21.4.14

HAUT JEU Livre d'illumination

INVISIBLE

Un homme ensanglanté titube dans la rue.
Ses mains flambent et ses yeux sont crevés.
Une foule flasque l'entoure mais ne le voit pas.



NOIRS ECLAIRS 

miroirs qui saignent frappés de doux regards


marbre de brume meurtri d'orages


éclairs sombres
parmi les roses

éclairs suaves
dans les crânes

éclairs noirs
sur la neige fraîche
sur la neige chaude des chairs

les bêtes éclatent
somptueusement sanglantes
organes déchiquetés
loques de viande

éclairs rouges
perforant
la blancheur des vierges sacrifiées
sur le marbre noir des autels

éclairs d'or
rires solaires
orages de gloire
sur la terre des centaures






                                      MIROIRS QUI SAIGNENT



les miroirs obscurs
dans les vergers
de brume dorée
éclatent et saignent
éclaboussant
les floraisons candides
des cerisiers

              ECLABOUSSANT LES FLORAISONS CANDIDES




MEURTRES PARMI LES MIROIRS

Le brutal éclair de l'acier
luit
au-dessus de la mer blanche des lits.
Glaces, diamants, rayons: déesses lascives.
Soudain terrorisées.
Sous les lambris se tordent les cyclones;
les épées flammes furieuses
plongent
vers les gorges
et la soie voilant les cuisses.
Giclées de sang contre les miroirs,
clameurs;
longues lamentations répercutées par les couloirs,
jusqu'à ce que, vers l'aurore, le lait bleu du silence
ait noyé les vastes chambres.


                                                                 GICLEES DE SANG
                      LONGUES LAMENTATIONS



TENDRES ENERGIES DE NEIGE

Des nuques de nymphes
dans les tourbillons de nuit
s'ouvrent
et répandent
de tendres énergies
de neige,
nébuleuses
qui nimberont
l'incandescence des astres
derrière la dentelle angélique
tissée entre le ciel et l'enfer.

                                                     DANS LES TOURBILLONS DE NUIT




TRAVAUX DANS L'AZUR

Les pelleteuses d'enfer
creusent des fosses dans l'azur.
De gigantesques mottes bleues
s'accumulent sur les chaumes des hauteurs.
De la plaine, un peuple de nains marmonneurs
suit ces travaux   perpendiculaires
et regarde avec stupeur
les  énormes entassements translucides
qui surplombent
de plus en plus vertigineusement
les hameaux placides.

LES FOUDRES NOIRCISSENT L’OR DES OSTENSOIRS

 La cathédrale s’effondre

et le maïs immensément envahit les ruines

avec une calme violence .


Les temples ouverts à l’azur libre

retentissent du cantique des luxures printanières.

Des gerbes de sang tiède inondent les livres,

Korans, Védas, Bibles.                 

             cantique des luxures printanières




BÊTES SACREES VEINEES DE LAVE

Les bêtes sacrées, veinées de lave,

traversent fougueusement la buée de l'aurore,
escaladent les montagnes de fraises
qui séparent le pays des  Nuages de celui des Bannières,
et, se cabrant sur les crêtes chenues,
dressent leurs corps d'ébène

vers l'Etoile radieuse du Matin.






EUSTRIE DE NACRE

des artères de mazout la sillonnent
scintillement des jardins de reines
lentes comme le lait
torrents en fête dans les vallons
aux brises veloutées

Eustrie songe ocellé où calmement se meuvent
les amantes  mérovingiennes aux yeux de voie lactée
du fond des Asies les races rauques avancent vers tes verdures
tes eaux printanières

chevauchent vers toi Eustrie de glaise tendre
les rois rouges
verdure de cruautés




                                        verdure de cruautés

FORET D’OS


Une nuit fragile se lève derrière la forêt d’os.



AU PIED DES MURAILLES DE LA FAUTE


Les nations habillées d’aigles s’agglutinent dans les crevasses de la Peur.

Et les hauts murs de la Mort se dressent au-dessus des foules muettes.

Et l’Ombre passe sur les têtes, la terrifiante brusque Obscurité.

