CHANT DU NAÎTRE
ventre
chaud comme le pain
glaise tendre où couve la viechaud comme le pain
abri de sang
marées de rêves roses
ténèbre tiède qui doucement remue
vase de viscères
demeure mouvante molle murmurante
fluide habitation
nuit de neige silencieuse
de muettes
cosmogonies
tiédeurs
traversées de forces obscures
de
rougeoiements
éclosions
infimes
floraisons
de formes frêles
de
fleurs de matières délicates
chimie
subtile
chant
de chair
jubilation secrète
argile
de joie glaise de miel
vagues
lueurs d’aube
dans
la forêt d’artères de glandes d’organes
surgissant des fouillis d'astres
des ténèbres minérales
de la joie calme des herbes
du fleuve des vivants
du profond rêve de vie de l'espèce humaine
surgissant de la chair
des entrailles de la femme
et du feu féroce de l'homme
surgissant de la vulve d'ombre
vers la lumière
infime vie
noyée dans la vie infinie
et cependant visage unique
incomparable incarnation
de l'éternel surgissement
tu entends le murmure sourd du sang
surgissant de la vulve d'ombre
vers la lumière
infime vie
noyée dans la vie infinie
et cependant visage unique
incomparable incarnation
de l'éternel surgissement
tu entends le murmure sourd du sang
la rumeur de la mer
le bruit de soie des caresses
prodiguées par des mains aimantes
à la mouvante colline du ventre
parfois tu t’enlises
dans de longs sommeils liquides
nages paisibles parmi des poissons
souples
d’immenses silences te portent
comme des eaux
d’immenses vagues de paix te bercent
et tu nages et tu voles
les voies lactées se croisent avec les
ailes
lueurs d’aube
douces cataractes oranges et bleutées
Bonheur
d’attendre
Bonheur
de t’imaginer
D’imaginer
ta vie fragile entre nous
Ton
premier cri
Ton
premier sourire
Tes
regards étonnés
Tes
gestes maladroits
Et
nos émois
Nos
peurs
Nos
joies
Bonheur
d’attendre
Jour
après jour
Bonheur
de rêver
A
cette vie qui commence
Humble
Miraculeuse
fontaine où encore une fois
nous
boirons l’enfance
par
toi encore une fois nous apprendrons à voir
fontaine
seront tes regards de l’éternelle enfance
de
la peur éternelle et de l’éternelle quête
la
vie est devant toi comme un jardin d’énigmes
la
vie est devant toi comme une maison fraîche
toute
pleine d’espoir et de secrètes ombres
Pour
fêter ta naissance
Je
convie les mots les plus beaux
Je
convie les ailes des papillons
Je
convie la transparence des cristaux
Je
convie le bleu tendre des horizons
Je
convie la gloire des soleils
Je
convie les secrètes merveilles
Des
étangs et des bois
Je
convie le chant de joie
Le
chant de mélancolie des terrestres saisons
Je
convie la splendeur des floraisons
Je convie la neige dansant dans le silence
Je convie toute la beauté du monde
Qui d'allégresse surabonde
Pour chanter ta naissance
Je convie la neige dansant dans le silence
Je convie toute la beauté du monde
Qui d'allégresse surabonde
Pour chanter ta naissance
Un enfant nait
et c'est l'humanité toute entière qui se renouvelle.
Ce sont des yeux qui verront plus resplendissantes
la lumière du monde, la neige et les étoiles.
Ce sont des narines qui humeront plus délicatement
les senteurs des fleurs, les arômes des fruits et la profonde odeur de la terre humaine.
Ce sont des oreilles sans cesse aux aguets
qui s'ouvriront avec plus d'acuité
aux bruits et aux rumeurs des champs et des villes,
et aux murmures bleus du silence.
Ce sont des lèvres qui goûteront avec plus de finesse
les breuvages et les nourritures terrestres.
C'est une bouche qui réinventera
le parler usé des humains et les éternels mots d'amour.
