FOI
*
Inconnaissance ardente, la foi n'assène aucune affirmation
dogmatique. Elle est désir, désir fou de Dieu, non possession d'un savoir.
*
Si nous avions la moindre parcelle de savoir sûr de Dieu, il
n'y aurait plus de foi qui est risque absolu, liberté sans fond.
*
La foi ne s'appuie sur aucune
certitude objective. Elle est mouvement dans la nuit la plus noire. La moindre
certitude objective anéantirait la foi et nous précipiterait dans un monde prédéterminé,
sans liberté.
*
La foi est consentement à
traverser la nuit la plus noire, à parcourir jusqu’au bout le chemin de croix.
*
Les conceptions de l’existence
qui se limitent aux frontières du monde immanent refusent l’aventure extrême de
la foi, le saut dans l’abîme.
*
La foi n'est rien d'autre que de croire ABSOLUMENT en la
Vie. Croire infiniment plus en la Vie qu’en la Mort.
*
Quête de foi. Ne cesser de remettre en jeu toute réponse
simpliste et vivre jusqu'au bout l'incandescence de la question.
*
La foi, non accompagnée du doute
absolu, de l'athéisme le plus radical, n'est que délire.
*
La foi n’est qu’un atome improbable dans l’abîme du doute.
*
La foi cohabite avec le doute absolu. La pensée est
affrontée jusqu'au bout à la question essentielle: Dieu ou le Néant. Rien ne permet
rationnellement de trancher la question hormis le mouvement entier de l'être
qui désire contre toute raison le règne de l'Amour.
*
La foi et la non-foi alternent
constamment, pas de certitude monolithique ni dans un sens ni dans l'autre.
Mais à la fin il faut croire comme un fou, pour sauver la Vie, pour sauver
l’Amour.
*
La foi n'approche de sa vérité qu'au cœur de la Nuit la plus obscure, quand tout espoir ou désespoir humains se sont évanouis.
La foi n'approche de sa vérité qu'au cœur de la Nuit la plus obscure, quand tout espoir ou désespoir humains se sont évanouis.
*
La foi ne triomphe jamais du doute. Elle ne triomphe de rien
et n’est pure qu’en consentant à son extrême faiblesse.
*
La foi est l’extrême faiblesse de
croire malgré la toute-puissance du monde niant Dieu.
*
Foi , désir de Dieu, désir désespéré pour dire oui, alors
que nous ne sommes que non, non vague, informulé, déguisé en oui trouble à
l'illusion. Désir désespéré, aride, pour sauver, pour transformer en vraie
lumière la substance d'une vie honteuse, alors que constamment nous nous
perdons, nous nous effilochons dans l'imparfait, la banalité, que constamment
nous nous noyons dans le courant boueux du temps. Un désir difficile,
IMPOSSIBLE. Car à vrai dire nous ne souhaitons dans notre faible chair que la
continuation de ce monde d'illusion, de nos vies doucement assoupies, doucement
en dérive sur l'océan des jours. Nous avons peur de nous réveiller de notre rêve
trop familier, peur de l'absolu, peur de la mort et de l'espace infini qui sont
les faces tangibles du Jeu abyssal. Et malgré tout, malgré notre tremblement et
notre dégoût, malgré notre état de continuelle défaite, à cause d'eux, contre
eux, il nous le faut coûte que coûte maintenir dans notre âme, le purifier, le
nourrir, l'attiser sans repos, ce désir de l'absolu, ou consentir lâchement à
n'être que des ectoplasmes en décomposition sur le charnier d'un monde absurde.
*
Vivre, souffrir, souffrir toujours d'une part d'absence, de
manque, désirer, espérer envers et contre tout, chaque jour. C'est l'essence de
la foi.
*
Qui a trouvé la Réponse, qui a trouvé Dieu, ne peut s’ouvrir
à la foi.
*
La foi ne saisit rien. Elle est infini désaisir, infinie
suspension du mouvement idolâtrique et abandon au Mystère.
*
Mourir sans cesse à la volonté de saisir. Le non-saisir est
la voie.
