1993
28.2. Père G
dit à Mère sa satisfaction de voir L dans une famille « correcte ».
Quelqu’un
(mère M ?) demande pourquoi Mère a permis le mariage de P avec une Noire.
21.3. Cherche
H chez Marc Goeller où il a passé la nuit pour fêter l’anniversaire de son
copain. Passons chez Mère au Diaconat.
16.5. Toujours
affamé de beauté fraîche.
Ma crise de
goutte s’estompe, emmenant dans son évanouissement les autres symptômes qui me
perturbait ces derniers mois (malaise au niveau du foie, sensibilité des
ganglions sous les aisselles).
Mère. Envie d’aller
au lit. Régression. Voudrait que je ne la quitte plus. Perte des repères
temporels.
20.5. Ascension.
Mère. Petite
fille perdue devant les « étrangers ». Le masseur Schelcher.
13.6. H
m’apprend la mort du jeune Stéphane Marquez dans un accident de voiture survenu
la nuit dernière. Jacques, blessé, est hospitalisé.
L’art ne
fuit pas la condition humaine : il en manifeste la beauté et le tragique.
5.7. H :
intérêt aux vampires, au cinéma fantastique.
9.9. Pluie
incessante.
Mère dort
calmement et bouge même de temps en temps. Je ressens moins l’atmosphère de
cauchemar cet après-midi.
Elle ne
verra plus la lumière du jour. Comment est-ce possible. ?
Inacceptable,
la mort. Jamais je ne me rallierai à la sagesse terrienne de l’ordre des
choses.
Samedi 4
septembre dernier entretien avec mère.
Face au
malheur, je mesure la fragilité de ma foi. La nuit m’écrase et j’ai de la peine
à voir au-.delà.
J’essaie de
garder mon calme devant les autres, mais je pleure dans mon coin toutes les
larmes de mon corps.
Me maintenir
à la surface de la vie quotidienne et me réfugier dans la solitude pour donner
libre cours à ma peine.
Ma pensée
s’est développée depuis toujours dans l’esprit du christianisme et pourtant je
ne me sens pas vraiment un croyant.
10.9. Le
monde moderne ne donne aucune réponse au problème de la mort. Sa conception de
la vie n’aide en rien à assumer la disparition des êtres aimés.
La Modernité et son délire quantitatif ne sont
que farce du point de vue de la destinée mortelle des humains.
La Modernité n’est d’aucune aide pour
l’essentiel et c’est là son manque capital.
Je n’arrive
pas à détacher ma pensée du drame de la triste fin de mère, de ce séjour quasi
forcé à l’ARC auquel on l’a soumise. J’aurais préféré que l’accident cérébral survienne
à la maison.
13.9. Pluie
battante quasi toute la journée.
Mère.
Toujours ce sommeil paisible qui dure depuis une semaine.
Retour au
Moenschberg le soir. Mère dans le couloir. Quelle tristesse !
Un art
« contemplatif » est possible à partir des formes modernes. Dimension
peu explorée.
Manessier.
Kandinsky. Matisse. Rouault. Klee..
15.9. Mère
est morte cette nuit, vers 1h30.
Avec R, nous
nous rendons immédiatement au Moenschberg. Mère dort paisiblement, deux œillets
rouges dans les mains.
À 9h, allons
voir les TRM pour leur annoncer la nouvelle et téléphonons à MM. De là, nous
nous rendons chez Marcel.
Pompes
funèbres KIRY.
Rêve. Perdu
dans la nuit…Ville…campagne…Retour en arrière ?
16.9. Supporte
difficilement la solitude actuellement. Besoin de la présence rassurante des
autres.
18.9.
Texte dit aux funérailles de Mère.
MÈRE REPOSE
EN PAIX
Mère,
Müater,
unsri Müater.
J'ai du mal
à parler,
à dire ces
mots que tu m'as appris.
La peine
m'étreint.
Mais debout
il faut dire ton chemin,
ton chemin
d'humble gloire.
Debout il
faut dire
l'infinie
tendresse qu'irradiait ton visage
et ta
profonde stupéfaction d'être.
Enfant, tu
as connu tout le bonheur de vivre
et tout le
malheur de vivre.
Tu as vécu
la mort de la mère, de ta mère,
et ce
fut comme un glaive
transperçant
pour toujours
ton âme de
petite paysanne.
Mère, repose
en paix
dans la
maternelle tendresse de Dieu.
Jeune femme,
illuminée de ta frêle beauté,
tu as connu
les joies et les soucis
d'épouse et
de mère.
Tu as été la
compagne attentive de notre père,
le soignant
jusqu'au bout,
le pleurant
inconsolable après sa disparition.
Mère, repose
en paix
auprès de
celui que tu as rejoint,
notre père
terrestre.
Tu as été la
güata Fràj et la Mûater,
mère par
excellence,
mère pour
tout le monde,
tes enfants,
tes petits-enfants, tes brus, tes gendres,
et tous ceux
que ton coeur accueillait,
mère
sourire,
mère
confidence,
mère
courage,
mamama bonne
soupe
mamama
gâteau.
Jour après
jour, tu as fait ton oeuvre,
l'oeuvre
humble de la maison du bonheur,
la grande
oeuvre ordinaire de persévérance et d'amour,
qui vaut
mille fois celle des Importants.
Müater, tu
as accompli ton oeuvre,
repose en
paix dans la douceur de Dieu.
Tu as trimé
jour et nuit,
nettoyé,
lavé, lessivé, cuisiné, jardiné,
tenu ton commerce,
éduqué tes
enfants,
aidé ton
mari...
Tu as
traversé les fatigues, les grisailles,
les tracas
quotidiens, les faiblesses communes,
les péchés
de tout le monde,
les
angoisses, les mélancolies.
Tu as lutté,
porté, supporté.
Mère, repose
en paix dans la joie de Dieu.
2
Tu as été
celle qui donne sans mesure.
Tu voulais
secourir toutes les misères du monde,
soulager
toutes les détresses.
Tu as été la
tolérance et la générosité incarnées.
Tu as su
écouter chacun, sans jamais juger,
parler à
chacun, selon sa personnalité,
à
l'intelligent avec intelligence,
à l'esprit
borné avec indulgence,
au rabâcheur
avec patience,
au bienveillant
avec reconnaissance.
Tu as eu
compassion de toute créature souffrante,
y compris
les animaux,
le chien
abandonné, la bête martyrisée.
Tu as été le
coeur le plus ouvert, le plus aimant,
le coeur le
plus blessé
par tout le
malheur du monde.
Mère, repose
en paix
auprès
du Dieu Consolateur.
Tu as marché
dans la nuit,
la nuit des
doutes,
la nuit des
questions crucifiantes,
pourquoi le
mal,
pourquoi la
mort,
pourquoi la
souffrance des enfants innocents.
Tu te
croyais la plus indigne,
la pauvresse
sans défense qui ne sait rien
devant le
grand mystère.
Tu as marché
dans la nuit.
Mère, repose
en paix
dans le Dieu
de lumière.
Tu as cru au
Bon Dieu,
au Dieu de
bonté.
Tu as cru
comme une enfant
en l'Amour
qui surpasse tout.
Mère, repose
en paix dans la candeur de Dieu,
et aide-nous
à croire l'incroyable,
que l'Amour
est plus fort que la mort,
que tout est
grâce,
qu'à jamais
tu es vivante en Dieu
et au plus
intime de chacun d'entre nous
qui te
chérissions.
Mère, repose
en paix
dans l'aube
éternelle du Christ ressuscité.
Mère,
repose en paix.
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