C'est un esprit curieux qui repensera
les choses d'ici-bas avec une fraîcheur matinale.
C'est un cœur qui battra plus intensément
pour la liberté, la vérité, la justice.
Ce sont des mains qui renouvelleront
les gestes du labeur et de la tendresse.
Ce sont des pieds qui arpenteront avec une neuve allégresse
la surface de la planète.
C'est un corps croissant
pour des chemins inédits parmi les hommes et les femmes.
C'est un visage unique
se levant face au soleil
et venant plein d'attente
à la rencontre de ses frères er sœurs en humanité.
C'est un désir d'être et d'aimer,
un feu fertile qui recommence la vie.
UNSPRACHE
ich kann
nicht sprechen
alles dunkel
Sonnennacht
Nachtsonne
Nebel
ich bin das
ewige Kind
Infans
ich zottere
wo das Leben ?
schon sterbe
ich
schon
versinke ich im Ozean des Nichts
ist am
Ende das Wort ?
ist am Ende
Gott ?
CHANSON DU SIMPLE
CHANSON DU SIMPLE
Je ne suis ni savant ni roi.
Frères humains, je suis le simple.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Qu'éclot la lumière tout humble.
Je ne pèse pas d'un grand poids,
Frères humains, dans vos affaires.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que le jour ouvre ses paupières.
J'ai du mal à suivre vos voies.
Frères humains, je suis l'obscur.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que le ciel se déploie si pur.
Au chapitre je n'ai pas voix.
Frères humais, je parle peu.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que l'azur brûle ivre de bleu.
REVEIL
Cris pourpres du coq à l'aurore.
Les enfants sommeillent encore.
Dans la pénombre bleue des chambres,
l'aube vient caresser leurs membres.
Et puis voici que la lumière
vient soudain noyer leurs paupières
lorsque la matinale soeur
ouvre les volets aux fraîcheurs
étincelantes du matin
montant des rues et des jardins.
A TRAVERS LA
CLOTURE ENVAHIE DE LISERONS
A travers la
clôture
envahie de
liserons,
j’épie la
fraîche fille
qui arrose
les salades
dans le jardin
voisin.
BRAISE SECRETE
Dire. Il faudrait pouvoir
dire. Cette chose indicible.
Dire cette chose la plus simple,
la plus prodigieuse.
Etre là. Ensemble.
Nous. Connivence heureuse.
Avec les saisons, les jours, les nuits.
Avec le ciel de miel ou de suie,
et la lumière.
Etre là. Avec les maisons, les arbres,
les montagnes bossues au loin.
Les oiseaux qui traversent aventureux
la vitre crépusculaire.
Avec les odeurs, les choses familières,
la table, l'assiette, le livre,
les portes entrebâillées sur le silence
apaisant des chambres.
Etre ensemble. Dans le calme
des soirées terrestres.
Visages se regardant,
dévisageant la vie,
les sourires, les mélancolies.
Là. Ensemble.
Dans l'incertitude du temps.
Dans le bref instant débordant
de lumière.
Dire. Pouvoir dire ce mystère
Infiniment simple : vivre.
Pouvoir dire parfois
ces mots qui délivrent
de la grise poussière des jours
et font aimer.
Il faudrait pouvoir dire
ce que pudique, malhabile,
l'on n'ose jamais dire.
La braise secrète de l'amour.
COMPLAINTE DES JOURS D'AMOUR DES NUITS D'ORAGE ET
AUTRES LAPS DE TEMPS
AUTRES LAPS DE TEMPS
Il y a des jours, il y a des nuits,
tendres saisons et temps maudits.
tendres saisons et temps maudits.
Il y a de limpides aurores;
fraîches les vierges les amphores.
fraîches les vierges les amphores.
Il y a parfois des matins vastes
où les regards éclosent chastes.
où les regards éclosent chastes.
Il y a de lentes journées pâles;
douceur des rêves et des châles.
douceur des rêves et des châles.