*
Aller au-delà, dans l’inconnu, dans la nuit où se défait la
parlerie humaine rien qu’humaine.
*
Aller au-delà de toute certitude ou incertitude.
*
La pensée théologique, la pensée athéologique et agnostique
sont des évitements de l’expérience de dénudation et de ténèbre.
*
Dieu ne se rencontre que dans l’absolue nuit.
*
La foi, ce n'est pas se mettre à
l'abri du Christ; c'est prendre sa suite et tenter de parcourir jusqu'au bout
son chemin déroutant. En même temps, c’est croire qu’en Lui est le salut.
*
Dans la foi, on ne croit pas une vérité parce qu’elle est
proclamée par une institution, mais parce qu’elle fait vivre.
*
La foi est abandon sans réserve à la non-réponse. Dieu n’est
pas la Réponse. Il est la Non-Réponse, la Faille dans la sphère trop sphérique,
si familière du monde humain.
*
La foi n’est pas Réponse. Elle est désir de vérité que rien
de terrestre ne peut satisfaire. Les énigmes de l’existence restent entières.
*
La plupart des humains veulent une Réponse et non la Voie où
il faut se mouiller soi-même.
*
Ce qu’on peut croire appartient à
l’humain. Ce qu’on ne peut pas croire appartient à la foi.
*
La foi n’est pas certitude, mais
ardente inconnaissance, risque suprême.
La foi n’a rien à faire avec un savoir; elle est pur désir,
désir nu par-delà toute
certitude.
*
La foi est désir, absolu désir, feu infini, non possession.
Croyants et incroyants dogmatiques trahissent le désir les
uns par l’illusion de possession, les autres par la possession de la
désillusion.
*
Le Jeu des Jeux, jeu de foi, est jeu de la nudité
(non-possession) et du feu (infini désir).
*
La foi, ce n’est pas croire au Ciel, c’est croire à l’Amour,
au DEUS CARITAS. Ici, maintenant, à jamais.
*
Foi : saut au-delà de toute raison de croire.
*
Je crois parce que la Foi, c’est infiniment plus grand que
ce que peut concevoir et accepter la raison humaine.
*
La véritable épreuve de la foi est la mort. N’est vraie
qu’une foi plus forte que la mort.
*
Ce monde est triomphe de la puissance et de la mort, la foi
est pari sur l’inverse.
*
La foi n'affirme pas un monde, un autre monde. Elle affirme
le refus de l’ordre du monde où triomphent la finitude et la mort.
*
La foi ne peut faire l’économie de l’expérience du Néant.
Pas de véritable foi sans la Croix, le passage par le Néant absolu.
*
La foi, c’est croire à Dieu à
travers la mort, par-delà la mort. Christ
est le Passeur.
Il ne nous préserve pas de la mort, il va au-delà de la
mort.
Christ ne change rien à la condition humaine, il
l’accomplit. Il accomplit sa destinée divine.
*
La foi n’est pas l’adhésion à une dogmatique, elle est la
décision personnelle de croire le Christ
comme destinée humaine et divine de l’homme.
*
Vivre à la fois totalement la « rugueuse réalité »
du monde sans Dieu et la folie de la foi.
*
Sans cesse faire coexister la possibilité de la foi et la
vision totalement désenchantée de l’existence.
*
C’est aujourd’hui que devient peut-être possible
l’expérience la plus authentique de la
foi. Hors de tout le poids des routines religieuses et de tous les mirages
illusoires.
*
L’acte de foi est risque absolu,
saut dans le vide.
*
Tous cherchent une certitude qui
n’existe pas, les uns dans un Livre sacré, les dogmes d’une religion, les
autres dans une philosophie, dans la techno-science, voire dans le total
non-sens de l’existence, dans la mort…
L’être de foi va au bout de son désir fou sans la moindre
garantie, funambule s’aventurant sans filet dans l’espace de l’ardente
inconnaissance.
*
Il faut constamment réinventer la
foi car Dieu est l’absolu Inouï, l’absolue Nouveauté impossible à saisir.
*
Ne cherche pas ce qu’il faut faire. L’essentiel réside dans
la foi en la Vie au tréfonds de notre cœur. Laissons faire la Vie à travers
nous.
