11.11.15

LE JEU DES JEUX Haut Jeu (2)


LIVRE DE VIE




CHANT DU NAÎTRE


ventre
chaud comme le pain
glaise tendre où couve la vie
abri de sang

marées de rêves roses

ténèbre tiède qui doucement remue

vase de viscères

demeure mouvante molle murmurante

fluide habitation

nuit de neige silencieuse

de muettes cosmogonies



tiédeurs traversées de forces obscures

 de rougeoiements

 éclosions infimes


floraisons de formes frêles

de fleurs de matières délicates

chimie subtile

chant de chair

jubilation secrète

argile de joie glaise de miel

vagues lueurs d’aube


dans la forêt d’artères de glandes d’organes


surgissant des fouillis d'astres
des ténèbres minérales
de la joie calme des herbes
du fleuve des vivants
du profond rêve de vie de l'espèce humaine
surgissant de la chair
des entrailles de la femme
et du feu féroce de l'homme
surgissant de la vulve d'ombre
vers la lumière
infime vie
noyée dans la vie infinie
et cependant visage unique
incomparable incarnation
de l'éternel surgissement



tu entends le murmure sourd du sang

la rumeur de la mer

le bruit de soie des caresses

prodiguées par des mains aimantes

à la mouvante colline du ventre

parfois tu t’enlises

dans de longs sommeils liquides

nages paisibles parmi des poissons souples

d’immenses silences te portent

comme des eaux

d’immenses vagues de paix te bercent

et tu nages et tu voles

les voies lactées se croisent avec les ailes

lueurs d’aube

douces cataractes oranges et bleutées


le silence est ma demeure
et les calmes mouvances
loin de vos fureurs
loin de vos stridences
étranges bêtes perdues
dans le vertige du monde


 Bonheur de t’attendre

Bonheur de t’imaginer

D’imaginer ta vie fragile entre nous

Ton premier cri

Ton premier sourire

Tes regards étonnés

Tes gestes maladroits

Et nos émois

Nos peurs

Nos joies

Bonheur d’attendre

Jour après jour

Bonheur de rêver

A cette vie qui commence

Humble

Miraculeuse





fontaine où encore une fois

nous boirons l’enfance

par toi encore une fois nous apprendrons à voir

fontaine seront tes regards de l’éternelle enfance

de la peur éternelle et de l’éternelle quête


la vie est devant toi comme un jardin d’énigmes

la vie est devant toi comme une maison fraîche

toute pleine d’espoir et de secrètes ombres




Pour fêter ta naissance

Je convie les mots les plus beaux

Je convie les ailes des papillons

Je convie la transparence des cristaux

Je convie le bleu tendre des horizons

Je convie la gloire des soleils

Je convie les secrètes merveilles

Des étangs et des bois

Je convie le chant de joie

Le chant de mélancolie des terrestres saisons

Je convie la splendeur des floraisons

Je convie la neige dansant dans le silence

Je convie toute la beauté du monde

Qui d'allégresse surabonde

Pour chanter ta naissance



Un enfant nait

et c'est l'humanité toute entière qui se renouvelle.

Ce sont des yeux qui verront plus resplendissantes

la lumière du monde, la neige et les étoiles.

Ce sont des narines qui humeront plus délicatement

les senteurs des fleurs, les arômes des fruits et la profonde odeur de la terre humaine.

Ce sont des oreilles sans cesse aux aguets

qui s'ouvriront avec plus d'acuité

aux bruits et aux rumeurs des champs et des villes,

et aux murmures bleus du silence.

Ce sont des lèvres qui goûteront avec plus de finesse

les breuvages et les nourritures terrestres.

C'est une bouche qui réinventera

le parler usé des humains et les éternels mots d'amour.

C'est un esprit curieux qui repensera

les choses d'ici-bas avec une fraîcheur matinale.

C'est un cœur qui battra plus intensément

pour la liberté, la vérité, la justice.

Ce sont des mains qui renouvelleront

les gestes du labeur et de la tendresse.

Ce sont des pieds qui arpenteront avec une neuve allégresse

la surface de la planète.

C'est un corps croissant

pour des chemins inédits parmi les hommes et les femmes.

C'est un visage unique

se levant face au soleil

et venant plein d'attente

à la rencontre de ses frères er sœurs en humanité.

C'est un désir d'être et d'aimer,

un feu fertile qui recommence la vie.





UNSPRACHE


ich kann nicht sprechen

alles dunkel


Sonnennacht


Nachtsonne

Nebel

ich bin das ewige Kind

Infans

ich zottere

wo das Leben ?

schon sterbe ich

schon versinke ich im Ozean des Nichts

ist am Ende  das Wort ?


ist am Ende Gott ?



 


CHANSON DU SIMPLE


Je ne suis ni savant ni roi.
Frères humains, je suis le simple.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Qu'éclot la lumière tout humble.


Je ne pèse pas d'un grand poids,
Frères humains, dans vos affaires.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que le jour ouvre ses paupières.

J'ai du mal à suivre vos voies.
Frères humains, je suis l'obscur.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que le ciel se déploie si pur.

Au chapitre je n'ai pas voix.
Frères humais, je parle peu.
Et pourtant c'est aussi pour moi
Que l'azur brûle ivre de bleu.



AUTRE CHANSON DU SIMPLE

Je ne sais pas pourquoi,

pourquoi le ciel est bleu.

Je ne sais pas de quoi,

de quoi est fait le feu.


Je ne sais pas s’il y a

un ciel avec un Dieu.

Je ne sais pas où va

l’âme, quel est son lieu.


Je ne sais rien de rien,

rien de moi, rien de toi,

rien du mal, rien du bien,

et je demeure coi.



RÉVEIL

Cris pourpres du coq à l'aurore.
Les enfants sommeillent encore.
Dans la pénombre bleue des chambres,
l'aube vient caresser leurs membres.


Et puis voici que la lumière
vient soudain noyer leurs paupières
lorsque la matinale sœur
ouvre les volets aux fraîcheurs
étincelantes du matin
montant des rues et des  jardins.




A TRAVERS LA CLÔTURE ENVAHIE DE LISERONS


A travers la clôture

envahie de liserons,

j’épie la fraîche fille


qui arrose les salades

dans le jardin voisin.