Il y a de souverains midis;
on étreint nu le feu de vie.
on étreint nu le feu de vie.
Il y a des hauts moments de fièvre
quand l'aveu fou brûle les lèvres.
quand l'aveu fou brûle les lèvres.
Il y a des soirs, langueurs de brume,
où les coeurs saignent d'amertume.
où les coeurs saignent d'amertume.
Il y a de lourds laps de colère
parmi les fadeurs ménagères.
parmi les fadeurs ménagères.
Il y a des nuits, des nuits de rage
où les corps hurlent dans l'orage.
où les corps hurlent dans l'orage.
Il y a des nuits rouges de crime;
l'amour y côtoie les abîmes.
l'amour y côtoie les abîmes.
Il y a des nuits sombres déserts,
chambres closes pour solitaires.
chambres closes pour solitaires.
Il ya des ères de détresse
dans les ruines de la Promesse.
dans les ruines de la Promesse.
Il y a des ans s'effilochant
dans la fugacité des vents.
dans la fugacité des vents.
Il y a des jours, il y a des nuits
saisons d'amour et temps d'oubli.
FEUILLES D'AUTOMNE
Les feuilles folles
du mol automne
valsent et volent
dans les matins qui sonnent.
Feuilles de pluie,
pluie de pommes.
On pleure, on sourit.
Vive les petits hommes
qui s'en vont à l'école!
saisons d'amour et temps d'oubli.
FEUILLES D'AUTOMNE
Les feuilles folles
du mol automne
valsent et volent
dans les matins qui sonnent.
Feuilles de pluie,
pluie de pommes.
On pleure, on sourit.
Vive les petits hommes
qui s'en vont à l'école!
SOIR D'HIVER
Dehors on voit de furtifs cortèges
passer dans la tourmente de neige.
Dedans la maison est chaude,
la vie certaine.
La mère dans l'ombre brode
et l'enfant de son haleine
couvre la vitre de buée.
Sans fin se traîne
douce, dense, la soirée.
DANS LA HUTTE AUX ASPHODELES
Dans la hutte aux asphodèles,
le ciel s'infiltre agile
comme une aile
entre deux tuiles,
rai de lumière
incendiant les poussières
jusqu'au sommeil
du vieux fol
recroquevillé sur le sol
près d'un chien en éveil.
LA MAISON QUI DERIVE
Dans la lumière mate
du jour d'automne,
l'enfant s'abandonne
aux imaginations.
Une mer de ouate
environne la maison.
Des hautes nefs la traversent
comme dans un rêve,
très lentement,
embarcations énigmatiques
d'où émanent des musiques.
Et parfois des visages extasiés
apparaissent aux hublots,
regardant l'enfant en sarrau
avec des grands yeux d'éternité.
Et la maison aussi
se met à naviguer
jusqu'au bord du ciel,
accompagnée par le carrousel
des oiseaux familiers.
Elle dérive dans la brume bleutée,
elle danse, danse au-dessus des arbres,
au-dessus des clochers.
Et l'enfant dans la cuisine
caresse l'échine
du chat qui ronronne d'aise
en lapant le lait dans son bol.
Et la table, les chaises
doucement glissent sur le sol.
Et la maison, bercée par la houle de lumière,
gagne le large et là-bas, loin des pôles,
s'illumine de splendeur hauturière.
L'ENFANT DE CHŒUR QUI PISSE
C'est le matin.
Les lys
se dressent dans le jardin
du presbytère.
Un enfant de chœur pisse
au soleil, sa robe rouge relevée,
écartant les jambes.
L'urine savonneuse fait des bulles
s'en allant légères au gré de la brise
éclater contre les vitraux poussiéreux
de la vieille église.
PRES DES HLM LE SOIR
le ciel s'infiltre agile
comme une aile
entre deux tuiles,
rai de lumière
incendiant les poussières
jusqu'au sommeil
du vieux fol
recroquevillé sur le sol
près d'un chien en éveil.
