LA FOLIE DE DIEU : LA CROIX ET LA RÉSURRECTION
Folie de Dieu. Le
Seigneur des mondes parait comme le Serviteur, le Réprouvé. Le Créateur se
laisse crucifier par sa créature. Insondable Mystère du Golgotha.
*
Dieu doit
passer par son absolu contraire. Moment crucial de la Genèse.
*
Croix :
refus par le monde du Verbe d'Amour et non masochisme de Dieu.
*
Ce sont les
ténèbres qui crucifient la Lumière et non la Lumière qui aime la souffrance.
*
Abandonner définitivement
l'interprétation sacrificielle traditionnelle de la Passion, forcément
moraliste.
*
Sur la
Croix, Dieu traverse le Mal et c’est cela le Salut : victoire sur le Mal
et la Mort qui marquent la Création présente.
*
Seule la Croix, l’Amour crucifié, permet de penser le Monde,
le Mal absolu, la Mort. Insuffisance de toute philosophie
« naturelle » du monde qui sera toujours de quelque façon une
bénédiction du Mal.
Folie de la Croix refusée également par la pensée païenne et
la pensée juive.
Refusée aussi par la pensée moderne
*
Le consentement à la Croix n’est possible que dans la foi en
l’Amour absolu.
*
Le jeu christique. Mourir pour vivre. Renoncer pour vivre.
Renoncer aux idoles imaginaires pour vivre la vérité vivante.
*
La Croix est l’Arbre de vie qui triomphe de l’Arbre du Savoir
du bien et du mal.
*
Voir Dieu dans ce qui échoue humainement, le handicapé
mental, le clochard…
Voir Dieu dans le Crucifié, dans l’humanité crucifiée.
Le reste est idolâtrie.
Beaucoup de chrétiens se contentent de s’agenouiller devant
la Croix au lieu de la porter, la Croix du monde, la Croix de la souffrance du
monde.
*
La foi ne peut faire l’économie de l’expérience du Néant. Pas
de véritable foi sans la Croix, le passage par le Néant absolu. Le
christianisme idéologique reste en-deçà de la Croix.
*
La Croix : à la fois le Péché et le Salut. On commet le
déicide. On assassine le Témoin de la Vie et par sa Mort et sa Résurrection, le
Vivant nous sauve. Il sauve l’humanité déicide.
Il nous sauve malgré nous, malgré notre folie thanatique.
C’est Dieu qui sauve. Il ne nous demande qu’une chose : d’avoir confiance
en Lui. Comme des enfants. De croire la Vie qu’il donne et redonne, à la Vie
plus forte que la Mort. De croire à l’Impossible.
*
Croix : résumé de tout le Mal du monde et de sa
traversée.
*
Le grand contresens : faire du Christ une figure
mortifère au lieu de voir en lui le Témoin de la Vie, y compris sur et à
travers la Croix.
*
L’humanité crucifie le Vivant donateur de Vie, le Témoin de
l’infini et c’est elle qui s’incarcère dans le monde sépulcral du fini.
*
Le seul chemin est de crucifier l'Ego. L'absolue humilité est
la seule porte du Royaume.
*
La Croix se dresse dans la nuit de Dieu, dans le silence de
Dieu. Mystère abyssal.
*
Consentement suprême au terme tragique de la vie, à la
disparition, à la mort et foi folle en Christ ressuscité.
*
J’assume l’entièreté de la christité, y compris la
Résurrection. Je vais plus loin que Camus, ce chrétien sans Dieu. Je revendique
la folie de la foi. Pure décision personnelle, l’acte de foi ne pouvant qu’être
absolument subjectif.
*
Le Christ crucifié, ressuscité: lumière pour aider à consentir
au chemin de croix de l’existence humaine, à la peine quotidienne, la
dépression, la souffrance, le vieillir, la mort...
*
La voie du Christ est terrible et absolument prodigieuse.
*
NUIT DE DIEU FOLIE DE LA CROIX
Nuit. Dehors la nuit.
Nuit de Gethsémani.
Nuit
sur les dépotoirs, sur les terrains vagues.
Nuit dans les bidonvilles, les
favelas, les ghettos.
Nuit dans les rues de Harlem.
Nuit. Dehors nuit la plus noire.
Seul
dans la nuit.
Ils sont là, les amis, si près, si lointains.
MON ÂME EST
TRISTE Â EN MOURIR. VEILLEZ AVEC MOI.
Ils dorment, les amis. Pierre,
Jacques, Jean.
Ils dorment, les hommes, dans leurs
palais, dans leurs quartiers chics, dans leurs hôtels de luxe.
Elle dort, l’humanité, dans ses
routines, ses préjugés, ses traditions pétrifiées, dans l’éternel retour de ses
perversions.
Ils dorment, les politiciens, les prêtres, les généraux, les
banquiers, pendant que la nuit se déchire
au-dessus de Jérusalem.
Tu es l’être qui traverse,
qui traverse la nuit,
qui traverse la misère,
qui traverse le malheur,
avec les enfants juifs d’Auschwitz,
avec les estropiés, les handicapés,
les laissés pour compte,
les désespérés.
Tu traverses avec chacun l’horreur
de la mort,
l’absence de Dieu,
l’abandon, le total abandon dans la
nuit.
Tu
traverses avec chacun la nuit la plus noire,
l’inéluctable nuit
mains trouées ensanglantées écrasées
des ouvriers des usines
des mineurs
esclaves torturés exécutés
Juifs Tziganes Homosexuels
pourchassés gazés.
Partout où le visage humain est
piétiné, Tu saignes.
Tu agonises dans chaque agonisant.
VOICI LE SOIR.
Tu es là, Iéshoua, à table, avec les
amis. C’est bientôt la Fête. Pessah, la Fête des fêtes. Vous vous apprêtez à manger, à boire, à chanter les Louanges. Mais un fugace voile de
tristesse parfois embrume ton visage.
crépuscule sur les collines
hélicoptères survolant la ville
rasant les terrasses
détonations rafales d’armes automatiques
sirènes d’ambulances
lumière orange des gyrophares
Tu es là, à table, entouré de tes
compagnons, dans le silence de la chambre haute. La maison peu à peu se remplit d’ombre. On allume les lampes à
huile. On brûle l’encens. Étrange atmosphère. Dehors, dans la nuit tombante,
lointains bruits de guerre. Dedans, obscurité dense de méditation et d’attente.
Tu pressens la fin, l’épreuve finale. Tu sens qu’un de tes proches va te livrer
aux Autorités. Tu es le Vagabond du Dieu-Tendresse, le doux Rebelle
incandescent à la parole libre, et les Gens en place t’en veulent à mort, à
toi, l’humble charpentier sorti d’un obscur trou de Galilée, et qui ose parler
haut aux Docteurs de la Loi. On veut ta
peau, Iéshoua de Nazareth, et tu le sais
bien.
VOICI LA NUIT, LA NUIT
EUCHARISTIQUE.
Dans l’obscurité de la chambre
haute, tu prends le pain, tu romps le
pain, et tu dis: PRENEZ ET MANGEZ, CECI EST MON CORPS. Puis tu prends la coupe et tu dis :
BUVEZ, CAR CECI EST
MON SANG. JE NE BOIRAI PLUS DE CE VIN JUSQU'À CE QUE NOUS EN BOIRONS DU NOUVEAU
AU GRAND FESTIN DE DIEU.
regards insoutenables
des enfants affamés
cadavériques
aux yeux mangés de mouches
mains fébrilement tendues suppliantes
des
foules faméliques
NUIT NACHT UND NEBEL
hallucinants
morts-vivants
derrière les barbelés
ils mangent les repus
ils s’empiffrent
dans les restaurants de luxe
les poubelles des quartiers chics
débordent de restes
les SDF fouillent les détritus
puis vont se saouler de détresse
NUIT VOICI LA NUIT DES AFFAMÉS
LA NUIT DES PARIAS
DES EXCLUS DU FESTIN
LA NUIT DES ERRANTS
Vous marchez dans la nuit aux abords
de la Ville. Fraîche nuit de printemps. Nuit énigmatique, pleine de menaces.
Ombres qui errent à travers les quartiers suburbains. Gens qui fuient, qui se
cachent dans les recoins sombres.
Vous arrivez au Jardin des Oliviers.