BRAISE SECRETE


Dire. Il  faudrait pouvoir
dire. Cette chose indicible.
Dire cette chose la plus simple,
la plus prodigieuse.
Etre là. Ensemble.
Nous. Connivence heureuse.
Avec les saisons, les jours, les nuits.
Avec le ciel de miel ou de suie,
et la lumière.
Etre là. Avec les maisons, les arbres,
les montagnes bossues au loin.
Les oiseaux qui traversent aventureux
la vitre crépusculaire.
Avec les odeurs, les choses familières,
la table, l'assiette, le livre,
les portes entrebâillées sur le silence
apaisant des chambres.
Etre ensemble. Dans le calme
des soirées terrestres.
Visages se regardant,
dévisageant la vie,
les sourires, les mélancolies.
Là. Ensemble.
Dans l'incertitude du temps.
Dans le bref instant débordant
de lumière.
Dire. Pouvoir dire ce mystère
Infiniment simple : vivre.
Pouvoir dire parfois
ces mots qui délivrent
de la grise poussière des jours
et font aimer.
Il faudrait pouvoir dire
ce que pudique, malhabile,
l'on n'ose jamais dire.
La braise secrète de l'amour.

                               DIRE CE MYSTÈRE
                                          INFINIMENT SIMPLE                    
                         VIVRE


COMPLAINTE DES JOURS D'AMOUR DES NUITS D'ORAGE ET
AUTRES LAPS DE TEMPS

Il y a des jours, il y a des nuits,
tendres saisons et temps maudits.

Il y a de limpides aurores;
fraîches les vierges les amphores.

Il y a parfois des matins vastes
où les regards éclosent chastes.

Il y a de lentes journées pâles;
douceur des rêves et des châles.

Il y a de souverains midis;
on étreint nu le feu de vie.

Il y a des hauts moments de fièvre
quand l'aveu fou brûle les lèvres.

Il y a des soirs, langueurs de brume,
où les coeurs saignent d'amertume.

Il y a de lourds laps de colère
parmi les fadeurs ménagères.

Il y a des nuits, des nuits de rage
où les corps hurlent dans l'orage.

 Il y a des nuits rouges de crime;
l'amour y côtoie les abîmes.

Il y a des nuits sombres déserts,
chambres closes pour solitaires.

Il ya  des ères de détresse
dans les ruines de la Promesse.

Il y a des ans s'effilochant
dans la fugacité des vents.

Il y a des jours, il y a des nuits
saisons d'amour et temps d'oubli.






FEUILLES D'AUTOMNE

Les feuilles folles
du mol automne
valsent et volent
dans les matins qui sonnent.


Feuilles de pluie,
pluie de pommes.
On pleure, on sourit.
Vive les petits hommes
qui s'en vont à l'école!





SOIR D'HIVER


Dehors on voit de furtifs cortèges


passer dans la tourmente de neige.


Dedans la maison est chaude,


la vie certaine.


La mère dans l'ombre brode


et l'enfant de son haleine


couvre la vitre de buée.


Sans fin se traîne


douce, dense, la soirée.





DANS LA HUTTE AUX ASPHODELES

Dans la hutte aux asphodèles,
le ciel s'infiltre agile
comme une aile
entre deux tuiles,
rai de lumière
incendiant les poussières
jusqu'au sommeil
du vieux fol
recroquevillé sur le sol
près d'un chien en éveil.






LA MAISON QUI DERIVE

Dans la lumière mate
du jour d'automne,
l'enfant s'abandonne
aux imaginations.
Une mer de ouate
environne  la maison.
Des hautes nefs la traversent
comme dans un rêve,
très lentement,
embarcations énigmatiques
d'où émanent des musiques.
Et parfois des visages extasiés
apparaissent aux hublots,
regardant l'enfant en sarrau
avec des grands yeux d'éternité.
Et la maison aussi
se met à naviguer
jusqu'au bord du ciel,
accompagnée par le carrousel
des oiseaux familiers.
Elle dérive dans la brume bleutée,
elle danse, danse au-dessus des arbres,
au-dessus des clochers.
Et l'enfant dans la cuisine
caresse l'échine
du chat qui ronronne d'aise
en lapant le lait dans son bol.
Et la table, les chaises
doucement glissent sur le sol.
Et la maison, bercée par la houle de lumière,
gagne le large et là-bas, loin des pôles,
s'illumine de splendeur hauturière.



L'ENFANT DE CHOEUR QUI PISSE

C'est le matin.
Les lys
se dressent dans le jardin
du presbytère.
Un enfant de chœur pisse
au soleil, sa robe rouge relevée,
écartant les jambes.
L'urine savonneuse fait des bulles
s'en allant légères au gré de la brise
éclater contre les vitraux poussiéreux
de la vieille église.





PRES DES HLM LE SOIR


Le sirop de guimauve de vesprée
dégouline sur les façades couleur crème
des HLM
et sur les parkings où traînent
des pneus usagés.
Des gamins shootent dans des ballons crevés.
Au pas des portes,
des bonnes femmes en tablier colportent
les derniers ragots
du patelin
tandis que des marmots
braillent dans les landaus
gardés par des clebs aux yeux mi-clos.




SOIR DANS LA CUISINE

Odeur de concombre
dans la cuisine.
Le jour décline.
La maison s'emplit d'ombre.
Le père rentre de l'usine,
l'air sombre.

                                         


        

DAS BLAUE BORDELLHAUS

Dunkle Bäume schlafen
um das blaue Bordellhaus
am Rande der Stadt.
Alles ist unendlich einsam
in der Sonne der Misere.
Der Hunger brennt.
Und hinter der Mauern
schlummern die Frauen.







