24.4.14

HAUT JEU Livre de contemplation





                              "HIERSEIN IST          HERRLICH." (RILKE)                                                                            
                                                  

                                                                 "A FLOWERY BAND
TO BIND US TO THE EARTH." (KEATS)
                                                                                              




CUEILLETTE D'ETOILE

Une main d'enfant
cueille une étoile
et la laisse choir
nonchalamment
dans le bol d'azur frais
du matin.




INSTANT D'ETE


Touffeur.
Songe de soleil peuplé de souffles délicats
et sous les branches
tremblements plus subtils encore:
frissons de flaque,
brindilles qu'un rayon chauffe,
tendresses discrètes de myosotis,
battements d'ailes invisibles,
regards de musaraignes.
C'est le monde arrêté,
suspendu à son propre silence,
la terre qui s'écoute être.
C'est l'oreille des choses
attentive au murmure le plus tendre.






APRES-MIDI  D'ETE


Le ciel tendre
se penche sur le toit.
Bleue de silence,
la fenêtre contemple
le jardin calme
ruisselant de lumière.






DANS LA FORET  D'ETE

J'allais par de frais chemins,
léché tour à tour
par l'ombre et les coulées de lumière.
Des fabulations démentes
me tourmentaient.

Parfois une pluie brève
faisait murmurer les feuillages.

Clairières. Eclaircies.
Lumineuses gazes pendant
d'où l'azur était trouble.
Et, l'averse s'étant tue,
la forêt creusait son silence.






J'AI PASSE COMME LE VENT

J' ai passé
comme le vent
virevoltant
un instant
dans les blés
un matin d'été.

Ne m'a reconnu
qu'un lièvre
sur un sentier perdu
où j'ai disparu
dans le silence aigu
aux odeurs de genièvre.






ENFANTS DE L’INFINI
 


Enfants de l’infini,


nous errions ivres


dans les vastes prairies


du paradis


jusqu’à ce que la nuit nous livre


à ses splendeurs de givre.



Etoiles vagabondes,

nous rêvions alors de dérives

aux lointaines rives

où se perdent les mondes.




TOITS  PARMI LES HERBES ET LES FEUILLES

Le chemin s'incurve au pied du peuplier.
Des poulains piaffent dans les prairies
vastes jusqu'au ciel.
Les toits se baissent vers l'herbe
frémissante de lumière.


Villages nimbés de candeur,
assoupis parmi les feuilles;
églises sépulcrales où l'on entre
après la promenade au soleil.
Pierres en prière dans les saisons sans fin.





L'HERBE DE MERVEILLE


L'herbe de merveille
pousse n'importe où,
entre les pierres, dans la boue,
dans les jardins abandonnés,
au bout des chemins vicinaux.

L'herbe de merveille,
nous l'ignorons,
nous la piétinons,
n'ayant pas dans le regard
assez de simplicité
pour la voir,
extrême naïveté
de  toute chose.

L'herbe de merveille
pousse pour le vent,
pour les chiens errants,
pour l'âme des enfants.
L'herbe de merveille diaphane
pousse pour les ânes.



AVANT L'AVERSE

Sur l'humble rose
un papillon se  repose.
Un peu de vent les berce
doucement, doucement.
Quelques grosses gouttes
bombardent la poussière 
de la route.
Voici  venir l'averse.





L’AVERSE

L’averse jette ses bleues giclées

de perles liquides

contre la vitre qui chante

heureuse et fraîche

comme l’enfance en été

quand dans le verger les pêches

ont des joues d’aube

sous l’humide feuillage du matin.







ROSES JUBILEZ



Roses jubilez près des cils.

Aiguilles d’azur, abeilles,

pénétrez le gouffre de parfums.

Un enfant transpercé saigne,

étendu sur le lit d’herbes noires.

Le soleil boit sa bouche pâle.

Roses, ô bourdonnantes d’ailes,

dans le feu disparaissez.