Tu es là, Iéshoua, déambulant au milieu de tes compagnons sous le ciel vibrant
d’étoiles. Personne ne dit mot. Une inquiétude diffuse étreint le groupe. Toi aussi, tu te tais, pressentant l’épreuve. Lourd silence.
cris détonations dans les environs
voitures qui brûlent
effluves de gaz lacrymogène
nuit sur Gat-Shemanim
nuit sur les terrains vagues sur les dépotoirs
nuit
sur les
bidonvilles sur les ghettos
Nuit. Nuit la plus noire. Tu es seul, Iéshoua, seul
parmi tes compagnons. Seul. Tu lis dans
leurs cœurs : grandes gueules de Galiléens, mais versatiles, changeants,
souvent pleutres quand les choses se gâtent, humains tellement humains. Tu les
dévisages et tu leur dis : CETTE
NUIT, VOUS ME LÂCHEREZ, CETTE NUIT, VOUS ME RENIEREZ. Jamais, jamais, rétorque impulsivement Petros, l’un d’eux. AVANT QUE LE COQ AIT CHANTE, TU M’AURAS
RENIE TROIS FOIS. Jamais,
insiste le compagnon présomptueux, plutôt irai-je avec toi dans la mort. Humain,
tellement humain, le fier pêcheur de Galilée.
Nuit sur Gat-Shemanim. Formes floues
qui rôdent aux alentours. Ils sont inquiets, les amis. Qu’est-ce qui se trame
dans l’obscurité trouble ? Tu
t’éloignes un peu, avec Petros, Iaacob et Iohanan. L’angoisse maintenant te submerge
comme une vague irrésistible. MON ÂME
EST TRISTE À EN MOURIR. VEILLEZ AVEC MOI. Tu t’isoles pour prier : PÈRE, S’IL EST POSSIBLE, ÉLOIGNE CETTE COUPE
DE MOI. CEPENDANT QUE SE FASSE TA VOLONTÉ ET NON LA MIENNE. Affres de la
mort, effroi forant toutes les fibres de ton corps, te vrillant jusqu’au
tréfonds de l’être. Nuit la plus noire. Mutisme du ciel d’encre. Solitude
maintenant essentielle, abnégation, consentement absolus au seuil du chemin le
plus âpre. Tu te recroquevilles contre terre. Tu sues du sang.
NUIT, VOICI LA NUIT, LA NUIT DE
DIEU, LA NUIT DE L’HOMME.
Nuit sans fond. Instant qui dure
comme l’éternité. Puis tu émerges de nouveau du silence abyssal de la prière.
Tu relèves la tête vers le fourmillement stellaire, tu recouvres un peu de
calme. Tu reviens auprès de tes amis et tu les trouves endormis. Inconscience
humaine, tellement humaine. Dormir pour ne pas regarder en face la nuit la plus
noire. Dormir, rêver …
vous
dormez banquiers hommes d’affaires
pris dans le vertige des chiffres
vous
dormez les yeux ouverts généraux
au milieu
de l’enfer meurtrier
vous
dormez journalistes
abrutis par le
fracas du monde
vous
dormez politiciens juges pédagogues prêtres
gesticulant dans le vide
vous dormez
tous hommes modernes
sur les
autoroutes les aéroports
dans les
entreprises les grandes surfaces
foules hypnotisées par les médias
envahissants
par la
folie consumériste
vous
dormez debout hommes de ce temps
dans la
nuit du monde saigné sans retenue
par la
rage de toute-puissance
NUIT DES HOMMES OBNUBILÉS PAR LA NUIT,
NUIT DES ÉGARÉS.
Silhouettes louches qui remuent dans
le fouillis nocturne. Cris, chuchotements. Une horde d’hommes émerge de
l’obscurité, brandissant gourdins, armes et torches. S’approche Yehouda, l’ami ambigu qui va te livrer, l’ami
traître accompagné des sbires dépêchés par les Chefs. Dans la blême clarté
lunaire, il tend son visage sombre, bouleversé, et t’embrasse, te désignant par
ce baiser à la bande excitée.
phares transperçant la nuit
soldats encerclant une maison
l’un d’eux frappe de la crosse contre la porte d’entrée
vociférations
OUVREZ ! OUVREZ !
On t’arrête brutalement tel un
scélérat. Un des amis, Petros, tire l’épée et frappe. RENGAINE TON ÉPÉE, dis-tu, CAR TOUS CEUX QUI PRENNENT L’ÉPÉE
PÉRIRONT PAR L’ÉPÉE.
rafales d’armes automatiques
hurlements
ARRÊTEZ LE FEU ! ARRÊTEZ
LE FEU !
les soldats emmènent l’homme menotté vers le half-track
NUIT SUR GAT-SHEMANIM
NUIT SUR RAMALLAH
SUR BETHLÉEM
NUIT SUR JENINE
On t’entraîne par les allées
ténébreuses. Et les amis t’abandonnent tous et se dispersent, prenant lâchement
la fuite sous les huées de la horde enragée. L’un de tes suiveurs y perd même
son vêtement et disparaît nu dans la nuit.
Hommes fragiles, inconstants, inconsistants. Êtres de peur s’égarant
parmi les ombres qui vaguent à la périphérie de la Ville.
On te mène chez les Prêtres pour te
juger. Cercle de notables aux faces impassibles. Certains, courbés en avant,
les yeux mi-clos, sont à moitié assoupis dans la lueur tremblotante des torches. On te
questionne. Tu te tais. On auditionne des témoins. Succession de faux
témoignages. Nous l’avons entendu dire :
JE DÉTRUIRAI LE TEMPLE FAIT DE MAIN
D’HOMME ET EN TROIS JOURS J’EN BÂTIRAI UN AUTRE NON FAIT DE MAIN D’HOMME.
-Que réponds-tu à cela ?
Tu gardes le silence.
Silence de l’Innocent face au
déferlement de la vilenie humaine.
-Es-tu l’Envoyé de Dieu ? demande énervé le Grand Prêtre.
-TU L’AS DIT, réponds –tu à la fin.
-Blasphème ! blasphème ! il a blasphémé !
s’exclament les prêtres, dressant les bras en l’air, il mérite la mort ! il doit mourir !
Et voici qu’on te traite comme le
rebut de l’humanité. On te crache au visage. On te gifle. On te roue de coups.
On t’insulte. On se moque de toi.
sous-sols de
l’Inquisition de la GESTAPO du KGB
des services de renseignement
français en Algérie
où l’on torture
où l’on tabasse
où l’on brûle à la
cigarette
où l’on électrise
où l’on viole
interminable nuit
de l’inhumanité
de l’oppression de
l’esclavage des persécutions
des crimes
collectifs partout sur la terre
y compris les
crimes commis au nom de la Croix
interminable nuit
du mépris de l’humiliation
insultes crachats
sur les lépreux les pestiférés
les malades
mentaux les malades du sida
les homosexuels
les prostituées les Noirs les Juifs les Tziganes
interminable livre
noir de l’horreur des nations
où chaque temps
ajoute sa page sanglante son chapitre de honte
NUIT TERRIBLE, NUIT DE NUDITÉ.
Tu es là, au milieu des gardes
avinés, livré sans défense à la bêtise et à la cruauté humaines. Petros, l’ami
présomptueux, suit de loin ton chemin de souffrance. Des gens, se serrant autour d’un brasero dans
l’aigre nuit d’avril, le reconnaissent. Mais lui nie énergiquement être de ton
entourage. C’est presque la fin de la nuit.
Aube livide sur la Ville endormie. Les bennes à ordures vrombissent au loin. Déjà retentit
dans une cour voisine le chant du coq.
Petros se souvient alors des paroles de l’Ami des amis et, enfouissant son
visage entre ses mains, se met à pleurer à chaudes larmes. Je l’ai renié, je l’ai renié, lui, le
Très-Doux.
VOICI LE MATIN GRIS.
Lente marée de lumière terne
envahissant le dédale des rues. Les prêtres arrivent au bout de leurs palabres
et décident de te faire mourir. On te conduit chez le Gouverneur et devant lui,
le placide Romain à la face glabre, on t’accuse avec véhémence. « C’est un agitateur qui jette le trouble dans
le peuple. » Debout devant le Romain, les mains attachées, tu
gardes les lèvres closes. Le Gouverneur te questionne : es-tu le Roi des Juifs ? TU LE DIS, répliques-tu, CEPENDANT MON ROYAUME N’APPARTIENT PAS AU RÈGNE
DE LA PUISSANCE, MAIS À CELUI DE L’AMOUR .JE SUIS VENU AU MONDE POUR
RENDRE TÉMOIGNAGE A CETTE VÉRITÉ.