NULHUSA ou le chant de la négapole

On peut naître à Nulhouse,
autrement dit nulle part,
quelque part entre Alémanie, Welchie, Helvétie,
entre Vater Rhein et plantureuses croupes vosgiennes.
On peut naître, on peut vivre à Nulhouse,
Nilhüsa l'alsacienne, la suisse,
Nulhausen l'allemande,
Mielouze la française,
Bab el Malhouss la maghrébine...
On peut vivre, on peut rêver à Nulhouse
sous les soleils tournoyants des désirs.
On peut être seul à Nulhouse,
seul comme Rimbaud au Harar,
seul comme Kierkegaard à Copenhague,
seul comme Kafka à Prague.
On peut être seul, on peut rêver à Nulhouse
et se perdre entre  les ethnies, entre les patries,
entre les langues, entre les religions et les sectes,
entre les empires millénaires et les libres républiques.
On peut s'égarer à Nulhouse la plurielle,
dans l'assemblage hétéroclite des faux styles architecturaux,
faux clochers à bulbe et fausses flèches gothiques,
façades Renaissance et tours futuristes.
On peut se dissoudre dans la non-ville,
"la ville rapiécée",
la ville éclatée en lambeaux de prose,
en haillons de rage.
On peut inexister à Nulhouse la Négapole,
district dispersé de la Banlieue planétaire.
Et paradoxalement on peut se sentir bien à Nulhouse,
loin des arrogantes Babylones;
on peut respirer à l'aise à Nulhouse,
loin des hauts lieux du Pouvoir et de la Pensée,
loin des Parlements et des Académies.
En ce lieu nul
où le poids des prestigieux monuments n'écrase pas,
où l'éclat des glorieuses présences n'éblouit pas,
dans les rues désolées de la cité suprêmement ordinaire,
on peut parfois déambuler d'un pas léger, d'un pas dansant,
tout près de l'épicentre fluide du désastre

de la négapole mondiale.
On peut aller à Nulhouse, aller  vers nulle part,
passant passablement extasié,
livré aux jubilations de l'universelle banalité.








NARRAGONIA


S Elsàss esch a Nàrralànd,


S Lànd vum Hàns im Schnoggaloch, vu dr ewiga Unfreedaheit. Wàs mr han dàs wan mr net un wàs mr wan dàs han mr net. Wenn Sunna schient wan mr Raga, wenn s ragend wan mr Sunna. Wenn s Elsàss sech kàt vereiniga wan mr zwei bliewa, Ower- un Unter-Elsàss; wenn mr zwei sen wan mr a einziges Elsàsslànd.




S Elsàss esch a Niamàndslànd,


S Lànd wu sech d Iwohner emmer weder froga: wer sen mr denn? Frànzosa? Alemànna? Europäer? Mr sen net im Ennra. Wu sen mr denn? Emmer sen mr àm Rànd. Ràndmenscha  zwescha Ditschlànd un Frànkrich. Unsri eigena Sproch, unser Gedachtnis, unser Harz han mr schu làng vererrt.




S Elsàss esch a Putzfummellànd.

Mr faga, mr rüüma uf, mr wascha, mr putza. Alles müass süfer se. Ordnung, Ordnung esch s hàlwa Lawa, àwer oï dr hàlwa Tod. Mr lawa emmer mehr in ra betoniarte, àbgràsiarte Làndschàft, un oï emmer mehr in ra versoïta Nàtür.Soll dàs heissa dàs dr Ordnungswàhn oï a gwessa Todeswàhn esch?




S Elsàss esch a gross Disneylànd,


a wites Ecomusée,a Art Schlàràffalànd, Heimet vum Kugelupf, Sürkrüt, Riesling, vu da kentschliga Storcka un da Garta-Zwarga, vu da Wianachtsmarkta un da Labküacha-Hieser, vum scheena Schien un owerflachliga Spàss.




S Elsàss esch a Jàmmertal.


Mr jommra, mr handla ewer àlles un ewer nix, ewer d Walscha, ewer d Schwowa, ewer d Schwitzer, ewer d Aràwer un d Ziginer, ewer s kàlta Watter, ewer d Hetz, ewer s diera Lawa, d Regiarung, ewer àlles un nix. Els-Hàss-Lànd werd mankmol unsri Heimet met unsra schrecklicka anga Gedànka, met unserm Hàss vu da Andra, d Hargloffena, dia wu a betzi dunkel sen, a betzi drackig, a betzi stenka un mer sen ïo so süfer, so àstandig unter uns.




S Elsàss esch a Nàrrascheff.


Im Delirium vum moderna Haschta han mr unser Geischt verlora. Verlofa han mr uns in da Bànka, in da Supermarkta, in da Fàwereka, uf da Autobàhna. Mr sen àlli ufm Nàrrascheff vum Sebastian Brànt un fàhra noch Nàrragonia, d Unheimet vum totàla Wàhn wu d hohla Fàsenàchts-Màska met dem Tod tànza.




 Werd àlles anda met ra fàwelhàfta Wàlpurgisnàcht um Fassena, met m a grossàrtiges Fierwark ewer d gànza Ewena zwescha Vogesa un Schwàrzwàld? Werd àlles àm And zum Teïfel geh? Kàt s Nàrrascheff noch umkehra?





NARRAGONIEN



Kennst du das Land wo der Wahnsinn blüht?


das Wunderland des Unsinns wo drei und fünf elf machen, wo die Bäume im Winter in voller Blüte stehen, wo die Tiere sprechen und die Menschen bellen, wo die Steine heulen und die Blumen singen, das Land Utopia wo die Bettler  Könige sind und die Könige  Bettler, wo die Toren Weisen sind und die Weisen  Toren.  

Kennst du das Land wo das Masslose blüht?

wo die Menschen sich in der Habgier verloren haben und nur noch unersättliche Götzen anbeten, Goldfieber, Wohlstand, Spass; das Land wo die lebendige Herz- Sprache schon längst verstummt ist und nur noch Schein und oberflächliche Ordnung ohne Geist regieren .




Kennst du das Land wo die Eitelkeit blüht?


wo die listigen Prominenten ihren Spektakel spielen, die Herrn Presidenten, Intendanten, Professoren, Generäle, Prelaten, Politiker.Sie schwingen leere Reden, unendliches Geschwätz, gestikulieren, schneiden wichtige Fratzen, doch sind sie nur Clowns, Ubu Könige von unserer Apokalypse.




Kennst du das Land wo die Gewalt blüht?


wo in den verödeten Vorstädte die Autos nachts in Flammen stehen, wo die verwahrloste Jugend, die Generationen ohne Arbeit und ohne Hoffnung, die Feste der Zerstörung feiern.




Kennst du das Land wo die grosse gespenstische Angst blüht?