*
Dieu est le Dieu de Vie, le Dieu des vivants, non le Dieu
des morts-vivants qui s’enferment dans leur geôle-sépulcre.
*
Quête de foi comme ouverture de l'esprit. Ne pas se replier
dans son univers religieux clos, immobiliste. Chercher Dieu sans répit à
travers sa religion d'origine et à l'aide de toutes les autres religions,
toutes les autres spiritualités, y compris les athéistes. Chercher Dieu sans
répit dans son propre cœur, dans le souffle de l’Esprit Inspirateur.
*
Vaine recherche des preuves de l'existence de Dieu. Il n'y
en a pas et la foi n'en a nul besoin. Il n'y a pas de preuves de l'existence de
Dieu; il n'y a que des signes du transcendant. Dieu veut qu'on l'aime à
travers sa quasi absence. La foi ne peut
se déployer comme acte libre et gratuit que dans cette obscurité de Dieu. Si
Dieu s'imposait par une présence trop manifeste, Il écraserait l'homme et
empêcherait la démarche libre et risquée de la foi. La question la plus
profonde n'est pas celle de l'existence de Dieu, mais celle de l'orientation de
notre amour. Que voulons-nous aimer? La finitude ou l'infini? La mort ou la
vie? La haine ou l'amour? La servitude ou la liberté?
*
*
L’important n’est pas de savoir si Dieu existe ; ce qui
importe, c’est de le faire exister ici et maintenant.
*
La foi christique est folle. La foi en ce monde est
raisonnable, mais elle est en son fond défaitisme face à la mort, nihilisme.
*
La Foi est peut-être voie d’illusion, mais la Non-Foi, c’est
certain, est à long terme voie de néant.
*
La Foi vise l’Impossible.
Les philosophies, elles, veulent toujours saisir le possible
de ce monde.
La Foi déborde le monde.
*
Il n'y a pas de foi sans la traversée sans réserve de
la Croix et du néant. La foi est un
combat traversant les certitudes
mondaines et les croyances superstitieuses, le combat le plus ardu avec les
forces de mort pour la plus grande liberté de la vie.
*
La foi, c'est de croire l'Amour infiniment plus fort que la
Mort et le Néant. Totale folie!
*
Malgré le Mal omniprésent, malgré la Mort, il faut clamer la
foi folle en la Vie. Seule tâche humaine vraiment humanisante.
*
Deux questions symétriques: pourquoi certains ont besoin de
croire; pourquoi d'autres ont besoin de ne pas croire?
*
Il ne s'agit pas de croire en une Cause, en une Entité. C'est l'Ego qui veut croire sur ce mode pour trouver une consistance. Distinguer croyance, affaire du Moi, et foi en la Parole.
*
Croyance, incroyance: postures discursives secondaires,
prises par le Moi, que la Parole, dimension symbolique primordiale, précède.
*
Croyances usées et incroyances indifférentes se valent. Jeux
superficiels, oubli de la Source vivifiante.
*
Ce que tu vis, ta qualité d'être, importe infiniment plus
que ce que tu penses, que ce que tu crois, le contenu de ta croyance.
*
« L’INCERTITUDE OBJECTIVE APPROPRIÉE FERMEMENT PAR
L’INTÉRIORITÉ LA PLUS PASSIONNÉE, VOILA LA VÉRITÉ, LA PLUS HAUTE VÉRITÉ QU’IL Y
AIT POUR UN SUJET EXISTANT. LA VÉRITÉ CONSISTE DANS CE COUP D’AUDACE QUI
CHOISIT L’INCERTITUDE OBJECTIVE AVEC LA PASSION DE L’INFINI. CETTE DÉFINITION
DE LA VÉRITÉ EST UNE TRANSCRIPTION DE CELLE DE LA FOI. LA FOI EST JUSTEMENT LA
CONTRADICTION ENTRE LA PASSION INFINIE DE L’INTÉRIORITÉ ET L’INCERTITUDE
OBJECTIVE. SI JE PEUX SAISIR DIEU OBJECTIVEMENT, JE NE CROIS PAS, MAIS
JUSTEMENT PARCE QUE JE NE LE PEUX PAS, IL FAUT QUE JE CROIE. »
(KIERKEGAARD)
*
Croire le Christ, c'est le vivre,
c'est croire le Verbe du Dieu d'Amour, DEUS CARITAS, et laisser son Esprit nous
vivifier.