Et les bouches de la Terre s’ouvrent avalant les peuples de l’Angoisse.

Et les oiseaux vertigineux s’envolent au-dessus des pierres de la détresse terrestre.

Oh ! ce silence d’agonie au pied des murailles de la Faute.

Les murs se dissolvent.

Les morts montent des caves remplies de vapeur.

On sent dans l’air l’odeur des crimes.

Tout se tait

et les feuilles flambent de verdure noire.



                                               silence d’agonie
                             au pied des murailles de la Faute




 
LUBRICITES SUAVES
Des lubricités suaves

enveloppent les pylônes
de floraisons blanches.

Les abattoirs retentissent

de meurtres mordorés.




NUIT SUCCULENTE DE MORT


Nuit succulente de mort

dans les tombeaux de la débauche.   

Hurlez de douceur en pénétrant

la charogne des reines.

Dévorez ces soleils de pourriture

dans les viscères

où fermente la fange funèbre.

                           tombeaux de la débauche
                                 où fermente
                             la fange funèbre


DANS LES VALLEES D'HOMORE


Tes poumons palpitent de flammes fraîches

des frissons de feu parcourent tes entrailles

entre tes fesses verdoie mon phalle

et crache

rugit d’opalescence

dans tes excréments

et s’enfonce dans ta fange  brune

dans tes profondeurs nauséabondes

se blottit

palpitant

dans ton derrière de prêtresse

dans tes pâles fesses

de vierge

et parfois nous devenons loup et louve

frémissant dans les vallées d’Hormore

parmi les milliers de corps forniquant

sur les versants moussus

bêtes et hommes

morts et vivants

et dieux

et déesses

s’accouplant sur les collines d’Hormore





INSTINCTS DE GLAISE


Dans la terre,

dans la brunâtre douceur des vers,

dans la torpeur des taupes,

avec nos ardeurs de mort,

avec nos instincts de glaise,

terriblement nous  mangeons la boue,

nous dévorons la fange,

mâchons l’argile tiède, blanche,

ruminons sous la mollesse des orages,

gisant dans le sombre silence des tombes,

au fond des fosses tapissées de muqueuses,

avec les scolopendres

langoureusement nous sommeillons,

rêvant de noirceurs délicieuses.






PARMI LES TENDRESSES VERDATRES

Parmi les tendresses verdâtres

Ô foulques ô fougères
se prélassent les hameaux d'Eustrie

ô frais flocons frôlant les frondaisons d'avril

la poreuse substance du printemps glisse des remparts de neige

la menthe d'aurore fait étinceler les charrues

jaillissements de miel de salive dans la fange d'or des champs de colza    

                                            
vivre peut-être

près de la lumière

avec ce venin tendre

de la mort parfois

infusant le vent

tempêtes de tendresse

sur l'herbe des pelouses

la jaune neige de mai

couvre la boue des caresses

vivre peut-être

la fable des ailes

la liberté des éclairs

les vitres rutilent

dans le blond visage

des maisons

pain des murs

où glissent

des ombres

de pigeons


VIVRE COURONNE 
D'ORAGES DE ROSES

DANS L'ETE TENEBREUX



Fragiles visages

piétinés de ténèbre

corps renversés

dans les gouffres de la volupté bleue

au sommet des collines


morsure d’azur sous les seins

glaives de gloire

remuant le fumier des hanches molles


les barques d’enfance dérivent dans la lumière

barques de mort

dans l’été ténébreux



                         ARBRE AUX PLAIES NOIRES




                                                       arbre aux plaies noires


                                                       couvert d’yeux


                                                       et de lèvres qui saignent






                                                       des êtres de verdure


                                                       mangent du miel


                                                       vautrés sur la mousse rouge
 



Vision



Tu marches dans la rue
et là-bas la vision violente du Royaume
illumine les longues files de voitures,
les foules fabuleuses de la ville moderne.
Tu entres dans un bistrot
et tu bois un café bien chaud
en pensant au Golgotha.
Un clochard passe sur le trottoir,
le visage tuméfié.











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