Unterm unerschütterrlichen Sternentanz, jetzt, in unseren wirren Zeiten des Zweifels und der Krisen wo alles aus den Fugen geht, in unseren verwüsteten Glaubenswelten, erleben wir die Angst des Verfalls, des Untergangs im Chaos, die Angst der finstren Zukunft ohne Gott. Graue Blumen des Übels, schwarze Sonne der Melancholie erscheinen den Verzweifelten.




Kennst du dieses verrückte Land?


Narragonien heisst es, die Gegend  zwischen falschen Märchen-Burgen und vergiftetem Fluss der Walküren, da wo der uralte Paradies-Garten allmählich in klimatisierte Hölle verwandelt wird.


Narragonien heisst es, das verrückte Land, und umschlingt jetzt die ganze Welt zwischen Himmel und Hölle.




Auf dem Narrenschiff Sebastian Brants sind wir unvermeidlich eingeschifft und segeln ins Unbekannte voll Fragen und Schrecken. Wird ein Stern am Himmel uns Zeichen machen?




NARRAGONIE


J’habite un pays de folie,

une planète qui a perdu le nord, où  au cœur du vide vibrant de signaux et de chiffres des foules hébétées, houle hagarde, tournent en rond comme des captifs pour à la fin se précipiter aveuglément dans le gouffre du néant.   


J’habite un pays de nostalgie


où la magie des enfances légendaires, des liturgies naïves, s’est évanouie dans les cités-clapiers, sur les friches industrielles, les bretelles d’autoroutes. 


J’habite un no-man’s-land,


confins d’absence, de mutisme, immense continent incontinent de l’ubiquitaire banlieue, lieu nul, désolé, jubilant de l’extrême banalité, tout près de l’épicentre omniprésent du Désastre mondial.


 J’habite un pays d’incandescence,


une géhenne de fulguration, de béton, de métaux, d’enseignes lumineuses, de vacarme de machines, de cathédrales d’acier bourrées de marchandises ; un royaume de détresse, une terre de transe où des génies adolescents jettent extatiques leur cri désespéré aux micros des orgies rock’roll et puis meurent dans la fleur de l’âge.



J’habite un pays de violence

où des hordes barbares ravagent des banlieues incendiées, anges motocyclistes en blousons noirs surgis de la nuit pourpre renversant sur leur passage les statues des dieux, massacrant clodos et putes sur les parkings déserts, les terrains vagues, tornades de fureur se perdant dans l’aube blême.



J’habite un pays de malédiction et d’absurdité

où comme des éclairs noirs ne cessent de frapper la misère, le malheur, la mort insensés, et des atrocités sans nom, meurtres de masse, génocides, démoniaques grimaces de l’immonde.


 

J’habite un pays de vertige

où les Normaux sont les Fous, piètre engeance parquée dans ses routines peureuses et sa vile médiocrité, et où les Fous sont les aventuriers de la vraie vie,  hallucinés sacrés,  voyants prophétiques. 


J’habite un pays d’inextinguible infini désir.

Pressentiment d’un soleil inouï par-delà les errances sempiternelles de raison et folie.


J’habite un pays de sainte déraison : son nom est Poésie.






MANIFESTE DU POETE




je me lève
et je déclare
aux assis
aux assoupis
aux endormis
aux ectoplasmes
oui je déclare
clairement
distinctement
hautement
que je suis poète
les mots brûlent dans mes entrailles
les mots saignent en moi
les mots m'enivrent
comme de l'alcool
et je déclare aux fleurs
je vais glorifier votre humble merveille
et je déclare aux oiseaux
je vais rivaliser avec votre mélodieuse légèreté
et je déclare aux étoiles
je vais  illimiter la voie lactée
en galaxies de rêve
et je déclare aux pitoyables humains
sourds à la poésie
fermés au chant profond des vivants
je vais ouvrir de force vos oreilles
je vais sensibiliser vos cœurs et vos tripes
au Verbe vertigineux 
du visible et de l'invisible
du tragique et de la joie
de la vie et de la mort 



DANS LES PARKINGS SOUTERRAINS

Sale
le sexe dans les parkings souterrains
où de petites salopes aux lèvres fardées
sucent les bites turgescentes
des jeunes voyous tandis que
dans les oreilles rugissent les walkmans.
Une voiture passe éclairant
un gaillard à blouson de cuir clouté
qui sodomise une adolescente noire
affalée sur un capot.
Une voiture s'arrête.
Le garçon se tourne vers les phares
qui l'éblouissent.
Il brandit son sexe et
arc-bouté se branle,
bramant comme un fauve.
Des gars masqués descendent du véhicule,
s'approchent lentement du hurleur forcené
et l'abattent.





DANS LA CAVE AU CRAPAUD

le garçon lèche la succulente colline  de lait
entre  les cuisses de miel
des filles qui lèvent haut leur robe bleu-ciel
dans la cave au gros crapaud laid
et puis les filles accroupies pissent
sur la bête que le garçon met au supplice
avec un noir dur bâtonnet


AU-DESSUS DES AUTOROUTES

au-dessus des autoroutes
du flot fumant des véhicules
du chaos des constructions
des parkings des supermarchés
des usines des gares
au-dessus des lampadaires
des grues des échafaudages
des derricks des chevalements des tours
dans l'immensité bleu-rose
de l'aube
le pur croissant de lune





GRANDS TRAVAUX


sur les continents


entre les océans gris de chevelures SARGASSES


les vastes chantiers chuintent au soleil


NATIONAL AERONAUTICS AND SPACE ADMINISTRATION


tendre bruissement se déployant en diaprures duveteuses


venant se mêler au chant de salive des flots


                                                       

et sur les péninsules


vrombrissent les camions dans l'aube de fraise


frangée de palmes


les trains trouent la rêverie ronde des troupeaux


traversent les gares


le poitrail frémissant de longs lambeaux de bave


s'arrêtent au flanc des usines dévoreuses de métaux




des molécules de rêve s'évadent parfois en bulles brèves


des hangars assourdissants


des bureaux abrutissants


PARADISE NOW vers les plages les bars les juke-box les drugstores


les cinémas les blondeurs les rondeurs


le nirvâna des week-ends ocellé de lubricités suaves


les pylônes nagent dans le soleil


les radars rient aux éclats dans le ciel turquoise


tourbillonnant de tourterelles


les piles électriques flottent sur des fleuves de parfums


les labyrinthes conduisent à des sous-sols verdâtres


aux odeurs d'orange et d'encens 

        

