26.4.15

LABYRINTHE DES JOURS 1936-1955/ les limbes l'éveil




1936-1955. LES LIMBES, L’ÉVEIL.                     
1936
26.4. Naissance de P à Mulhouse. Rue du Bourg (Kleschterla).
SANS DATE.
MÈRE. Travaux. Lessive dans la buanderie (Waschkucha) remplie de vapeurs, une vraie étuve. Cuisine. Pâtisserie. Gâteaux pour Noël. Ménage. Jardinage. Couture. Tricot. Kocha...Nahia…Strecka. Commerce. Comptabilité. Aide Père dans ses travaux d’écriture.
Mère sait tout faire. Elle ne cesse de trimer, travaille comme une bête. J’ai pitié d’elle et en veux souvent au Père.
Assoupissements à table après le repas.
Générosité extraordinaire (excessive ?). Tendance à idolifier ses enfants représentant tout pour elle. Mère (trop ?) nourricière. Laxisme, ne sait imposer des limites.
Maladies. Wàrza( gerçures).
Je grandis environné de présences féminines, Mère, sœurs, voisines, copines (Germaine, Liliane, Hélène...). Jeux de fille, tricot, poupée, cuisine... 
Choses des femmes: corset, serviettes hygiéniques, fer à friser pour les mises en plis, bas en nylon, jupes.

Les hommes ne sont pas très présents. 
PÈRE. Gérant de la Cité des MDPA, Kolonieverwàlter.                                                                       
Il écoute la radio, les bulletins météorologiques suisses, WETTERPROGNOSE. Il fait systématiquement la sieste. Il se déplace en vélo, va jusqu'aux bureaux de la mine Alex-Rodolphe.

Notre domicile: maison blanche dans la Cité ouvrière (d Siedlung). Maison pour employé plus spacieuse que celles des ouvriers. Véranda. Chambres du haut. Grenier. Baignoire dans la buanderie. Bonnes odeurs venant de la cuisine. Hardäpfelkiachla, Gmiassuppa, Waïa. Choucroute, lard fumé, knacks. Lait caillé. Bibalakaas.
Mercerie installée d’abord au premier étage, puis dans la cave bétonnée à cet effet.
Jardin. Petit royaume tout humble.Mirabellier.Lilas.Vignes.Pêcher.Cognassier.Poirier.Pommier.Prunier. Groseilles. Rhubarbe. Framboises. Bégonias. Glaïeuls. Menthe. Fraises.
Couches. Jardinage. Potager. Semence. Semaisons, germinations des semences, petits pois, haricots, carottes. Tomates. Compost.
Limaces, vers de terre dans les allées après la pluie.
Basse-cour. Poulailler. Hianerleitra. Poule qui couve. Poussins. Mère maçonne une mare aux canards. Lapins. Clapier.
Chères réalités terrestres constituant le fond de l’existence humaine.

VIE MATÉRIELLE, PHYSIQUE.
Habits. Culotte courte. Golfhosa (pantalons golf).  Snow-boots.
Laderhosa. Passe-montagne.

Hivers. Malade dans la chambre de l’étage. Le long escalier de bois me sépare de la famille. Bruits des repas et tout un monde de présences. Rumeur des rues. Murs, papiers peints, albums d’images. La nuit je regarde le feu danser dans le poêle qui répand son odorante chaleur.

VIE PSYCHIQUE.
Complexes d’enfance : inhabileté langagière, bizarrerie de mon patronyme (fréquemment déformée par mes camarades).

JEUX. Cartes. Schwàrz Peter. Cerceau. Cerf-volant. Cache-cache. Marelles. Attrape. Se rouler par terre, faire des culbutes. Jeux de balle. Échasses. Billes, billes transparentes, opaques, colorées, grosses, petites. Mettre les billes dans un trou.  Album de timbres.

J’attache un copain à un arbre et je le « torture » avec des orties.

Jeux sexuels. Odeurs d’urine et de sperme. Grande fascination pour l’autre sexe, les mystères de la sexualité. Sexualité, force noire, part maudite de la vie, monde du caché, de l’interdit. Domaine dont on ne parle pas, absence d’éducation sexuelle.

SPORTS. Handball, football, volley-ball, basket-ball, athlétisme, lancer de poids, de disque, de javelot, courses, saut en longueur, en hauteur, triple saut, décathlon, table finlandaise, chaussures à pointes, gymnastique, grimper à la corde. Baignades dans la gravière, dans la Thur. Grand intérêt à l’actualité sportive, championnats de football, d’athlétisme, Tour de France…Robic, Kopa, Ignace Heinrich…