LA MAISON QUI DERIVE
Dans la lumière mate
du jour d'automne,
l'enfant s'abandonne
aux imaginations.
Une mer de ouate
environne la maison.
Des hautes nefs la traversent
comme dans un rêve,
très lentement,
embarcations énigmatiques
d'où émanent des musiques.
Et parfois des visages extasiés
apparaissent aux hublots,
regardant l'enfant en sarrau
avec des grands yeux d'éternité.
Et la maison aussi
se met à naviguer
jusqu'au bord du ciel,
accompagnée par le carrousel
des oiseaux familiers.
Elle dérive dans la brume bleutée,
elle danse, danse au-dessus des arbres,
au-dessus des clochers.
Et l'enfant dans la cuisine
caresse l'échine
du chat qui ronronne d'aise
en lapant le lait dans son bol.
Et la table, les chaises
doucement glissent sur le sol.
Et la maison, bercée par la houle de lumière,
gagne le large et là-bas, loin des pôles,
s'illumine de splendeur hauturière.
L'ENFANT DE CHŒUR QUI PISSE
C'est le matin.
Les lys
se dressent dans le jardin
du presbytère.
Un enfant de chœur pisse
au soleil, sa robe rouge relevée,
écartant les jambes.
L'urine savonneuse fait des bulles
s'en allant légères au gré de la brise
éclater contre les vitraux poussiéreux
de la vieille église.
PRES DES HLM LE SOIR
Le sirop de gimauve de vesprée
dégouline sur les façades couleur crème
des HLM
et sur les parkings où traînent
des pneus usagés.
Des gamins shootent dans des ballons crevés.
Au pas des portes,
des bonnes femmes en tablier colportent
les derniers ragots
du patelin
tandis que des marmots
braillent dans les landaus
gardés par des clebs aux yeux mi-clos.
SOIR DANS LA CUISINE
Odeur de concombre
dans la cuisine.
Le jour décline.
La maison s'emplit d'ombre.
Le père rentre de l'usine,
l'air sombre.
DAS BLAUE BORDELLHAUS
Dunkle Bäume schlafen
um das blaue Bordellhaus
am Rande der Stadt.
Alles ist unendlich einsam
in der Sonne der Misere.
Der Hunger brennt.
Und hinter der Mauern
schlummern die Frauen.
NULHUSA ou le chant de la négapole
On peut naître à Nulhouse,
autrement dit nulle part,
quelque part entre Alémanie, Welchie, Helvétie,
entre Vater Rhein et plantureuses croupes vosgiennes.
On peut naître, on peut vivre à Nulhouse,
Nilhüsa l'alsacienne, la suisse,
Nulhausen l'allemande,
Mielouze la française,
Bab el Malhouss la maghrébine...
On peut vivre, on peut rêver à Nulhouse
sous les soleils tournoyants des désirs.
On peut être seul à Nulhouse,
seul comme Rimbaud au Harar,
seul comme Kierkegaard à Copenhague,
seul comme Kafka à Prague.
On peut être seul, on peut rêver à Nulhouse
et se perdre entre les ethnies, entre les patries,
entre les langues, entre les religions et les sectes,
entre les empires millénaires et les libres républiques.
On peut s'égarer à Nulhouse la plurielle,
dans l'assemblage hétéroclite des faux styles architecturaux,
faux clochers à bulbe et fausses flèches gothiques,
façades Renaissance et tours futuristes.
On peut se dissoudre dans la non-ville,
"la ville rapiécée",
la ville éclatée en lambeaux de prose,
en haillons de rage.
On peut inexister à Nulhouse la Négapole,
district dispersé de la Banlieue planétaire.
Et paradoxalement on peut se sentir bien à Nulhouse,
loin des arrogantes Babylones;
on peut respirer à l'aise à Nulhouse,
loin des hauts lieux du Pouvoir et de la Pensée,
loin des Parlements et des Académies.