*
Il ne s’agit pas de croire ou de ne pas croire ceci ou
cela ; il s’agit de croire et de vivre la Parole-Vie au plus profond de
soi.
Le Dieu auquel tu crois se manifeste plus dans ta façon de
vivre que dans tes discours.
*
On peut dire croire en Dieu et massacrer sans scrupules ses
semblables.
*
Faire Dieu importe plus que croire en Dieu.
*
Croire en Dieu et Le faire, c’est la même chose.
*
Je ne crois en Dieu qu’en assumant Dieu en moi, le Dieu de
charité, comme fait le Christ.
*
«JE NE CHERCHE PAS À COMPRENDRE
POUR CROIRE, MAIS JE CROIS POUR COMPRENDRE. » (SAINT ANSELME)
*
La question n'est pas: croire ou
ne pas croire. On croit toujours quelque chose. La vraie question est: que
croyons-nous? en quoi croyons- nous?
La problématique ne se clarifie
que si l'on opère soigneusement la distinction essentielle entre croire à et
croire en, entre croyance et foi. Les croyances concernent l'adhésion à des
mondes imaginaires, fantasmatiques, et la foi, la confiance en une Personne.
*
La foi exige de mourir à toutes les croyances, à toutes les
Idées du monde naturel ou surnaturel et de ne s'attacher qu'à Dieu en personne.
*
Croire vraiment, c’est croire l’incroyable.
*
Croire en l’homme sans croire en Dieu, ce n’est pas assez
croire en l’homme. Croire en Dieu, c’est croire en l’homme absolument.
*
Croire pour les autres, pour ne pas abandonner les êtres
aimés au Néant. Croire pour tous les humains. Croire en Dieu pour vraiment
croire aux êtres humains.
*
OU BIEN OU BIEN
Le choix entre les conceptions de la vie se joue sur le type
de valorisation. Que veux-tu ? Que désires-tu ? Veux-tu l’Amour ou
veux-tu la Volonté de puissance ? Veux-tu véritablement exister ou es-tu fasciné
par la dissolution dans le néant ?
*
L’aut aut fondamental : tu es au service de la Vie ou
de la Mort. Choisis.
*
Tous ces milliards de vivants qui ont vu la lumière et qui
se sont à nouveau évanouis dans le néant…Une formidable question. L’univers
n’est-il qu’une machine de mort qui
tourne dans le vide in aeternam?
L’homme moderne pense sauver le monde par l’œuvre humaine
rien qu’humaine. Illusion : la Terre moderne elle aussi disparaîtra dans
l’horrible ronde. L’homme ne peut briser
le fatum de la mort. C’est là une borne infranchissable. Seul un Dieu…C’est pourquoi
il faut ou consentir au monde qui passe ou adhérer à l’Histoire du salut. Ce
choix est l’épreuve de la foi. Et rien ne peut
t’aider dans ce choix que ton propre désir. Que veux-tu ? Veux-tu le
Néant ou veux-tu la Vie ?
*
Évidemment nous sommes toujours entre Vie et Mort et toute
notre existence est choix, choix obscur, choix jamais décidé en toute clarté.
Et le choix véritable est de s’abandonner au Dieu intérieur par-delà tout choix
humain.
*
L’enjeu de la pensée est en fin de compte le choix paradoxal
entre un choix purement humain et l’abandon de tout choix. Grosso modo
consentir au monde tel quel, monde sans Dieu, monde-machine, déterminisme pur,
fatum implacable où nous sommes pris sans recours ou s’abandonner au-delà de
toute raison au Dieu inconnaissable révélé en Christ comme Amour.
*
Le choix profond, qui ne se fait jamais en toute clarté, se joue entre la Vie qui vient du dedans et l’adoration-détestation
de l’Ordre du monde et ses conséquences inéluctables, le laminage, la mort.