IMPREGNATIONS : Monde biblique, catholique, culture allemande, alsacienne. Contes allemands. Hansi.
Rares livres de la famille, gros livres brochés. Bazin(Magnificat), Cooper(le dernier des Mohicans). BD se passant en Amérique (kayak). Erckmann-Chatrian (L'ami Fritz).
LECTURES.BAUDELAIRE,  DAUDET (le petit chose), Homère, LA FONTAINE,  SIENKIEWICZ (Quo vadis ?),Johanna Spyri (les « Heidi »), Jules Verne ( illustrations de 20000 lieues sous les mers).
BD: Les Tintin, Cœurs-Vaillants, Albums illustrés (guerre, batailles, histoires médiévales). Hebdos: L'Ami du peuple, Miroir-Sprint. 
TEXTES.GIDE (à la rencontre du printemps dans les Alpes).  HUGO(Stella).VIGNY (le cor).
CINÉMA. Cinéma chez Kintz ( un conte en allemand) chez Schermesser ( un film de cow-boys). Le Défroqué. Jeanne d'Arc (avec Ingrid Bergman). Fabiola. Monsieur Vincent. Premier de cordée. Tarzan. Westerns.
MUSIQUE. Zetter (cithare), violon, accordéon, piano, orgue. Leçons de violon avec Alice H, puis avec un instituteur allemand. Archet, partition, colophane. Accordéon, Wunderkasten, il respire, inspire, expire. Son odeur.MT s’y débrouille très bien.

Travaux, jeux et plaisirs de l'enfance. 
Observation des fourmis, des vers de terre. Exploration du ruisseau, têtards. Curiosité insatiable. Je veux connaître tous les secrets, secrets de la reproduction, de la sexualité. Gros livre de médecine en allemand. Images de la gestation humaine.
Dénicher des nids et observer dans la paume de la main les délicats petits œufs. Marcher dans les flaques après les averses, dans les prés inondés (wàdla).
Dès l'enfance, j'ai le goût de la créativité, de la solitude rêveuse et imaginative, dessin, bricolage, lecture...Je m'entoure de revues, de livres, de feuilles de papier, de crayons de couleurs ...en un cercle magique, sans oublier de quoi manger. 
Dessins: soldat couché dans la neige, travaux ménagers de Mère, portrait d'une fillette (d'après Renoir), édifices, athlètes... 
Je suis un INFANS FABER. 
Dès l’enfance intérêt à l’art, Théâtre, marionnettes, ombres chinoises. Beauté des liturgies. Fabrication d’objets (crèche).Jeux de rôle ( St Nicolas). Enfant soldat, enfant fondateur de ville, créateur de langue.
Travaux de jardinage. Je coupe des bûches de bois à la hache sur le Spàltbloch (billot de bois pour fendre du bois).
Modelage avec de l'argile, élaboration d'une ville-miniature. Royaume imaginaire de Petersbourg, avec sa langue, sa monnaie, son armée. Imprimerie (  cadeau des Mines de potasse). Crèche avec tous ses personnages imitée de la crèche  de l'église. Meccano. Jeux de lumière avec la loupe. Fabrication de jouets de bric et de broc. Lance-pierre. Arc, flèches. Chariot muni de roulements à billes provenant de la mine.
Les images me font longuement rêver. Illustrations des livres allemands: Lesebuch (livre de lecture), Märchen (contes). Missels.
Reproductions de Buffet, Hansi, Millet(Printemps), Renoir ( portrait d'une fillette que j'essaie de copier).
Imaginations des mondes d’ailleurs, des mondes du passé.
Magie des fêtes religieuses. Noël, la crèche à l'église, Rameaux, Semaine sainte, Pâques, Fête-Dieu, Processions à travers le village de reposoir à reposoir, Assomption, Toussaint, Fête patronale rassemblant tout le clergé local...Latin d'église, Introibo ad altare Dei (j'irai vers l'autel de Dieu), Confiteor, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, psaumes chantés durant les vêpres. Jouissance esthétique du chant choral. Couleurs liturgiques changeant selon le moment de l'année.
Messe. Le prêtre remonte l'allée centrale de l'église et asperge l'assistance d'eau bénite.
Confession. Pénitence: réciter des Notre-Père et de Je-vous-salue après l'aveu des péchés et l'absolution.
Maïàndàcht, mois de mai, mois de Marie, on assiste au rosaire tous les soirs. Les cierges sont allumés à l'autel de la Vierge vêtue de blanc et de bleu, couronnée d'étoiles et écrasant de son pied la tête du serpent. L'église est envahie d'obscurité crépusculaire et de son fond monte le marmonnement ressassant des vieilles femmes récitant le rosaire.
À Pâques, Mère colorie des œufs en les plongeant dans de l'eau bouillante aux oignons. Lapins en chocolat avec des faveurs vertes.
Expériences vivantes des pratiques religieuses.
Je suis profondément nourri par la poésie des liturgies et la simple beauté de la nature. L’enfance recèle tout le trésor vivant de la vie, source inépuisable où boire durant toute l’existence.
À la fin de l’enfance sans question, âge de la religion naïve, vient l’attitude critique vis-à-vis de la pratique religieuse.