En ce lieu nul
où le poids des prestigieux monuments n'écrase pas,
où l'éclat des glorieuses présences n'éblouit pas,
dans les rues désolées de la cité suprêmement ordinaire,
on peut parfois déambuler d'un pas léger, d'un pas dansant,
tout près de l'épicentre fluide du désastre
de la négapole mondiale.
On peut aller à Nulhouse, aller vers nulle part,
passant passablement extasié,
livré aux jubilations de l'universelle banalité.
NARRAGONIA
Mr faga, mr rüüma uf, mr wascha, mr putza. Alles müass
süfer se. Ordnung, Ordnung esch s hàlwa Lawa, àwer oï dr hàlwa Tod. Mr lawa
emmer mehr in ra betoniarte, àbgràsiarte Làndschàft, un oï emmer mehr in ra
versoïta Nàtür.Soll dàs heissa dàs dr Ordnungswàhn oï a gwessa Todeswàhn esch?
a wites Ecomusée,a Art Schlàràffalànd, Heimet vum
Kugelupf, Sürkrüt, Riesling, vu da kentschliga Storcka un da Garta-Zwarga, vu
da Wianachtsmarkta un da Labküacha-Hieser, vum scheena Schien un owerflachliga
Spàss.
Mr jommra, mr handla ewer àlles un ewer nix, ewer d
Walscha, ewer d Schwowa, ewer d Schwitzer, ewer d Aràwer un d Ziginer, ewer s
kàlta Watter, ewer d Hetz, ewer s diera Lawa, d Regiarung, ewer àlles un nix.
Els-Hàss-Lànd werd mankmol unsri Heimet met unsra schrecklicka anga Gedànka,
met unserm Hàss vu da Andra, d Hargloffena, dia wu a betzi dunkel sen, a betzi
drackig, a betzi stenka un mer sen ïo so süfer, so àstandig unter uns.
Im Delirium vum moderna Haschta han mr unser Geischt
verlora. Verlofa han mr uns in da Bànka, in da Supermarkta, in da Fàwereka, uf
da Autobàhna. Mr sen àlli ufm Nàrrascheff vum Sebastian Brànt un fàhra noch
Nàrragonia, d Unheimet vum totàla Wàhn wu d hohla Fàsenàchts-Màska met dem Tod
tànza.
Werd àlles anda
met ra fàwelhàfta Wàlpurgisnàcht um Fassena, met m a grossàrtiges Fierwark ewer
d gànza Ewena zwescha Vogesa un Schwàrzwàld? Werd àlles àm And zum Teïfel geh?
Kàt s Nàrrascheff noch umkehra?
NARRAGONIEN
Kennst du das Land wo der Wahnsinn blüht?
das Wunderland des Unsinns wo drei und fünf elf
machen, wo die Bäume im Winter in voller Blüte stehen, wo die Tiere sprechen
und die Menschen bellen, wo die Steine heulen und die Blumen singen, das Land
Utopia wo die Bettler Könige sind und
die Könige Bettler, wo die Toren Weisen
sind und die Weisen Toren.
Kennst du das Land wo das Masslose blüht?
wo die Menschen sich in der Habgier verloren haben und
nur noch unersättliche Götzen anbeten, Goldfieber, Wohlstand, Spass; das Land
wo die lebendige Herz- Sprache schon längst verstummt ist und nur noch Schein
und oberflächliche Ordnung ohne Geist regieren .
Kennst du das Land wo die Eitelkeit blüht?
wo die listigen Prominenten ihren Spektakel spielen,
die Herrn Presidenten, Intendanten, Professoren, Generäle, Prelaten, Politiker.Sie
schwingen leere Reden, unendliches Geschwätz, gestikulieren, schneiden wichtige
Fratzen, doch sind sie nur Clowns, Ubu Könige von unserer Apokalypse.