*
La question dernière est toujours éthique, adhésion à une
façon de vivre. Qu'importe ce que tu crois, c'est ce que tu es, c’est ce que tu
fais qui compte.
*
On n’échappe pas au « Entweder oder » (au
« ou bien ou bien »). Tout notre être, corps et âme, y est pris
constamment.
*
Pari pascalien. Je ne parie pas
pour Dieu, pour jouir du paradis, j’adhère à l’ordre de la charité, au
« Deus Caritas », au Dieu de Jésus-Christ, que j’éprouve comme le
plus haut, le plus pur de ce que l’être humain peut vivre ici et à
jamais .
*
Le seul choix in fine : veux-tu ou non le Christ
c’est-à-dire le Dieu de charité ?
*
Le choix n’est pas entre ciel et terre, mais pour ou contre
le Christ.
*
Homme, tu n’as le choix à la fin qu’entre la folie du Néant
et la folie de Dieu.
Ou la démence du Monde ou la folie de la Foi.
Double postulation qui ne cesse de nous déchirer. L’homme
est exposé à un choix impossible. Il ne peut habituellement qu’avouer son
incohérence, son incertitude, sa perplexité et se laisser crucifier par le
questionnement.
*
Voie de la foi nue. Dans ma nuit obscure, je ne vois rien et
j’implore. Lumière imperceptible, viens à mon secours !
*
Voie de la nudité. Dépouiller l’homme de lui-même, de sa
pensée de soi-même.
Dépouiller l’homme de ses conceptions de l’homme et du
monde.
*
Ne pas croire, c'est ne pas croire assez en la Vie. C'est
croire à la fin au Néant.
L'aut aut : croire en la Vie ou croire en la Mort.
*
La question posée à chacun : désires-tu l'infini, ou te
contentes-tu du fini?
L'agnostique, lui, vient avec son "je ne sais
pas". Comment ? Tu ne sais pas si tu veux vivre? A vrai dire, tu veux
échapper à la question. Tu ne veux pas te prononcer. Mais on ne peut pas ne pas
se prononcer. Nous sommes embarqués, nous dit Pascal, personne n’échappe à la
question.
*
De quelque façon, tout existant se prononce, manifeste par
ses conduites de quel côté il penche, du côté du fini ou du côté de l'infini.
L'agnostique voudrait gagner sur les deux plans, mais en
fait reste souvent trop englué dans le fini (sans éliminer intellectuellement
la question de l'infini).
*
Voie du non-savoir. Je ne parle au nom d’aucune Autorité. Je ne parle au nom
d’aucun Savoir. Je n’enseigne rien. J’enseigne à se libérer de la dictature des
savoirs.
*
Entrez dans le Jeu. Abandonnez la pesanteur du Savoir total
et devenez liberté – ici et
maintenant.
*
De rien l’homme n’a plus de peur que de l’écroulement des
murs de son Moi qui le protègent. Le protègent de quoi ? De la liberté.
*
Il ne s’agit pas d’analyser, mais de détruire la pensée, pas
à pas, afin de délivrer le vivant enfoui derrière le comédien homme. Ne pas
analyser, mais détruire l’imaginaire (toute pensée constitue un système
imaginaire) afin de délivrer la Vie sans Image.
*
Le choix : ou
te terrer dans ton coin poussiéreux, consentir
à l'existence humaine close, c'est-à-dire
ne plus vivre, mais
végéter,
te transformer insensiblement
en lave inerte,
ou
poursuivre sans fin
la guerre,
la guerre sainte, vouloir la perpétuelle conversion,
affronter la peur,
la mort, le mystère,
l'impossible,
vivre en bête d'abîme,
jour après jour, sans que jamais ne s'use l'angoisse,
mais
avec le soleil
et la nuit pour compagnons,
mais avec
l'éblouissement et la joie, et l'angoisse toujours.
*
On ne perd pas sa liberté en croyant; bien au contraire on
gagne sa liberté en croyant en Dieu, le Libérateur.