LA COMMUNE.
Dorf. Immenses cerisiers le long de la route d’Ensisheim. Platanes au carrefour de la mairie. S Dorfbachla (le ruisseau traversant le village). S Breckla ( le petit pont).D Màtta (les prairies). La Thur.
Le facteur. Dr Weiwel (l’appariteur).
Les paysans. Les Ropp, les Lantz.
L’Église. La sacristie. Le goupillon.  L’ostensoir. L’encens. Les encensoirs. La messe. Les vêpres. Le rosaire. L’orgue. La chorale. La confession. Les enfants de chœur. Génuflexion.  Tableau derrière l’autel représentant le martyre de St Etienne. Chant sacré : Salve Regina, Te Deum, Credo, Gloria, Psaumes en latin. O HAUPT VOLL BLUT UND WUNDEN.
Le dimanche des rameaux les enfants se rassemblent dans le chœur en portant des rameaux décorés au bout d’une hampe. Processions de la Fête-Dieu.
Ech ben Massdianer. Je suis servant de messe.
Presbytère. Dr Pfàrrer. Curé Onimus.
Catholicisme, catéchisme, Histoire sainte.7 péchés capitaux, péché mortel, péché véniel. Les 10 commandements de Dieu.

Bistrots : Scharmasser, Kintza Schàngi, Niamerich.
Restaurant Tschantz. Moissonneuse-batteuse en face du restaurant.
Dimanches soirs sous les sapins avec Père. 
Dr Herr Maire. Chez la Wiwala où l’on va chercher du lait. Melchkànna.
Commerces .La Coop dans la Cité. Les boulangeries.
Mairie-école. Stades. Kilbes. Odeurs de friture.
CITE(Ziedlung).Femmes polonaises avec un fichu sur la tête. Folklore polonais (costumes, danses).

Alentours. Gravière. Bosquets d’acacias. Floraison blanche, odorante, en mai. Tiédeurs printanières. Odeurs des fraises, odeurs des violettes, des feuilles dans les sous- bois.

1936/1939
Vagues images de chambre, de grenier, de ville, d’hommes en uniforme…
1937
Naissance de L à Dakar (Sénégal).
1939-1945
Nazis de Pul. Hitlerjugend. NSDAP.
École maternelle (Kindergarten) et primaire allemande. Sieste à l’école maternelle, bain, ombres chinoises. Ma marque est la pomme. On m’appelle désormais Peter et ma copine Germaine Wilhelmine.
Livres : Lesebuch vom Schulamt Pulversheim.
Voisins :Welzbacher, Foehrenbacher, Zagula, Kirscher, Petit, Ursprung, Kuhnemann, Lehr…

Passage de bombardiers volant haut dans le ciel vers l’Allemagne.
Gàzmàska (masques à gaz).Lampes de mineur pour s’éclairer. Fabrication de bougies.

Enfants, nous jouons à la guerre.

Père écoute la radio. Gros poste vertical en bois. Émissions interdites ?
Mère gave des oies au maïs.
Hivers rigoureux.
Dernier hiver de guerre dans la cave.

Famille G à Bizerte. Bombardements.

1939
Avril.
Arrivée de la famille K à Pulversheim venant de Mulhouse.
Image de l’emménagement dans la maison de la Cité. Première trace mnésique consciente ?
1940
Mai.
Naissance de MM.

1944-45
Dernier hiver de guerre. On vit dans la cave. Les soldats allemands vêtus de blanc sortent la nuit poser des mines dans les forêts.
Panzerfausten, Handgranaten. Einquartierung. Der Bursche.
Cantonnement des soldats allemands, puis des libérateurs.
1945-55
Théâtre en dialecte à Pulversheim, Bollwiller, Guebwiller. Légendes médiévales.
TEXTES. Goethe(Erlkönig, Auf allen Gipfeln ist Ruh ).
ART.Hansi/Cézanne/Dali/Grunewald/Renoir

1945
Février.
Jours de la Libération.
Mère embrasse les soldats entrant dans la cave.
Soldats allemands prisonniers marchant dans la rue.

Femmes tondues.
Casque américain qui traîne dans la cour. Douilles d’obus, de balles. Éclats d'obus. Boîte alimentaire.

Brutal changement de langue.

1945-51
(Sans date)
Passion pour l’athlétisme, le lancer du poids, du disque, du javelot…Je rêve de devenir champion olympique. Une de mes idoles : Ignace Heinrich, décathlonien médaillé aux JO de Londres en 1948.

École primaire de Pul. Apprentissage du français. Instituteur : M. Weiss. 
Livre d'histoire: Gaulois, Gallo-Romains, Jeanne d'Arc

Fascination par la beauté du français.

École des Frères de Mulhouse.
Enseignants: Frères Fulrade, Simon.
Matières. Algèbre. Allemand. Anglais. Chant. Dactylographie. Français. Géométrie. Grammaire. Gymnastique. Histoire. Instruction religieuse. Littérature. Orthographe. Sciences.
Littérature. Hugo. Lamartine. Shakespeare.
Textes. La colline de Sion(Barrès).
Textes appris par cœur: Come live with me and be my love.
Camarades. Bauerlin, Mattern, Maucher.
CINEMA. Jeanne d’Arc (avec Ingrid Bergman).                                                                                   
Conférence sur Balzac. La plume, l’épée.
ÉCRITURE. Rédaction sur Jeanne d’Arc.

Certificat d’études primaires. Brevet d’études du premier cycle.

1947
Novembre.
Naissance de R. à Mulhouse.

Pendant que Mère est à la maternité, séjour chez Tànti et Unki à la Strueth. Lait de chèvre.
Les Maier. Tante Jeanne.
René me cherche à l’École des Frères en carriole hippomobile.

