INCANTATIONS DES TEMPS ET DES LÉGENDES
PSAUME 89
Voici le psaume montant des entrailles du temps,
le psaume des peuples en marche
et des éclatements.
Rouges noirs les jours de rage,
les jours de gloire,
et bleus l'été la liberté,
bleus les yeux de la liberté,
l'azur ivre au-dessus des champs de blé
et la mer la mer
immensément lumière.
Blanche l'éternité,
la neige paisible sur les hameaux de France.
Blanche l'attente séculaire,
l'éternelle éternellement muette attente dans les chaumières
du grand jour de délivrance.
Bleus le rêve l'utopie le ciel sur la terre,
bleu le paradis îles ô îles d'innocence par-delà la mer,
pays de cocagne ou Atlantide.
Voici le psaume des profondeurs,
le chant de l'indestructible Espérance.
Rouges noirs soudain et bleus et blancs
les jours de France.
Clameur rauque démoniaque
remplissant le ciel, millions d'ailes
se trempant dans les flaques
du nouveau matin
et s'envolant parmi les danses
et les rires cristallins.
Voici le sombre chant le cantique irradiant
de la sainte véhémence.
BLEUS L’ÉTÉ LA LIBERTÉ
SOMBRE LE CHANT IRRADIANT
DE LA SAINTE VEHEMENCE
GOLGOTHA ALSACIEN
REQUIEM EUROPÉEN
PSAUME 89
Voici le psaume montant des entrailles du temps,
le psaume des peuples en marche
et des éclatements.
Rouges noirs les jours de rage,
les jours de gloire,
et bleus l'été la liberté,
bleus les yeux de la liberté,
l'azur ivre au-dessus des champs de blé
et la mer la mer
immensément lumière.
Blanche l'éternité,
la neige paisible sur les hameaux de France.
Blanche l'attente séculaire,
l'éternelle éternellement muette attente dans les chaumières
du grand jour de délivrance.
Bleus le rêve l'utopie le ciel sur la terre,
bleu le paradis îles ô îles d'innocence par-delà la mer,
pays de cocagne ou Atlantide.
Voici le psaume des profondeurs,
le chant de l'indestructible Espérance.
Rouges noirs soudain et bleus et blancs
les jours de France.
Clameur rauque démoniaque
remplissant le ciel, millions d'ailes
se trempant dans les flaques
du nouveau matin
et s'envolant parmi les danses
et les rires cristallins.
Voici le sombre chant le cantique irradiant
de la sainte véhémence.
BLEUS L’ÉTÉ LA LIBERTÉ
SOMBRE LE CHANT IRRADIANT
DE LA SAINTE VEHEMENCE
BLANCHE NOIRE
L'HORREUR
blancs les éclairs
noir l'orage tourbillonnant
autour des demeures féodales
les éclairs frappent
les bêtes trempées qui s'échappent
écroulement des hauts portails d'ombre
les pierres mordues par le feu du ciel
crient
tandis que les manants en furie
violent les servantes
dans les cuisines les écuries
blêmes bleus les éclairs brûlant la neige
de chairs suppliciées
laiteuses les flaques de sperme moiré
et rouge sombre les flaques de sang
blanche noire l'horreur
dans le luxe des vastes salles
on crucifie le seigneur
on lui crève les yeux
noires pourpres les clameurs
que répercute le dédale des souterrains
blancs les éclairs
noir l'orage tourbillonnant
autour des demeures féodales
les éclairs frappent
les bêtes trempées qui s'échappent
écroulement des hauts portails d'ombre
les pierres mordues par le feu du ciel
crient
tandis que les manants en furie
violent les servantes
dans les cuisines les écuries
blêmes bleus les éclairs brûlant la neige
de chairs suppliciées
laiteuses les flaques de sperme moiré
et rouge sombre les flaques de sang
blanche noire l'horreur
dans le luxe des vastes salles
on crucifie le seigneur
on lui crève les yeux
noires pourpres les clameurs
que répercute le dédale des souterrains
ELSASSISCHER
GOLGOTHA
Jetz steht dr Barg
met sim hocha Kritz ewer d Ewena.
Jetz esch Stella,
unandligi Stella ewerem Barg.
A Stella wia na
verstummter Schreï vu doïsiga Geopferta,
a roter, schwàrzer
Schreï wu üsm Blüatbarg brialt, üsm dunkla Harz vu dr Arda.