L’agonie de l’enfant brûle au cœur du silence d’été.
 




IMMENSEMENT SAISONS DE MENTHE


Immensément

saisons de menthe

dans les collines

avec les myosotis, les brises,

les gigantesques nuages d’éclatante blancheur,

caravelles célestes immobiles

au-dessus des toitures moussues,

immensément

avec la soie des rumeurs,

ailes, sources, craquements

de la terre en gestation.



LONGTEMPS DANS LES SAISONS D'OUBLI

Longtemps dans les saisons d'oubli,
d'arbres flous et de fileuses,
ombres aux visages pâlis,
nous rôdions au bord des meuses,

des meuses, des mélancolies
aux tiédeurs insidieuses.
Nous errions sous les douces pluies
jusqu'aux collines dormeuses

où se perdaient les hallalis
des clairières odieuses
et les bleues guirlandes de cris
des lointaines vendangeuses.





ECLAIRS


Le jour glacé se lève.
Un insecte lentement gravit la vitre.
Au loin dans un reste de nuit
un astre bleuté énorme luit.

      ***

Les corolles la nuit
dégustent le lait de lune,
puis boivent le lait rose de l'aube.

        ***
Jonchées d'astres s'effaçant.
Les glaïeuls gloussent
dans l'aurore.
Les jacinthes jaillissent
des songes d'ombre.

        ***
Braises d'aube
derrière la dentelle des branches.
         ***

La flamme des fleurs danse
sous la neige du printemps.

         ***

Légère, l'aile
au-dessus des lys.
Saison de délice.

              ***
Les ivres fêtes d'ailes
à la neige se mêlent
et d'éclairs étincellent
sur la noirceur du ciel.


                ***
               ROC
               DOIGT
               NOIR
               HORS
               DU BLANC
               FLOT
               D'EAU
              
       
                 ***         
Depuis quelques jours, il neige
et nous ne dormons plus, debout aux fenêtres
à manger la blancheur.




JE SORTIRAI DANS L'ETE RAYONNANT


Je sortirai
dans l'été rayonnant
vers l'eau
plus neuve que la lumière.
Marcheur léger,
je sortirai
pour voir le jour et l'ombre
et les visages éclore
aux brises de clarté.



JOIE

riez  roses
riez de beauté pourpre et blanche
dans la rumeur de neige
ardente des baisers
dans le bruissement bleu des brises
et des branches
brûlez roses brûlez
et vous oiseaux
dansez au-dessus des toits noirs
et des tourments humains
dansez
brûlez de joie jusqu'à l'ébriété
dans l'extase infinie
de l'été souverain






SOIR

Les vitres rutilent
dans le blond visage des maisons;
pain des murs
où glissent des ombres de pigeons.
Dans le verger d'avril,
la jeune mère fragile
éclaire l'enfant
aux regards débordant
du mystère de l'azur
et de la force du futur.

 VERTIGE DE SILENCE

Le soir brûle dans les vitres
Vertige de silence.
L'insecte replie ses élytres.
Les  arbres pensent.







                                VITRE

                                 enVols
                               vertIgineux
         à travers la vaste Transparence
                               du cRépuscule
                front frôlant lE frais rideau


LA BEAUTE SIMPLE
La beauté simple
visite les jours
de l'ouvrier et de sa femme.
Il y a les tournesols du jardin
et l'odeur du vent
entrant par la fenêtre.
Il y a le pain et le vin
sur la table éclairée
par le soleil couchant.
Il y a les bras de la nuit et la tendresse.



PROFONDEUR DU SOIR

L'arbre respire plus ample.
Pas une étoile
ne tremble
encore au ciel laiteux.
L'araignée se fige
au milieu de sa toile.
Le silence apaisant s'érige
sur les prés brumeux
qui lentement s'inclinent
dans le  soir
comme si la terre,
la vieille terre carnivore
avec ses morts,
s'offrait doucement au ciel
et à la nuit naissante,
comme si un imperceptible mouvement,
au-delà de la demeure des vivants,
fondait la paix des trépassés
et le calme du firmament.
Bientôt ce sera la profondeur,
eaux, herbes, brumes, branches,
tombes aux sombres moiteurs,
toutes choses comme imbibées,
ouvertes par la dense obscurité
envahissant le pays de  lenteur.



