9.9.15

LABYRINTHE DES JOURS 1993





1993

28.2. Père G dit à Mère sa satisfaction de voir L dans une famille « correcte ».

Quelqu’un (mère M ?) demande pourquoi Mère a permis le mariage de P avec une Noire.

21.3. Cherche H chez Marc Goeller où il a passé la nuit pour fêter l’anniversaire de son copain. Passons chez Mère au Diaconat.

16.5. Toujours affamé de beauté fraîche.

Ma crise de goutte s’estompe, emmenant dans son évanouissement les autres symptômes qui me perturbait ces derniers mois (malaise au niveau du foie, sensibilité des ganglions sous les aisselles).

Mère. Envie d’aller au lit. Régression. Voudrait que je ne la quitte plus. Perte des repères temporels.


20.5. Ascension.
Mère. Petite fille perdue devant les « étrangers ». Le masseur Schelcher.


13.6. H m’apprend la mort du jeune Stéphane Marquez dans un accident de voiture survenu la nuit dernière. Jacques, blessé, est hospitalisé.

L’art ne fuit pas la condition humaine : il en manifeste la beauté et le tragique.

5.7. H : intérêt aux vampires, au cinéma fantastique.

9.9. Pluie incessante.

Mère dort calmement et bouge même de temps en temps. Je ressens moins l’atmosphère de cauchemar cet après-midi.

Elle ne verra plus la lumière du jour. Comment est-ce possible. ?

Inacceptable, la mort. Jamais je ne me rallierai à la sagesse terrienne de l’ordre des choses.

Samedi 4 septembre dernier entretien avec mère.

Face au malheur, je mesure la fragilité de ma foi. La nuit m’écrase et j’ai de la peine à voir au-.delà.

J’essaie de garder mon calme devant les autres, mais je pleure dans mon coin toutes les larmes de mon corps.

Me maintenir à la surface de la vie quotidienne et me réfugier dans la solitude pour donner libre cours à ma peine.

Ma pensée s’est développée depuis toujours dans l’esprit du christianisme et pourtant je ne me sens pas vraiment un croyant.


10.9. Le monde moderne ne donne aucune réponse au problème de la mort. Sa conception de la vie n’aide en rien à assumer la disparition des êtres aimés.
La Modernité et son délire quantitatif ne sont que farce du point de vue de la destinée mortelle des humains.
La Modernité n’est d’aucune aide pour l’essentiel et c’est là son manque capital.

Je n’arrive pas à détacher ma pensée du drame de la triste fin de mère, de ce séjour quasi forcé à l’ARC auquel on l’a soumise. J’aurais préféré que l’accident cérébral survienne à la maison.

13.9. Pluie battante quasi toute la journée.

Mère. Toujours ce sommeil paisible qui dure depuis une semaine.

Retour au Moenschberg le soir. Mère dans le couloir. Quelle tristesse !

Un art « contemplatif » est possible à partir des formes modernes. Dimension peu explorée.
Manessier. Kandinsky. Matisse. Rouault. Klee..


15.9. Mère est morte cette nuit, vers 1h30.
Avec R, nous nous rendons immédiatement au Moenschberg. Mère dort paisiblement, deux œillets rouges dans les mains.

À 9h, allons voir les TRM pour leur annoncer la nouvelle et téléphonons à MM. De là, nous nous rendons chez Marcel.

Pompes funèbres KIRY.

Rêve. Perdu dans la nuit…Ville…campagne…Retour en arrière ?


16.9. Supporte difficilement la solitude actuellement. Besoin de la présence rassurante des autres.

18.9.
Texte dit aux funérailles de Mère.

MÈRE REPOSE EN PAIX

Mère,
Müater, unsri Müater.
J'ai du mal à parler,
à dire ces mots que tu m'as appris.
La peine m'étreint.
Mais debout il faut dire ton chemin,
ton chemin d'humble gloire.
Debout il faut dire
l'infinie tendresse qu'irradiait ton visage
et ta profonde stupéfaction d'être.
Enfant, tu as connu tout le bonheur de vivre
et tout le malheur de vivre.
Tu as vécu la mort de la mère, de ta mère,
et  ce fut comme un glaive
transperçant pour toujours
ton âme de petite paysanne.
Mère, repose en paix
dans la maternelle tendresse de Dieu.
Jeune femme, illuminée de ta frêle beauté,
tu as connu les joies et les soucis
d'épouse et de mère.
Tu as été la compagne attentive de notre père,
le soignant jusqu'au bout,
le pleurant inconsolable après sa disparition.
Mère, repose en paix
auprès de celui que tu as rejoint,
notre père terrestre.       
Tu as été la güata Fràj et la Mûater,
mère par excellence,
mère pour tout le monde,
tes enfants, tes petits-enfants, tes brus, tes gendres,
et tous ceux que ton coeur accueillait,
mère sourire,
mère confidence,
mère courage,
mamama bonne soupe
mamama gâteau.
Jour après jour, tu as fait ton oeuvre,
l'oeuvre humble de la maison du bonheur,
la grande oeuvre ordinaire de persévérance et d'amour,
qui vaut mille fois celle des Importants.
Müater, tu as accompli ton oeuvre,
repose en paix dans la douceur de Dieu.
Tu as trimé jour et nuit,
nettoyé, lavé, lessivé, cuisiné,  jardiné,
tenu ton commerce,
éduqué tes enfants,
aidé ton mari...
Tu as traversé les fatigues, les grisailles,
les tracas quotidiens, les faiblesses communes,
les péchés de tout le monde,
les angoisses, les mélancolies.
Tu as lutté, porté, supporté.
Mère, repose en paix dans la joie de Dieu.
                                                                                                                                     2
Tu as été celle qui donne sans mesure.
Tu voulais secourir toutes les misères du monde,
soulager toutes les détresses.
Tu as été la tolérance et la générosité incarnées.
Tu as su écouter chacun, sans jamais juger,
parler à chacun, selon sa personnalité,
à l'intelligent avec intelligence,
à l'esprit borné avec indulgence,
au rabâcheur avec patience,
au bienveillant avec reconnaissance.
Tu as eu compassion de toute créature souffrante,
y compris les animaux,
le chien abandonné, la bête martyrisée.
Tu as été le coeur le plus ouvert, le plus aimant,
le coeur le plus blessé
par tout le malheur du monde.
Mère, repose en paix
auprès du  Dieu Consolateur.
Tu as marché dans la nuit,
la nuit des doutes,
la nuit des questions crucifiantes,
pourquoi le mal,
pourquoi la mort,
pourquoi la souffrance des enfants innocents.
Tu te croyais la plus indigne,
la pauvresse sans défense qui ne sait rien
devant le grand mystère.
Tu as marché dans la nuit.
Mère, repose en paix
dans le Dieu de lumière.  
Tu as cru au Bon Dieu,
au Dieu de bonté.
Tu as cru comme une enfant
en l'Amour qui surpasse tout.
Mère, repose en paix dans la candeur de Dieu,
et aide-nous à croire l'incroyable,
que l'Amour est plus fort que la mort,
que tout est grâce,
qu'à jamais tu es vivante en Dieu
et au plus intime de chacun d'entre nous
qui te chérissions.
Mère, repose en paix
dans l'aube éternelle du Christ ressuscité.
Mère, repose  en paix.
                                          









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