Jetz steht dr Barg
in dr riawiga Stella,
dr Barg met dr
verwundeta Nàtür,
dr Barg vum vruckta
Morda, vum Schrecka, vum Hunger, vum Durscht,
dr Barg vum Schmarz un vum Tod.
Ja, do owa han se
sech gschlàchta wia welda Tiarer
in da Schetzagrawa, in da Lecher, im Drack, in
dorniger Weldnis un Stàcheldroht.
In Nàcht un Nawel,
im Raga, im Schnee, under isiga Sterna un brennenda Hemmel,
han si gekampft, wia Gschpanschter, d
gehelmta, gestefelda Soldàta,
met Flenda, Grànàta, Baïonnetta, Masser.
In da Unterstand
han se sech verkrocha
underm heftiga
Trummel-Fier vu da Kànona.
Do owa verlora in
dr Hell han si gwàrta uf Erlesung vum
unmenschliga Ewel.
Si han gwàrta uf
Freeda oder Verdàmnis.
Gwàrta han si un
verzwiefelt.
Do owa ufm buckliga
Gepfel esch si gekritzigt wora,
d Jugend üs Ditschlànd
un Frànkrich.
Do owa ufm riesiga
Totakopf üs Felsa un Wurzla
esch si verblüata, d flàmmenda Jugend.
Do esch si umgebrocht wora, do esch si gstorwa
in Schlàmm un Fülnis,
in
Gottes Nàcht, ohna Gebat, ohna Psàlm, ohna Gnàda.
Jetz steht dr Barg
met sim hocha Kritz wu Chreschtüs fahlt.
Ufm elsassischa
Golgotha, in dr versprangta Fenschternis, in dr verressena Stella,
Esch
Gottesdämmerung, esch Walt-Untergàng gse.
Ufm elsassischa
Golgotha, under Stàhlgwetter, underm
blüatiga Hemmel,
esch Gott gstorwa.
GOLGOTHA ALSACIEN
Maintenant
la montagne se dresse au-dessus de la plaine avec sa croix altière.
Maintenant
le silence, l’infini silence règne au-dessus de la montagne.
Un silence
comme la clameur muette de milliers de victimes, une clameur rouge, noire qui
hurle hors de la montagne de sang, hors des entrailles sombres de la terre.
Maintenant
la montagne se tient dans un calme paisible, la montagne meurtrie,
la montagne
de la folle tuerie, de la terreur, de la faim, de la soif, la montagne de la
souffrance et de la mort.
Oui là-haut
ils se sont massacrés comme des bêtes féroces dans les tranchées, dans les
trous, la fange, les ronces, les torsades de barbelés.
Entre nuit et brouillard, dans la pluie, dans la neige, sous
les constellations glaciales, sous les cieux brûlants, ils se sont battus
jusqu’à l’absurde, comme de sombres spectres d’horreur, les guerriers casqués,
bottés, avec fusils, grenades, baïonnettes, couteaux.
Ils se sont
terrés dans les souterrains sous le feu roulant des canons.
Perdus
là-haut en enfer ils attendaient d’être délivrés du Mal inhumain.
Ils
attendaient la paix ou la damnation insensée.
Ils ont
attendu et ils ont perdu l’espoir.
Là-haut sur
le sommet bossu, elle a été crucifiée, la jeunesse de France et d’Allemagne.
Là-haut sur
le crâne gigantesque de rocs et de racines, elle a versé son sang, la
flamboyante jeunesse d’Europe.
Là-haut elle a été systématiquement décimée, la génération
livrée à l’effroyable sacrifice; là-haut elle a péri dans la bourbe et la
pourriture, dans la nuit de Dieu, sans prière, sans psaume, sans grâce.
Maintenant
la montagne s’élève avec son immense croix sans Christ.
Sur le
Golgotha alsacien, dans les ténèbres fracassées, dans le silence lacéré, est
advenu le crépuscule de Dieu, l’apocalypse du monde.
Sur le Golgotha alsacien, parmi les orages d’acier, sous les
effroyables cieux de sang, Dieu est mort.
UN SILENCE COMME LA CLAMEUR MUETTE
DE MILLIERS DE VICTIMES
UN SILENCE COMME LA CLAMEUR MUETTE
DE MILLIERS DE VICTIMES
ELSÄSSISCHER GOLGOTHA
Jetzt erhebt sich der Berg mit seinem hochen Kreuz über
der Ebene.