Lecture de HEIDI. Soirées dans la chambre à coucher du premier étage.

1948
Octobre.
Mariage de Joseph K et de tante Thérèse.

1950-51
Séjour à Steige avec la classe de 3° pour la préparation du brevet. Reçu au Concours d’entrée à l’École Normale. Rang : troisième.

1951-1955                                                                   
École Normale de Colmar. Parc. Jardin. Salle de sport. Classes primaires de l’école d’application. Classes des normaliens. Dortoirs. Réfectoire.
Professeurs: Goudot (français), Six (allemand, jardinage, l’homme au sécateur), Bonnet (géographie-histoire), Gerrer (philosophie).
Camarades de promotion : Pierre K, Arbogast   (fan de Juliette Gréco, il en dessine le profil au tableau noir).        
Blouse grise.
Matières. Agriculture. Histoire. Jardinage. Psychologie. Intelligence. Intelligence animale.
Manuels: Morazé (histoire).
Stages d’application à l’École Jean-Jacques Rousseau.
Stages CREPS à Strasbourg.
Lectures: MOUNIER (le personnalisme). NIETZSCHE. HUGO (les travailleurs de la mer). TEPPE (dolorisme). CORNEILLE. RACINE. LA BRUYERE(Caractères). PASCAL(Pensées).BAUDELAIRE : y trouve mon Alter Ego.  Poètes d’aujourd’hui, collection Seghers. SAINT JOHN PERSE. Anthologie de poésie moderne. Livre sur les camps de concentration.  BERGSON. SIMONE WEIL (La pesanteur et la grâce). SARTRE (théâtre). RIMBAUD. LANZA DEL VASTO. BIBLE. ALAIN (propos sur l’éducation). GOETHE ( Iphigenie, Faust).
Livres trouvés dans le sous-sol de l’EN : FRETET (L’aliénation poétique), GANCE (Prisme), BERNE-JOUFFROY (Présence de VALERY), SCHELLING.
Je découvre mes « phares » essentiels : Nietzsche, Rimbaud, Simone Weil, curieusement trois génies posthumes.
Théâtre de Colmar. TCHEKHOV (La mouette), SHAKESPEARE (Le songe d’une nuit d’été).
Musique. RAVEL(le tombeau de Couperin) à Strasbourg.
Chant. Chorale le samedi après-midi dans la grande salle de musique. Ego sum pauper (canon). Voici des fruits, des feuilles et puis voici mon cœur.
Improvisations au piano, à l’orgue.
LIEUX. Colmar. Place Rapp. Piscine. Théâtre municipal. Bibliothèque. Cinémas.  Hohlandsbourg, Pflixbourg.
FILMS. JEAN RENOIR (la règle du jeu).FRITZ LANG(Nibelungen). WALT DISNEY (Fantasia). EISENSTEIN( Alexandre Nevski). KUROSAWA ( Rashomon ).

53-67
Rêves.
Guerre entre des tribus nègres. Pagnes noirs contre pagnes blancs. Je fais partie du deuxième clan. Poursuite, atrocités, panique. Je tente d'enlever mon pagne trop voyant pour échapper aux cruautés de l'ennemi. Et puis je traverse un monde industriel, effrayant, de vastes salles peuplées de guerriers noirs, abritant d'énormes machines.

Un officiant pratique un culte indéfinissable. Une femme se tient debout sur un autel, tournant le dos à l’assistance, ceinte seulement d'un voile qui ne cesse d'échapper à ses doigts, découvrant ses fesses décharnées, maigres de cette maigreur effrayante qu'on voit aux internés des camps de concentration.


Sommet de l'écriture : parvenir à faire de sa situation particulière, à force de la projeter loin devant soi, sur les murs de la mort, une chose universelle.

Transformer en lumière la matière d'une vie imparfaite, honteuse.

Le poète n'est qu'ordure. N'importe que la voix.

Au-delà des spécialités de l'accessoire, la poésie, spécialité de l'essentiel.

L'anachronique vocation de littérature. La parole s'ouvre, déborde les livres, l'univers compassé des scoliastes, lettrés et autres animaux littéraires. Retrouver le souffle de la parole première.

Labeur doré. Crépuscules d'écriture dans la véranda vitrée. Là, j'échappais à l'ennui et connaissais l'âme triomphale. J'exultais sous la poussée des rythmes.

Tout détruire ; me satisfaire. Insatisfaction accompagnant toute création.

Est-ce moi? Suis-je cet être? J'ai ces pensées, toujours ces pensées, agrippées à mon esprit comme de sanglantes érinnyes.

1953
Baccalauréat, première partie.
1954
Baccalauréat de sciences expérimentales, mention bien.

Début des années cinquante.
J’entrais en adolescence et également en écriture.
Je maîtrisais à peine les premiers mots de français que déjà je m’essayais à la poésie.
Et voici que paraissent mes premiers poèmes dans des revues locales.
J’éprouve un enfantin sentiment de gloire.