Kennst du das Land wo die Gewalt blüht?
wo in den verödeten Vorstädte die Autos nachts in
Flammen stehen, wo die verwahrloste Jugend, die Generationen ohne Arbeit und
ohne Hoffnung, die Feste der Zerstörung feiern.
Kennst du das Land wo die grosse gespenstische Angst
blüht?
Unterm unerschütterrlichen Sternentanz, jetzt, in
unseren wirren Zeiten des Zweifels und der Krisen wo alles aus den Fugen geht,
in unseren verwüsteten Glaubenswelten, erleben wir die Angst des Verfalls, des
Untergangs im Chaos, die Angst der finstren Zukunft ohne Gott. Graue Blumen des Übels, schwarze
Sonne der Melancholie erscheinen den Verzweifelten.
Kennst du
dieses verrückte Land?
Narragonien heisst es, die Gegend zwischen falschen Märchen-Burgen und vergiftetem
Fluss der Walküren, da wo der uralte Paradies-Garten allmählich in
klimatisierte Hölle verwandelt wird.
Narragonien heisst es, das verrückte Land ,
und umschlingt jetzt die ganze Welt zwischen Himmel und Hölle.
Auf dem Narrenschiff Sebastian Brants sind wir
unvermeidlich eingeschifft und segeln ins Unbekannte voll Fragen und Schrecken.
Wird ein Stern am Himmel uns Zeichen machen?
NARRAGONIE
J’habite
un pays de folie,
une
planète qui a perdu le nord, où au cœur
du vide vibrant de signaux et de chiffres des foules hébétées, houle hagarde,
tournent en rond comme des captifs pour à la fin se précipiter aveuglément dans
le gouffre du néant.
J’habite
un pays de nostalgie
où la
magie des enfances légendaires, des liturgies naïves, s’est évanouie dans les
cités-clapiers, sur les friches industrielles, les bretelles d’autoroutes.
J’habite
un no-man’s-land,
confins
d’absence, de mutisme, immense continent incontinent de l’ubiquitaire banlieue,
lieu nul, désolé, jubilant de l’extrême banalité, tout près de l’épicentre omniprésent
du Désastre mondial.
une
géhenne de fulguration, de béton, de métaux, d’enseignes lumineuses, de vacarme
de machines, de cathédrales d’acier bourrées de marchandises ; un royaume
de détresse, une terre de transe où des génies adolescents jettent extatiques
leur cri désespéré aux micros des orgies rock’roll et puis meurent dans la
fleur de l’âge.
J’habite
un pays de violence
où des
hordes barbares ravagent des banlieues incendiées, anges motocyclistes en
blousons noirs surgis de la nuit pourpre renversant sur leur passage les
statues des dieux, massacrant clodos et putes sur les parkings déserts, les
terrains vagues, tornades de fureur se perdant dans l’aube blême.
J’habite
un pays de malédiction et d’absurdité
où comme des
éclairs noirs ne cessent de frapper la misère, le malheur, la mort insensés, et
des atrocités sans nom, meurtres de masse, génocides, démoniaques grimaces de
l’immonde.
J’habite
un pays de vertige
où les
Normaux sont les Fous, piètre engeance parquée dans ses routines peureuses et
sa vile médiocrité, et où les Fous sont les aventuriers de la vraie vie, hallucinés sacrés, voyants prophétiques.
J’habite
un pays d’inextinguible infini désir.
Pressentiment
d’un soleil inouï par-delà les errances sempiternelles de raison et folie.
J’habite
un pays de sainte déraison : son nom est Poésie.