A chaque Fête, le Gouverneur libère
un prisonnier, celui que le peuple souhaite. Il y a là Barabbas le Brigand. Le
Gouverneur demande à la foule : « Lequel voulez-vous que je relâche, Barabbas ou Iéshoua ?Barabbas !
est le cri unanime.
-Et que faire de Iéshoua ?
-Qu’il soit crucifié ! Qu’il soit crucifié !
Masse compacte de visages cramoisis,
forêt de poings rageurs. La populace hystérique, la grosse bête collective qui
meugle, veut du sang, du sang, et plutôt celui du candide faiseur de miracles
que celui de cette brute de Barabbas. Crucifiez !
lapidez! lynchez ! fusillez ! sempiternelle clameur des
assoiffés de sang.
On te livre à la grossièreté, à la
bestialité des soldats. On te flagelle. On t’arrache les vêtements et on
t’affuble d’une chlamyde pourpre. On te pose sur la tête une couronne d’épines.
On se moque de toi. « Salut, roi
des Juifs ! Salut, grand prophète ! » Roi de dérision,
prophète d’asile de fous qu’on couvre de
crachats .
VOICI
L’HOMME
l’homme défiguré par l’homme
l’homme piétiné crucifié par l’homme
le Négro lynché par le Ku-Klux-Klan
la clocharde au visage tuméfié
dévêtue sauvagement par des voyous
la femme juive la sale youpine exhibée et tondue par les nazis
le camé le pédé la putain méprisés rejetés par les braves gens
le bougnoul humilié et noyé par des skin-heads
le débilard moqué racketé molesté
par ses camarades
l’enfant martyrisé par ses parents
L’implacable machinerie de la mise à
mort se met en route. On te charge de la Croix. On te dirige vers le lieu du
supplice. Tu avances péniblement. Plusieurs fois tu chancelles et tu t’écroules
sous ton fardeau. La foule te suit sur ton chemin de douleur, badauds,
touristes munis de caméras, pèlerins, supporters et détracteurs. Des femmes
éplorées ont pitié de toi et pleurent sur ton sort.
On arrive au lieu dit Golgotha,
c’est-à-dire lieu du Crâne. On te dépouille de tes vêtements. On te couche sur
la Croix. On te cloue comme une bête au bois de la potence. Rictus de ta face,
convulsion, crispation de tout ton être, de tes mains, de tes pieds troués.
saignent les mains paluches crasseuses des serfs
pognes calleuses des ouvriers écrasées par les machines
saignent les pieds du bétail humain emmené en esclavage
déporté à coups de
crosse
saignent les dos les épaules knoutés
les corps écartelés
On
dresse l’arbre d’opprobre qui à son sommet porte l’écriteau :
IESHOUA ROI DES JUIFS. Deux autres condamnés sont crucifiés en même temps que
toi. Pendu au gibet, tu regardes tes bourreaux et tu pries: PÈRE, PARDONNE-LEUR, CAR ILS NE SAVENT PAS
CE QU’ILS FONT. Pitié, pitié pour les victimes du mal et pitié aussi
pour les acteurs du mal, pour la souffrance des uns et pour la terrible
solitude des autres. Des passants, braves gens et notables, se moquent de
toi : « Sauve-toi
toi-même si tu es l’Envoyé de Dieu et descends de la Croix. » Même
l’un des malfaiteurs suppliciés avec toi te raille tandis que l’autre, dans un
éclair de foi, te demande de l’accueillir dans ton Royaume.
Les trois gibets se dressent au sommet du Golgotha sur un ciel
presque crépusculaire qui soudain s’obscurcit. Tu jettes ton dernier
cri dans le silence pesant: ELI
ELI LAMA SABACHTANI ? MON DIEU, MON DIEU, POURQUOI M’AS-TU
ABANDONNE ? Tu agonises, tu agonises avec chaque être humain, avec
le condamné à mort, avec l’enfant mourant du cancer, avec le soldat crevant
dans la boue. Toi l’Innocent, tu prends sur toi toute la souffrance, toute la
misère du monde et tu traverses l’abîme infranchissable. Avec toute l’humanité perdue, les suicidés, les désespérés,
les mutilés, les fous, les hallucinés, les débauchés, les possédés, les
criminels, Tu traverses. Tu traverses avec chacun l’horreur de la mort,
l’abandon, le total abandon dans la nuit la plus noire.
Maintenant tu rends ton dernier
souffle. Maintenant. Et le voile du Temple se déchire. Et la terre frémit et se
couvre de ténèbres. Douleur des pierres, fracas d’astres, cri du ciel rouge
noir des éclaboussures du crime au-dessus des potences. Les femmes qui te
suivent depuis la Galilée assistent terrifiées à cette implosion de nuit en
plein jour.
VOICI LA NUIT, LA NUIT DE
DIEU, LA NUIT DE L’HOMME.
SOLEIL NOIR ÉCLIPSE
DE DIEU
DIEU EST MORT À VERDUN
DIEU EST MORT À
STALINGRAD
DIEU EST MORT À AUSCHWITZ
DIEU EST MORT À TREBLINKA
DIEU EST MORT À BUCHENWALD
DIEU EST MORT À MAUTHAUSEN
DIEU EST MORT À BERGEN-BELSEN
DIEU EST MORT À DACHAU
DIEU EST MORT À MAIDANEK
DIEU EST
MORT À RAVENSBRUCK
DIEU EST MORT
AU STRUTHOF
DIEU EST MORT
DANS L’ARCHIPEL DU GOULAG
DIEU EST MORT À
HIROSHIMA
DIEU EST MORT
DANS LES RIZIÈRES DU VIETNAM
DANS LES DJEBELS
D’ALGÉRIE
DIEU EST MORT À
TCHERNOBYL
DIEU EST MORT À SREBRENICA
DIEU EST MORT
AU RWANDA
DIEU EST MORT À GUANTANAMO
DIEU
EST MORT À ALEP A HOMS
Étrange clarté de fin de monde sur
la Ville et les collines. Ton cadavre pend tel une bête d’abattoir au poteau
d’infamie où ton sang se coagule en longues traînées. Lugubre barbaque couverte
d’ecchymoses, de plaies, de griffures. Un soldat transperce ton flanc gauche de sa lance pour
s’assurer de ta mort.
Le soir venu, un de tes
sympathisants vient détacher ton corps de la Croix. Il le roule dans un linceul
et le place dans le tombeau neuf qu’il s’est fait tailler dans les rocs aux
environs. Les Prêtres demandent au Gouverneur de faire garder le sépulcre de
peur que tes amis enlèvent ta dépouille
et prétendent que tu t’es relevé des morts comme tu l’as annoncé.
NUIT SÉPULCRALE, FOSSE COMMUNE ILLIMITÉE
OÙ DES MILLIARDS D’ÊTRES SONT ENSEVELIS
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE.
NUIT LA PLUS NOIRE DONT PERSONNE NE REVIENT. DESCENTE VERTICALE DANS LE NON-ÊTRE.
Et puis c’est l’aube, l’aube du
premier jour de la semaine, l’aube sur les collines aux amandiers fleuris. Les femmes qui te
suivent depuis tes débuts, souhaitant oindre ton corps d’aromates, viennent
visiter le tombeau et le trouvent vide. Elles sont dans un grand désarroi. Un
jeune homme rayonnant, une boucle d’or à l’oreille, assis non loin de là, leur dit que Iéshoua ne repose plus dans le sépulcre,
mais qu’il s’est réveillé de la mort.
VOICI LE JOUR, LE JOUR DE DIEU, LE
JOUR DE L’HOMME.
Tu es là, Iéshoua, surgi de la nuit
la plus noire, debout dans la lumière du matin. Tu t’approches des femmes. NE CRAIGNEZ RIEN. C’EST BIEN MOI, IÉSHOUA.
JE SUIS LE VIVANT.
VOICI LE JOUR NOUVEAU, L’ÉTERNEL
MATIN.
RÉSURRECTION !
Cri de victoire de la plus grande
insurrection,
l’insurrection contre la mort.
Bleu, bleu de paradis le calme de
Pâques
Et blanc, blanc éclatant l’essor
des ailes dans les immensités de
fraîcheur.