                                                                                                                       



JUSQU'A CE QUE LA NUIT SE DECHIRE

Les demeures d'ombre
se dressent nues
dans les lointains automnes.
La pluie ruisselle drue
sur les carreaux noirs
où grimacent les visages de la peur,
spectres qui se lèvent
des lits  d'amour et de mort
et qui dansent masqués
autour des tables chargées
de chairs sanglantes
et qui hurlent la folie
sur les terrasses
jusqu'à ce que la nuit
se déchire de pitié





ROUGE SOMBRE

dans la cuisine sombre
elle écarte ses cuisses
la viande saigne soleil
disparaîssant derrière les collines

où les morts se lèvent avec la nuit
nue elle les regarde
descendre vers la maison
l'enfant mange dans l'obscurité






AUX RUMEURS DES GUERRES LOINTAINES


Le poulailler s’endort


aux rumeurs des guerres lointaines.


Tu t’es assoupie dans la cuisine.


Demain nous nous lèverons tôt.


Nous accrocherons nos tristesses


Au clou rouillé de la porte.


Nous prendrons pelles et pioches


pour enfouir ce peu de peur


là où pourrissent les dernières tomates.


Et les portes, les planchers, les os,


tout fera silence.


Longtemps les plantes pourriront.


La table et le lit se couvriront de neige.

Des larmes tomberont sans arrêt dans la cendre

et des explosions de gloire parfois

éblouiront nos yeux entre les vastes sommeils

dans la tiédeur terne de la cuisine.

Et puis un matin on nous cherchera

comme si nous étions morts.

Il neigera encore sur les jardins et les basses-cours,

mais l’air sera d’une clémence printanière

et les rumeurs s’éloigneront

comme une mer bourdonnante

laissant à nu nos blessures

grandes lèvres béantes de verdure

parmi les vergers noirs.

le visage barbouillé de sang



ATTENTE DE LA NUIT

Long jour de l'homme entre les arbres et les pierres.
La paisible  respiration et les lentes paupières du vieillard
attendent la venue de l'ombre près de la porte entrouverte.
Un enfant fort comme l'éternité
dans le fragile abri de son corps
avance sur le chemin.
Lointain matin oublié derrière la forêt des ans,
lointaine chaleur remémorée sous les cendres du temps.
Le regard du vieillard suit
le jeune promeneur que la lumière dissout
là-bas près des buissons.






TERRIBLE MONOTONIE TERRESTRE


grisailles routines

terrible monotonie terrestre

vagues jours de l’homme
travailler manger dormir travailler
parfois une lueur un éclair de beauté
grisailles lourdeurs doutes déchirures
morts absurdes
terrible machine de l’univers
qui broie les vivants précaires
 




NUIT D’ANGOISSE


Nuit d’angoisse


dans les caves blanches de l’insomnie.


On entend des aboiements, des râles, des cris,


et au loin dans l’opacité pluvieuse


des trains scandant leurs courses haletantes.


Tu regardes tes mains tremblantes,


tu te tâtes le pouls.


Et la mort se terre dans les recoins poussiéreux


comme une sale goule


prête à bondir au milieu de la pièce


pour t’égorger au bas de ton lit.


       nuit d'angoisse

dans les caves

              blanches

                                de l'insomnie

on entend des aboiements

                                         des râles

                                                des cris

        et au loin dans l'opacité

                                              p

                                                 l

                                                   u

                                                     vieuse

des trains scandant



                                       leurs courses

                                                                 ha                                                

         le      

              tantes



                        ET LA MORT SE TERRE


DANS LES COINS POUSSIEREUX


                                         COMME UNE SALE GOULE



                           PRÊTE


           A   BONDIR     POUR              

                                                  T'EGORGER






L'ASTRE NOIR


Dehors luit

l'astre noir

derrière les branches jaunes.

Lente est la nuit

où de désespoir

s'étouffe le cri

de l'enfant aphone

regardant assis sur son lit

la face terrible qui sourit.



LUGUBRE



Lugubre


hulule


sous la lune


l’oiseau nocturne.


Au matin gris


Des clous


crucifient


le hibou


sur la porte


de la grange


et dans son lit


la fille morte


dort d’un sommeil étrange.







L’APPEL SAUVAGE



Tu ouvres la porte

et je te vois saigner


comme de la viande


devant la table noire.


Tu ouvres la robe


et tu jettes un appel sauvage.


Tu ouvres ton corps de fange


et je hume


l’odeur de la mort.







CRIME DANS UNE CHAPELLE ABANDONNEE

Dans une chapelle abandonnée
un vacher flagelle
une jeune bergère dénudée,
puis se masturbe sur elle.
Le sperme glisse

sur le dos lisse
de l'adolescente sanglotant
tandis que la lumière du couchant
illumine la tête du Crucifié.
Le rustre étrangle la bergère
et s'en va se saouler
au hameau laissant le corps nu
inerte perdu
dans la poussière et l'obscurité.




SABBAT

Langue
langue rêche
lèche
la crème noire
le chocolat mental du désespoir
lèche
lèche longuement
l'ordure diabolique
la merde de Dieu
lèche le cul rugueux
de la démone hystérique
lèche sa  fangeuse faille
et le fruit puant
de ses entrailles
lentement
lèche l'étron
de charbon
de Monseigneur Satan









 SAISON DE DEUIL


Cœurs

en pleurs


aux heures


de langueur.


Saule qui s’effeuille


dans le jardin en deuil.


Profonde et douce est la tristesse


du cœur que tout délaisse


près de l’obscur seuil.


























LIVRE DE DESIR





DANS LE SCINTILLEMENT DES VERGERS DE VERTIGE


Dans le scintillement des vergers de vertige
emmes odorantes,

filles en touffes de foudres

indolentes comme le lait,

aiguës comme les épées noires de l'azur.

Vastes lits de fraîcheur et de feuilles

avec des éclats de nuit,

des glaives flamboyants,

avec le sang des filles

et des liserons,

des nudités écarlates,

des bêtes fascinées d'éclairs.