1953
Première publication (dans L’ALSACE POETIQUE).

ELEVATION DE LA VIERGE

Ayant dessus son corps
de jeune fiancée
l’étreinte de la mort
hasardeuse appelée,
ayant aux aveux doux
fermé sa douce bouche,
l’ayant étendue nue
dessous la glaise rouge,
l’ayant pure élevée
d’entre les chairs enceintes,
Dieu prit la vierge morte
parmi les vierges saintes.

17.11.54.
“ Alles, was unsern Geist befreit, ohne uns die Herrschaft über uns zu geben, ist verderblich.”: Tout ce qui libère  notre esprit sans nous donner la maîtrise sur nous-même est préjudiciable. (GOETHE).
17.12.07.
Cette maxime goethéenne traduit bien mon état d’esprit de l’époque où j’étais pris entre le désir d’une folle « liberté libre » et la peur de cette dernière.

1954.
Les bosquets s’accordaient à ma prière.

J’allais par de frais chemins, léché tour-à-tour par les ombres et les coulées de lumière.

Comme des gazes mêlées de soleil, les averses pendaient d’où l’azur était trouble.

L’orage s’étant tu, la forêt creusa son silence.
Je me couchai à même les pierres et m’endormis.

1954-56.
Sage. Très habile à voiler ma poltronnerie. Modération ambiguë. Trop timoré pour la révolte et le blasphème.
(22 .2.07. J’ai rêvé d’être Rimbaud, le dieu de ma  jeunesse, et je n’étais qu’un minable petit provincial dépourvu de génie et d’audace.)

1955
Certificat de fin d’études normales. Mémoire sur le sujet : Poésie et éducation, avec une anthologie de poésie moderne pour les enfants.

Publication de VISION D’IDOLES dans l’anthologie CONSTELLATIONS.



L'Art diffère et de l'attention laborieuse et de la conscience vague. Art : attention transcendante.

Même l'art est une limitation en comparaison d'une ascèse absolue de l'unique.

Il y a une pensée sans langage : perception immédiate du monde unique.
Poésie : le langage est plus que langage.
Verbe poétique. Elément sensitif (musical-rythmique, etc.)
                          Elément imaginatif.

Langage. Chacun se met soi-même dans le mot. Le mot est un moule commun dont le contenu varie d'un esprit à l'autre .Conséquences pour la consommation poétique.

Fonction de l'art : saisir l'unique.

La poésie veut l'unique, mais ne peut l'exprimer que par le concept universel. Elle ne devient art qu'en dépassant le concept, qu'en devenant chant inouï.

La poésie est un défi au langage.

Le langage devra être fait chant, sans qu'il cesse pour cela d'être langage signifiant.


AOUT 55

Portes des sibyllines odes
Et clefs
Du chant qui s'échaffaude,
A vous étranger.
L'ode n'est pas
Dans son dédale
Simple murmure de syllabes
Sans appats.
Le Dieu de ce chant
veut scrupuleusement
Un langage signifiant et chantant.

La claire voix certes
N'est pas experte
A suivre de l'âme
Les détours complexes
Et d'un abscons langage
Il faut vêtir l'absconse conscience.
Mais que celui qui le repense
N'accuse pas le scrupuleux poète
Et quête
Ce que voile le signe obscur et dense.
Croyez, l'ode n'est pas sybilline :
Et qui patiente, s'achemine
Derrière les transparentes ombres,
Vers l'or secret et le nombre.


29.12.55
Roman moderne acculé. Ses procédés tournent au poncif.
L'art romanesque doit muer une nouvelle fois.





SANS DATE.


Mère.Travaux. Lessive dans la buanderie (Waschkucha) remplie de vapeurs, une vraie étuve. Cuisine. Pâtisserie. Gâteaux pour Noël. Ménage. Jardinage. Couture. Tricot.Kocha...Nahia…Strecka. Commerce. Fait la comptabilité. Aide Père dans ses travaux d’écriture.

Mère sait tout faire. Elle ne cesse de trimer, travaille comme une bête. J’ai pitié d’elle et en veux souvent au Père.

Assoupissements à table après le repas.

Générosité extraordinaire (excessive ?). Tendance à idolifier ses enfants représentant tout pour elle. Mère (trop ?) nourricière. Laxisme, ne sait imposer des limites.

Maladies.Wàrza( gerçures).

Je grandis environné de présences féminines, Mère, sœurs, voisines, copines (Germaine, Liliane, Hélène...). Jeux de fille, tricot, poupée, cuisine... 
Les hommes ne sont pas très présents. 
 
VIE MATÉRIELLE.
Habits. Culotte courte. Golfhosa (pantalons golf). Passe-montagne.
Snow-boots.


LECTURES. BD: Les Tintin, Coeurs-vaillants, Albums illustrés (guerre, batailles, histoires médiévales).Daudet ( Le petit chose). Erckmann-Chatrian (L'ami Fritz). Hebdos: L'Ami du peuple, Miroir-Sprint. Histoire sainte (Arche de Noé/ Joseph et ses frères/ David et Goliath/ Jésus...): Homère. Sienkiewicz (Quo Vadis?). Johanna Spyri ( les Heidi). Jules Verne( illustrations de 20000 lieues sous les mers).