Jetzt ist Stille, unendlige Stille über dem Berg.
Eine Stille wie ein verstummter Schrei von tausenden Geopferten, ein purpurner,
schwarzer Schrei der aus dem Blutberg, aus dem dunklen Herz der Erde brüllt.
Jetzt steht der Berg in friedlicher Ruhe
Ja, da oben haben sie sich geschlachtet wie wilde Tiere
in den Schützengraben, in den Löchern, im Dreck, in dorniger Wildnis und
Stacheldroht.
Zwischen Nacht und Nebel, im Regen, im Schnee, unter
eisigen Gestirne und brennenden Firmamente, haben sie gekämpft wie dunklen
Horror-Gespenster, bis ins Absurden, die gehelmte, gestifelte Krieger, mit
Flinten, Granaten, Bajonetten, Messer.
In den Unterständen haben sie sich verkrochen unterm
heftigen Trommelfeuer der Kanonen.
Dort oben verloren in der Hölle haben sie gewartet auf
Erlösung vom unmenschlichen Übel. Sie haben gewartet auf Frieden oder unsinnige
Verdammnis.
Gewartet haben sie und verzweifelt.
Dort oben auf dem buckligen Gipfel ist sie gekreuzigt
worden die Jugend aus Frankreich und Deutschland.Dort oben auf dem riesigen
Totenkopf aus Felsen und Wurzeln ist sie verblutet, die flammende Jugend
Europas. Dort ist sie umgebracht worden, die Generation des ungeheuren Opfers;
dort ist sie verschwunden in Schlamm und Fäulnis, in Gottes Nacht, ohne Gebet, ohne
Psalm, ohne Gnade.
Jetzt steht der Berg mit seinem mächtigen Kreuz wo
Christus fehlt.
Auf dem elsässischen Golgotha, in der versprengten
Finsternis, in der verrissenen Stille,
ist Gottesdämmerung, ist Weltuntergang gewesen.
Auf dem elsässischen Golgotha, unter Stahlgewitter, unter
grauenvollem blutigem Himmel,
ist Gott gestorben.
REQUIEM EUROPÉEN
Ils s’étendent à travers toute l’Europe, les cimetières
militaires, champs infinis de tombes des multitudes de soldats morts dans la
géhenne guerrière, champs de paix après les sanglants champs de bataille, paix
de Dieu ou paix de l’oubli de la folie humaine en attendant la prochaine chute
calamiteuse au fond de l’horreur démentielle.
Ils dorment,
les guerriers de jadis, les combattants des Guerres mondiales, de la Guerre de
trente ans, de la Guerre de cent ans.
Ils dorment profondément, les Français, les Allemands, les
Anglais, les Italiens, les Polonais, les Russes, les Américains, les Africains, soldats
oubliés, soldats inconnus de toutes les guerres.
Ils dorment d’un lourd sommeil dans la terre d’Europe, les
millions de jeunes hommes sacrifiés, la jeunesse massacrée de partout.
REQUIEM AETERNAM DONA EIS, DOMINE.
Seigneur, donne-leur le repos éternel.
Maintenant les peuples en ont assez avec les hurlements
barbares, avec les sempiternelles tueries sans merci, avec les amas de ruines
désolées et les amoncellements de cadavres de l’Histoire mondiale, Hystérie
planétaire insensée, Loi de meurtre.
Ils en ont assez, les peuples, avec les jours de rage et les
jours d’abîme.
DIES IRAE, DIES ILLA.
Des enfants jonchent les fosses communes de roses blanches.
Des adolescents de plusieurs nations chantent des chorals et
puis s’enlacent pacifiquement.
Une voix s’élève dans le silence: « Europe, Europe,
n’oublie jamais ton immense folie millénaire, tes péchés monstrueux, n’oublie
jamais les millions de morts absurdes, les destructions catastrophiques.
N’oublie jamais ces temps de terreur, de douleur, de massacre, ces jours
d’apocalypse. »
Non, plus jamais la guerre, plus jamais la guerre !
s’exclament les enfants de toutes les nations d’Europe, plus jamais l’enfer sur
terre !
Des armées de morts sortent des tombes la nuit et émettent
des clameurs muettes à travers le vaste abattoir Europe, de l’Atlantique
jusqu’à l’Oural, continent du Désastre, tragique patrie commune.
Les spectres des morts font entendre longuement de lugubres
gémissements sous la lune livide.