LIAWESLIADLA


S’ Müsi esch a Misela,
hàt a kleina Bummernààs.
S’ Müsi esch a Vegala,
esch so fresch wia Morgagràs.

S’Müsi esch a Schefala,
hàt gànz dunkla Wulahohr.
S’Müsi esch a Katzala,
hàt a harzig Müsaohr.

S’Müsi esch a Diiwala,
hàt schneewissa Melchzehn.
S’Müsi esch a Bliamala,
wia’na rota Rosa scheen.

S’Müsi esch a Starnala,
met so diafer Aïgapràcht.
S’Müsi esch a Angala,
hàt a Gsecht wu emmer làcht.

S’Müsi esch a Maïdala,
so Tànzfroh wia dr Wend.
S’Müsi esch a Wiiwala,
dàs well dr Peterla àls Frend.

Denn s’Müsi esch fer s’Peterla
a Blüam, a Harz, a Starn, a Schàtz.
Drum hàt’r gmàcht dàs Liadala
wu s’Müsi stràhlt in jedem Sàtz.



 LA DECLARATION
.

Oui, je le sais bien,
je ne l'ai jamais dit
ces sublimes petits riens
qui illuminent la vie.
Je ne l'ai jamais
clairement,
nettement,
franchement
déclaré
à haute et intelligible voix,
en mots choisis,
en langue de bon aloi,
avec le ton qui convient,
ferveur et gravité,
je n'ai jamais exprimé,
en dépit de tant de tentations avortées
de ma part
et d'expresses demandes
de ta part à toi,
je n'ai jamais osé jusqu'à ce jour
prononcer
à pleine voix,
sans hésitations et sans détours,
ces mots, ces phrases
à la douceur de soie
et auréolés d'extase
si fréquemment articulés
par les bouches humaines,
jamais osé
m'aventurer
à en susurrer,
bégayant,
la moindre syllabe...
Et voici qu'enfin
aujourd'hui,
prenant mon courage à deux mains,
après tant d'années de réserve,
de lèvres closes,
voici que maintenant
peut-être enfin j'ose,
dans un silence aux vastes échos,
faire résonner ces mots
qui chatouillent si délicieusement
les oreilles des femmes et des hommes,
ces mots suaves,
ces mots plus subtils que l'arôme
des plus précieux parfums,
plus brûlants que la lave,
plus limpides
que l'eau des rus rapides,
plus légers que les dansantes ailes
des libellules si frêles...
Vais-je enfin
aujourd'hui
ici maintenant
les chuchoter,
les clamer comme un royal édit
ces vocables vibrants
aux sons heureux
qui en lettres de feu
fulgurent tout le long
de tant de chansons,
de tant de missives
de folle passion...?
Allons-y, osons!
je te déclare que...
Mais tu le sais bien
ce que je veux te déclarer.
Alors pourquoi proférer
ce qui ne peut se dire,
ce qui se vit
dans l'extrême pudeur,
ce feu le plus secret
caché au fond du coeur
et communément nommé
l'amour,
âpre et douce déraison,
l'amour badin au teint de rose
l'amour grave rouge profond.
Et qu'importent à la fin les mots,
pourvu qu'on ait la chose.



J'AI CONNU DE CES FLEURS ETRANGES

J'ai connu de ces fleurs étranges,
la virginale au nom de nonne,
Thérèse de la Croix des saintes fanges,
Thérèse ou Antigone.
Une autre était de feu,
pareille au glaïeul rouge.
Elle avait dans la ténèbre des yeux
des éclairs qui bougent.
Une autre encore, ô foulques
des étangs du souvenir,
frémissante, nue, je bats ma coulpe,
je n'eus pour ses  larmes que rires.
Et celle-là entre alcôves et pelouses,
la frêle fantasque épouse,
qui jamais ne revint.
Je regrettai son air mutin.
J'ai connu le lys et la tulipe,
l'anémone, la primevère.
Etangs de la mémoire, les brumes se
dissipent,
fleurs d'ombre, fleur de chair,
doigts, caresses, pétales,
et ces parfums puissants comme la mer,
et ces grâces de digitales.
Martha de Thuringe,
Evelyne de Bruges,
je me souviens, regards de sphinge,
puretés d'avant déluge
dans de profondes Allemagnes vertes.
Je me souviens... Mina de Fez
dans la chaleur offerte.
J'oubliais la Milanaise,
fleur sombre, chair de lait.
Le vent glissait dans les mélèzes,
j'oubliais...
J'ai connu de ces fleurs étranges
au nom de démones et d'anges.



IM DIAFA BLAÏA WALD


Wit vu da Derfer, vu da fenschtra Gotteshieser, vum gràïa Alltàg, gràïa Schufta,

tràïma d Maïdla im diafa blàïa Wàld,

wissa Kerwer wia Angel henter da rota welda Rosa.

Maïblüama bliaïa zwescha da schlànka Bei im frescha Gràs .

Blutt sen d Maïdla im kiahla Summerwend,

Wàldfeea met Blüamakransla uf da blunda Locka.


Si tànza so flenk un senga luschtig vu Schmatterleng umga.


Blutt stehn d Büawa henter da Baïm

un wàrta voll Luscht, Furcht, Ungeduld im griana Schàtta,

medla in da Brennesla, Pfaffermenz, Blendschlichla,


d Hand vor ehra Schàmteila.


Blutt lega jetz d unschuldiga Kender ufm weicha Moos


un schmüsa un schmutza sech un umàrma sech.

Jetz brenna  fieriga Kerwer Leib àn Leib henter da rota Rosa  im diafa blàïa Wàld.


As esch s Fascht vu dr Liawa met Fleisch un Seela.


D stella Diarer lüaga züa met stühnenda Aïga.

D Vegala schwiega im Làïb wu Geischter naschta.

D Pflànza un d Baïm hera àndachtig züa met hocher Rüaïh wia si schreïa, glucksa un stöhna vor seliger Freid, vor siassem  fleischlichem Genuss, d  Bessassene vum Liaweswàhn.


S esch dr Bàràdies uf dr Arda voll Sunna un Wolluscht.


Jetz erhewa sech làngsàm d Liawesparla in dr Luft


un schwawa wia Liachtgstàlta im ufena Hemmel


hoch ewer d Baïmwepfel.


