le lit se couvriront de neige.
Des larmes tomberont sans arrêt dans la cendre
et des explosions de gloire parfois
éblouiront nos yeux entre les vastes sommeils
dans la tiédeur terne de la cuisine.
Et puis un matin on nous cherchera
comme si nous étions morts.
Il neigera encore sur les jardins et les basses-cours,
mais l’air sera d’une clémence printanière
et les rumeurs s’éloigneront
comme une mer bourdonnante
laissant à nu nos blessures
grandes lèvres béantes de verdure
parmi les vergers noirs.