REQUIESCANT IN PACE !
Seigneur, laisse les reposer en paix !
2003. PAIX POUR LES ENFANTS D’IRAK
EUROPÄISCHES
REQUIEM
Sie strecken sich
aus, die Soldatenfriedhöfe, über ganz Europa,
unendliche Felder
mit den Gräber der unzähligen Gefallenen,
Friedenfelder nach den blutigen
Schlachtfeldern,
Frieden Gottes oder
Frieden des Vergessens
des menschlichen Wahnsinns bis zum nächsten
Sündenfall.
Sie schlafen, die
Krieger von damals, die Helden
der Weltkriege, des
dreissigjährigen Kriegs, des hundertjährigen Kriegs.
Sie schlafen tief, die Deutschen, die
Franzosen, die Engländer,
die Italiener, die
Russen, die Amerikaner, die Afrikaner, die vergessene Soldaten aller Kriege.
In der Erde Europas
schlafen sie, die Millionen von geopferten jungen Menschen,
die geschlachtete
Jugend von überall.
REQIEM AETERNAM
DONA EIS, DOMINE ! HERR, GIB IHNEN DIE EWIGE RUHE!
Satt haben jetzt
die Völker mit dem Brüllen der Barbaren,
mit dem ewigen
heillosen Morden,
mit den seelenlosen
Trümmerhaufen und Leichenhaufen der Weltgeschichte.
Satt haben die Völker mit den Tagen des Zorns,
mit den Tagen des Wehens.
DIES IRAE, DIES ILLA.
Kinder streuen
weisse Rosen über die Massengräber.
Jungen singen
Choräle und umarmen sich.
Eine Stimme spricht
aus der Stille: Europa, Europa, vergiss nie
deinen alten
tausenjährigen Wahnsinn, deine ungeheuren Sünden,
vergiss nie die
Millionen von niedergemetzelten Menschen, die sinnlosen Zerstörungen.
Vergiss nie: es war
Schrecken, Schmerz, Sterben; es war Apokalypse.
Nein, nie wieder
Krieg, nie wieder Krieg ! rufen die Kinder aller Nationen Europas,
nie wieder
teuflischer Wahn, höllischer Horror, nie wieder die Hölle auf Erden!
Armeen von Toten
stossen stumme Schreie aus über den endlosen Schlachthof Europa
vom Atlantik bis zum Ural, Kontinent des
Übels, gemeinsames Vaterland.
Die Gespenster der
Toten stöhnen und heulen in der Finsternis underm bleichen Mond.
REQUIESCANT IN
PACE !
O HERR, LASSE SIE
RUHEN IN FRIEDEN !
ODE A JAMES BYRON DEAN
à l'occasion du 40° anniversaire de sa mort
Route de Salinas,
Etat de Californie,
USA.
30 septembre 1955.
Un choc effroyable,
puis silence, plus rien ne bouge:
la mort, Jimmy, vient de te foudroyer
au volant de ta Porsche couleur argent.
Terrible silence du vaste soir rouge.
Et depuis pour l'éternité,
James Byron Dean aux cent masques,
tu es le visage du jeune dieu fantasque,
intraitable, splendide d'énigmatique beauté,
de sombre et sauvage insolence,
et pur comme l'éclair d'une lame de couteau.
Et depuis, James Byron Dean,
tu es définitivement
la figure-culte
du beau ténébreux en bleu-jeans
qui irradie les successives vagues de teenagers
montant à l'assaut de la vie.
Tu es pour toujours, Jimmy,
le jeune homme du siècle,
passionné et douloureux,
dérivant entre nostalgie de l'enfance
et soif de la vie intense,
entre quête d'amour et révolte.
Tu as rejoint Novalis,
Keats, Rimbaud, Lautréamont
au ciel des génies météoriques
où d'autres vous suivront,
étoiles filantes du rock'n roll.
Eternel adolescent, tu incarnes à jamais
la fureur de vivre
affrontant la désespérance
du temps blême d'absence,
du temps sans Dieu.
Tu es le frère à jamais
des enfants rebelles
perdus dans le monde désertique
et qui se jettent rageusement
contre les barbelés de l'empire adulte,
du saint empire de la grisaille moderne.