*
Est-on libre en ne croyant rien? C'est quoi, ne rien croire? Croire au rien, croire au néant du monde?
Est-ce cela, la liberté, se vouer corps et âme au néant?
Le dernier mot de la liberté de l'esprit est-il le
nihilisme?
*
Aborder la question de Dieu
comme question existentielle de vie ou de mort, de liberté ou
d'esclavage, et non de croyances mentales.
Dieu n'est pas une question de croyance, mais de posture
face à la vie: auto-limitation humaniste ou illimitation de l'homme par
l'incarnation de Dieu.
*
Dieu est une question vitale, non
une question mentale.
*
La question: peut-on croire sans perdre sa liberté?
présuppose un état primordial de liberté humaine.
Or nous ne sommes pas libres de nature. De nature, nous
sommes les esclaves du mal et de la mort. Libres, nous ne le devenons qu'en
Christ.
En croyant le Christ, nous ne perdons pas notre liberté
(inexistante), nous la gagnons.
*
VOUS CONNAITREZ LA VÉRITÉ ET LA VÉRITÉ VOUS RENDRA LIBRES.
*
Dieu est là où tu es le plus libre, le plus dégagé des
systèmes de pensée humaine. .
*
La véritable opposition: incarcération dans l'enclos humain
ou liberté en Dieu.
*
La véritable alternative : auto-incarcération dans la
Geôle humaine ou liberté en la Parole.
*
Il faut croire pour gagner sa liberté, croire que la geôle humaine, humaniste, n'est
pas tout, croire que le sépulcre cosmique, la monstrueuse machine de mort et de
néant, n'est pas l'horizon ultime.
*
Dieu comme force qui vivifie, qui libère, et non comme force qui écrase.
*
Les hommes restent à jamais esclaves: d'eux-mêmes.
Dieu comme première et dernière liberté.
*
Dieu comme l'Unique qui singularise, qui libère les
subjectivités, et non comme l'Unité qui totalise, qui opprime sous le couvercle
collectif.
*
Nos existences de peur, peur de perdre notre petite liberté
pour une liberté infinie. Peur de l'aventure absolue à laquelle nous invite la
foi.
*
La liberté réside dans la reconquête de la part divine de
l’être humain, dans la divinisation. Le divin ne s'oppose pas à l'humain; il en
est l'accomplissement ultime, absolu.
*
Nous aimons la servitude, la soumission à nos idoles. Nous
aimons l'habitude, la répétition. Emmurés dans l'Ego, nous sommes en état
d'essentielle captivité. Le Christ vient nous libérer du règne des Dieux, ceux
du sacré et ceux du profane, et nous rendre à notre liberté de personnes. Il
fait même infiniment plus: il brise le joug de la mort et nous rend à l'infini de la Vie.
*
HOMO VIATOR
« NE DEMANDE JAMAIS UN CHEMIN À CELUI QUI LE CONNAIT.
TU RISQUERAIS DE NE PAS T’ÉGARER. » (RABBI NAHMAN DE BRATSLAV)
*
On ne trouve sa liberté que sur
des chemins d’égarement. La route tracée d’avance tourne en rond en terre
d’habitude.
*
Briser les formes, les habitudes. Sortir du connu et marcher
dans le délire lucide de l’Inconnu.
*
Le chemin ne cesse de commencer. L’aurore ne cesse de se
lever.
*
Êtres de foi, bêtes verticales
qui s'élancent, qui se mettent en chemin, allant de commencement en
commencement, lutteurs de l'énigme,
êtres qui ont les deux pieds sur terre et les mains dressées vers les
étoiles, têtes sans certitudes, sans habitudes, âmes sans vertus, créatures
équivoques, troubles, inconsistantes, mais tendues, aspirées par le Souffle.
*
« DE COMMENCEMENT EN COMMENCEMENT
PAR DES COMMENCEMENTS SANS FIN… »
GRÉGOIRE DE NYSSE
*
Sur le chemin de tout être humain,
se dresse un obstacle infranchissable, le génie consistant précisément à faire
malgré tout le « pas au-delà », à oser entrer dans la
« terra incognita » de l’esprit.