CINÉMA.Le Défroqué. Jeanne d'Arc ( avec Ingrid Bergman). Fabiola. Monsieur Vincent. Premier de cordée. Tarzan. Westerns.

Travaux, jeux et plaisirs de l'enfance. 
Observer les fourmilières. Dénicher des nids et observer dans le paume de la main les délicats petits œufs. Marcher dans les flaques après les averses, dans les prés inondés (wàdla).

Dès l'enfance, j'ai le goût de la créativité, de la solitude rêveuse et imaginative, dessin, bricolage, lecture...Je m'entoure de revues, de livres, de feuilles de papier, de crayons de couleurs ...en un cercle magique, sans oublier de quoi manger. 

Dessins: soldat couché dans la neige, travaux ménagers de Mère, portrait d'une fillette (d'après Renoir), édifices... 

Je suis un INFANS FABER. 

Travaux de jardinage. Je coupe des bûches de bois à la hache sur le Spàltbloch (billot de bois pour fendre du bois).

Modelage avec de l'argile, élaboration d'une ville-miniature. Royaume imaginaire de Petersbourg, avec sa langue, sa monnaie, son armée. Imprimerie ( cadeau des Mines de potasse). Crèche avec tous ses personnages imitée de la crèche  de l'église.Meccano.Jeux de lumière avec la loupe. Fabrication de jouets de bric et de broc. Lance-pierre. Arc, flèches.Chariot muni de roulements à billes provenant de la mine.

Les images me font longuement rêver. Illustrations des livres allemands: Lesebuch (livre de lecture), Märchen (contes). Missels.

Reproductions de Buffet, Hansi, Millet(Printemps), Renoir( portrait d'une fillette que j'essaie de copier)

Magie des fêtes religieuses. Noël, la crèche à l'église, Rameaux, Semaine sainte, Pâques, Fête-Dieu, Processions à travers le village de reposoir à reposoir, Assomption, Toussaint, Fête patronale rassemblant tout le clergé local...Latin d'église,Introibo ad altare Dei (j'irai vers l'autel de Dieu), Confiteor, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus Dei, psaumes chantés durant les vêpres. Couleurs liturgiques changeant selon le moment de l'année.

Messe. Le prêtre remonte l'allée centrale de l'église et asperge l'assistance d'eau bénite.

Confession. Pénitence: réciter des Notre-Père et de Je-vous-salue après l'aveu des péchés et l'absolution.

Maïàndàcht, mois de mai, mois de Marie, on assiste au rosaire tous les soirs. Les cierges sont allumés à l'autel de la Vierge vêtue de blanc et de bleu, couronnée d'étoiles et écrasant de son pied la tête du serpent.L'église est envahie d'obscurité crépusculaire et de son fond monte le marmonnement ressassant des vieilles femmes récitant le rosaire.

A Pâques, Mère colorie des œufs en les plongeant dans de l'eau bouillante aux oignons. Lapins en chocolat avec des faveurs vertes.

Je suis nourri par la poésie des liturgies et la simple beauté de la nature.

Lieux: Colmar, Dusenbach, Guebwiller, Mulhouse, Pulversheim, Steige, Strasbourg,  Thierenbach.

Événements historiques dont je me souviens: Occupation allemande, Libération, Guerre de Corée, Guerre d'Indochine.


1936-39
La famille K habite à Mulhouse.

1936
Naissance à Mulhouse.

Images floues de chambre, de ville, de véhicules.

1937
Naissance de L à Dakar.

1939
Déménagement de la famille K à Pulversheim au printemps.



1939-45
Annexion de l'Alsace par  le III° Reich.

Ecole maternelle (Kindergarten).  Sieste à l’école.Ombres chinoises.On va aux bains municipaux dans le sous-sol de la Mairie-Ecole.

Mon signe de reconnaissance est la pomme. On m'appelle désormais Peter, Peterla et ma copine Germaine Wilhelmine...A la sortie de la classe les camarades pour se moquer de moi chantent: Petersilie Suppenkraut wächst in unserm Garten. Ça a l'art de me fâcher et je les poursuis de ma vindicte.

Ma copine Suzanne habite dans l’École. Son père en est le portier. Je la rejoins dans l'appartement situé dans le sous-sol.  

École primaire (en allemand) à Pulversheim.
Apprentissage de l'écriture et de la lecture. 
Un instituteur allemand me donne des leçons de violon. A Noël, il fait une immense dessin aux craies de couleurs sur le tableau noir. Je suis impressionné. 

Cinéma au restaurant Kintz. Films en allemand. Un conte (Dornröschen? ). Découverte de la magie du cnéma et de la musique (une voix mozartienne?).


Nazis de Pul. Hitlerjugend. NSDAP. Défilés route d'Ensisheim d'hommes en uniforme.J'observe notre voisin, FW, mettant ses grosses bottes noires luisantes.

Livres : Lesebuch vom Schulamt Pulversheim.

Passage d'escadrilles de bombardiers volant haut dans le ciel vers l’Allemagne.

Chute d'un avion dans la forêt vers Ens.

Bombardements. Chute de bombes dans le bois d'acacias rue d'Ensisheim. Le cratère devient un lieu de jeu.