Enfants rebelles
with a cause
car ce monde, frères humains,
ce monde où nous nous complaisons,
larves minables,
ce monde est purement et simplement invivable,
irrespirable son air,
inacceptable son ordre de fer,
pour les chercheurs tourmentés
de l'impossible tendresse,
pays de neiges incandescentes
et de fraîcheurs de menthe.
à l'occasion du 40° anniversaire de sa mort
Route de Salinas,
Etat de Californie,
USA.
30 septembre 1955.
Un choc effroyable,
puis silence, plus rien ne bouge:
la mort, Jimmy, vient de te foudroyer
au volant de ta Porsche couleur argent.
Terrible silence du vaste soir rouge.
Et depuis pour l'éternité,
James Byron Dean aux cent masques,
tu es le visage du jeune dieu fantasque,
intraitable, splendide d'énigmatique beauté,
de sombre et sauvage insolence,
et pur comme l'éclair d'une lame de couteau.
Et depuis, James Byron Dean,
tu es définitivement
la figure-culte
du beau ténébreux en bleu-jeans
qui irradie les successives vagues de teenagers
montant à l'assaut de la vie.
Tu es pour toujours, Jimmy,
le jeune homme du siècle,
passionné et douloureux,
dérivant entre nostalgie de l'enfance
et soif de la vie intense,
entre quête d'amour et révolte.
Tu as rejoint Novalis,
Keats, Rimbaud, Lautréamont
au ciel des génies météoriques
où d'autres vous suivront,
étoiles filantes du rock'n roll.
Eternel adolescent, tu incarnes à jamais
la fureur de vivre
affrontant la désespérance
du temps blême d'absence,
du temps sans Dieu.
Tu es le frère à jamais
des enfants rebelles
perdus dans le monde désertique
et qui se jettent rageusement
contre les barbelés de l'empire adulte,
du saint empire de la grisaille moderne.
Enfants rebelles
with a cause
car ce monde, frères humains,
ce monde où nous nous complaisons,
larves minables,
ce monde est purement et simplement invivable,
irrespirable son air,
inacceptable son ordre de fer,
pour les chercheurs tourmentés
de l'impossible tendresse,
pays de neiges incandescentes
et de fraîcheurs de menthe.
ÉTÉ 69, LE SAUT.
et voici que
l'homme
l'avorton
le ver de terre
le vivant maladroit
hésitant
voici que
l'homme
la bête nue
la bête d'angoisse
voici que
l'homme quitte
sa caverne
préhistorique
la Terre
et fait
le
bond
vers
les étoiles
au loin la Terre
la Terre tendre comme un sein
la Terre comme un fruit bien rond
la Terre aux grandes joues bleues
la Terre perdue dans le mutisme des espaces infinis
au loin la Terre
avec ses rumeurs de guerre
ses schismes
ses espèces voraces
la Terre avec ses arbres
les rues des petites bourgades endormies
avec ses enfants allant à l'école le matin
ses chats
ses assassins
la Terre au loin là-bas
qui n'en revient pas d'être la Terre là-bas
et qui s'exclame
et qui rêve sous ses écharpes de nuages
2003. PAIX POUR LES ENFANTS D’IRAK
Que s’arrêtent les
jours de colère sur l’Euphrate et le Tigre,
que finisse la nuit,
nuit de feu et de sang, géhenne
de déflagrations, de
dévastations, de hurlements de sirènes,
que cessent les jours
et les nuits de colère,
les jours et les nuits
d’enfer
et de mort pour les
enfants d’Irak ;
que le ciel ne se
déchire plus au-dessus de Bagdad,
mais neige des fleurs
sur les enfants d’Irak,
SALAM ALIKOUM,
LA PAIX SOIT AVEC
VOUS !
Que resplendissent de
nouveau les matins de menthe
frémissants de
sources, de brises veloutées,
que la terre se couvre
de verdure munificente ;
que les missiles
éclatent en myriades d’ailes candides
au-dessus des coupoles
d’or, des minarets de Kerbala, de Nadjaf,
au-dessus des derricks
de Kirkouk,
explosions de paix,
houles de douceur fluide
pour les enfants
d’Irak,
SALAM
ALIKOUM !
Que les déluges
d’acier et de flammes
se transforment en
tempêtes de tendresse ;
que les chars
roulant sur le sanglant macadam
se dissolvent dans la
lumière suave du printemps ;
que les mères ne
gémissent plus sur les cadavres glacés
des enfants de Bagdad,
de Bassorah, de Mossoul,
mais serrent de
nouveau contre leurs seins
les menus visages
effarouchés
des enfants d’Irak,
SALAM ALIKOUM !