*
Ce n’est pas le voyage vers l’ailleurs qui sauve, c’est le
voyage vers le dedans. N’importe qui peut le faire, n’importe où.
*
ÉCHECS, CHEMIN VERS LA VRAIE VOIE.
Ce sont tes échecs, tes difficultés qui te mènent sur le chemin de ta vraie
voie. Ceux qui croient tout réussir restent dans l’illusion que la vraie voie,
ils la possèdent déjà et que dans cette direction ils parviendront sans
encombre à l'accomplissement.
*
« SI L’HOMME VEUT ÊTRE ASSURÉ DE SA ROUTE, QU’IL FERME
LES YEUX ET MARCHE DANS LA NUIT…
DANS LA NUIT BIENHEUREUSE SANS AUTRE LUMIÈRE CONDUCTRICE QUE
CELLE DE SON CŒUR. » (JEAN DE LA CROIX)
*
Marche
vers le lieu le plus aride
au cœur du désert,
c’est
là que se cache la Source vive,
c’est là
qu’elle jaillira si tu te mets à nu.
*
A genou,
nu,
dans la haute nef,
livré au terrible silence.
Des dalles monte
le froid de mort.
Vagues vitraux
de laiteuse nuit.
Nu,
face contre le sol,
abandonné
au vertige de nuit,
à la nuit infinie
où naissent et meurent
infiniment les mondes.
Seigneur,
quand montreras-tu ton visage?
*
CRI
Être assis des heures durant, silencieux, dans la chambre
vide,
au bord de la ville.
Contempler le paysage sous la neige.
Arbres dénudés comme des spectres
d’angoisse dans le brouillard.
La forêt de l’horreur s’approche-t-elle
dans le lointain ?
Combien de jours, combien de nuits sans
parler
attendant une parole,
seulement une parole.
Mais rien.
Un silence sans fin.
Maintenant dehors
errer des heures durant dans des
quartiers déserts,
sombre promeneur sans destination.
Des heures durant ne rencontrer âme qui
vive, aucun visage,
pas un regard amical.
En chemin interminablement dans des rues
désolées, sur des voies comme abandonnées.
Promeneur égaré perdu
dans le pays de personne.
La ville est-elle
morte ?
Est-ce la fin du monde
ou Dieu est-il en
deuil ?
Arbres noirs sur la
rive du fleuve, eaux noires.
Crépuscule couleur de
mort. Nuit et brouillard.
Vaste solitude
jusqu’aux casernes, à la gare, à la prison,
jusqu’à la rue des
prostituées
où elle rayonne la
solitude
dans les regards incendiés
de famine et de honte.
Des déchets, des
cadavres flottent dans l’eau.
Des étoiles choient derrière les tours.
*
Sois cri
maintenant
au cœur de ta sauvage réserve.
Sois cri,
cri abrupt silencieux
dans la nuit de Dieu
et attends,
attends
nu dans l'âpre,
dans l'obscur
sans chemin,
attends
le tendre éclair,
la grâce.
*
TRAVERSER L’OBSCUR,
la rouille, la mort.
Avec patience, avec courage,
avec rage.
Traverser la nuit.
Douloureusement traverser la glaise,
la gluante terre,
la terrible gluante terre,
la chair.
Lumineusement traverser
l'enfer.
Ne pas s'arrêter.
Ne jamais s'arrêter.
Ne pas se retourner.
Ne jamais se retourner.
Avancer.
Traverser.
Traverser le noir.
Dans l'absurde.
Dans le désespoir.
Encore. Encore.
Dans le délire.
Marcher.
Avancer.
Traverser, brûler le pire.
Énergie de Dieu.
Au centre.
Force axiale.
Feu.
*
Le petit d’homme doit s’arracher à la nuit originelle, au
paradis de chair maternelle et s’ouvrir à l’infini de la Parole.
*
CHEMIN DE PÉRÉGRIN. Consentir aux blessures de la vie et en
faire des sources fécondes.
*
Renoncer à soi-même pour devenir soi-même.
*
Seconde naissance: de la vie intra-utérine à la conversion.
De la fusion dans la vie (sentiment océanique) au retournement vers la Source
de vie.