Si fliaga wia Vegel ewr  Wiesa un Wàsser

un vergehn im Hemmelblàï,

im Goldglànz vum ewiga Summer.




 CHANT DE DESIR

Je voudrais t'aimer herbe odorante de songe
Je voudrais t'aimer brume amoureuse du vent
Je voudrais t'aimer soir qui sur les prés s'allonge
Je voudrais t'aimer terre et être ton tourment

Je voudrais t'aimer glaise onctueuse et nocturne
Je voudrais t'aimer île exultante d'oiseaux
Je voudrais t'aimer svelte et fraîche comme une urne
Je voudrais t'aimer mer et fondre dans tes eaux

Je voudrais t'aimer braise au milieu de la neige
Je voudrais t'aimer fraise à l'orée d'un bosquet
Je voudrais t'aimer louve anxieuse prise au piège
Je voudrais t'aimer biche et être ta forêt

Je voudrais t'aimer pure en des pays de palmes
Je voudrais t'aimer nue sous un ciel orageux
Je voudrais t'aimer tiède au fond d'un jardin calme
Je voudrais t'aimer noire et rouge tel le feu

Je voudrais t'aimer fille affamée de viol
Corps suave s'offrant aux fauves convoitises
Je voudrais t'aimer chair obscène humide et molle
Chue dans la bourbe sombre au fond des caves grises

Je voudrais t'aimer douce entourée d'enfants fous
Je voudrais t'aimer folle hallucinée d'un dieu
Je voudrais t'aimer sainte annonçant Christ aux loups
Je voudrais t'aimer sage auprès d'un chien très vieux

Je voudrais t'aimer pauvre et misérable chose
Abandonnée de tous dans l'ordure et le froid
Je voudrais t'aimer seule en ta détresse enclose
Tu ne serais que cri clameur de désarroi




AU PAYS DE L'AMOUR

Au pays de tes  yeux la nuit est souveraine
au pays de tes joues des roses brûlent doux
au pays de ta bouche éclosent les baisers
au pays de ta gorge un  cygne resplendit




OMBRE JE TE HELE


 Ombre, je te cherche dans les cheveux de la ville quand la pluie a lavé la poussière des grandes avenues.


Ombre, je te poursuis par-delà les gares confuses et les chantiers ardents.


Ombre, je te hèle dans les ruelles aux linges où des enfants dessinent des monstres sur les murs sales.


Dans les longues allées des roseraies, dans les bosquets vibrants d’oiseaux, tu es l’Aimée aux lèvres d’aurore où butine l’ombre.

Et tu danses, légère, sur les terrasses, tu cours sur les houles des blés, sur les floraisons bleues des ténèbres. Rien ne t’arrête, ni la paresse des brumes ni le marbre des façades.


  


TOUT LE JOUR J’AI CHANTE TA BEAUTE



Tout le jour j’ai chanté ta beauté sur les places,


Tendresse, mon aimée, ma faim perpétuelle.


Et le soir j’ai crié ton nom sur les terrasses,


Tendresse, mon épouse angélique et charnelle.




Mais la nuit je t’attends dans une chambre nue


Et parfois tu surviens furtive face d’ange


Et parfois je te touche, ô beauté absolue


Avec mes mains de chair et je meurs en louange.


  

DONNE-MOI

donne-moi ton visage afin que je m'éclaire
donne-moi ta bonté afin que je m'y terre


donne-moi ton royaume afin que je m'y rue
donne-moi ta tendresse afin que je la tue


donne-moi ton eden afin que je m'irise
donne-moi ton venin afin que j'agonise


donne-moi ton parfum afin que je me grise
donne-moi ta chair chaude afin que je m'enlise


donne-moi tes péchés afin que je les crie
donne-moi ta lumière afin que j'irradie


donne-moi ta langueur afin que je m'y baigne
donne-moi ta candeur afin que je la saigne


donne-moi ton désir  afin que je  l'enflamme
donne-moi ton absence afin que je m'affame


donne-moi ta luxure afin que je me damne
donne-moi ta douleur afin que je la clame


donne-moi ta nuit rose afin que je caresse
donne-moi ton aurore afin que je renaisse


donne-moi ton enfance afin que je la sème
donne-moi ton printemps afin que je l'essaime


donne-moi ton été afin que je le brûle
donne-moi ton automne afin que je l'embrume


donne-moi ta forêt afin que je m'égare
donne-moi ta folie afin que je m'en pare


donne-moi ton trésor afin que je l’enchâsse
donne-moi ton nectar afin que je m’en gave

donne-moi ton ciel noir afin que j'y sois foudre
donne-moi ton azur afin de m’y dissoudre


REGENBOGEN DER LIEBE


Himmelblau ist die Liebe am Anfang. Himmelblau, rosenrot der Traum nach Liebe, die grosse Sehnsucht.

Rosenrot und sanft die Kinderliebe im leichten Licht des Frühlings.


Grün, zärtlich grün ist die Liebe im Garten der Wonne voll  Pracht, Parfüm, Musik.


Purpurrot wie Blut und Feuer ist die Liebe.


Rot die Liebe wenn die nackten Körper sich vereinigen in der Ekstase der Wollust.


Rot die Liebe  wie deine Lippen wenn Du Erdbeeren isst und wir Wein trinken um unseres Glück zu feiern.


Schwarz ist die Liebe wie die Vagina der Mutter-Erde, geheimnisvolle Göttin, Ursprung der Menschheit.


Schwarz  die Liebe wie meine Frau in Dakar geboren.


Weiss ist die Liebe wie die Brust der holden Jungfrau, wie die Milch der menschlichen Zärtlichkeit.


Gelb ist die Liebe wie strahlende Sonne im Überfluss des Lebens.


Lavandelblau und duftend ist die Liebe im Sommer.


Grau ist die Liebe in der Abwesenheit, im bohrenden Neid. Grau der Schmerz wenn wir uns verlieren im Nebel der Tage, im Nichts der Nächte.


Rot ist die Liebe wie ein Messer in meinem wunden Herz.


Rot und schwarz ist die Liebe voll Lust, Leidenschaft und Schmerz.


Bleich ist die Liebe wie das Ende der Nacht wenn die Liebenden sich trennen.


Schwarz und dunkelblau ist der tiefe Schmerz der Liebe.