MANIFESTE DU POETE
je me lève
et je déclare
aux assis
aux assoupis
aux endormis
aux ectoplasmes
oui je déclare
clairement
distinctement
hautement
que je suis poète
les mots brûlent dans mes entrailles
les mots saignent en moi
les mots m'enivrent
comme de l'alcool
et je déclare aux fleurs
je vais glorifier votre humble merveille
et je déclare aux oiseaux
je vais rivaliser avec votre mélodieuse légèreté
et je déclare aux étoiles
je vais poursuivre la voie lactée
en galaxies de rêve
et je déclare aux pitoyables humains
sourds à la poésie
fermés au chant profond des vivants
je vais ouvrir vos oreilles
je vais sensibiliser vos cœurs et vos tripes
au Verbe vertigineux
du visible et de l'invisible
du tragique et de la joie
de la vie et de la mort
DANS LES PARKINGS SOUTERRAINS
Sale
le sexe dans les parkings souterrains
où de petites salopes aux lèvres fardées
sucent les bites turgescentes
des jeunes voyous tandis que
dans les oreilles rugissent les walkmans.
Une voiture passe éclairant
un gaillard à blouson de cuir clouté
qui sodomise une adolescente noire
affalée sur un capot.
Une voiture s'arrête.
Le garçon se tourne vers les phares
qui l'éblouissent.
Il brandit son sexe et
arc-bouté se branle,
bramant comme un fauve.
Des gars masqués descendent du véhicule,
s'approchent lentement du hurleur forcené
et l'abattent.
DANS LA CAVE AU CRAPAUD
le garçon lèche la succulente colline de lait
entre les cuisses de miel
des filles qui lèvent haut leur robe bleu-ciel
dans la cave au gros crapaud laid
et puis les filles accroupies pissent
sur la bête que le garçon met au supplice
avec un noir dur bâtonnet
AU-DESSUS DES AUTOROUTES
au-dessus des autoroutes
du flot fumant des véhicules
du chaos des constructions
des parkings des supermarchés
des usines des gares
au-dessus des lampadaires
des grues des échafaudages
des derricks des chevalements des tours
dans l'immensité bleu-rose
de l'aube
le pur croissant de lune
GRANDS TRAVAUX
sur les continents
entre les océans
gris de chevelures SARGASSES
les vastes chantiers chuintent au
soleil
NATIONAL AERONAUTICS AND SPACE ADMINISTRATION
tendre
bruissement se déployant en diaprures duveteuses
venant se mêler au
chant de salive des flots
et sur les péninsules
vrombrissent les camions dans
l'aube de fraise
frangée de palmes
les trains trouent la rêverie ronde des
troupeaux
traversent les gares
le poitrail frémissant de longs lambeaux de
bave
s'arrêtent au flanc des usines dévoreuses de métaux
des molécules de
rêve s'évadent parfois en bulles brèves
des hangars assourdissants
des bureaux abrutissants
PARADISE NOW vers les plages les bars
les juke-box les drugstores
les cinémas les blondeurs les rondeurs
le
nirvâna des week-ends ocellé de lubricités suaves
les pylônes nagent
dans le soleil
les radars rient aux éclats dans le ciel turquoise
tourbillonnant de tourterelles
les piles électriques flottent sur des fleuves de
parfums
les labyrinthes conduisent à des sous-sols verdâtres
aux odeurs
d'orange et d'encens
Les demeures d'ombre
se dressent nues
dans les lointains automnes.
La pluie ruisselle drue
sur les carreaux noirs
où grimacent les visages de la peur,
spectres qui se lèvent
des lits d'amour et de mort
et qui dansent masqués
autour des tables chargées
de chairs sanglantes
et qui hurlent la folie
sur les terrasses
jusqu'à ce que la nuit
se déchire de pitié
ROUGE SOMBRE
dans la cuisine sombre
elle écarte ses cuisses
la viande saigne soleil
disparaîssant derrière les collines
où les morts se lèvent avec la nuit
nue elle les regarde
descendre vers la maison
l'enfant mange dans l'obscurité
Le
poulailler s’endort
aux rumeurs
des guerres lointaines.
Tu t’es
assoupie dans la cuisine.
Demain nous
nous lèverons tôt.
Nous
accrocherons nos tristesses
Au clou
rouillé de la porte.