Voici le Vivant inouï
parmi les oiseaux de neige, les
bêtes éblouies,
les floraisons de l’aube.
Hors des contrées de larves,
hors des terres de détresse,
Il avance vêtu de la lumineuse robe
d’astres et d’allégresse.
Il avance, le Vrai Vivant,
dans le candide soleil d’éternité,
dansant léger avec les brises
duveteuses,
les parfums, les pétales bleutés,
dansant , marchant délicieusement
lent dans la rosée
matinale inondant de menthe les rues
pavoisées
et les jardins des cités ouvrières.
Il traverse auroral les places
retentissant de rires écarlates,
les gares aux rails d’incandescence,
les usines, les supermarchés, les
bistrots bruissant de juke-boxes ;
et les enfants Le regardent et
s’éclatent.
Voici le Vivant de splendide
innocence.
*
Qui reste en
deçà de la Croix, en deçà de la Nuit la plus noire, se maintient dans
l’illusion, l’illusion de la vie ou l’illusion de la mort. Il ne consent pas à
se perdre sans réserve. Il veut une certitude : la certitude de la vie ou
la certitude de la mort.
*
*
La Voie est chemin de Croix, chemin de l’impossible.
*
Sur la Croix, ce n’est pas le
Père qui sacrifie le Fils ; c’est l’homme, adorateur d’un ordre
mortifère, qui assassine le Dieu de vie.
*
La Croix, le
passage par le vide, est l’unique porte. Mais nous préférons encore le néant au
vide. Nous préférons encore nous laisser mourir plutôt que d’affronter l’impossible, le chemin de
croix.
*
C’est le Témoin de la vérité de vie que les hommes crucifient,
eux qui habitent dans les contrées de la mort et ne supportent pas la lumière
plénière.
*
Le chemin du
Christ est croix et résurrection, inséparablement. Il faut affirmer l’une et
l’autre sans réserve. Le christianisme est en même temps absolument tragique et
absolument joyeux. VIA CRUCIS, nuit la plus noire, et ÉVANGILE, HEUREUSE
NOUVELLE.
*
La Croix
n’est pas une condamnation de la vie, mais son jeu le plus haut :
affirmer absolument la vie jusqu’à
travers la mort, jusqu’au-delà de la mort.
*
Dieu
souffrant. Dieu mourant. Pendant au bois d’infamie. Comme un maudit.
Celui qui
nous a créés, nous le crucifions !
L’Amour, nous le crucifions !
Péché
absolu.
*
Ne pas
enjoliver la vie ; ne pas l’édulcorer. Éviter le moralisme, les
bondieuseries, la bien-pensance. La vie
est impossible. La Croix, c’est traverser cet impossible. Sans raison humaine.
FOLLEMENT.
*
Chacun a son
Golgotha et c’est sa mort, le sacrement suprême.
*
Un Dieu
traité comme un criminel, un Dieu crucifié : image la plus singulière, la
plus terrible, la plus prodigieuse, dont nous n’épuiserons jamais le mystère.
*
L’habitude bimillénaire
a gommé depuis longtemps le scandale, la folie de la Croix et de la Résurrection.
.
*
La Passion
du Christ condense la VIA DOLOROSA de toute l’humanité. Plus que jamais, après
la plongée du XX° siècle dans le pire, après Verdun, Auschwitz, l’Archipel du
Goulag, après les hécatombes des guerres mondiales et les génocides, nous commençons
à en avoir une conscience plus vive. Meurtre de Dieu par l’Ordre humain
assoiffé de puissance et de domination. Nuit de Dieu et nuit de l’homme en même
temps. Et c’est dans cette nuit que nous nous trouvons. Et nous n’en sortirons
que par l’insensé retournement vers la force résurrectionnelle de l’amour.
*
Le scandale
et la folie de la Croix, unique porte du ciel. Le scandale et la folie de la
Résurrection, irruption du ciel sur la terre. Le Christ doublement
inassimilable.
*
Nous vivons
dans le Mal et la Mort et pour aller vers la lumière, il n’y a pas d’autre
chemin que de traverser le Mal et la Mort. C’est la voie étroite, l’inéluctable
chemin de croix (la voie large, elle, propose les mille et unes illusions du
monde). Mais la réalité ultime est Résurrection. La Croix n’est que passage. Le
dernier mot est Évangile, Joie et non Tragique, non Mort.
*
Le Christ
incarne la seule révolution absolue : la révolution qui triomphe de la
mort. Les tentatives révolutionnaires rien qu’humaines se brisent toujours sur
l’antique muraille infracassable de la mort.
*
Le
christianisme est une insurrection de la vie contre l’apparente souveraineté de
la mort. Son « cœur absolu » : la Résurrection, la vie
infiniment plus forte que la
mort.
*
Il convient
à nouveau, si l’on veut préserver l’essence du christianisme, de comprendre la
Résurrection au sens strict comme relèvement de la mort de l’être vivant entier
corps et âme. On a trop tenté, pour en
amoindrir le caractère invraisemblable, insensé, de la noyer dans des sens
métaphoriques : recommencement printanier du cycle de la nature,
renaissance de l’homme après les désastres et les crimes de l’Histoire…On est
allé jusqu’à confondre la Résurrection et la croyance extrême-orientale en la
réincarnation. L’événement résurrectionnel rompt avec ces mondes de la
répétitivité que sont la nature et l’Histoire
humaine et inaugure la nouveauté absolue, la nouvelle Création dont parle St
Paul.
*
Nous vivons
la foi résurrectionnelle dans la mesure où nous résistons à la croyance aux fatalités biologiques,
psychologiques, sociales, économiques, où en tout domaine nous combattons les
forces de fermeture et de mort et restons attentifs et disponibles à
l’irruption de l’inouï sur nos chemins d’humble humanité.
*
Chassés du
paradis, nous ne pouvons y retourner que par le chemin de croix et non par le
rêve régressif du retour à l’état
fusionnel édenien ou intra-utérin.
*
La folie de
la Croix et le caractère inouï de la Résurrection sont tout autant
incompréhensibles aux hommes modernes qu’ils l’étaient aux Anciens Grecs et
Hébreux.
*
Le vrai
visage de Dieu est celui de l’enfant, du pauvre humilié, du crucifié.
*
La Croix a
sans doute été le symbole d’un christianisme doloriste, sacrificiel, et notre
époque tout à son esprit positif, à son
occultation du mal et de la mort, a tendance à l’évacuer et à ne plus voir dans
l’Évangile que l’aspect affirmatif. Le christianisme est évidemment cela,
affirmation absolue ; mais ce oui sans réserve ne peut se séparer de la
traversée du plus négatif. La Croix est
le signe d’un Dieu qui s’incarne pour
affronter les ténèbres, signe du plus haut combat, combat pour la Vie et non
emblème d’un processus sacrificiel exigé par quelque Divinité punitive.
*
L’homme ne
tourne pas en rond comme le pensaient les sociétés traditionnelles. L’homme
n’est pas prisonnier du grand cercle de
l’éternel retour. Il est fondamentalement être de crise et de rupture. Il
aspire à l’ouverture du cercle de la finitude. Son seul tort est de toujours
retomber dans le fini, d’avoir peur de lâcher prise sans réserve. De ne pas
vraiment croire Dieu. De toujours à nouveau croire plutôt la mort que Dieu.
*
*
"LA CROIX BRISE
LE CERCLE." (MAURICE CLAVEL)
*
Au fond ce
qu’ils veulent aujourd’hui, c’est un christianisme sans la Croix, un
christianisme affadi. Une simple morale, une simple vision politique. La voie
large a grandement triomphé de la voie étroite.
*
Il m’arrive
souvent de penser que la mort plonge dans le néant définitif. La foi n’efface
pas cette pensée. La foi tend follement vers l’impossible.
Jusqu’au
bout je resterai terrorisé par le noir absolu de la mort et accroché comme un
enfant perdu au Ressuscité.
*
Ils
achoppent tous à la Croix, les croyants aux tièdes petites croyances
doucereuses, aux routines rassurantes, et les incroyants qui se contentent des
misérables petites certitudes de ce monde.
*
Notre temps
accomplit planétairement ce que les contemporains de Jésus ont accompli au
Golgotha : le meurtre de Dieu.
*
Le
christianisme est en son fond religion de victoire sur la mort, religion de la
Résurrection. Comment a-t-on pu en faire une religion anti-vie, une ténébreuse
religion de la mort ?