HERBSCHTNACHT

D Strossa sen schwàrz.
Dr Raga rüescht.
Im wàrma Hisala
tràjma d Menscha.
Im stella Hisala
schlofa d Kàtza
un schnàchlt dr Hund.
Dr Raga rüescht ufm Dàch.
D Lada lodla im kàlta Wend.
D Strossa sen schwàrz,
d laara Strossa in dr Nàcht.





L’ENFANT AU FRONT POURPRE


Neige bleue

aux vitres d’aube.

L’enfant nu blotti derrière les braises

rêve de vastes herbages

où galopent des cavales

aux crinières incandescentes.

Neige lente

tombant sur l’épaule des collines.

La mère s’incline

sur le front pourpre de l’enfant songeur,

éloignant d’un baiser

les spectres du malheur .




FLEURS DE GIVRE

A travers les frises

de subtiles fleurs grises

qu'aux vitres dessine le givre
brille la matinée ivre
des baisers de la bise
et dans l'ombre aux senteurs
de cuisine l'enfant se livre
au songe immense de vivre.


IMMENSITE ETRANGE

Heures d'hiver
crépusculaires.
L'horizon infini
rayonne d'une lumière orange
derrière toits et branches
sous la neige ensevelis.
L'enfant rêve à la vie,
immensité étrange.





WENTER

S Hisala schrumpft sech zamma
unterm kàlta Wenterwend.
Dr Schnee tànzt àn da Fanschter.
D kàlta Schiewa hiela.
Um s Hüs gehn gràïa Gschpanschter.
D Hunda hert ma briala.


           "WINTER UNDER CULTIVATION
           IS AS ARABLE AS SPRING."

                                   (EMILY DICKINSON)

"L'Hiver pourvu qu'on le cultive
Est aussi arable que le printemps."




WISSA PRACHT SCHWARZA NACHT

Wissa Pràcht
Schwàrza Nàcht.
Dr Mond tràïmt àm Fanschter.
Dr Ofa sengt.
D Kuch esch wàrm.
D Fràï setzt navem hocha Kanschter
ehr Bubala im Arm.




DUNES D’EDEN


J’ai dormi cette nuit sur les dunes d’Eden

toutes tièdes de sang et de souffles légers.

Des ailes survolaient mon lent sommeil de laine

et j’entendais la mer obscure me parler.


Elle parlait de vous, ô collines d’haleines

où niche la tendresse au creux le plus caché.

Et la voix se perdait apaisante et lointaine

aux gouffres de fraîcheur de la tranquillité.



AUX CONFINS DE L'EMPIRE

Aux confins de l'Empire,
près d'une baraque,
la lune se mire
dans une flaque.


PLUS QUE LES GALAXIES


Que sont les astres

et les cieux infinis

si à jamais

je sombre désastre

dans la nuit ?


Plus que les galaxies

tu es la vie,

petit enfant qui souris.






LITURGIE VU DR STELLA


1. MORGA


Dr gànza Tàg, d gànza Nàcht

wia’na Gebatt

àlles üs dr ennra Stella erlawa.


Melda, melchiga Morgastella,

Porzelàn-Hemmel

ewer d igschlofena Derfer.


Blib gànz stell un heer dr Stella züa.

Stella vu da weicha tràimenda Kerwer in da kiahla Zemmer.

Blàia Stella vum Erwàcha,

vu dr emmer neia Wedergeburt àns Lawa.

Stella wia Sida, wia frescha Qualla,

heiligi Màteria, Freeda wia lichta, wissa Nawel

wu ewer d gànza Arda schwebt

un àlles durchdrengt.