Que les pères
reviennent déambuler fiers et légers
à l’ombre des
palmiers,
portant leurs fils
sur leurs épaules,
donnant la main à
leurs filles aux yeux de cantilène ;
que les crépuscules
d’été
basculant en l’abîme
étoilé
abreuvent de leur
vaste haleine
l’âme rêveuse des
beaux enfants d’Irak,
SALAM ALIKOUM !
Que s’efface la peur,
la peur empoignant jusqu’aux tripes,
la peur des enfants
terrifiés par les orages d’apocalypse,
la peur des enfants
blessés, des enfants errant regards hallucinés
parmi les décombres,
les chaussées défoncées
et les amoncellements
de corps déchiquetés,
ta peur à toi, ton
tremblement, petit Haidar, que les murs s’écroulent
sur ta famille
rassemblée durant les heures d’effarement
et vous écrasent tous,
ta peur à toi, ta
panique, petite Shimaa, que des soldats vociférants
fassent irruption et
te tuent ou emmènent ton père et tes grands frères ;
que cessent les jours
et les nuits d’effroi et de colère
et que la fidèle vie
familière
vous prodigue de
nouveau sa profonde sérénité,
à vous, pauvres
enfants d’Irak traumatisés, mutilés, abandonnés ,
SALAM ALIKOUM !
Que prennent fin les
maladies, la soif, la famine,
les larmes de
l’enfance orpheline ;
que les marchés
regorgent de fruits, de légumes, d’épices, de farine
et de limpide liesse,
que la délectable
odeur du pain remplace celle de la poudre,
qu’en cette terre
d’immémoriale sagesse
les écoles résonnent
des claires leçons du savoir humain,
calligraphie, subtil
art du calame, algèbre,
hautes récitations du
Livre ;
que reprennent
partout les grands et méticuleux travaux
de paix,
fourmillante activité
des tisserands, des lavandières, des potiers,
des marchands, des
paysans, des lettrés ;
qu’après le temps
d’oppression, de mensonge et de terreur,
le temps des massacres
et des bombes,
le temps des ruines et
des tombes,
reverdisse comme un
continent nouveau le temps de liberté,
le temps de créer, de
rêver, de jouer, de conter,
le temps d’aimer, de
rire, de chanter et de danser
au son des flûtes et des tambourins,
le temps du simple
bonheur pour les enfants d’Irak,
SALAM ALIKOUM!
Que les monstres aux
sourires mielleux, aux pensers fielleux,
ne grimacent plus sur
les écrans du monde,
que les visionnaires
cauchemardesques de l’Axe du Chaos
suspendent leurs
cogitations insanes,
que les casseurs de
l’humble merveille quotidienne,
les manipulateurs de la terrifiante machinerie de
guerre et de néant
osent regarder en face
de temps en temps
la détresse et le
malheur propagés par leurs soins
et que les touche un éclair de miséricorde
pour les petits
enfants d’Irak,
SALAM ALIKOUM!
MISERICORDE ET PAIX!
Qu’ils entendent, les
fauteurs de guerre,
les millions de voix qui à travers toute la terre
crient PAIX, FRIEDE,
PAX, PAZ, PEACE, SHALOM,
SALAM ALIKOUM, LA PAIX
SOIT AVEC VOUS,
ENFANTS D’IRAK !
De silencieuses
théories d’enfants sortent du fond des âges,
Sumer, Assyrie,
Mésopotamie,
enfants kurdes,
sunnites, chiites, chrétiens,
ils s’avancent sur les
chemins d’Abraham,
sur les chemins de
Jésus,
sur les chemins de
Mohammed, d’Ali ;
parmi un peuple de
stèles et de mosaïques,
sur des sentiers de
vie, haute douce folie,
ils s’acheminent,
au milieu du printemps
en floraison le long des fleuves mythiques,
vers l’arc-en-ciel
prophétique,
l’immense arc de paix
pour tous les enfants de l’Irak,
SALAM
ALIKOUM !
ODE PLANETAIRE A MICHAEL JACKSON
La nouvelle a fait le tour du globe en un éclair : MICHAEL JACKSON EST
MORT. Stupéfiant impact planétaire quasi immédiat.