*
Prière
folle, de profundis. Que la clameur des humains parvienne à percer le Néant et
à atteindre le cœur de Dieu !
*
La
Croix : absolue prière.
*
Le Christ
vit le Jeu absolu, Croix et Résurrection. En ce sens et en ce sens seulement,
Il est la voie, la vérité, la vie. Ne pas se contenter d’en faire un Modèle
moral ou socio-politique.
*
Dieu pour s’incarner a ignoré le prestige social et pour mourir a consenti
à la mort la plus ignominieuse.
*
Regarder le Crucifié avec des yeux vierges, en essayant d’oublier pour un instant 2000 ans de christianisme.
*
Chaque époque représente la Passion
christique à sa manière, dans l’esprit du temps. Cependant, sous cet habillage
changeant, le message demeure
intemporel : Jésus crucifié et ressuscité est le Passeur qui fraie la voie
vers la Vie, à travers l’assumation du mal et de la mort, Celui qui coupe l’Histoire
humaine en deux en ouvrant le sépulcral monde de la Nécessité à la liberté de Dieu.
*
L’homme
projette le Mal sur l’autre, sacrifie l’autre. Le Christ prend le Mal sur soi
et le traverse.
*
Croire la Résurrection, c’est croire l’Amour plus fort que la
Mort. Croire l’absolument incroyable.
*
Croire au Christ, c’est croire à la Résurrection et vivre
selon cette Foi, Foi absolument folle, Foi impossible.
*
Le christianisme ne cesse d’être affadi. Loin de la mièvrerie
ordinaire de nombre de chrétiens, il est voie d’absolu tragique et d’absolue
joie, Croix et Résurrection.
*
Christ, Dieu
traversant la mort. Même Dieu ne peut s’épargner ce chemin.
Part
tragique du christianisme : Croix impossible à éluder.
Mais la mort
n’est pas le dernier mot. Le christianisme affirme la victoire définitive de l’Amour sur la mort. Message incroyable qui, s’il est
vraiment pris au sérieux, change tout.
*
Le Néant
apparemment l’emporte. La foi, c’est croire que la vie est malgré tout plus
forte que la mort, et que se brise à jamais le cercle infernal de l’être et du
néant.
*
Résurrection :
révolution absolue, abolissant la mort.
*
VOIES DE L’ESPRIT
TRAVAIL DU ROYAUME
L’Esprit (Pneuma): la Parole transcendante s’incarnant dans le Christ et en l’Esprit
du Christ s’éveillant en chaque être de
foi et entre les êtres de foi.
*
Travail de l’Esprit, travail du Royaume : graduelle christification de
l’humanité à travers le temps.
*
Présence latente de l’Esprit en chaque être humain: évidence
non évidente.
*
L’Esprit ne se laisse pas enfermer dans un Temple.
L’Esprit n’aime pas l’odeur de renfermé.
L’Esprit n’aime pas l’odeur d’encre des scribes.
L’Esprit n’aime pas l’odeur d’encens des prêtres.
L’Esprit aime les eaux et les montagnes.
L’Esprit aime les déserts.
*
Le souffle de Dieu,
c'est cette brise légère
qui parfois se lève
quand s'interrompent le bruit et la fureur,
quand se taisent les bavardages
et que le silence soudain se déploie
des cœurs méditatifs
jusqu'à la lumière d'ailes de neige
là-bas par-delà les cimes.
Alors au plus secret de chaque orant
frémit le tendre murmure de Dieu
et son feu frais irradie à travers les visages.
Et comme une immense caresse
le ciel touche la terre,
vivifiant tout être
qui s'offre au plus profond Respir.
*
L’Esprit travaille au cœur de la Création pour faire advenir son accomplissement, la Nouvelle Création.
*
La Nouvelle Création est l’invention du règne de l’Amour dans un monde polarisé par la Force. Christification du monde. Retournement de la Création vers le Dieu-Amour.
*
La Création présente est la matrice de
la Nouvelle Création, de la genèse du Royaume.
*
La Création sort du Néant et s’accomplit dans le Royaume de
Dieu.
*
LE CIEL ET
LA TERRE. Les deux grandes
hérésies : penser la terre contre le ciel et le ciel contre la terre.
*
Le ciel n’est
pas un autre monde. Il est la dimension dans laquelle s’accomplit ce monde.
*
Le Monde est
le chantier du Royaume, non son opposé.
*
Terre et
ciel sont liés dans le même drame abyssal.
*
La Terre est
le champ, le ciel est le germe.
Notre tâche : laisser éclore le germe.
C’est le travail de l’Esprit à travers le temps.
*
Dieu habite le temps, non l’espace.
*
Ne pas rêver du ciel. Faire d'abord la vérité et la
justice ici maintenant. Un Dieu exilé dans le ciel est un faux Dieu.
*
Le monde est genèse dans la nuit, genèse-apocalypse.
*
Travail du Royaume. Assumer tout le réel
et le transfigurer à travers la Croix. Assumer toute la vie et la transmuer à
travers la ténèbre de la mort. Immense labeur de christification de toutes les
réalités.
*
Le Royaume s'édifie en ce monde, contre sa réification.
*
Le Royaume, c’est clairement et nettement l’incarnation
du règne de la charité, non un ciel chimérique.
*
Le Royaume se fait ici maintenant et n'est pas à
exiler dans un au-delà imaginaire.
*
Il n'y a de vie éternelle que celle dont nous sommes
les germes dans le champ du monde présent.
*
Travail du Royaume: programme de l’antipolitique, le
contraire de la politique de puissance. Lutte pour l’homme de droit divin.
*
Tâche infinie : sans cesse défaire toute Image du
Monde et ouvrir en-deçà, au-delà, à la Vie débordant toute Image de la Vie.
*
Le Royaume du Christ n'est pas de ce
monde, c’est-à-dire du monde de la domination, du monde de la puissance, du
monde de la maîtrise. Du monde des maîtres et des esclaves qui adorent les maîtres.
*
Dieu aussi a été réifié.
*
Le Royaume est en toi, dans ta découverte sans fin de l'amour. Le Royaume est entre toi et les autres, dans la mutuelle pratique de la charité.
*
Le Royaume n’est pas simplement un pari
« pascalien » sur l’au-delà. Il est ici maintenant l’instauration concrète
de l’ordre de la charité.
*
Le Royaume est difficile d’accès pour les Riches, mais aussi
pour les Intellectuels : les possessions spirituelles comme les
matérielles bouchent l’entrée. C’est seulement nu qu’on peut traverser le seuil.
*
Vision christique du monde : Jeu du Monde et du Royaume.
Ce n’est pas une rêverie d’outre-tombe, grand reproche qu’adressent au christianisme
ses contempteurs modernes. Le travail du Royaume s’accomplit en pleine pâte du
monde et va au-delà. Travail dans le fini vers l’infini, fini et infini étant
étroitement imbriqués.
*
Nous sommes sur terre pour incarner la Parole et par ce moyen
laisser croître le Royaume.
*
Le Royaume ne s’oppose pas à la Terre : il l’accomplit.
*
Celui qui veut aller au ciel n’y arrivera pas car le ciel
n’est pas un royaume à conquérir.
N’entre au Royaume que celui qui renonce à tout règne.
*
Un Royaume qui se ferme sur lui-même n’est pas le Royaume,
espace ouvert où doivent pouvoir se rencontrer tous les êtres humains.
*
Message de libération. Le Royaume, faites-le.
Jésus dit : le Royaume est en vous.
Mais on a tout recouvert, l’Ancien a réabsorbé la nouveauté.
*
Les chaînes du monde sont en l’homme.
*
Jésus annonce le Royaume au peuple. Mais les Puissants, les
Docteurs le crucifient. Et la
Nuit retombe.
Et règnent encore et toujours les Monopolisateurs du Monde.
*
Vous, les Puissants, abandonnez la puissance.
Toi, le peuple, abandonne la soumission et construis le
Royaume.
*
Ne rien enseigner. Enseigner à se libérer des enseignements,
à trouver la vérité de vie au fond de nos cœurs.
*
Libérer l’Éternité incarcérée dans les chaînes du Temps.
*
Libère-toi des Dieux et fais le Royaume.
Le Royaume est à l’occident de tous les Dieux.
*
La science, la technologie : des Dieux, encore des
Dieux.