Gàzmàska (masques à gaz). Lampes de mineur pour s’éclairer. Fabrication de bougies.


Enfants, nous jouons à la guerre,nous imitons le vol des avions, les bombardements. Les garçons se divisent en deux camps, les amis et les ennemis.

Père écoute la radio, l'oreille collée à l'appareil. Gros poste vertical en bois. Émissions interdites ? Peur de la Gestapo?

Les autorités finissent par réquisitionner les postes et les stocker dans les greniers de la mairie où les gens les retrouveront à la Libération. J'ai accompagné Père quand il est allé récupérer notre précieuse radio.


Mère gave des oies au maïs.

Hivers rigoureux.


Famille G à Bizerte. Bombardements.



1944-45
Dernier hiver de guerre.On vit dans la cave. Les soldats allemands logeant dans la maison sortent la nuit vêtus de blanc poser des mines dans les forêts. 

Panzerfausten, Handgranaten. Einquartierung. Der Bursche.

Cantonnement des soldats allemands, puis des libérateurs, logeant chez l'habitant.






1940

Arrivée des Allemands.

Naissance de MM.

Effondrement nerveux de Père(?).

Prisonniers de guerre français(?).


1945
 Février.
Jours de la Libération.

Mère embrasse les soldats libérateurs entrant dans la cave.

Soldats allemands prisonniers, blessés, marchant dans la rue,les mains en l'air.


Femmes tondues.
Casque américain qui traîne dans la cour. Douilles d’obus, de balles. Boîtes alimentaires américaines..

Brutal changement de langue. Je tombe dans le français apparemment sans trop de peine. Comment est-ce possible?

Dictionnaire de français illustré abandonné par un soldat dans lequel je me plonge sans fin. 

Fêtes patriotiques. Beauté du drapeau et de la cocarde tricolores. On ressort les tenues alsaciennes. Je porte un magnifique gilet rouge, une veste noire aux boutons d'or, une toque noire. Les femmes et les filles sont vêtues d'une jupe rouge et coiffées du grand nœud noir à la cocarde.

On brûle Hitler en effigie dans la cour de l'école.


1945-51.

Passion pour l’athlétisme, le lancer du poids, du disque, du javelot,les courses, les sauts…Je rêve de devenir champion olympique. Une de mes idoles : Ignace Heinrich, décathlonien médaillé aux JO de Londres en 1948.

Bricolage. Je monte une crèche sur le marbre du dressoir. Je fabrique les personnages en carton, imitant ceux de la crèche de l'église.


École primaire de Pulversheim. Apprentissage du français. Instituteur : M. Weiss.

École des Frères de Mulhouse.Ramassage scolaire par les cars des Mines de potasse.

Enseignants: Frères Fulrade, Simon.

Matières: Algèbre. Allemand (grandes figures mythiques: Siegfried, Faust). Anglais. Chant. Dactylographie. Français. Géométrie. Grammaire. Gymnastique. Histoire. Instruction religieuse. Littérature. Orthographe. Sciences.


Littérature. Hugo. Lamartine. Shakespeare.


Textes. Barrès: La colline de Sion . Hugo: Une cuisine ancienne. Lamartine: L'automne. Sully Prudhomme: Un songe. Vigny (le cor).


Textes appris par cœur: Come live with me and be my love.


Camarades. Bauerlin, Mattern, Maucher.


CINÉMA. Jeanne d’Arc (avec Ingrid Bergman).    


Conférence sur Balzac. La plume, l’épée.


ÉCRITURE. Rédaction sur Jeanne d’Arc. 

Très précoce intuition de la gloire littéraire.


Certificat d’études primaires. Brevet d’études du premier cycle.

Vie quotidienne. Tickets de rationnement. Pain Ramadier.
Transports en commun: bus SOGAG, FLÈCHES BLEUES pour se rendre à Mulhouse , Guebwiller...

La famille commence un commerce de mercerie. Relations avec les grossistes, les représentants.


1945-55
Je suis un lecteur passionné de dictionnaires, d'encyclopédies, de livres en général. Bücherwurm.

Lente conquête de la langue française, lexique (quasi mot à mot) et syntaxe.

Amour de la poésie. La magie de la versification m'enchante. 

Magie littéraire, poétique. Textes des dictées extraits de grands écrivains, Pascal, Hugo, Anatole France, Gide...Poèmes, Lamartine, Hugo, Sully Prudhomme...

Passion des sports.
Mes idoles: Jesse Owens, Ignace Heinrich, Kopa, Bobet, Bartali, Fausto Coppi... 

1947
Naissance de RK. 
Pendant le séjour de la mère à la maternité, j'habite chez Tànti à Kingersheim-Strueth. Je bois du lait de chèvre.

1948
Célébration du 300°anniversaire du rattachement de l'Alsace à la France.

1951.BEPC. Dictée: la colline de Sion (Barrès).
Concours d'entrée à L’École Normale. Rang: 3°.

1951-55.École Normale de Colmar.

Moniteur à la colonie de vacances de La Chaume (Orbey).
Grande marche d'Orbey à Gérardmer et retour avec Pierre K et Pierre S.