MICHAEL JACKSON EST MORT. Elle a rendu
son dernier souffle, la bouche d’ombre, la bouche d’or. Et les fans
catastrophés n’en reviennent pas. Larmes, cris de désespérance des lolitas
effondrées, des ados faux durs tout à coup orphelins. Ils sont atterrés, les
fans de tous les continents.
MICHAEL JACKSON EST MORT. Ils pleurent,
les couples enlacés inconsolables se souvenant de THRILLER, de BEAT IT, de BAD
et de leurs premiers émois amoureux lors de la découverte fascinée de ces
albums emblématiques.
MICHAEL JACKSON EST MORT. MICHAEL
JACKSON EST VIVANT. Les nymphettes, les jeunes mâles se trémoussent, se
contorsionnent. Les projecteurs éclaboussent les visages de leurs faisceaux de
lumière impitoyable. Irrépressible besoin d’admiration, d’adoration, besoin de
musique tendre et sauvage, de verbe saccadé, syncopé, besoin de danse, de joie
libératrice des corps. Elle remue au pied de la scène, la fourmillante, fébrile
forêt de bras tendus vers le dieu de la pop music. Besoin d’intégration au
chant profond du monde, à la communion des vivants, besoin de désintégration,
d’explosion, de folie, besoin de vie avant le saut final, salto mortale.
MICHAEL JACKSON EST VIVANT. Il danse la
beauté, il marche la beauté. MOONWALKER. Instants magiques. Beauté solaire,
lunaire, masculine- féminine . Il
chante la beauté, voix suave, apocalyptique. Il chante, il danse, fleur du mal
et corps eucharistique, beauté de négro-blanchitude, arc- en- ciel noir blanc
rouge jaune, beauté moderne, transmoderne, hallucinée.
MICHAEL JACKSON EST VIVANT. Ils ont faim
de beauté et de vie, les enfants de la terre, et ils boivent les airs, les
images, les métamorphoses fulgurantes du Roi de la pop.
Millions d’yeux levés vers l’icône incandescente.
Et soudain à l’annonce de sa mort
inattendue, le choc et le deuil universel et l’ardent recueillement,
l’hommage planétaire, par-delà les
sexes, les âges, les races, les classes sociales. WE ARE THE WORLD avait proclamé
le prophète électronique et le monde y répond par un hommage unanime à l’heure
de sa disparition.
En notre temps soi-disant
individualiste, en notre monde atomisé, l’humanité a soif de communion. Les
jeux arides et cyniques des pouvoirs politiques et économiques ne lui suffisent
pas. Soif d’une autre ferveur qui faute de divin authentique se concentre sur
des figures déifiées par les foules, ersatz de sacré souvent frelaté dans un monde sans sacré.
MICHAEL JACKSON EST MORT. Il entre dans
la Légende dorée des superstars, le paradis des étoiles de première grandeur,
James Dean, Elvis Presley, Marilyn Monroe, Jimmy Hendrix, John Lennon…Il a été
la star mondiale incontestable de toute une époque dont il a synthétisé les
contradictions : le rêve d’innocence, de « liberté libre » et
les risques de dérives perverses, la quête inextinguible de nouvelles
sensations de poésie totale et l’attraction stérilisante de la richesse et de
la célébrité, la propension au futile et le sens de la compassion…
MICHAEL JACKSON EST MORT. Le monde entier,
Los Angeles, New-York ,Paris, Pékin, Melbourne ,Londres, pleure,
chante, danse sa disparition et son entrée dans la Légende.
Besoin d’adoration. Dieu est mort et les
Idoles vivent et les Idoles meurent et ressuscitent en Légende dorée.
MICHAEL JACKSON EST MORT. L’aube se lève
livide. Le Prince candide et trouble du royaume d’enfance, l’Ange au gant blanc
pailleté n’est plus. Il n’est plus, le divin déviant, le mutant diabolique
dont nous adorions les transes chamaniques. Les rêveurs rimbaldiens se
réveillent. La faim d’amour reste entière. Où est Dieu ? demandent les
enfants. Et les malins vaseux leur
répondent : ne cherchez pas l’impossible, contentez-vous de l’immémoriale
routine de non-vie.
MICHAEL JACKSON, QUAND REVIENDRAS-TU
D’AU-DELA DES ETOILES, DU ROYAUME D’ETERNELLE INNOCENCE ? Les enfants ne
veulent pas mourir de faim d’amour. Le monde ne veut pas mourir de faim de
beauté.
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