*
Sortir de l’enfance : de l’adoration et de la crainte
de l’Autre tutélaire.
*
La vieillesse, plus que le déclin de la vie, en est l’épreuve
de vérité.
L’âge, c’est un de ses rares bienfaits, force au travail de
vérité, à la confrontation inéluctable avec nos limites et notre finitude.
Travail que nous avons tendance à fuir tout au long de notre existence, passant
d’une illusion à l’autre. À la fin, acculés, ou nous confessons la vérité ou
nous nous perdons définitivement dans les limbes de la non-pensée.
*
Vieillir, c’est ou se dénuder ou pourrir.
*
*
Être peu à peu dépouillé jusqu'à
l'os, voilà la tragique beauté, la lumineuse misère du vieillir.
*
Se dépouiller de toute « Weltanschauung » et vivre
le Christ dans la vie concrète. Récuser toute abstraction philosophique.
*
À la fin abandonne toutes tes petites vanités humaines rien
qu’humaines et sois enfin nu, sois enfin libre.
*
À la fin ne sois plus que désir, pure soif. Heureux les
assoiffés... Heureux les affamés... Heureux les pauvres en esprit (ceux qui
n'idolifient rien).
*
Ne cherche pas à être ceci ou cela. Laisse simplement la
Parole croître à travers toi.
*
Dès que tu crois connaître la Voie, ce n'est plus la Voie.
Dès que tu crois posséder la Formule, ce n'est plus la
Formule.
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LA VOIE ÉVIDENTE N’EST PAS LA VOIE.
QUITTE LES ÉVIDENCES.
PÉRÉGRINE
DANS L’INOUÏ.
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Pas de Formule. Se vider, toujours à nouveau. Partout, en
tout domaine, en toute matière, l'épreuve du vide, patiente érosion des
égoïtés, d'éclosion de la vie autre. Tout le temps, mort et résurrection.
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LA VIE AUTREMENT
HORS DES SENTIERS BATTUS HORS DES ORNIÈRES
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Non la vie sauvagement libre, mais la vie souplement,
simplement libre.
Non la vie statique assise, mais la vie debout, dans
l'éternité énigmatique vécue au cœur du temps.
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C'est un chemin déroutant vers l'absence de chemin. Tu
n'arrives nulle part. Tu nais à l'absence de lieu.
L'absence de lieu est la Terre Promise.
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Chacun se cherche, cherche sa
source, veut se connaitre. Cependant la source au fond de soi est
insaisissable. Le chemin vers la source est le chemin de toute notre vie et au-delà.
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Le lieu est en toi, le lieu est toi, singularité inconcevable.
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Le lieu est chaque Un, bipède habité de Verbe.
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Sois le vacant.
Sois le vagant.
N'aies pas de demeure.
Ne t'établis pas.
Fais naitre.
Fais croître.
Que ta demeure soit la Vie, non quelque édification
terrestre,
non quelque tabernacle céleste,
quelque empyrée imaginaire.
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Guérir les hommes des visions du monde et de l’outre-monde
dans lesquelles ils ne cessent de fuir leur vie, la Vie.
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ÉDUCATION. L’éducation
est éveil de l’humain en l’être humain, non imposition d’un ordre préétabli.
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Éducation : conduire de l’égoïté (nature) à la
transégoïté (surnature).
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C’est en matière d’éducation des enfants que les êtres
humains révèlent le plus leur qualité d’humanité ou son déficit.
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Dans l'éducation, le développement des qualités de cœur
m'apparaît infiniment plus important que l'apprentissage des règles sociales.
On insiste souvent sur ces dernières, faute d'être éveillé
aux premières.
Tout pour la façade et derrière le vide.
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"ÉDUQUER, CE N'EST PAS REMPLIR UN VASE, C'EST ALLUMER
UN FEU. (YEATS)
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Que rien d'humain ni d'inhumain ne te soit étranger. Sois
parfaitement naïf et parfaitement non-naïf.
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Chemin de la vie. À chaque âge, il faut apprendre son nouvel
âge si bien que la vie est un continuel apprentissage de la vie.
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