*
Je parle d’un lieu sans autorité.
*
Entrez dans le Jeu.
Abandonnez la pesanteur des grands discours et devenez grâce
– ici et maintenant.
*
LE PEUPLE DE DIEU, LA CHRÉTIENTÉ. Il n’y a pas de chrétienté. Le seul peuple de Dieu est celui des
Non-possédants, de ceux qui, dispersés à travers le monde, mettent la
non-possession au-dessus de la possession, le non-pouvoir au-dessus du pouvoir,
le non-savoir au-dessus du savoir.
*
COMMUNION. Dans la Parole, on ne communique pas,
on communie ; on vit ensemble le Mystère.
*
« LÀ OÙ DEUX OU TROIS S’ASSEMBLENT EN MON NOM, JE SERAI
PARMI EUX. »
*
EUCHARISTIE. L’eucharistie christique est un coup de génie
absolu. Sublimation du cannibalisme. Manger Dieu, en faire notre substance
intime.
*
La voie est co-naissance au Verbe vivant, manducation
de Dieu et non quête d’une réalité
métaphysique ou d’un Idéal.
*
Dieu est l’abîme à oser, la plus grande aventure, la
plus grande ouverture.
*
La voie christique veut une transmutation du monde hic
et nunc, non une pure utopie terrestre ou céleste. Réalisme prophétique, non rêve
idéaliste.
*
L'INSENSÉ BOND
Le seul événement est
l'interruption de l'histoire,
de l'histoire
que se racontent les êtres humains
pour faire sens ensemble.
Le seul événement est
l'insensé bond
hors des légendes humaines,
trop humaines:
l'étreinte de l'éternité
ici, maintenant,
à jamais ;
l'affirmation verticale:
poésie, mystique,
subversion absolue
du monde humain rien qu’humain,
genèse du Royaume ...
*
LE FEU SUR LA
TERRE
RÉVOLUTION - RÉVÉLATION DE L'ESPRIT
*
PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ. Sentiment de responsabilité et
d'implication relativement à tout ce qui arrive au monde. Chacun est pris dans
le Jeu entier et ne peut se croire hors-jeu, isolé sur son île, qu'en
s'illusionnant. Nous sommes embarqués et embarqués tous ensemble.
*
Chacun est responsable de toute l’humanité. Chacun
doit vivre, penser, agir comme s’il représentait l’humanité entière.
*
LE TEMPS, L’ÉTERNITÉ
EXTRÊME LE TEMPS. Tout est toujours à faire, à
refaire.
*
Le temps est toujours extrême: constante urgence de la vie personnelle et de la vie du monde.
*
Le présent comme temps de la permanente conversion, de la permanente ouverture à ce qui advient.
*
Critique du temps cyclique, tourné vers
le passé; critique du temps linéaire, tourné vers le futur ; critique du
temps fermé sur le présent.
Sortir des images du temps :
passéisme, futurisme, présentisme.
Le temps est vertical : temporalité
travaillée par l’éternité.
*
Vivre l'extrême présent. Consentir sans
réserve au temps sans fuir dans un passé ou un avenir imaginaires. Être absolu
oui ici maintenant à jamais.
*
Le temps n'est pas linéaire, n'est pas
cyclique, n'est pas représentable, n'est pas
maîtrisable. Est in-imaginable. Est
naître.
*
Ici et maintenant
vivre le temps extrême, vertical, absolument traditionnel, relié à la Source,
et absolument moderne, ouvert à l'Inouï.
*
L’ÉTERNITÉ ICI MAINTENANT. N'attends
pas l'éternité au-delà du temps, mais brûle dès maintenant le temps dans
l'éternité incandescente de l'instant.
*
Abandon de
l’idée du temps chronologique, du temps téléologique. A la place : le
temps-naître, l’Éternel Naissant .
*
L’essentiel
ne se situe ni en arrière ni en avant. L’essentiel se joue ici et maintenant,
dans l’état naissant de l’existence.
*
Au lieu de tendre vers, laisser émerger,
laisser naître. Temps comme devenir délivré du vouloir humain. Temps de Dieu.
*
Pour vivre
dans le temps, pour vivre la plénitude du temps, il faut s’arracher au temps,
ne plus objectiver le temps.
*
Abandon de
toute Image du temps et de l’espace. Nous n’habitons pas l’Histoire, nous n’
habitons pas
le Cosmos. Nous habitons le Lieu-Non-Lieu de la Parole.
*
Temps
extrême : l’homme est acculé à l’abandon de toute Image du monde et de
l’outre-monde.
*
Être d’une
brûlante inactualité.
*
Ceux qui
tuent le temps sont à vrai dire des meurtriers de l’éternité qu’ils ne savent
pas trouver au cœur du temps.
*
Ne te soucie
pas du ciel. L’éternité est déjà là : il suffit de t’ouvrir avec
confiance au temps naissant, au temps de
Dieu.
*
Qui se
soucie du ciel s’en ferme la porte.
*
Se dénuder
et sans cesse pénétrer dans le Mystère
inépuisable, s’ouvrir à l’insaisissable Vie. Ardente co-naissance.
*
Dieu dans le
corps présent, non dans les abstractions de la tête.
*
Plus que
penser Dieu, il s’agit de Le vivre, de Le laisser s’incarner en notre humanité,
de laisser le Verbe transfigurer la chair.
*
Si Dieu n’est pas le cœur de la vie la plus concrète, il
n’est qu’une Idée vaine et dangereuse.
*
Dieu est
présence réelle, non Entité métaphysique, imaginaire.
*
LE TEMPS, L’HISTOIRE.
Ne pas opposer l’Ancien et le Nouveau temporels, historiques, mais l’Ancien et
la Nouveauté Éternelle – l’Ego et le Non-Ego.
*
L’Histoire de Dieu et de l’Homme est celle d’une
intériorisation progressive du Divin en l’homme jusqu’à la révélation en Christ
de l’Esprit comme cœur de l’Homme.
*
HUMANITÉ THÉOPHORE
HOMME TEMPLE DE DIEU
*
ÉTERNITÉ. Tout ce
que cette terre a porté de beauté et d’amour, Dieu le recueille-t-il dans son
éternité ?
*
Représente-toi l’être qui t’est le plus cher. Peux-tu
concevoir d’en être séparé éternellement ? Ne désires-tu pas un amour
éternel ?
*
En contemplant les visages aimés, je ne peux pas ne pas
désirer leur éternisation.
*
Vivre, aimer, écrire, créer comme si c’était pour l’éternité.
*
Foi en la Vie pour ici maintenant et pour l’éternité. Il n’y
a pas de christianisme sans foi en Christ ressuscité.
*
RELIGION, RELIGIONS
Si la religion
n'est pas l'expression du total amour, elle n'est que farce vaine.
*
Les religions deviennent
souvent des tombeaux où l'on enferme l'esprit vivant des génies religieux.
*
Les religions ont en
permanence à se convertir au noyau spirituel qui en constitue le cœur, à
répéter en permanence l’ardente co-naissance.
*
Grandeurs et faces d'ombre des religions. Manifestations du désir infini de l'homme d'un côté et de l'autre, instruments de sa folie de toute-puissance.
*
Le Dieu que revendiquent les humains est généralement
le Dieu de Toute-Puissance, non le Dieu de Miséricorde.
*
La religiosité ne doit pas être un domaine à part, une
spécialité parmi d’autres, mais l’espace le plus ouvert où tous les aspects de
la vie peuvent se déployer et s’enrichir mutuellement.
*
La religion concerne tous les éléments de l’être humain, et
non pas seulement des parties privilégiées, l’être humain endimanché.
*
« RIEN
N’EST CONTRAIRE À CE QU’ON NOMME LA RELIGION COMME CE QU’ON NOMME LA
MORALE ; LA MORALE ENDUIT L’HOMME CONTRE LA GRÂCE. » (PÉGUY)
*
La médiocrité, la vieillerie, le conservatisme , le
dogmatisme rigide des Eglises chrétiennes ont sans doute détourné plus d'êtres
humains du Christ que toutes les propagandes antireligieuses.
*
Toute religion doit se défaire de l’idée qu’elle représente
la colonne vertébrale du monde et entrer en dialogue avec les autres traditions
spirituelles.
*
Une religion qui cherche à dominer sert toujours un faux
Dieu.