Alles steht noch riahwig, àlles steht noch stell

un wàrtet uf dr Tàg.

Mr heert s geheima Kima un Wàchsa vu da Pflànza,

s làngsàma Entfàlta vu da Blätter,

vu da Blüama im durchsechtiga Summertàg,

s Entfàlta vu dr eifàcha Scheenheit, Duft, Fàrwa, Form,

steller Psàlm vu àlla Kreatüra.

D Baim un d Hecka erwàcha

voll vu Aiga un Zwetschra.

D Garta stràhla ewerfellt

vu Lelia, Glàdiola, Sunnablüama.

A wàndersluschtiger Wend waiht durch d Hieser

wu gànz uffa stehn im granzlosa Liacht-Tràim.

S Meer vu da Kornfalder erstreckt sech

bis zu da Rawa, bis in dr Hemmel.


Summertàgstràim. Alles esch stell,

àlles esch ekstàtisch, hoch, unandlig.

D Vegel verliara sech im Sunnagold,

im Glànz vum Pàràdies.

Dr längschta Tàg  

reina Azür-Gestàlt

herscht breit ewer d Ewena

un in dr hellblàia Farna

schwemma d Barga wia Luftscheffa .


2. MITTAG


Mittàg. Stellstànd. Hetz. Hetz. Hundstàgàhetz.

Dr Duft vu dr Arda tànzt in dr vibriarenda Luft.

D Emmala summa im Obschtgàrta.

D Hianer glucksa schlofrig nawem Stàll.

D schlummernda Kender fàwla

un vergehn im Sunna-Wàhn.

D Liawenda schmüsa, flüschtra

un màcha sànfta Senda im Schàtta.

D Hend schlofa un schnàchla im fichta Gràss.

D Kàtza strecka sech üs uf da heissa Pflàschter.

Stellstànd. Unschuld vum Lawa.


Ech setz unterm mim Bàim, dr Bàim vu dr Dechtung

un heer àndachtig, porös dr Stella züa.

Jetz wàchst in mer a àndra Bàim,

dr Wortbàim,  stella Müsik,

stella Sproch vu da Blüama, vu da Wulka, vu da Tiarer,

vu da stumma Sàcha vum blossa Alltàg.

S làwandiga Wort wàchst in mim Kerwer,

s Wort werd Fleisch, werd Liacht, werd Poesie,

s diafa Liad vum Lawa,

s hocha Liad vu dr Schepfung.


Hetz. Summerfiawer. Alles wàrtet uf Gwetter.

Alles riaft: Raga! Raga!

Kumm Raga, schwàrzes Dunnerwatter!

Welder Bletz, verriss d denna Stella

met dina gwàltiga Zickzàcka!

Ewerschwemma d durschtiga Arda,

Wàsser-Kewel vu da Wulka!


Freeda, zàrta Freeda noch’m Gwetter.

D Baim un Pflànza trenka

d frescha Pfaffermenz-griana Melch vu dr Stella.

A Ragaboga vereint dr schwàrza Hemmel un d dampfeta Arda.


Dr veialeta Owa stiegt henter da Dacher.

A Vegalaharz schlet in dr dämmerda Stella.

Freeda, rosarota Zàrtheit vor dr Nàcht.

Dr Hemmel blüatet im dunkla Wàld.


Heert ehr s Harz vu da Vegala schlàga?

Heert ehr d Stella bata?



3.NACHT


Lieslig kummt d Nàcht

üsm Müater-Schoss vu dr Heimet,

üsm  Ungrund vum Firmamant.


In dr Stella vu dr Nàcht brennt

d versteckta Glüat vu dr Sehnsucht

un d hungriga Flàmma vu dr Luscht,

Luscht noch Wolluscht, Luscht noch Liawa.

In dr Nàcht verdiaft sech d Stella.

Bleicha Visiona, unheimligi Angscht-Erschienunga

umkreisa d stüenenda Einsàmkeit.