Nous
prendrons pelles et pioches
pour enfouir
ce peu de peur
là où
pourrissent les dernières tomates.
Et les
portes, les planchers, les os,
tout fera
silence.
Longtemps
les plantes pourriront.
La table et
le lit se couvriront de neige.
Des larmes
tomberont sans arrêt dans la cendre
et des
explosions de gloire parfois
éblouiront
nos yeux entre les vastes sommeils
dans la
tiédeur terne de la cuisine.
Et puis un
matin on nous cherchera
comme si
nous étions morts.
Il neigera
encore sur les jardins et les basses-cours,
mais l’air
sera d’une clémence printanière
et les
rumeurs s’éloigneront
comme une
mer bourdonnante
laissant à
nu nos blessures
grandes
lèvres béantes de verdure
parmi les
vergers noirs.
le visage barbouillé de sangATTENTE DE LA NUIT
Long jour de l'homme entre les arbres et les pierres.
La paisible respiration et les lentes paupières du vieillard
attendent la venue de l'ombre près de la porte entrouverte.
Un enfant fort comme l'éternité
dans le fragile abri de son corps
avance sur le chemin.
Lointain matin oublié derrière la forêt des ans,
lointaine chaleur remémorée sous les cendres du temps.
Le regard du vieillard suit
le jeune promeneur que la lumière dissout
là-bas près des buissons.
TERRIBLE MONOTONIE TERRESTRE
grisailles routines
terrible monotonie terrestre
vagues jours de l’hommetravailler manger dormir travailler
parfois une lueur un éclair de beauté
grisailles lourdeurs doutes déchirures
morts absurdes
terrible machine de l’univers
qui broie les vivants précaires
NUIT
D’ANGOISSE
Nuit
d’angoisse
dans les
caves blanches de l’insomnie.
On entend
des aboiements, des râles, des cris,
et au loin
dans l’opacité pluvieuse
des trains
scandant leurs courses haletantes.
Tu regardes
tes mains tremblantes,
tu te tâtes
le pouls.
Et la mort
se terre dans les recoins poussiéreux
comme une
sale goule
prête à
bondir au milieu de la pièce
pour
t’égorger au bas de ton lit.
nuit d'angoisse
dans les caves
blanches
de l'insomnie
on entend des aboiements
des râles
des cris
et au loin dans l'opacité
p
l
u
vieuse
des trains scandant
leurs courses
ha
le
tantes
ET LA MORT SE TERRE
DANS LES COINS POUSSIEREUX
COMME UNE SALE GOULE
PRÊTE
A BONDIR POUR
T’ÉGORGER
L'ASTRE NOIR
Dehors luit
l'astre noir
derrière les branches jaunes.
Lente est la nuit
où de désespoir
s'étouffe le cri
de l'enfant aphone
regardant assis sur son lit
la face terrible qui sourit.
LUGUBRE
Lugubre
hulule
sous la lune
l’oiseau
nocturne.
Au matin
gris
Des clous
crucifient
le hibou
sur la porte
de la grange
et dans son
lit
la fille
morte
dort d’un
sommeil étrange.
L’APPEL
SAUVAGE
et je te
vois saigner
comme de la
viande
devant la
table noire.
Tu ouvres la
robe
et tu jettes
un appel sauvage.
Tu ouvres
ton corps de fange
et je hume
l’odeur de
la mort.
Le sperme glisse
Langue
langue rêche
lèche
la crème noire
le chocolat mental du désespoir
lèche
lèche longuement
l'ordure diabolique
la merde de Dieu
lèche le cul rugueux
de la démone hystérique
lèche sa fangeuse faille
et le fruit puant
de ses entrailles
lentement
lèche l'étron
de charbon
de Monseigneur Satan
SAISON DE
DEUIL
en pleurs
aux heures
de langueur.
Saule qui
s’effeuille
dans le
jardin en deuil.
Profonde et
douce est la tristesse
du cœur que
tout délaisse
près de
l’obscur seuil.
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