*
En matière de religions, je suis contre le syncrétisme et
cependant ouvert aux inspirations venant de toutes les traditions spirituelles
enrichir ma propre tradition.
*
C’est facile de critiquer les religions, mais infiniment plus
difficile de suivre vraiment les témoins de Dieu, les saints de toutes les
religions.
*
Distinguer clairement les institutions religieuses avec leurs
grandeurs, leurs faiblesses, voire leurs noirceurs, et l’expérience intérieure
du divin, l’inspiration mystique, poétique, révolutionnaire, les voies de la
sainteté. Deux dimensions, extériorité/intériorité, qui ne sont pas exclusives
l’une de l’autre, qui tantôt concordent tantôt discordent.
*
La religion ne doit pas servir à supporter la vie, mais à l’illuminer.
*
Il y a deux folies de Dieu, diamétralement opposées: l’extrémisme de l’amour (François
d’Assise, Hallaj) et l’extrémisme du dogme pétrifié pétrifiant (l’éternelle
Inquisition s’emparant de temps à autre de toute tradition religieuse).
*
Religions de la terre/religions du ciel: les unes peuvent
être aussi pernicieuses, aussi oppressives que les autres.
*
Toute religion qui anathémise est elle-même anathème.
*
Il y a un abîme entre la
radicalité fanatique, persécutrice et meurtrière, et la radicalité de la
charité, compassionnelle, les deux faces
extrêmes de la religiosité, la ténébreuse et la lumineuse.
*
GÉNIES RELIGIEUX. Les grands génies religieux ont tous été
trahis et défigurés en images pieuses. On ne les retrouve qu'en redécouvrant
toujours à nouveau le scandale qu'ils incarnent dans les sociétés humaines.
*
Les religions suscitent à la fois les pires folies du
fanatisme et de la superstition et la plus haute folie de l’amour.
*
Toute instrumentation politique de la religion est un meurtre
de Dieu. Dieu n’a rien à faire avec la Puissance ; il n’a à faire exclusivement
qu’avec l’Amour.
*
ÉCRITURES. La Parole de Dieu n'est pas dans les Écritures, ce
sont les Écritures qui sont dans la Parole de Dieu.
*
Dieu est infiniment plus grand que toute Écriture sacrée.
*
TEMPLE. Si le Feu
s'est éteint dans le Temple, abandonne le Temple.
*
LA SAINTETÉ, LE SACRÉ.
Dieu n'habite que dans le cœur humain. C'est le seul lieu saint. Il n'y a ni Écriture
sainte, ni Site sacré.
*
PÉCHÉ CONTRE
L’ESPRIT: transformer Dieu en système
qu'on impose de force aux hommes. La plupart des religions le commettent de temps à autre.
*
*
La Révélation vient du dedans. Une grande part des
religions est chosification, formalisme extérieur, y compris dans le
christianisme traditionnel.
*
La vraie Foi est expérience de
l’intériorité, naissant de l’inspiration de l’Esprit. La croyance ou
l’incroyance imposées du dehors par les traditions religieuses dogmatiques ou par la force
politique sont le péché capital contre la liberté inaliénable de chaque
subjectivité humaine, le péché contre l'Esprit qui ne connait pas de pardon.
Songeur d’apocalypse,
tu marches au sein de la foule somnambule
et là-bas dans le crépuscule orange la vision violente du Royaume
illumine les longues files de voitures,
les multitudes fabuleuses de la cité moderne.
Tu entres dans un bistrot
et tu bois un café bien chaud
en pensant au Golgotha.
Un clochard passe sur le trottoir,
le visage tuméfié.
portant chasubles en soie et dorures.
TRANSFIGURATIONS
Ouvrez vos yeux entre les éclairs. Voyez. Voyez
par-delà les figures de ce monde. Soyez des voyants aux pupilles dilatées par
le mystère.
Les nations habillées d’aigles
s’agglutinent dans les crevasses de la Peur où pullulent serpents et scorpions.
Et
la grande Ombre céleste passe sur les têtes, la terrifiante brusque Ténèbre éteignant
tous les éclairages des métropoles et des hameaux et jetant la nuit totale sur
les continents.
Et
les bouches de la Terre, gueules d'enfer, s’ouvrent et avalent goulûment les multitudes proies de
la Grande Angoisse.
Et
les oiseaux aux ailes de vertige flambent et s’envolent en nuées immenses au-dessus
des pierres levées de la détresse terrestre, dérivant dans le ciel crépusculaire et se
perdant au-delà des monts obscurs.
Oh !
ce silence d’agonie au pied des murailles infranchissables de la Faute.
Les
morts enveloppés de linceuls déchiquetés se levant de leurs grabats montent des
souterrains remplis de vapeur létale et s’égaillent
en hordes verdâtres à travers les terres dépouillées.
On sent dans l’air l’odeur des débauches
et des crimes.
Gravitations
lugubres de rapaces dans le ciel de plomb au-dessus des morts-vivants
déguenillés.
Tout se tait
et les feuillages s’enflamment de
verdure noire.
Songeur d’apocalypse,
tu marches au sein de la foule somnambule
et là-bas dans le crépuscule orange la vision violente du Royaume
illumine les longues files de voitures,
les multitudes fabuleuses de la cité moderne.
Tu entres dans un bistrot
et tu bois un café bien chaud
en pensant au Golgotha.
Un clochard passe sur le trottoir,
le visage tuméfié.
Saignent les ferrailles d'angoisse, crient, rient les
rails de rage dans la ronde hautaine des nébuleuses.
Socs tranchant la glaise des abjections dans la nudité
des nuits sanglantes.
Des milliards de termites montent à l'assaut de la
cathédrale,
vaste carcasse délaissée au milieu des champs de
tulipes.
Le feu s'empare des arbres et des constellations.
Les empires s'écroulent comme d'énormes forêts
pourries
et la plèbe livide et pourpre, la pègre prophétique
roulant des joyaux dans son écume submerge les jardins royaux.
À l'occident des dieux, éclate, Très sainte Révolution, splendeur verte de l'athéisme, ouragan de roses !
Au-dessus des dômes et des palais, danse, printemps d'ailes et d'épées!
À l'occident des dieux, éclate, Très sainte Révolution, splendeur verte de l'athéisme, ouragan de roses !
Au-dessus des dômes et des palais, danse, printemps d'ailes et d'épées!
Dans la cathédrale rageuse de joie retentissent
les psaumes.
Les colombes de candide douceur survolent
les cierges, traversant diaphanes les nuées d'encens, se dissolvant dans la
lumière des vitraux qui vibrent d'allégresse dorée.
Seuil de la nouvelle Ionie. Embruns des
prophéties jusqu'aux Andes, aux Mongolies.
Dans le scintillement des chaos de
foudres, tu nais, terre de feu, ode de porphyre émergeant des mers.
Les foudres noircissent l’or des
ostensoirs, brûlent les hosties immaculées.
Le pain du ciel saigne.
Les soldats mitraillettes en bandoulière
boivent le vin noir dans les calices volés sur les autels du temple et crachent
sur les suppliciés.
Au lieu-dit du crâne de tendres brises
frôlent les crucifiés
et dispersent les neumes au-dessus des pâtures de Judée.
et dispersent les neumes au-dessus des pâtures de Judée.
La cathédrale s’effondre
et le maïs immensément envahit les
ruines
avec une calme violence.
Le sanctuaire offert à l’azur libre retentit
du cantique des luxures printanières.
Les effluves sombres de sexe se mêlent
aux fortes senteurs de l’encens et des lys.
Des gerbes de sang tiède inondent les Livres,
Korans, Védas, Bibles, et éclaboussent les officiants
portant chasubles en soie et dorures.
ABBA
PATER NOSTER QUI ES IN CAELIS
PÈRE, QUE TON NOM SOIT SANCTIFIÉ !
La liberté aux seins d'adolescente avance parmi les
décombres des empires.
Verdure de Dieu, Alléluia !
Verdure de Dieu, Alléluia !
Verdure bleue
s’épanouissant en amples palmes
vertigineusement au-dessus de la mer
comme ce long cri de sainte colère aux
vibrations du sang,
HOWL, tam-tam, tambours frénétiques, clameur
nègre des trompettes d’or étincelant aux soleils noirs de l’humiliation
et de la souffrance.
Archipels de la grande détresse, camps
de mort, charniers, banlieues glauques, métro hanté par les sans-abris et les
bardes hirsutes à guitare, sébile et voix éraillée, usines aux murs éclaboussés
de colères ravalées, trains allant au bout de la nuit, au bout de l’enfer.