In dr Stella vu dr Nàcht heert mr komfüsa Stemma.

O Schlofenda, ô Tràimenda,

heert ehr net riafa in dr Nàcht?

D Fenschternis esch voll Stemma,

stumma Stemma wu schreia.

As sen vergasseni Toda, unsri verlosseni Toda,

àrmi Seela verlora in Nàcht un Nawel.


Besch stell un riahwig,

laar di Geischt un heer züa.

Alles redet in dr Stella, àlles sengt, àlles schreit.

Alles esch eifàch

un àlles esch unandlig, geheimnisvoll.

Alles fàngt à , àlles àtmet un àlles geht zruck

in d ungrundliga Stella Gottes.


O s Wohna in dr ewiga Rüahj!

D Stella esch mini Heimet.

In dr Stella wohn i,

witt vum lütta Schlàmàssel vu dr Walt.

D Stella esch mini Qualla, d Stella esch mini Nàhrung,

d Stella esch mini unandligi Rüahj.


D Stella sengt d Fraid un dr Schmarz vu dr gànza Schepfung.

D Stella sengt d Pràcht vum Starnahemmel

un vum grengschta Schmatterleng.

D Stella esch ewiger Andàcht.

In dr Stella esch s Mysterium vu dr Ewigkeit verborga.

D Stella esch s Harz vu dr Walt,

s Harz vu jedem Gschepf.

D Stella esch d Heimet vu àllem Liawenda.

D Stella esch Gottes Odem.   






LITURGIE DU SILENCE

Faire silence pour écouter le silence, le dire profus du silence.

Taire le vacarme incessant des pensées, vampire men
tal qui dévore au dedans.

Faire silence. Doucement, graduellement, sans effort,
mourant à tout effort, toute crispation, toute volonté propre.
Et s'abreuver, se nourrir de silence.
N'être plus qu'arbre méditatif, plus qu'oreille,
attention intense au chuchotement des choses.

Boire, boire à la source profonde, à la source la
plus profonde, infiniment profonde. Originelle. Matricielle.

Faire silence. Lentement, patiemment s'ouvrir, s'offrir.

N'être plus qu'ardente humble attention, plus que pure ouïe de l'énorme murmure.

Le silence parle. Avec des murmures, des babils, des
gazouillis, des balbutiements. Clameur muette à
l'adresse des humains qui ont des oreilles, mais qui
n'entendent pas.

Le silence chante, bruissant comme soie, comme blé
ployé par brise blonde, moires murmurantes.

Le silence chante, s'ouvrant, s'amplifiant, se creusant de gouffres d'odeurs,
irradiant, coulant ruisseau, fleuve, lave, s'élargissant lac, mer, océan,
vaste psaume, s'affinant porcelaine, fluide lave de fraîcheur.

Le silence chante, clamant  du haut des sommets chauves,
prophétisant, au coeur des amoncellements cyclopéens de pierres.

Le silence chante habillé de mousse, de lichen, de
touffes de thym laineux comme la toison des moutons.

Le silence chante, hurlement tragique de minuit
et joie, joie aux matins renaissants.
Vastitude océanique précieuse comme une perle ;
récitation pathétique et subtile, d'extrême faste et d'extrême discrétion.

Le silence chante, grandiloquence de voie lactée et fragilité d'aile de libellule.







C'EST UN JOUR DOUX ET GRIS

C'est un jour
doux
et gris infiniment
d'automne,
lent
et lointain d'enfance,
et noir
de brume jaune.



AUTOMNE

Il y a près des étangs
des peupliers tremblants
et sur les grands bois jaunes
le blanc soleil d'automne.
Il y a dans les rues grises
les feuilles que la bise
fait danser follement.
Il y a la pluie, il y a le vent.






LITURGIE DU VENT ET DE LA PLUIE


Psalmodies du vent.

Frais froissements de feuillages.

Un coup de vent retourne rageusement la page de mon livre.

Quand l’orage menace, le souffle du vent s’amplifie,

secoue vigoureusement les feuillages.