Promenades dans les Hautes Vosges.


LECTURES: Alain (Propos sur l'éducation)/ Anouilh/ Bergson/ Corneille(Le Cid). Je retrouve l'exemplaire utilisé par Mère durant ses études /Fretet sur l'aliénation poétique, Rimbaud, Mallarmé.../ Gance(Prisme)/Goethe/ Hugo (Les travailleurs de la mer)/La Bruyère( Caractères)/ Loti/ Mounier (Que sais-je? sur le personnalisme)/ Nietzsche(J'absorbe le livre de Daniel Halévy: NIETZSCHE, trouvé dans le sous-sol de l'EN)/ Pascal (Pensées)/ Racine/Sartre(Théâtre)/Rimbaud/Teppe/ Vigny( Journal d'un poète/Le Cor)/Simone Weil (La pesanteur et la grâce)

Nietzsche, Rimbaud, Simone Weil: chocs qui m'ont ébranlé pour toute la vie.

CINÉMA: Bunuel (Le chien andalou)/ Eisenstein (Alexandre Nevski)/ Kurosawa (Rashomon)/Fritz Lang(Les Nibelungen)/Renoir(La règle du jeu)

MUSIQUE:Bach(Toccata)/Beethoven/Chant choral/ Chopin( marche funèbre) /Histoire de la musique/Improvisations au piano et à l'orgue/Découverte du jazz (Bechet/ Mezz Mezzrow)/Leçons de piano/ Musique russe/Solfège.

Premiers essais d'écriture personnelle. Recherche d'un pseudonyme.

Dissertations sur l'imitation, la souffrance (à partir d'une citation de Musset).
Je regrette de les avoir détruites ( lors des auto-dafés de mes jeunes années).

Destruction de mes premiers écrits. Désir de trouver ma vraie voix, mon vrai départ dans l'expression littéraire. Obsession du vrai commencement qui me hante durant des années.


1953. Baccalauréat 1° partie.
1954. Baccalauréat 2°partie"sciences expérimentales". Mention bien.
1955.Certificat de fin d'études normales ; mémoire sur POÉSIE ET ÉDUCATION avec une anthologie de poèmes modernes pour les enfants.
Certificat d'aptitude pédagogique.


Début des années cinquante.
J’entrais en adolescence et également en écriture.
Je maîtrisais à peine les premiers mots de français que déjà je m’essayais à la poésie.

Et voici que paraissent mes premiers poèmes dans des revues locales.

J’éprouve un enfantin sentiment de gloire.


1953
Envoi de textes à L'ALSACE POÉTIQUE et à la radio régionale.

Premier poème publié (dans L'ALSACE POÉTIQUE):

ELEVATION DE LA VIERGE  

Ayant aux aveux doux
fermé sa douce bouche,
l'ayant étendue nue
dessous la glaise rouge,
l'ayant pure élevée
d'entre les chairs enceintes
Dieu pris la jeune morte
parmi les vierges saintes.

Achat de "La pesanteur et de la grâce" de Simone Weil, dans une librairie de Colmar, alors que l'auteur m'est complètement inconnu.



1954
Autodafé de mes premiers manuscrits.

Relation avec des poètes locaux, dont Roger Ersam.


17.11.

“ Alles, was unsern Geist befreit, ohne uns die Herrschaft über uns zu geben, ist verderblich.”: Tout ce qui libère  notre esprit sans nous donner la maîtrise sur nous-même est préjudiciable.(GOETHE).

17.12.07.

Cette maxime goethéenne traduit bien mon état d’esprit de l’époque où j’étais pris entre le désir d’une folle « liberté libre » et la peur de cette dernière.



(Sans date)

J'ALLAIS PAR DES FRAIS CHEMINS

J'allais par des frais chemins,
léché tour-à-tour par les ombres et les
coulées de lumière.
Les bosquets s'accordaient à ma prière.
Comme des gazes mêlées de soleil,
les averses pendaient d'où l'azur était trouble.
L'orage s'étant tu, la forêt creusa son silence.
Je me couchai à même les pierres et m'endormis.


1955

Publication dans l'anthologie "CONSTELLATIONS":

VISION D'IDOLES

Funèbres visions sorties d'antiques nuits,
Elles vinrent à moi, pas à pas, silencieuses;
Elles vinrent, passions sublimes, ténébreuses,
Tristes dieux ancestraux par le passé détruits.

C'étaient les dieux déchus, ombres marchant sans bruits.
Ils venaient, affamés, des tombes mystérieuses.
Et, muets, se serraient dans des marches fiévreuses,
Fantômes terrifiants sur mes chemins conduits.

Fictions, produits spectraux des ères reculées,
Dieux de Delphes, d'Angkor, Babylones passées,
Peuples olympiens, meutes de Walhalla!

Dieux sombres de l'Eddas, idoles gangétiques,
Rêves puissants, obscurs, illusions mystiques
QU'AU-DESSUS D'UN MONT CHAUVE UNE OMBRE TERRASSA!



L'art diffère et de l'attention laborieuse et de la conscience vague. Art : attention transcendante.

Même l'art est une limitation en comparaison d'une ascèse absolue de l'unique.


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