NACHT UND NEBEL.
Nuit et brouillard.
VERGIB UNS UNSERE
SCHULDEN
PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES COMME NOUS PARDONNONS
À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS.
Apostasie de toutes les nations. Ère des
ténèbres, diluvienne. Holocauste planétaire. Terres plantées de barbelés, de
miradors, de blockhaus. Hurlements des tortionnaires, des meurtriers de Dieu.
Vous qui entrez ici ne pensez plus au
vaste azur lumineux des méditerranées .
Noir fracassant, écroulements de ténèbre,
tam-tam,
percussions se répercutant dans la
grande forêt hallucinée de la folie humaine
où rôdent les masques démoniaques,
HOWL, Heulen der Sirenen,
Heulen der Schmerzenden,
hurlement, hurlement des sirènes,
hurlement des souffrants, des déments, des agonisants. Hurlement de la haine, des
lapidations, des anathèmes, des blasphèmes.
PARDONNE-NOUS NOS OFFENSES !
Se lèvent les poings dans les matins
gluants des cités délabrées,
les poings meurtris frappent les portes
d’acier colossales.
Et se déployant en cyclone la
vertigineuse clameur monte dans le ciel,
vrombissements, rugissements,
martèlements, explosions,
jours de mort, entassements de cadavres.
SED LIBERA NOS A MALO !
Délivre-nous du règne du meurtre !
ERLÖSE UNS VON DEM BÖSE
Ouvrez vos yeux entre les éclairs. Entre
les éblouissements, les aveuglements. Voyez ce que l’homme ne voit pas. Par-delà
tous les sens, devenez des voyants. Voyants
d’apocalypse, témoins de la transfiguration, vigies de la plus grande paix,
celle qui surpasse tout entendement !
Ouvrez vos oreilles entre les fracas du
tonnerre. Entre les explosions, les clameurs. Dans les tréfonds du silence, percevez la
Parole qui vient de la Source.
Écoutez l’Inouï par-delà le vacarme de
ce monde hagard.
Dénouez vos êtres et laissez-vous
irradier par L’ESPRIT QUI SOUFFLE OÙ IL VEUT, Alléluia !
Haut Souffle ignifiant chargé de sel, de
vaste senteur de mer, ON NE SAIT NI D’OÙ
IL VIENT NI OÙ IL VA.
Brume de brûlure investissant, vivifiant
les êtres translucides.
Ouvrez vos corps-âmes à la Pulsion
divine, à la Voix du Cœur clamant en silence par-delà les vagues de
l’océan déchainé de la vanité humaine.
Écoutez le silence prophétique. Écoutez
la prophétie du Feu inextinguible qui vient du dedans. Lave de l’Esprit.
Les drapeaux rouges, noirs, tricolores
brûlent dans le brasier de Dieu et les croix sur les collines autour des villes
saintes s’illuminent comme des arbres de vie aux fruits d’or, aux fruits d’éternité.
PÈRE, QUE TON RÈGNE
VIENNE!
Voici la mer,
voici bleu et frémissant de sources
le matin du Ressuscité,
paix aux hommes de bonne volonté.
Voici, tu descends la rue vers la mer
et tu chantes,
et tu t’ouvres corps et âme.
Ton sang inonde l’avenir
qui est une nuit pure, une aurore
secrète toute vibrante de germes
et tu marches dans la transparence
printanière,
parmi les floraisons, les guirlandes,
les sourires des femmes rayonnantes,
et les poings s’ouvrent en fleurs
dans la vaste rumeur des villes,
et vous vous dissolvez dans la clarté
retrouvée
afin que des peuples d’enfants
croissent au cœur des mers
et dans les rues désolées
des banlieues.
ADVENIAT REGNUM TUUM
Voici le psaume
montant des entrailles du temps,
le psaume des peuples
en marche
et des éclatements.
Rouges noirs les jours
de rage,
les jours de gloire,
et bleus l'été la
liberté,
bleus les yeux de la
liberté,
l'azur ivre au-dessus
des champs de blé
et la mer la mer
immensément lumière.
Blanche l'éternité,
la neige paisible sur
les hameaux d’Occident et d’Orient.
Blanche l'attente
séculaire,
l'éternelle
éternellement muette attente dans les chaumières
du grand jour de
délivrance.
DEIN REICH
KOMME !
Bleus le rêve l'utopie
le ciel sur la terre,
bleu le paradis îles ô
îles d'innocence par-delà la mer,
pays de cocagne ou
Atlantide.
Voici le psaume des
profondeurs,
le chant de
l'indestructible Espérance.
Rouges noirs soudain
et bleus et blancs
les jours des nations
en transe
de haute subversion.
Clameur rauque
démoniaque
remplissant le ciel,
millions d'ailes
se trempant dans les
flaques
du nouveau matin
et s'envolant parmi
les danses
et les rires
cristallins.
Voici le sombre chant
le cantique irradiant
de la sainte
véhémence.
DONNE-NOUS AUJOURD'HUI
NOTRE PAIN DE CE JOUR !
ET PRÉSERVE-NOUS DE L’ÉPREUVE !
Infinie transhumance dans la lumière de la Parole des créatures sorties de
l’humus et en chemin vers le Royaume de la Vie.
Immémoriale Genèse-Apocalypse, grosse d’astres, de plantes, d’animaux, de
rêves humains sous les vents noirs d’enfer et les brises de menthe.
QUE TON VOULOIR SOIT FAIT SUR TERRE COMME Il EST FAIT AU CIEL!
DEIN WILLE GESCHEHE WIE IM HIMMEL SO AUF ERDEN
Parousie éclatante parmi les oriflammes et les nuées en feu,
Alléluia !
Ô nouvelle Jérusalem ! Nouvelle
Terre ! Nouveaux cieux ! Communisme de Dieu ! Très sainte Utopie !
MILLION D’OISEAUX D’OR, Ô FUTURE
VIGUEUR !
ELLE
EST RETROUVÉE.
QUOI ?
L’ÉTERNITÉ.
C’EST
LA MER ALLÉE
AVEC
LE SOLEIL.
Les bêtes sacrées, veinées de lave, traversent
fougueusement la buée de l'aurore, escaladent les montagnes de fraises qui séparent le pays des Nuages de celui des Bannières, et, se cabrant
sur les crêtes chenues, dressent leurs corps d'ébène vers
l'Étoile radieuse du Matin.
Les trompettes d’or éclatent d’allégresse au soleil qui se lève sur le
labyrinthe des cités de marbre ou de boue, sur la houle des collines boisées. Hosannah !
Nuées pourpres au-dessus de la terre promise. Plérôme, plénitude d’été.
Avènement du Règne de justice.
Ô Lumière incorruptible transfigurant la Création présente !
Ô Nouvelle Création ! Eternelle Eucharistie ! Éternel Amen !
Eternel Alléluia!
DENN DEIN IST DAS REICH
CAR C'EST À TOI QU'APPARTIENNENT LE RÈGNE, LA PUISSANCE ET LA GLOIRE POUR
LES SIÈCLES DES SIÈCLES.
*
TABLE
JEU DES JEUX HUMAINS
SEUIL
AU
COMMENCEMENT LA PAROLE
LE JEU DES
JEUX
CŒUR DE L’ÊTRE
LE DÉSIR,
L’ESSENTIEL, L’IMPOSSIBLE
JEU DE L’EGO
ET DU NON-EGO
FOI
OU BIEN OU
BIEN
HOMO VIATOR
TRAVAIL DE
LA PENSÉE
ORDRE DE LA
CHARITÉ, DIVINITÉ DE LA HAUTE TENDRESSE
L’ABSOLUE
SIMPLICITÉ
VOIES DE LA
BEAUTÉ
ECCE HOMO,
GRANDEUR ET MISÈRE DE L’HOMME
LE BIEN ET LE
MAL
L’ORDRE-DÉSORDRE
HUMAIN, TROPHUMAIN, INHUMAIN
LA VIE ET LA
MORT
JEU DE DIEU
CREDO
LA SOURCE VIVIFIANTE
CHRIST
L’Incarnation
Christité
La Folie de
Dieu : la Croix et la Résurrection
VOIES DE
L’ESPRIT
Travail du
Royaume
Le Temps, l’Éternité
Religion, religions
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