La nuit, des mugissements de tempête

tourbillonnent autour de la maison.

Voici l’orage dans la grisaille de l’aube.

On entend de sourds roulements dans le ciel

tel un jeu de quilles aux dimensions des étendues célestes

ou le remuement de tôles gigantesques.

De temps en temps explose le tapage fracassant du tonnerre

dont l’écho se répercute à travers les montagnes

en craquements sinistres.

La maison frémit, environnée d’éclatements et d’éclats.

La pluie crépite bruyamment sur le toit.

Et puis, progressivement, le calme se réinstalle.

Les effrayants joueurs de quille s’éloignent,

allant exercer leur hargne sur d’autres hameaux, d’autres bourgs.

Les grondements s’amortissent jusqu’à n’être plus

qu’une vague rumeur lointaine.

La pluie se fait à la fin délicat tapotement de doigts sur les feuilles.

LITURGIE DU RUISSEAU

 

J'écris assis sur une pierre

émergée au milieu du ruisseau

et j'écoute la fraîche rumeur.

L'eau glougloute glacée

entre les amas chaotiques de pierres.

Le bruissement de satin froissé des feuilles

remuant au vent

couvre parfois le clapotis de l'eau.

Le ruisseau chantonne.

Elégies de menthe.

Chorégraphies de papillons, de libellules.

Le ruisseau chantonne.

Strophes bondissantes des cascades.

Stances amples des bassins ombreux

où quelque truite parfois ondule

sous la surface ridée de l'eau.

Silence des trous d'eau, des berges

envahies d'inextricable végétation.



LITURGIE DES BETES

Invisible, omniprésent orchestre des insectes

aux bruissements d’aiguilles remuées,

basse continue de la symphonie du silence

battant comme un pouls vibrant.
Mouches tourbillonnant comme atomes en folie
autour de ma tête.
Gros insectes volants dont on appréhende l'approche.
Sur l'arbre sous lequel j'écris, une cigale jette par intervalles
sa stridulation insistante dans la sérénité de l'après-midi.
Sur la terrasse, un long lézard s'immobilise un instant au soleil
et détale au moindre bruit.
Serpents, lézards...Idéaux résidents de ces hauts lieux du silence et du secret.
Oiseau égrenant parcimonieusement ses neumes monotones.
Maigres troupeaux de moutons et de chèvres.
Le bruit liquide des clochettes se mêle à la rumeur du ruisseau. 




ROCS NOIRS DE L’ORAGE
Rocs noirs de l’orage,
sombres rages
autour des pylônes.
Sur le sol s’abattent des oiseaux
que piétinent sauvagement des gnômes
couverts de boue.
Dans le ciel tourne la roue
énorme de la mort.




TOURBILLONNANTS CHAOS

Tourbillonnants chaos de neige
sur les campagnes désertées,
tonnes de blancheur dont s'allègent
les gouffres noirs de bleuité.


Parfois rugissent des stridences
aux lisières des forêts floues,
fureurs de sang, sombres silences
béant comme d'horribles trous.
Sans fin danse, danse la neige
sur les étendues dévastées,
lentement tombe et puis s'agrège
aux herbages ensanglantés.




SOUS LA TERRE

Sous la terre
du feu blanc
où se blottissent les démons
où germent les crimes
et les rires des printemps
sous la terre
du lait et les louves fluides de l’enfer
et les forces noires
charbon métaux
reptiles
sous la terre nuit lourde lenteur
morts



LITURGIE DES PIERRES

Rocs, blocs autistiques terribles de nuit
compacte, dense matière de silence
comme rage figée,
runes d'une parole barbare proférée
aux âges premiers.
Pierres rectangulaires comme des autels
d'anciens rites sacrificiels
délaissés par le retrait des dieux.
Pierres rondes, pains géants livrés
à une cuisson interminable.
Pierres ventrues, colossales parturientes
se prélassant au soleil.

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