Braun ist die Liebe im Herbst, zwischen Fülle der Früchte und Herbstzeitlosen der Melancholie.


Schwarz ist die Liebe wenn die Finsternis des Todes die Körper verschlingt.


Schwarz, niederschmetternd, das Zerreisen des bunten Blumenstrauss.


Schwarz die Liebe Gottes in Christus ans Kreuz genagelt.


Weiss ist die Liebe wenn wir uns lieben wie Engel ganz keusch im Licht der Ewigkeit.


Vielfarbiger Regenbogen ist die Liebe wenn sich alle Geschöpfe in Freiheit lieben können.

Göttlicher Regenbogen ist die unendliche Liebe aller Geschöpfe.                                     







FILLES NUES DANS LES COLLINES AUX CERISIERS


La pluie fait fléchir les branches et rafraîchit les filles nues des coteaux, grandes adolescentes aux odeurs d'été, cueillant les cerises mouillées. La lumière d'après l'orage traverse la
transparence des bras levés. L'azur aux passereaux se déplie autour de la légèreté vaporeuse des gestes.

Les regards du pâtre se concentrent sur l'ombre des cuisses fleurant la menthe. Parfois l'une des filles minces et dorées s'agenouille dans l'herbe drue et humecte ses seins ou les enduit d'argile, se redressant bientôt sous l'arc-en-ciel, monstrueusement terrestre et belle,
souillée, noire, lumineuse tandis que la première étoile éclate dans le visage serein du soir et que le pâtre reptile rampe entre les genoux de l'adolescente vertigineuse, cabrée comme une jument
au flanc de la colline.

Les cailles s'envolent derrière les cimes des cerisiers ourlées par la braise du ciel. Les corps se diluent dans les vagues de langueur et de mort de la verdure nocturne.




 


DERRIERE LES TERRILS


Le lait des étreintes
noie la ferraille
derrière les terrils.
Bouches qui chuintent.
Battements de cils.
Murmures mordorés
traversés de râles, de brisures.
Roucoulements, tendres carnages.
Des ailes de neige éblouissante
montent à l'assaut du ciel obscur
où rôde l'orage.

La foudre odorante
de bleuité embrase
les corps en extase
couchés dans les fougères
frémissantes de pluie.





SUAVE

Suave
la voix de la nymphe
près du pylône rongé de rouille.
Un crapaud de sa bave
souille
la mousse où s'agenouille
le jeune faune amoureux.

 



 
LEVRES COMME FRAISES

lèvres fraîches

comme fraises

dans la fange des nuits




FLEUR DE NUIT


fleur sombre

fleur de nuit chaude humide

fleur de feu

de fange

fleur de douce débauche

bouche de chair noire

antre cachée

au milieu des collines de tendresse

trou rouge où s’engouffre

la rage âpre de jouir



DANS LES LITS D’ECLATANTE VERDURE


ta pâleur soyeuse

dans les lits d’éclatante verdure

crucifiée

tu cèdes

la sève inonde tes entrailles

l’aurore achève nos corps





OBSCUREMENT



Obscurément frémit

la forêt fraîche de fange rose

où fulgurent des regards dilatés

entre les feuillages de nuit.


Des corps foudroyés


râlent de sanglants plaisirs


sur les tapis d’humus.


De tendres meurtres comme zéphyrs


murmurent entre les détritus

dans les sous-bois aux myosotis.





NOIRS GLAÏEULS DE GLOIRE 

Noirs glaïeuls de gloire dans la cuisine bleue

où blême l’homme monte la femme

aux cuisses violemment ouvertes.

L’enfant entre et voit la brute

chevaucher la jeune mère morte de plaisir.

Un oiseau heurte la vitre.

Le sang inonde les carreaux blancs et noirs.



GLAIVE  INCANDESCENT

Des astres ensanglantés d'infini
traversent la subtile broderie des tendresses
sous les tonnelles s'emplissant d'ombre
et sur une branche enrobée de nuit
un oiseau saigne d'un chant
si vertigineux de nébuleuses
que l'amante défaille
de beauté.
Oh! que s'ouvre ton coeur
à la sombre allégresse
brûlant les  mondes et ton visage
fendu comme un fruit
par l'éclair de l'amour!
Oh! que fulgure la joie ténébreuse
entre les cuisses -
Dieu,  glaive incandescent!




NUIT DES AMANTS


C'est la nuit des amants dans les vastes demeures
où glisse le silence entre les chambres bleues.
La beauté les traverse et sourit au malheur.
C'est la nuit des errants comme un terrible feu.

C'est la nuit d'élégie et c'est la nuit de crime
dans les chambres brûlant du trouble feu d'amour.
La beauté y fleurit en d'étranges abîmes.
C'est la nuit des amants plus pure que le jour.





LE LIT EST FROID


le lit est froid 

la nuit fut douce brûlure

ils frissonnent à la fenêtre du matin

dehors tombe la neige et ils sont nus 




SEIGNEUR, CONSOLE LES AMANTS



Seigneur, console les amants
qui se sont trouvés
pour se perdre.
Seigneur, console l'aimée
dans sa solitude
et l'amant qui sombre dans l'hébétude
après la danse avec les démons ardents.
Seigneur, console ceux qui se sont aimés,
ceux qui se sont dévorés
et qui crient de faim
sur les lits défaits.
Seigneur, console les corps saccagés,
les corps livrés aux méandres
des gris enlisements.
Seigneur, console les corps des amants
dans la nuit de cendre.



ABSENCE

Un jour tu ne seras plus là
et les glaces reflèteront le vide des pièces
de la maison que tu n'habitas jamais dans les laisses
des jours lointains dont tu ne respiras pas
l'odeur à travers le tranquille jardin aux ifs
où la pluie tombera silencieusement
entre les arbres méditatifs
et derrière une vitre rêvera le visage
que tu cherchas fiévreusement
au bord de tes errances
sans l'approcher jamais
dans ta rage de folle aimance.



L'AMOUR EST IMPOSSIBLE

L'amour est impossible, impossible, impossible,
ô ma nocturne sœur, jamais l'âme n'aborde.
L'amour n'est que famine et feu inextinguible,
chemin de nostalgie jusqu'au cœur de la mort.








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